Last posts on tdv2024-03-29T15:02:56+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://starter.blogspirit.com/https://starter.blogspirit.com/fr/explore/posts/tag/tdv/atom.xmlmimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlDOAtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-01-30:30870752017-01-30T15:39:00+01:002017-01-30T15:39:00+01:00 Motion Picture est une pièce chorégraphiée par Lucy Guerin sur un film...
<p><em>Motion Picture</em> est une pièce chorégraphiée par Lucy Guerin sur un film noir de Rudolph Maté, <em>D.O.A</em> (Dead On Arrival). Il ne s'agit pas d'une adaptation ; le film est utilisé comme une "partition" sonore et lumineuse. D'après le programme, seuls les danseurs doivent voir le film projeté sur des écrans disposés dans la salle, parmi les spectateurs qui ne feraient que l'apercevoir à travers ses reflets. En pratique, depuis le balcon du théâtre des Abbesses, légèrement de côté, on voyait parfaitement l'écran - et il aurait été dommage de s'en priver, car ce sont les allers et retours entre la scène et l'écran qui font tout le sel de <em>Motion Picture</em>.</p><p>Dans un premier temps, les danseurs miment les gestes et paroles des personnages, le regard comme rivé à l'écran (au fond du parterre, j'imagine). Tantôt un danseur incarne un personnage, tantôt celui-ci se trouve dédoublé voire triplé par les six danseurs. Le procédé est facile, mais il induit instantanément une distanciation, bientôt travaillée par d'autres effets, comme les tabourets abruptement replacés et l'orientation des danseurs modifiée à chaque changement de plan (et dans une discussion où c'est presque à chaque réplique, l'analyse filmique en devient joyeusement comique). Hormis une pause de danse pure lorsque les personnages se retrouvent dans un night-club où ça swingue, cela dure ainsi un certain temps. Juste quand on commence à se dire que c'est amusant mais un peu limité, les variations chorégraphiques se font plus poussées*, et la danse s'écarte peu à peu de la trame filmique jusqu'à s'en abstraire… au moment où l'on commence à être bien pris par l'intrigue. Du coup, on regarde un peu plus l'écran et un peu moins la scène, de moins en moins même… jusqu'à s'apercevoir qu'on ne capte plus grand-chose** et que, quitte à flotter, autant flotter avec les corps bien vivants qui sont devant nous, avec nous. On se laisse quand même prendre une dernière fois par le film lors d'une course poursuite… où la bande-son est soudain coupée et le bruit des balles remplacé par des sifflements-onomatopées : dernier effet de distanciation comique pour la route, le film est dans / est mis en boîte.</p><p><em>On arrival</em>, la pièce de Lucy Guerin est inégale, mais intelligente… jusque dans ses moments les plus faibles, qui correspondent <em>in fine</em> aux passages du film où notre attention devient flottante / où notre attention n'a pas encore été captée (le mimétisme du début est d'autant plus bienvenu que l'intrigue tarde à se nouer). À la fin de la soirée, le dispositif est épuisé, mais j'ai beaucoup aimé l'expérience, aussi étonnante qu'amusante.</p><p>(J'ai beaucoup aimé les danseurs, aussi. Jessie Oshodi, qui m'a rappelé la bonne humeur d'@AndieCrispy. Alisdair Macindoe, qui m'a rappelé l'unique danseur que nous avions dans notre petit groupe d'amies danseuses. Et Lauren Langlois, qui ne m'a rappelé personne, mais dont j'aimerais tout particulièrement me rappeler, tant la sensibilité qu'elle laisse affleurer la rend puissante et attachante.)</p><p>* Par exemple, un danseur prend la pose d'un personnage et les cinq autres viennent la répliquer en canon tandis que le premier s'est déjà éloigné pour pérenniser le mouvement par une nouvelle pose. <span style="text-decoration: line-through;">C'est la cheniiiiille qui redémarre.<br /></span>** Je ne suis pas certaine qu'il faille déplorer l'absence de sous-titres : même avec le synopsis, je suis incapable de piger le mécanisme conduisant au meurtre !</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlAnémone humaine et autres métamorphosestag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-07-03:30761582016-07-03T17:51:00+02:002016-07-03T17:51:00+02:00 Les pièces dansées par Sankai Juku exigent du spectateur un état...
<p>Les pièces dansées par Sankai Juku exigent du spectateur un état contemplatif proche de la transe, ce qui n'est pas chose aisée le ventre vide<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a>. Heureusement, Palpatine et moi sommes proches de la scène et Ushio Amagatsu a « osé mettre plus de mouvements », ce qui rend <em>Meguri</em> plus facile à suivre même si, en contrepartie, les images se gravent moins profondément dans la mémoire. Les sillons de l'extrême lenteur sont ailleurs, sur le mur au fond de la scène, décor inspiré « des fossiles de crinoïdes, animaux aquatiques en forme de plantes, apparus dès l'époque du paléozoïque ». Les éclairages projetés sur ces motifs d'algues nous plongent dans les bas-fonds marins ; s'y déploie une fascinante anémone humaine, groupe de danseurs sur le dos, qui plient-déplient-replient bras et jambes, les mains fureteuses, mi-anguilles-Gorgones mi-têtes de robots anthropomorphisés<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a>.</p><p>Dans le tableau suivant, les lumières bleues concentrées au centre du praticable nous font remonter à la surface, trois danseurs sur les bords-ponton. J'aime beaucoup ce mouvement récurrent, que je tente ensuite tant bien que mal de mimer sous le nez de Palpatine : les doigts qui s'ouvrent pour fermer leur corolle un peu plus haut, une main dépassant l'autre, comme des bulles qui s'échappent. Ou des poissons qui activent leur mâchoires pour gober du plancton ascendant. Ou des fleurs carnivores qui se dressent pour gober un insecte. Quelque chose d'organique, en tous cas, qui entremêle minéral, végétal et animal, à l'image des crânes-galets des danseurs ou des cartouches d'algues fossiles devant lesquels ils évoluent.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Vers la fin, les éclairages transforment subitement cette espèce de mur des lamentations géologique en or ; c'est soudain la porte d'un immense temple, couverte d'inscriptions inintelligibles mais sacrées. Quelque divinité comme : la nature, le vivant, l'incroyable richesse de toute ce qui prolifère, aussi bizarre et variée que les images qui nous proviennent de temps à autres de plongeurs-explorateurs, avec leurs créatures translucides, nouvelles combinatoires d'une inventivité à faire pâlir les dessinateurs les plus extravagants de science-fiction<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc"><sup>3</sup></a>. « Exubérance marine, tranquillité terrestre » : Ushio Amagatsu, les côtes qui tombent comme les joues d'une tortue, rend au corps toute son étrangeté protéiforme.</p><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym"><br />1 </a>Débuts brouillons de mon régime pauvre en sel <em>et</em> en sucres (à cause des médicaments pour ma tendinite).<br /><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2 </a>À chaque fois, je pense aux abdominaux qu'un tel gainage requiert – pilates au petit-déjeuner. Et la maîtrise musculaire qu'il doit falloir pour donner l'impression de trembler de tout son être, comme le font les danseurs dans le quatrième tableau ! Ils ne vibreraient pas davantage sous l'effet d'un marteau-piqueur…<br /><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3 </a>Difficile de faire plus futuriste qu'une de ces créatures ancestrales.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlVerklärte Nacht transfiguréetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-06-27:30758102016-06-27T19:25:00+02:002016-06-27T19:25:00+02:00 La mémoire photographie décidément plus qu'elle ne filme : j'ai presque...
<p>La mémoire photographie décidément plus qu'elle ne filme : j'ai presque davantage de souvenirs de <em>La Nuit transfigurée </em><span style="font-style: normal;">présentée</span> <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/10/23/keersmaeker-3058486.html" target="_blank">à Garnier en octobre dernier</a> avec décors et costumes que de la version dépouillée donnée au théâtre de la Ville il y a à peine deux semaines, avec un unique couple, sur un plateau nu. Pourtant, sur le moment, je me suis dit qu'il y avait là une plus grande justesse… le geste moins lyrique, plus rauque… deux êtres qui finissent par s'accorder, l'un l'autre, le droit de s'accrocher l'un à l'autre… de ne pas rester seul chacun dans sa nuit, mais de partager une même nuit, la nuit, qui s'éclaire un peu d'être partagée…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les gestes se sont comme refondus aux corps dont ils étaient l'émanation : le dos de la main qui caresse-râpe le sol, les genoux qui s'écartent en ployant, le tronc tendu retenu dans le vide du déséquilibre par l'épaule ou le cou ou le front (je ne sais plus : une partie du corps violemment intime lorsqu'une main étrangère n'y applique pas une tendresse univoque), les jambes enlacées autour du partenaire, les portés où le porteur porte moins qu'il ne se fait assaillir, le fardeau en suspens de savoir s'il va être accueilli, renvoi, retour auprès de, courses, marches, spirales… tous mouvements réintégrés au corps, rangés sous un costume sombre et une robe rose à motifs : un homme et une femme. (Une femme et deux hommes, en vérité, car la femme porte l'enfant d'un autre, rapidement ravalé par la nuit.)</p><p style="text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2016/06/20/pas-transfigure" target="_blank">Palpatine</a></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlVautours, hipsters, explorateurs et joueurs guerrierstag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-03-04:30678352016-03-04T21:30:00+01:002016-03-04T21:30:00+01:00 Épaules montées, cou rentré, mains pendantes comme des pattes ou des serres…...
<p>Épaules montées, cou rentré, mains pendantes comme des pattes ou des serres… l'attitude des danseurs fait un drôle d'effet. On est chez les <em>freaks</em> : le rouge à lèvres qui déborde des bouches fait surgir le fantôme de la femme-qui-rit de L<em>'<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/10/17/souvenirs-de-la-maison-close.html" target="_blank">Apollonide</a></em>, devenue phénomène de foire après qu'un client lui a entaillé le sourire, tandis que les moustaches asymétriques transforment les hommes en créatures mi-gymnastes mi-Monsieur loyal qu'on verrait bien moquées par Ponge ou d'autres à l'esprit plus torturé. La bizarrerie des mises est répliquée dans la chorégraphie, tableaux réimprimés en rouge, noir, marron - d'où le titre de la pièce, sûrement : <strong><em>Xylographie</em></strong>. Je n'irais pas jusqu'à dire, comme le programme que<strong> Tânia Carvalho</strong> invente un nouveau rapport au temps, mais les déploiements de danseurs, superposés-décalés comme les couches successives d'une estampe mal calée, gravent quelques images étonnantes en mémoire. Ces frises de <em>freaks</em> créent un malaise très esthétique, malgré/grâce à des costumes à franges franchement laids, parfaitement adaptés.</p><p>Précipité. <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2016/03/02/quatre-ballets-lyonnais" target="_blank">Palpatine</a> parle de pioupious. <em>What ?</em> Pioupious, cette bande de <em>freaks</em> tout sauf choupis ? Après quelques instants d'incompréhension la plus totale, l'évidence : ce sont des rapaces. Les costumes froufroutants. Les cous rentrés. Les mains pendantes et leur signification néfaste dans l'iconographie traditionnelle… des rapaces, mais c'est bien sûr. Des vautours, même. Vaguement morbides, c'était donc ça.</p><p> </p><p>Sous le <strong><em>Sunshine</em></strong> électrique mais musicalement doux d'<strong>Emanuel Gat</strong>, des tenues dépareillées, chemises ouvertes sur T-shirt, chaussettes de couleur (comme par hasard, les chaussettes oranges sont portées par un beau gosse, #OrangePower, yo) et même *un bonnet* ; cette fois-ci, impossible de se tromper : après les vautours, les hipsters. C'est bon comme un brunch dominical : cela ne peut pas prétendre à de la gastronomie, c'est sûr, mais c'est assez varié et relevé pour laisser un souvenir agréable, sinon vivide. On sent la jupe à fleurs qui se fend sur la cuisse ; les doigts écartés autour de la taille en portée ; et les mains qui agrippent ce danseur qui se jette vers les coulisses, rattrapé, sans que l'on sache si c'est in extremis ou malgré lui, pour empêcher sa chute ou son échappée - le groupe entre sollicitude et sollicitation. Ni vraiment contrainte, ni vraiment soulagement. Des interactions, seulement, en chaussettes de couleurs et sur des bribes d'Haendel et de voix - j'adore les bribes de voix, j'ai toujours trouvé cela apaisant.</p><p> </p><p><strong><em>Black Box</em> de Lucy Guérin</strong>. Une grosse boîte noire monte : du geste du serveur qui soulève la cloche en argent, elle découvre des pieds, un danseur, quelques danseurs, une foule de danseurs, on ne sait jamais ce que l'on aura, surprise, duo, trio… ; et descend, emprisonnant avec elle lumière et danseurs. La répétition nous assure qu'il y aura toujours quelque chose à voir, sans rassurer : on aurait envie de dire aux danseurs de se dépêcher, de regagner plus rapidement le carré lumineux qui ne cesse de diminuer - on sait d'instinct les ténèbres interdites. Mais comme un fait exprès, ils savent la chorégraphie bien rodée et ne se dépêchent pas, lambinent même parfois, indolents. Une main ose frôler les ténèbres juste avant la tombée de la lumière, on frémit. En short de toile, explorateurs, et col Claudine, colons, cela s'ennuie, cela s'amuse, cela piétine sans même en avoir l'air. Et puis, inévitablement, un danseur finit par franchir les limites et aller au-delà de la lumière. Il danse, et bizarrement, il ne se passe rien, la pièce ne s'arrête pas. La boîte noire descend. Elle remonte à l'identique, et je le sais, j'en suis sûre,<em> j'en étais sûre</em> : elle est vide. Elle reste en l'air un temps, nous en suspends, et redescend tranquillement, comme si de rien n'était, je jurerais en sifflotant. Nonchalance de l'enrayement. Applaudissements.</p><p> </p><p>En primaire et au collège, j'étais toujours partante pour déplacer tables et chaises dans les salles de classe - mon côté déménageuse bretonne, sûrement (qui s'évanouit à la vue des livres). Cela m'amusait, cette parenthèse physique dans un lieu intellectuel où les corps passent leur temps assis. Du coup, forcément, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/11/22/forsythe-a-table-3022820.html" target="_blank">la première fois </a>que j'ai vu <strong><em>One flat thing reproduced</em></strong>, je me suis éclatée. Vous pensez, des danseurs qui crapahutent entre, sur, sous, devant, derrière les tables… une vraie leçon de prépositions de position, avec des tables à la place des cubes mal dessinées et des danseurs pour incarner les petites croix faites au stylo rouge. Sûre de m'amuser, je jubilais déjà lorsque les danseurs se sont avancés avec table et fracas - en lançant un cri de guerre. J'ai entendu le bruit métallique des tables. La violence des tables entrechoquées (une des danseuses, avec un pansement au front a dû en faire les frais en répétition). Les gestes se sont mis à mitrailler. Sans discontinuer. Pas d'accalmie dans cette "guérilla chorégraphique survoltée" (Jeanne Liger), tout au plus un moment d'intimité entre deux danseurs complices de s'être réfugiés sous une même table, pendant qu'au font, au front, ça continue de canarder.</p><p>Il y a toujours du jeu, évidemment, mais ce ne sont plus les taupes qu'on doit écraser, les fantômes que Pac-Man doit éviter, tous avatars de jeux vidéos et forains fort ludiques. On dirait un de ces jeux de rôles où il y a une taupe que l'on doit identifier avant qu'elle nous mette hors jeu ; sur le qui-vive, on observe les jeux de regards, on s'efforce de deviner, mais avec ces mouvements qui se calquent tantôt sur un danseur, tantôt sur un autre, le regard rebondit indéfiniment de l'un à l'autre : impossible de savoir qui est le meneur, d'où vient le danger. Tous s'en vont avant qu'il ait été possible de trancher.</p><p>À défaut de meneur, j'aurai repéré quelques danseurs et danseuses, et, ce qui est marrant, jamais les mêmes d'une pièce à l'autre, alors que les distributions se recoupent en partie : la fille avec la jupe (Kristina Bentz ?) dans <em>Sunshine</em>, <a href="http://www.opera-lyon.com/artiste/jacqueline-baby" target="_blank">Jacqueline Bâby</a> (canadienne - cela expliquerait-il le prénom pas de sa génération ?) dans <em>Black Box</em>, <a href="http://www.opera-lyon.com/artiste/chiara-paperini" target="_blank">Chiara Paperini</a> (sourire à tout berzingue et fesses à ressort) et <a href="http://www.opera-lyon.com/artiste/roylan-ramos" target="_blank">Roylan Ramos</a> (immense et de ces épaules…) dans le Forsythe.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlDanse et contingencetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-11-18:30604282015-11-18T22:16:00+01:002015-11-18T22:16:00+01:00 Available light , Lucinda Childs, représentation du 3 novembre...
<p align="RIGHT"><em>Available light</em>, Lucinda Childs, représentation du 3 novembre<br /><br /></p><p>Quelques jours avant de voir Lucinda Childs au théâtre de la Ville, je finissais <em>Winter journal</em>, de Paul Auster :</p><p style="padding-left: 30px;">You knew nothing about dance, still know nothing about dance, but you have always responded to it with a soaring inner happiness whenever you see it done well, and as you took your seat next to David, you had no idea what to expect, since at that point Nina W.'s world was unknown to you. She stood on the gym floor and explained to the tiny audience that the rehearsal would be divided into two alternating parts: demonstrations of the principal movements of the piece by the dancers and verbal commentary from her. Then she stepped aside, and the dancers began to move around the floor. The first thing that struck you was that there was no musical accompaniment. The possibility had never occurred to you – dancing to silence rather than to music – for music had always seemed essential to dance, inseparable from dance, not only because it establishes an emotional tone for the spectator, giving a narrative coherence to what would otherwise be entirely abstract, but in this case the dancers' bodies were responsible for establishing the rhythm and tone of the piece, and once you began to settle into it, you found the absence of music wholly invigorating, since the dancers were hearing the music in their heads, the rhythms in their heads, hearing what would not be heard, and because these eight young people were good dancers, in fact excellent dancers, it wasn't long before you began to hear those rhythms in your head as well. No sounds, then, except the sound of bare feet thumping against the wooden floor of the gym. You can't remember the details of their movements, but in your mind you see jumping and spinning, falling and sliding, arms waving and arms dropping to the floor, legs kicking out and running forward, bodies touching and then not touching, and you were impressed by the grace and athleticism of the dancers, the mere sight of their bodies in motion seemed to be carrying you to some unexplored place within yourself, and little by little you felt something lift inside you, felt joy rising through your body and up into your head, a physical joy that was also of the mind, a mounting joy that spread and continued to spread through every part of you. Then, after six or seven minutes, the dancers stopped. Nina W. stepped forward to explain to the audience what they has just witnessed, and the more she talked, the more earnestly and passionately she tried to articulate the movements and patterns of the dance, the less you understood what she was saying. It wasn't because she was using technical terms that were unfamiliar to you, it was the more fundamental fact that her words were utterly useless, inadequate to the task of describing the wordless performance you has just seen, for no words could convey the fullness and brute physicality of what the dancers had done. Then she stepped aside, and the dancers began to move again, immediately filling you with the same joy you had before they'd stopped. Five or six minutes later, they stopped again, and once more Nine W. came forward to speak, failing to capture a hundredth part of the beauty you had seen, and back and forth it went for the next hour, the dancers taking turns with the choreographer, bodies in motion followed by words, beauty followed by meaningless noise, joy followed by boredom, and at a certain point something began to open up inside you, you found yourself falling through the rift between world and word, the chasm that divides human life from our capacity to understand or express the truth of human life, and for reasons that still confound you, this sudden fall through the empty, unbounded air filled you with a sensation of freedom and happiness, and by the time the performance was over, you were no longer blocked, no longer burdened by the doubts that had been weighing down on you for the past year.</p><p> </p><p><em>The inner joy. </em>La joie intérieure que l'on sent, presque physiquement, monter en soi. Comme une bulle de champagne dans une flûte, qui exploserait en un sourire sans adresse, dans l'obscurité de la salle de spectacle. La fois où je l'ai ressentie le plus intensément, je crois, c'était avec le bien-nommé <em>Que ma joie demeure</em>.</p><p> </p><p>Palpatine était à Vienne début novembre, et je suis presque contente qu'il ne soit pas venu, que j'ai pu en revendant sa place faire la connaissance de C. (approchant la trentaine, avec un nom un peu désuet, lui aussi, pour notre génération). Alors que les derniers spectateurs prenaient place, il m'a dit son enthousiasme pour <em>Einstein on the Beach</em>, qu'il est retourné voir trois ou quatre fois (!) et relève selon lui davantage de l'art total que les opéras de Wagner, et nous avons discuté – de Lucinda Childs, de perception du temps, de pensée occidentale et orientale, de philosophie, philosophie d'érudition et de vie, lui pensant à Confucius (j'ai souri en pensant à Palpatine), moi à Épictète, voyant bien qu'il n'avait pas un savoir scolaire et, en fait, moins un savoir qu'une sensibilité aiguë, une curiosité spirituelle peu commune, où l'intelligence le dispute à l'intuition. Je l'ai manifestement surpris en synthétisant des réflexions dans lesquelles il avançait comme à tâtons, tandis que son tâtonnement à rendu leur bougé à des pensées que j'avais posées depuis un moment. Respiration intellectuelle ; l'air, la parole, la pensée circulent – je me sens comme nettoyée au savon pongien. Ce serait manquer d'honnêteté, cependant, d'omettre la méfiance ou plutôt la défiance qui a accompagné cette rencontre : il est malaisé, en effet, de concevoir une spiritualité athée qui ne verse ni dans le sérieux sectaire ni dans la pacotille bio-branchouille. J'avoue avoir pensé malgré moi un <em>ceci-explique-cela</em> mi-amusé mi-blasé lorsqu'il m'a appris être le gestionnaire d'une association consacrée à la méditation et compagnie. Et pourtant, en-deçà ou au-delà, il y a cet enthousiasme, au sens presque divin du terme, qui accompagne les paroles et le visage de C., presque davantage aspiré qu'inspiré.</p><p>Voir un spectacle avec quelqu'un comme cela à vos côtés, dans la certitude fervente d'en recevoir de la joie, vous le fait apprécier davantage. J'en oublie les pieds pas tendus, en-dedans, qui choquent mon œil habitué au lignes classiques, j'oublie les bras comme maladroits, et l'idéal classique s'efface peu à peu au profit de la singularité des corps qui sont devant moi, devant nous, juste devant, puisqu'au troisième rang. Les enchaînements s'enchaînent, en boucles, ouvertes ou fermées, avec les danseurs habillés en blanc, avec les danseurs habillés en rouge, avec les uns et les autres, blanc et rouges comme les molécules d'oxygènes, tous ensemble, à l'unisson puis en canon, en canon puis à l'unisson, à l'unisson et en canon, tous paradoxes et dédoublement permis par la double scène. La scène habituelle a en effet été démontée et remontée en hauteur, formant une mezzanine au-dessus d'un praticable blanc. En étant dans les premiers rangs, il est presque impossible d'embrasser les scènes superposées ; lorsqu'on se focalise sur l'une, le mouvement nous parvient depuis l'autre de manière indistincte, comme la partie d'une image laissée floue par la mise au point. Cela nous dépasse, très simplement. Le vocabulaire limité des pas n'empêche pas la répétition de muer le mouvement en révolution astronomique, ni les costumes pas terribles-terribles en lycra de faire des danseurs des étoiles-planètes-atomes. Il y a quelque chose de terriblement apaisant dans cette répétition elliptique : on ne peut pas prédire quand tel ou tel mouvement reviendra, mais on sait qu'il reviendra (et on ne craint plus de le manquer). L'ennui du cycle monotone est banni ; ne reste que l'enivrement, la transe presque, de cette litanie pourtant moderne, géométrique.</p><p>C'est l'équilibre parfait entre nécessité et contingence : les enchaînements auraient pu être autres, mais ils sont ce qu'ils sont et, partant, ne peuvent plus, ne peuvent pas, être autrement. Il y aurait pu y avoir d'autres pas, et pourtant, ce ne sont pas n'importe quels pas ; leur répétition même leur donne leur raison d'être : ce sont ceux qui déjà étaient là. Aucune signification n'est attachée aux pas, sans pour autant que la danse devienne insignifiante, devienne une gymnastique arbitraire (qui est l'exacte impression que me donnent les pièces de Cunningham). Cet espace entre nécessité et contingence, c'est l'espace entre l'index de Dieu et celui d'Adam dans la chapelle Sixtine, c'est l'espace entre le mot et la chose, « between world and word, the chasm that divides human life from our capacity to understand or express the truth of human life » - béance qui, d'un même mouvement, crée l'errance et la transforme en liberté. De la friction incessante de la nécessité et de la contingence naît l'étincelle de la joie, <em>the inner joy</em> – joie de ce qui aurait pu ne être et qui est, joie d'être, joie de vivre. Se rappeler cette célébration de la contingence fait du bien, après le brutal arbitraire des exécutions terroristes.</p><p> </p><p>Coïncidence : j'ai ouvert ce soir le journal du théâtre de la Ville qui trainait dans mon entrée depuis deux semaines, et au verso de la couverture figure cette citation de Lewis Carroll, que j'ai arrachée pour l'afficher, peut-être, si je remets la main sur la Patafix : « Mais alors, dit Alice, si le monde n'a absolument aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ? » La multitude d'événements au sein de laquelle nous évoluons m'est soudain apparue comme un points-à-relier sans numéros – ou plutôt avec quelques numéros seulement qui, reliés, constituent un principe de réalité par-dessus lequel on ne peut pas passer, mais que l'on peut suivre, contourner et détourner pour dessiner nos propres motifs, nos propres constellations (l'intelligence, toujours, c'est faire (et défaire et refaire) des liens).</p><p> </p><p>(Je suis un peu déçue de ne pas avoir de nouvelles de C., mais tant pis, cela me rappellera que le hasard est une parodie de nécessité.)</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.html887tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-10-18:30581982015-10-18T15:05:45+02:002015-10-18T15:05:45+02:00 En arrivant pour la représentation de 887 , je ne connais ni Robert Lepage...
<p>En arrivant pour la représentation de <em>887</em>, je ne connais ni Robert Lepage ni l'homme qui s'avance sur la scène, toutes lumières allumées, pour nous demander d'éteindre nos téléphones portables, ces téléphones qui contiennent curieusement toute notre vie et sur lesquels on externalise notre mémoire, oubliant, n'apprenant même plus les numéros qui marque notre vie – et 887 en est un pour Robert Lepage, quoique pas de téléphone : c'est l'adresse où il a vécu enfant. Le spectacle a déjà commencé lorsque les lumières s'éteignent, et je regrette presque qu'il ne se déroule pas entièrement à la lumière d'une salle bien présente, qu'il faille <em>faire spectacle</em> alors que j'étais si bien dans cette confidence impromptue.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est étrange au vu de ma formation en lettres, mais ces temps-ci, j'ai un peu de mal avec le filtre de la fiction ; l'adresse directe de l'essayiste me parle davantage, aussi stylisé son discours soit-il. De fait, des scènes jouées seul, en passant sous ellipse les réponses de ses interlocuteurs absents, et des souvenirs narrés directement au spectateur, ce sont ces derniers que j'apprécie le plus. L'acteur soudain ne monologue plus, il dialogue avec nous, et on le suit avec plaisir du coq à l'âne et de fil en aiguille. Il semble broder au hasard sur un terme ou un thème, mais tout est tramé pour que les mots et les images souterrainement entrent en résonance et, se faisant écho, fassent sens. Pas de transition en grand écart pour autant : Robert Lepage sait couper quand il le faut, et passer à un autre sujet, comme on le fait au cours d'une longue conversation entre amis. Pas de transition mais des liaisons ; lier ensemble, <em>inter-legere</em>, c'est le propre de l'intelligence. De fait, Robert Lepage est un virtuose de l'association d'idée et pas seulement d'idées, mais d'images et de formes, en témoigne l'instant choisi pour illustrer l'affiche du spectacle, où les gerbes d'un feu d'artifices se rejoignent pour former un réseau neuronal, permettant à Robert Lepage de passer de la fête nationale du Québec à la mémoire défaillante de sa grand-mère, et de relier discrètement mémoire individuelle et mémoire collective. Sans jamais perdre sa perspective autobiographique ni jamais se transformer en conférencier, il nous plonge dans le Québec des années 1960, où les tensions séparatistes sont exacerbées par des tensions plus sous-jacentes, mais peut-être plus prégnantes, de classes sociales, « entre une population francophone qui était pauvre et une population anglophone ». L'exposé n'a rien d'abstrait : c'est un poème de Michèle Lalonde que le comédien ne parvient pas à mémoriser, sur lequel il s'acharne, invoquant le palais de la mémoire puis les talents d'un ancien ami répétiteur, et qu'il finira par vociférer après avoir rétabli dans sa dignité la figure de son père chauffeur de taxi, qui ne savait pas lire. <em>Speak White</em> : l'injonction de la classe dominante à adopter son langage lui restait en travers de la gorge.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est pour ainsi dire le seul moment où Robert Lepage quitte le ton de la confidence : l'histoire, grande ou petite, est vue avec le recul d'une vie et la perspective transforme l'amertume en mélancolie et... l'immeuble où le comédien a vécu en maison de poupée. Avec sa passion des miniatures, parfois agrandies pour le fond de la salle à l'aide d'images filmées en direct avec un smartphone et retransmises sur l'écran géant de la scène<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, Robert Lepage matérialise son récit, usant de la fascination que l'on peut avoir pour les petites cases allumées des immeubles lorsque l'on passe devant, à pieds ou en métro aérien. <em>Zoom out, zoom in</em>, d'un quart de tour, l'immense maison de poupée devient un appartement, qui rétrécit à nouveau, <em>zoom in, zoom out. </em>On ne sait plus si l'on regarde la vie à la loupe ou au microscope, mais peu importe : grande ou petite, avec Robert Lepage, l'histoire est infiniment poétique.</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2015/09/19/miniatures-passees" target="_blank">Palpatine</a></p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1</a> Quand même : j'étais heureuse d'être proche de la scène. Je ne suis pas certaine que le spectacle passe aussi bien depuis le fond de la salle.</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlPetit Eyolf ne deviendra pas grandtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-02-16:30375662015-02-16T22:16:00+01:002015-02-16T22:16:00+01:00 Qu'est-ce qui m'a pris de cocher ça dans mon abonnement du théâtre de la...
<p>Qu'est-ce qui m'a pris de cocher ça dans mon abonnement du théâtre de la Ville ? Ah, oui : Ibsen. J'ai lu une ou deux de ses pièces et j'ai trouvé sa compréhension de l'âme humaine si hallucinante que je me suis dit qu'il fallait que j'aille entendre cela sur scène, pour <em>voir</em>. Sauf que le théâtre et moi, ça fait deux. À de rares exceptions près, j'ai toujours l'impression d'un alliage malheureux, ersatz de danse et de musique, trop raide pour être parlant, trop bavard pour donner corps. Surtout, ça sonne presque toujours faux, même pour moi qui n'ai pas une oreille musicale très développée.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Si, dans le <em>Petit Eyolf</em> de Julie Berès, les corps sont assez souples pour que la mention d'un <em>chorégraphe</em> dans le programme ne soit pas usurpée, les voix me hérissent le poil, surtout celle de l'actrice qui joue Rita (tout le temps en scène, pas de bol). J'ai l'impression de regarder <em>Plus belle la vie</em>. C'est méchant mais c'est ainsi : la mise en scène de cette pièce est au théâtre que j'aime ce que <em>Plus belle la vie</em> est au cinéma.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pourtant, il y a de bonnes trouvailles, avec la chambre-aquarium de l'enfant qui se noiera, doublée par un véritable aquarium, dans lequel apparaîtra, bercé d'une douce lumière, le souvenir de l'enfant noyé – le plus beau moment de la soirée (enfin, de l'après-midi). Les lumières sont également bien travaillées, avec les mappemondes dans la chambre de l'enfant, et le reflux de l'obscurité<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a> dans les moments où l'on touche à des vérités qui répugnent à être dévoilées, où l'intime est moins une question de corps que d'écoeurement devant ce que l'on a pu, très humainement, penser de plus inhumain.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le texte, qui explore tout ce qui ronge une maisonnée, est fantastique. Tout ce qu'il y a de moins glorieux et de plus sensible y passe : la relation quasi incestueuse entre frère et sœur, même à l'âge adulte ; la suspicion de la mère envers la sœur de son mari, qui prend trop de place, la place de leur enfant ; le rejet de sa femme et de son fils, ressentis comme un poids par l'homme qui veut rédiger une grande œuvre ; sa lâcheté lorsque, se sentant échouer, il se donne l'éducation de son fils comme tâche suprême ; la jalousie de l'épouse envers cet enfant, son enfant, cet être indésirable qui empêche l'amour fusionnel des amants<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a> ; la culpabilité, enfin, lorsqu'arrive ce qu'elle désirait et n'a jamais voulu (méfiez-vous de vos souhaits, ils pourraient se réaliser). On ne cesse de trouver autrui monstrueux – autrui qui agit par lâcheté, par orgueil, par intérêt, par devoir – pour mieux se reconnaître, par amour, dans sa monstruosité.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La richesse de la pièce est sensible. Seulement, toutes ces subtilités de l'âme humaine, on a l'impression que le texte nous les transmet <em>malgré</em> la mise en scène – au lieu que ce soit elle qui les souligne. Il faut que la voix de Rita s'étouffe, devienne rauque et monocorde, pour que l'hystérie cesse et que l'on entende enfin Ibsen – Ibsen avec quelques <em>merdes</em> et hélicoptères télécommandés, car la traduction a été revue et modernisée pour « laisser advenir certaines scènes imaginées ». <em>Fear </em>! <jeune vieille réac>A-t-on besoin de réécrire Molière pour en percevoir la modernité ? </jeune vieille réac></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Souris échaudée craint l'eau froide, mais il faudra réessayer, retourner au théâtre, pour ne pas rester sur cette triste impression que la meilleure façon d'apprécier une pièce de théâtre reste encore de la lire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Avis contraire et bien plus éclairé chez <a href="http://operacritiques.free.fr/css/index.php?2015/02/11/2625-henrik-ibsen-petit-eyolf-lille-le-devoilement-ou-l-evenement-les-cambrioleurs-julie-beres-abbesses" target="_blank">Carnets sur sol</a> (même si je ne suis <a title="Chez Je suis la mouette" href="https://jesuislamouette.wordpress.com/2015/02/15/petit-eyolf-dhenrik-ibsen-mise-en-scene-julie-beres-requiem-pour-ibsen/#more-326" target="_blank">pas la seule</a> à avoir trouvé Rita hystérique)</p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>La lumière, diminuée, m'a fait penser à cet extrait de <em>La Nuit sexuelle</em> de Pascal Quignard, lu le matin même – une inversion : « Ce n'est pas la lumière qui est tamisée dans la pénombre où les amants se dénudent. C'est l'obscurité première qui nous précède qui avance, qui progresse, qui se soulève en une immense vague qui revient sur nous. » L'obscurité de l'âme humaine, pour ne pas dire sa noirceur, qu'on essaye de maîtriser, de refouler, et qui s'effraie de la lumière qu'on essaye d'approcher d'elle – lumière qu'elle refuse et s'empresse de tamiser (elle... nous).</p></div><div id="sdfootnote2"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2 </a>Ce serait en quelque sorte la réciproque de ce curieux paradoxe : « Les enfants des parents qui s'aiment sont orphelins. » (<em>La Nuit sexuelle</em>, Pascal Quignard) L'épouse dont le mari aime (ou veut aimer) tendrement l'enfant serait-elle déjà abandonnée ?</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlForsythe à tabletag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-11-22:30228202014-11-22T15:31:43+01:002014-11-22T15:31:43+01:00 « There is a problem with doing ‘a Forsythe work’ » soulignait le...
<p>« There is a problem with doing ‘a Forsythe work’ » soulignait le chorégraphe lui-même <a href="http://www.nytimes.com/2014/06/25/arts/dance/forsythe-coaches-boston-ballet-in-the-second-detail.html?smid=tw-share&_r=1" target="_blank">lors de la reprise de <em>The Second Detail</em> par le Boston Ballet</a>. « Everyone starts to over-muscle and ‘modernize.’ » À la lecture de l'article, j'étais perplexe. En voyant danser le ballet de l'Opéra de Lyon, quelques semaines à peine après le Dresden Ballet, j'ai compris pourquoi il insistait sur la limpidité du mouvement : « No matter how fast you are moving, it should be pristine, like court dance. » Comme une danse de cour. Cette comparaison, étrange de la part d'un homme qui a poussé le classique dans ses retranchements, perd de son étrangeté lorsqu'on voit le ballet de l'Opéra de Lyon danser <em>Workwithinwork</em> et que, ce qui paraît en transparence, c'est McGregor. L'espace d'un instant, je revois <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/12/09/genus-le-genome-du-genie-3-3.html" target="_blank"><em>Genus</em></a>, avec les danseurs qui attendent sur le bord de devenir à leur tour l'un de ces couples décentrés, formés hâtivement au hasard des entrées et sorties en arrière-scène. Que McGregor se soit ou non inspiré de Forsythe m'importe peu : on voit comment Forsythe débouche sur McGregor, comment le style de Forsythe évolue et se perd dans celui de McGregor, comment le mouvement classique, poussé à des extrêmes de vélocité et d'extension, tend à devenir illisible. Le mouvement se brouille dans l'œil du spectateur : les danseurs vont trop vite – ou pas assez, donnant l'impression de courir derrière la musique. Exactement comme pour <em>Infra / Chroma / Limen</em>, je me mets à regretter que l'accalmie offerte un instant par un pas de deux ne donne pas à la pièce entière son tempo – un comble pour moi qui aime la vitesse et n'apprécie que moyennement les adages. Heureusement, un épaulement un peu plus étiré que les autres, une pointe plus vivement piquée, et la sensation revient, j'éprouve à nouveau ce que je vois. Soulagée mais inquiète : il s'en faudrait de peu que le plaisir ne nous anesthésie. Vite, vite, rappelez-vous de la danse de cour, avant qu'il ne faille disséquer <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/07/26/plus-anatomique-que-sensationnel.html" target="_blank">l'anatomie de la sensation</a>, morte d'hyperactivité.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">À moins que la sensation ne meure de confort. <em>Sarabande</em> n'est pas désagréable mais je ne suis pas certaine qu'elle soit grand chose d'autre. Comme la plupart des pièces du nouveau directeur de la danse de l'Opéra de Paris, je le crains. L'entrée du premier danseur me rappelle celle de Benjamin Millepied en danseur brun dans <em>Dances at a gathering</em>, mais je ne retrouve pas l'émotion du couple Chopin-Robbins et ce, malgré Bach, malgré l'élan et la camaraderie virile de la chorégraphie de Millepied. Dieu sait pourtant que Bach rend émouvant à peu près n'importe quel geste pris dans son flot musical.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>One flat thing, reproduced</em> : voilà qui me satisfait pleinement d'être là où je suis. Au théâtre de la Ville pour assister à cette soirée. Et en haut de la salle. Après avoir, de cette place, vu dans <em>Workwithinwork</em> deux danseuses couchées entre deux laies de lino comme deux soupirs sur une portée musicale, les rangées de tables de <em>One flat thing, reproduced</em> m'apparaissent comme cette illusion d'optique où l'œil voit des intersections grises là où il n'y a que des carrés blancs sur un fond noir (ou inversement). Sauf que les points gris sont en réalité des danseurs hauts en couleurs. Entre les tables, sous les tables, sur les tables, ils apparaissent comme des taupes et l'on entre dans le jeu avec nos yeux comme marteau. Je crois n'avoir jamais vu pièce si récréative : les danseurs se déplacent dans les travées comme les fantômes de Pac-Man, se balancent entre les tables comme dans une salle de classe, mettent les pieds dessus, et le reste, parce que ce sont de parfaites maisons pour jouer à chat (perché), s'attrapent, se phagocytent, entrent en collision, rebondissent puis rembobinent la partie pour rejouer de plus belle. Le tout sur une bande-son qui tient du bâton de pluie Nature & Découvertes remixé avec la neige de la télévision <em><span style="font-style: normal;">hertzienne, post-synchronisé avec des toons rembobinés, quelque part dans une usine hantée. Bruyant mais ludique. Inutile de dire que je me suis bien amusée.</span></em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><span style="font-style: normal;">À retenir : les tables sont de bien meilleur augure que les chaises en danse.</span></em></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLucinda Childs : révolution ou giration ?tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-10-25:30202712014-10-25T22:43:00+02:002014-10-25T22:43:00+02:00 Dans Einstein on the Beach , les tournoiements des danseurs apportaient un...
<p>Dans <em>Einstein on the Beach</em>, les tournoiements des danseurs apportaient un moment de respiration : à l'immobilité des corps chantant, psalmodiant, succédait l'élan de mouvements tellement amples qu'ils envahissaient l'espace de la scène, avec leurs grandes diagonales faites et défaites en d'infinies formes géométriques kaléidoscopiques. Et même si, au final, l'hypnose reprenait, l'inertie du mouvement infini se révélant égale à l'immobilité première, il y avait eu césure ; on avait brièvement cessé de retenir son souffle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans <em>Dance</em>, fruit d'une nouvelle collaboration entre Philip Glass et Lucinda Childs après le succès de l'opéra, la danse n'est plus un seul instant divertissante. Les traversées qui constituent le premier tiers de la pièce ne détournent d'aucune scène préalable ; il n'y a de surgissement que des coulisses. On admire certes le rebond d'une des danseuses (blonde, avec un chignon banane, petite, qui dévore la scène avec une vivacité remarquable) mais il faut attendre la deuxième partie (vingt minutes) pour trouver l'attention flottante grâce à laquelle on éprouve enfin, dans la troisième et dernière partie, la puissance hypnotique de la répétition.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il faut s'autoriser à ne pas regarder pour voir la transe dans la danse. Or le laisser-aller n'est pas chose aisée dans une culture où la forme classique de la danse est le ballet, à mille lieues des derviches tourneurs ou des danses chamaniques – en témoigne le recours de Lucinda Childs à la géométrie. Choré-<em>graphie</em>, il faut tracer : tracer des figures géométriques avec les corps dans l'espace, sur un sol quadrillé façon papier millimétré<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, et laisser des traces de son passage avec une captation de la pièce, projetée sur un voile de gaze à l'avant de la scène.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le dédoublement de la chorégraphie, interprétée par les danseurs sur scène et calligraphiée à l'écran, apporte la distance nécessaire à l'exercice de déprise de soi que propose <em>Dance </em>: distance physique du voile qui avive la séparation entre la scène et le public, et distance temporelle entre les danseurs d'aujourd'hui et ceux qui ont été filmés lors de la création. Autant ma place relativement proche de la scène ne m'a pas toujours offert un recul suffisant pour m'abstraire de ma conscience trop aiguë de spectactrice-de-ballet, autant, en ne me permettant pas d'embrasser à la fois les danseurs vivants et les images des danseurs fantômes, elle m'a fait percevoir la juxtaposition des époques et le temps – le temps que l'on n'aura pas vu s'écouler, pris dans une vie semblable à la transe de Lucinda Childs. Le visage de la chorégraphe, parfois projeté en gros plan lors du solo de la deuxième partie (elle en était l'interprète), devient émouvant à nous regarder du passé – ce passé qui déboule (littéralement, le solo en est quasiment entièrement constitué) vers un futur qu'il ne connait pas et que l'on méconnait comme présent.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Des critiques dithyrambiques qui expédient la fascination à coups d'adjectifs, <em>révolutionnaire </em>mon cher Watson, je garderai l'idée de girations éblouies qui nous invitent à retourner en nous-mêmes. Mais comme toute invitation au voyage, on peut ne pas avoir envie d'y répondre et je comprends aussi ma voisine qui n'entendait pas se (ce) laisser(-)aller, reprenant une bouchée de pain en plein milieu du spectacle et maugréant aux saluts contre le parisianisme du théâtre de la Ville (la seule qui vaille) : si vous n'avez pas été en extase, vous avez tout raté.</p><p style="text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2014/10/24/tourne-et-vire" target="_blank">Palpatine</a> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1</a> Les croix de scotch, repères que connaissent tous les danseurs, deviennent, émouvantes, les points d'un problème jamais formulé.</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlBête à cornetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-06-15:30084802014-06-15T23:02:16+02:002014-06-15T23:02:16+02:00 Mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, au théâtre de la Ville Rhinocéros ....
<p style="text-align: right;">Mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, au théâtre de la Ville</p><p><em>Rhinocéros</em>. Cette pièce de Ionesco, je ne l'avais jamais vue, ni lue, ni étudiée. Dans ma culture littéraire, elle se résumait à une pièce de l'absurde dénonçant la montée du totalitarisme. Evidemment, ce n'est pas ça. Pas seulement. Pas vraiment. On pourrait mettre à peu près n'importe quelle idéologie à la place de ce que les Italiens ont vu comme du fascisme ou les Français comme du nazisme : des idéologies progressistes, bien-pensantes, phénomènes de mode, végétarisme ou que sais-je encore. Ce qui est au cœur de la pièce et qui est proprement fascinant, ce sont les glissements qui s'opèrent au sein du groupe – comment, l'un après l'autre, pour des raisons qui peuvent être diamétralement opposées, des individus se convertissent à la doctrine qui les effrayait et qu'ils repoussaient.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Comment devient-on rhinocéros ? Il y a l'homme que sa nature, un peu brute, y prédisposait ; le mouton qui prend facilement peur et préfère suivre le mouvement (cela vaut un peu pour tout le monde : les employés de bureau, assez différents les uns des autres dans la première scène, forment à la seconde, habillés en écoliers, un parfait troupeau<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>) ; le bon voisin qui surprend tout le monde en faisant volte-face et qui rassure quelque peu (c'était un homme bien, après tout) ; le logicien qui se persuade à coups de sophismes ; l'esthète fasciné par Thanatos ou encore le chêne qui résiste mais n'est pas roseau. Et puis il y a Bérenger, celui qui doute. Il ne résiste pas de toutes ses forces : il doute. Le rhinocéros a un côté séduisant, c'est sa force. Il n'est pas à proprement parler contre nature – les rhinocéros sont une espèce à part entière –, ce n'est juste pas la nature de l'homme. À moins qu'avec son incroyable vitalité, le rhinocéros ne soit l'avenir de l'homme, un homme nouveau, plus fort. Autrement plus fort qu'un vieil alcoolique, dont on a tôt fait de mettre en doute la parole.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Bérenger est bientôt le dernier homme : s'il était dans le tort ? si, à prendre les autres pour des fous, c'était lui qui basculait dans la folie ? Impossible de savoir sinon par instinct... par intuition, se reprend-t-il immédiatement, craignant l'animal qui affleure. Une fois passé de l'autre côté, une fois l'homme devenu rhinocéros, il n'y a plus de communication possible, le dialogue est coupé : on est rhinocéros ou on doit le devenir. Face à l'animal mutique, il n'est plus possible de faire entendre son point de vue ni même de comprendre ce qui a motivé l'autre à devenir rhinocéros. Car le rhinocéros a la peau dure, il résiste à toute approche. Et à tout discours : le rhinocéros, quoique lourd de sous-entendus, est trop présent pour n'être qu'un symbole. La mise en scène prend ainsi le parti de montrer les animaux, tels quels, de montrer leur tête de rhinocéros, qui se balancent comme des algues dans un aquarium, lançant leurs cris de sirène. Ils sont trop présents pour n'être que symboles, trop présents pour n'être pas menaçants. Ils ne chargent pas, pas encore – c'est en tous cas ce à quoi l'on se raccroche – mais comment ne pas se sentir encerclé lorsqu'on est entouré par un si grand nombre ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La menace latente fait apparaître le problème, qui réside moins dans l'existence des rhinocéros eux-mêmes que leur impossible coexistence avec les hommes :</p><blockquote><p style="margin-bottom: 0cm;">« Les idéologies devenues idolâtries, les systèmes automatiques de pensée s'élèvent, comme un écran entre l'esprit et la réalité, faussent l'entendement, aveuglent. Elles sont aussi des barricades entre l'homme et l'homme qu'elles déshumanisent, et rendent impossible l'amitié malgré tout des hommes entre eux ; elles empêchent ce qu'on appelle la coexistence, car un rhinocéros ne peut s'accorder avec celui qui ne l'est pas, un sectaire avec celui qui n'est pas de sa secte<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a>. »</p></blockquote><p style="margin-bottom: 0cm;">(À l'inverse de la secte, il y a Wikipédia, qui donne le fin mot de l'histoire sur la controverse qui anime une grande partie de la pièce : unicornu ou bicornu, le rhinocéros ? <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Rhinoc%C3%A9ros">Les deux</a>, mon général.)</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2014/06/07/perissodactyle" target="_blank">Palpatine</a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1</a> « Mais dès que la vérité pour laquelle ils ont donné leur vie devient vérité officielle, il n'y a plus de héros, il n'y a plus que des fonctionnaires doués de la prudence et de la lâcheté qui conviennent à l'emploi ; c'est tout le thème de <em>Rhinocéros </em>» Ionesco, préface de janvier 1960.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2</a> Ionesco, préface de 1964.</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlTabac rougetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-04-19:30024232014-04-19T18:17:00+02:002014-04-19T18:17:00+02:00 Il y a un bon mois, James Thierrée faisait un tabac rouge au théâtre de la...
<p>Il y a un bon mois, James Thierrée faisait un tabac rouge au théâtre de la Ville. Un bon mois que <span style="text-decoration: line-through;">je me refrène de faire ce jeu de mot pourri</span> je ne sais pas par quel bout le prendre. C'est très dur à chroniquetter, les spectacles en <em>il y a</em>. Soit on énumère toutes les images étonnantes dont on se souvient (et l'on est toujours frustré d'en oublier), soit on avance de grands thèmes si larges qu'ils recouvrent forcément ce qu'est le spectacle – et ce qu'il n'est pas : la maladie, la tendresse, la décrépitude, la révolte et finalement la mort sont bien trop vagues pour les gestes si précis de James Thierrée et de ses acolytes – si précis mais si peu circonstanciés qu'ils ne miment jamais une action univoque. Dans le monde de James Thierrée, il n'y a pas d'histoire ni d'abstraction, il y a des images décalées, oniriques, des bestioles étranges, des poutres métalliques qui ne résistent ni ne cèdent jamais là où on les attend, là où on les secoue, une couturière avec un abat-jour à franges en guise de chapeau chinois, une gymnaste araignée collante comme un morpion de compagnie, un lieutenant et une armée de jeunes filles intransigeantes et zélées, une machine à écrire et une à recoudre les lettre déchirées, des relations de cause à effet totalement désordonnées, un beau visage déterminé que je verrais bien faire la révolution en Amérique du Sud et un vieil homme qui commande à tout le monde sauf à son corps et qui finira enseveli par les sables mouvants du lino (pour avoir trop fumé de tabac et craché, rouge sang, ses poumons ?). <em>Il y a</em>, <em>il y a</em>, <em>il y a</em>, il y avait tant de saynètes drôles et furieuses qu'on ne les retrouvera pas toutes à moins de revoir ce spectacle à la couleur « à la fois noire et rutilante, où la nuit abat le jour (le mot « abat-jour » a d’ailleurs donné, par anagramme, le titreTabac rouge)<span style="color: #000000;"><span style="font-family: georgia;"><span style="font-size: 10pt;"><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a> </span></span></span>».</p><p style="text-align: right;">Mit @JoPrincesse (<a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2014/03/03/vapoteuse-cramoisie" target="_blank">Palpatine</a> s'est fait une séance de rattrapage en peu après)<br />À lire, une <a href="http://www.telerama.fr/scenes/james-thierree-tabac-rouge-evoque-ce-flottement-entre-le-theatre-et-la-danse,97158.php" target="_blank">interview</a> de l'artiste.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1</a> <a href="http://www.lestroiscoups.com/article-tabac-rouge-de-james-thierree-critique-theatre-de-la-ville-a-paris-118789949.html" target="_blank">« Au bord de l'ivresse »</a>, Lorène de Bonnay. Bien vu, aussi, vers la fin : « On assiste à une sorte de transe du clan autour de la machine miroitante, devenue un astre tournant truffé de miroirs brisés :on célèbre avec une joie dionysiaque le totem bientôt abattu ; et le roi finit englouti. »</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlGiselle fait le dos rondtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-01-06:29904682014-01-06T16:28:00+01:002014-01-06T16:28:00+01:00 La danse classique repose, aujourd'hui plus que jamais, sur les...
<p><br /><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Giselle-de-Mats-Ek_zps0d51450d.jpg" alt=" photo Giselle-de-Mats-Ek" width="90%" border="0" /></p><p> </p><p>La danse classique repose, aujourd'hui plus que jamais, sur les jambes, accompagnées, contrebalancées ou agrémentées par les bras. Le tronc, au milieu, même s'il s'épaule, est surtout là pour tenir l'ensemble, encaisser les levers de jambes en se cambrant et assurer la stabilité des équilibres. Tout est affaire de lignes, toujours plus étirées. Quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai découvert Mats Ek : pour ainsi dire tout passe par le dos ! Rien à voir avec les ondulations d'un Wayne McGregor, qui continuent de propager des lignes d'autant plus étirées qu'elles ont été ramassées avant d'exploser. <em>Carmen</em> ou <em>Giselle</em>, chez Mats Ek, tout est courbe : les bras de Giselle qui répliquent la trajectoire en cloche d'un saut, le désir qui la pousse à s'imbriquer contre le corps d'Albrecht, les gros œufs que les paysans traînent comme des meules de foin et qui font écho au rêve de ventre rond de Giselle, les haut-le-cœur de tout ce qu'elle refuse et vomit... Il y a quelque chose de reptilien, de viscéral dans ces dos ronds, comme dans les haricots et boyaux de Dali ; quelque chose d'inquiétant mais d'une force vitale extraordinaire. Peu importe que Giselle soit l'idiote du village, c'est elle qui a la pulsion de vie. À l'inverse, les lignes droites qui le restent trop longtemps sont de mauvais augure : c'est la raideur aristocratique et tranchante de Bathilde et des siens, qui va séparer Giselle d'Albrecht à la fin du premier acte ; c'est la vie détraquée des filles enfermées à l'asile, qui crient leur colère en grands jetés au second acte.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le découpage du ballet reprend en effet celui de la version originale, à la différence près que la scène de la folie mène à l'asile et non à l'au-delà des Willis – on s'y croise quand même comme des folles furieuses. La transposition est pertinente même si le final, où Albrecht se trouve mis à nu sans que l'on comprenne trop pourquoi, me fait trouver plus convaincant le premier acte. Mats Ek est d'autant plus fidèle à l'histoire qu'il s'est totalement approprié la musique, confiant par exemple à Hilarion le morceau de la variation de Giselle. La tentation de superposer les deux versions pour les comparer s'estompe vite et l'on se laisse aller en suivant le regard hallucinant de Giselle / Elsa Monguillot de Mirman, qui m'a rappelé l'interprète de Camille dans le <em>Rodin</em> de Boris Eifman – peut-être à cause de la thématique commune de l'asile ou de la puissance expressive des deux chorégraphes, quoique de style très différents. Il faut voir Giselle regarder tour à tour Albrecht et Bathilde, dans les bras l'un de l'autre, avant que tout se mette à tourner. Les yeux luisants de douleur, de colère et bientôt de folie, elle reste immobile tandis que le monde s'écroule autour d'elle. Bientôt, la camisole de force remplacera la corde avec laquelle Hilarion a tenté de la retenir près de lui (beauté et pitié d'un amour qui s'était résigné à aimer sans comprendre, et de son échec). La position d'attente dans laquelle se place à plusieurs reprises Giselle, jambes pliées, échine courbée, qui n'est que soumission à l'autorité d'Hilarion, devient soumission amoureuse au désir d'Albrecht. Et il faut voir sa joie aussi lorsqu'il la transporte à bout de bras du bord jusqu'à l'arrière-scène, les jambes en écart et les pieds flex de plaisir. Ce sont en tous cas les images que j'emporte, ravie d'avoir été placée au troisième rang, si près des corps en sueur et des visages de danseurs tous magnifiques (tant pis pour les auréoles de transpiration – revoir la matière du costume ?– et la proximité de l'enceinte qui m'a obligée à me boucher l'oreille gauche pendant un bon bout du spectacle).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Giselle-Ek-acte-II_zpsd65c2a29.jpg" alt=" photo Giselle-Ek-acte-II_zpsd65c2a29.jpg" border="0" /></p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="RIGHT">Mit Palpatine, Romain, le <a href="http://www.leschroniquesdunpetitratparisien.com/giselle-de-mats-ek-ballet-de-lyon/" target="_blank">Petit Rat</a> et <a href="http://www.impressionsdanse.com/2014/01/giselle-mats-ek-ballet-lyon.html" target="_blank">Impressions danse</a></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlDanse et cinématag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-12-22:29888422013-12-22T15:48:00+01:002013-12-22T15:48:00+01:00 Après une semi-éternité pour retrouver les vidéos présentées ou des...
<p>Après une semi-éternité pour retrouver les vidéos présentées ou des équivalents, voici le compte-rendu de la conférence de Sonia Schoonejans au théâtre de la Ville. À l'exception du premier paragraphe, tous les liens renvoient à des vidéos : faites péter les onglets et entrez dans la danse !</p><p> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">Identité, altérité, complémentarité</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">Une caractéristique essentielle de la danse est que le corps est présent. Son <em>hic et nunc</em>, qui fait partie de sa beauté, la différencie de l'image cinématographique, reproductible à loisir (tous en chœur : Walter Benjamin !). Mais danse et cinéma ont aussi nombre points communs, à commencer par le souci du rythme (du montage) et du mouvement (de la caméra), et chacun des deux arts a emprunté à l'autre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour le cinéma, la danse s'offre comme alternative au texte, qu'il s'agisse de faire passer une émotion ou de prendre le relai de la narration (en incarnant la musique dans les comédies musicales, notamment). Pour la danse, le film est à la fois un outil pour conserver sa mémoire (cf. <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/04/22/pina-en-3d.html" target="_blank"><em>Pina</em></a> de Wim Wenders) et accroître sa popularité (cf. les comédies musicales – et l'initiative récente des <em>lives</em> au cinéma, j'aurais envie d'ajouter). Filmée, la danse prend une nouvelle dimension s'il est vrai que « grâce au gros plan, c'est l'espace qui s'élargit ; grâce au ralenti, c'est le mouvement qui prend de nouvelles dimensions<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><sup>1</sup> » (j'ai tout de suite pensé à <a href="http://youtu.be/UaO7bS5Ky6M?t=2m22s" target="_blank">ce clip</a> de Polina Semionova). En retour, certains chorégraphes ont adopté des méthodes propres au montage : il y a chez Pina Bausch un travail qui ressemble au découpage cinématographique et Maguy Marin utilise des noirs entre ses tableaux (je vais croire Sonia sur parole parce que d'après <a href="http://ledestinduneprincesseaparis.tumblr.com/post/33633417672/facesdemaguymarin" target="_blank">JoPrincesse</a>, ce n'était pas beau à voir).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Partant de cette mini-analyse introductive, Sonia Schoonejans nous a brossé un petit historique des relations entre les deux arts, en une heure trente et quelques extraits vidéos.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><h2>Les débuts du cinéma</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">Les pionniers du cinéma avaient en commun une passion pour le mouvement. Loïe Fuller et ses imitatrices ont été parmi les premiers sujets filmés par <a href="http://youtu.be/2uizqdm14iw?t=2m20s" target="_blank">Edison</a> et les frères <a href="http://www.youtube.com/watch?v=YNZ4WCFJGPc" target="_blank">Lumière</a> – il faut dire que les danses serpentines rendent plutôt pas mal à l'écran. Cet attrait du mouvement a conduit à la constitution d'archives pour les danses traditionnelles, dont certaines ont aujourd'hui disparu. On compte dans le lot le premier documentaire sur la danse classique mais ce n'est pas le kiff du cinéma, qui se veut à ses débuts un art de l'image qui danse autant que sa mise en scène. C'est sûr que si on prend l'esthétique du <a href="http://www.youtube.com/watch?v=ZzvZoJdq34Y" target="_blank"><em>Cake-walk infernal</em></a> de Méliès (1903) comme référence... </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">Le cinéma muet et la danse moderne</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">L'accointance du cinéma et de la danse moderne s'explique aussi par leur apparition concomitante. La Denishawn, l'école de Ruth Saint Denis et Ted Shawn (d'où sont sortis Martha Graham, Charles Weidman, Doris Humphrey, José Limon et Louise Brooks – la danse moderne américaine, quoi), n'est pas bien loin des premiers studios de Hollywood. Le lien s'établit à partir du moment où Griffith en devient l'un des principaux réalisateurs. Ruth Saint Denis exerce un rôle de conseil et la collaboration danse moderne-cinéma devient intense, alors qu'à la même période, l'univers du ballet reste lointain. On n'a par exemple aucun film documentaire (d'époque, s'entend) sur Diaghilev, qui se méfiait de la caméra et a toujours refusé qu'elle entre au théâtre. Le refus pourrait être motivé par le boucan de la machine et le problème de post-synchronisation de la musique et de la danse.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">À la même époque, le muet n'empêche pas les cinéastes allemands ou d'origine allemande (comme Ernst Lubitsch) de tourner des scènes de danse. Fritz Lang fait ainsi danser une cabarettiste dans <em>Le Docteur Mabuse</em> (1922) et j'imagine qu'il y a aussi une scène de danse dans <em>La Rue sans joie</em> (1925) de Georg Wilhelm Pabst pour qu'il soit cité. Ce qui est certain, en revanche, c'est que sa <a href="http://youtu.be/E-g6XflXxqk?t=31s" target="_blank"><em>Loulou</em></a> (1929) est jouée par Louise Brooks, ancienne élève de la Denishawn passée par les Ziegfeld Follies. L'apprentissage de la danse donne une manière de bouger que n'ont pas les autres. Beaucoup de danseurs, de mimes et d'acrobates participent au cinéma muet, qui est un cinéma physique dans lequel les comédiens traditionnels ont plus de mal. Le cinéma burlesque, notamment, use de tout le langage du corps, lequel se trouve en constat déséquilibre chez <a href="http://www.youtube.com/watch?v=sSqxPteKLwI&feature=share&list=PLF4B1136D675CC9F2&index=57" target="_blank">Buster Keaton</a>. Quant à Charlie Chaplin, il arrive même à danser assis dans <a href="http://youtu.be/XZGHR7J1lUQ?t=34s" target="_blank"><em>The Gold Rush </em></a>(1925). Il paraît que <em>Cooks</em> comporte une parodie de la danse de Salomé, où la tête de Jean-Baptiste est remplacée par un chou-fleur, mais à défaut de le trouver, vous aurez <a href="http://youtu.be/STIYP2DE3P4?t=37s" target="_blank">l'extrait passé lors de la conférence</a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Tout cela a un petit côté <a href="http://youtu.be/s0BUnhc_Xzo?t=3m31s" target="_blank">Mickey Mouse</a>, vous ne trouvez pas ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">L'âge d'or des comédies musicales</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">Le passage au parlant ne se fait pas sans résistances (et la poésie du geste, alors ?) mais comment résister aux jambes de Cyd Charisse et aux envolées de Fred Astaire ? Adaptant les comédies musicales à succès de Broadway, Hollywood met en place son usine à rêve. Danse et musique sont alors le sujet du film, le moyen de faire avancer l'action ou une simple ornementation au goût du jour. Les chorégraphes sont invités à venir travailler à Hollywood. La balletomane pense rapidement à Jérôme Robbins pour <a href="http://www.youtube.com/watch?v=b2ClSABkDp8" target="_blank"><em>West Side Story</em></a> (1957 au théâtre, 1961 au cinéma) mais il s'avère que Balanchine également a travaillé pour les comédies musicales et le cinéma, fait que j'ignorais complètement. Les parcours sont assez variés, certains danseurs ou chorégraphes passant même à la réalisation.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est le cas de Busby Berkeley (années 1930-1960) qui, de son séjour parmi les militaires, retient les alignements et réalise de véritables kaléidoscopes humains. Quelque chose de nouveau arrive avec lui : la caméra, mouvante, rentre dans la danse avec dans vues aériennes plongeant sur des grappes de filles. Décors, plateaux tournants à différents niveaux et miroirs démultiplient les effets, de sorte que le point central n'est plus le corps des danseurs mais l'œil de la caméra et donc du public. Je ne connaissais pas et dois dire que c'est <a href="http://youtu.be/kIO9y1xMPIA?t=7s" target="_blank">assez impressionnant</a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Fred Astaire, au contraire, souhaite replacer la danse au centre, qu'elle ne soit pas un simple motif mais fasse avancer l'action. Sa seule exigence est donc de décider où placer la caméra dans les scènes de danse, de manière à ce qu'elle soit le moins mouvante possible et ne prenne pas le premier rôle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour une caméra dansante, il faudra attendre un peu et aller voir du côté de Bob Fosse avec <a href="http://www.youtube.com/watch?v=zKiXIaBSC9E" target="_blank"><em>All that jazz</em></a> (1979) ou <em>Sweet Charity</em> (1969), le film à l'origine de la comédie musicale (bouclant la boucle de l'inspiration).</p><p style="margin-bottom: 0cm; padding-left: 30px;">Et, pour le plaisir du <em>who's who</em>...</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Gene Kelly est à Fred Astaire ce que Fanny Elssler est à Marie Taglioni. À la danse aérienne de Fred Astaire, il oppose une danse plus athlétique, plus sportive, ancrée dans le sol – ce qui n'empêche aucunement la poésie, comme vous pouvez le vérifier dans cette séquence de<a href="http://www.youtube.com/watch?v=jr7-qi7JRtc" target="_blank"><em> Cover girl</em></a> (1944), où il danse en duo avec... lui-même.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Jack Cole, ex-élève de la Denishawn, est considéré comme le père de la danse jazz à Broadway. Si, comme moi, vous croyez ne pas le connaître, sachez qu'il a chorégraphié l'apparition de Rita Hayworth dans <a href="http://youtu.be/NY2IpSCV-Nk?t=6s" target="_blank"><em>Gilda </em></a>(1946) et <a href="http://www.youtube.com/watch?v=pRMzuYZyixY" target="_blank"><em>Diamonds are a girl's best friend</em></a> (1953) pour Marilyn Monroe.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans la catégorie des célèbres inconnus, nous avons également Marc Breaux et Dee Dee Wood, travaillant en couple pour <a href="http://youtu.be/rZbimoK9q5c?t=31s" target="_blank"><em>Mary Poppins</em></a> ou <em>La Mélodie du bonheur</em>. Les balletomanes retiendront le nom de Herbert David Ross, entre autres acteur, chorégraphe et mari d'une étoile de l'ABT, comme le réalisateur de <em>The Turning point</em> (1977 ), dans lequel danse Baryshnikov. Après avoir vu <a href="http://www.youtube.com/watch?v=R2sUO3IeoJI" target="_blank">le trailer</a>, qui vend du rêve, vous pourrez vous rincer l'œil avec <em><a href="http://www.youtube.com/watch?v=ImzkWZkaIIM" target="_blank">White Nights</a>.</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">Et après ?</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans les années 1960-1970, l'épopée de la comédie musicale semble se terminer. En 1979, Miloš Forman adapte la comédie musicale <em>Hair</em> mais l'usine à rêve à vécu : le ton est plus désabusé, désenchanté ; la télévision commence à concurrencer le ciné... Cela n'empêche pas le genre d'être un succès de temps à autres :<em> Saturday Night Fever</em> en 1977, <a href="http://www.youtube.com/watch?v=wK63eUyk-iM" target="_blank"><em>Grease</em></a> en 1978, et, plus récemment, <em>Moulin rouge</em> (2001) ou <a href="http://youtu.be/wgi2967f2RI?t=1m44s" target="_blank"><em>Nine</em></a> (2009). En France, le genre n'a jamais vraiment pris, à l'exception notable de Jacques Demy qui revisite avec tendresse la comédie musicale (<em>Les Parapluies de Cherbourg</em>, 1964 ; <em><a href="http://www.youtube.com/watch?v=Cy-DsjxgV2s" target="_blank">Les Demoiselles de Rochefort</a>,</em> 1967).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour trouver de la danse au cinéma, il faut soit se tourner vers d'autres genres soit vers d'autres horizons. Par exemple, on observera dans les westerns comment la danse des Indiens évolue du signe de sauvagerie à celui d'une culture propre (cf. <em>Danse avec les loups</em>, 1990). Puis pour un nouveau shoot de comédie musicale façon clip, direction Bollywood. Les studios sont plus vieux qu'on ne le croit : le premier film, muet, sort en 1913 ! La tradition indienne liant chants, danse et musique, c'est tout naturellement que le pays est venu à la comédie musicale, agrégeant toutes les modes à la danse indienne proprement dite, dans un melting-pot chorégraphique joyeusement kitsch. La censure de toute scène à caractère sexuel a pas mal encouragé le recours aux scènes dansées, qui font passer beaucoup de choses sur un mode onirique (c'est pas moi, c'est moi inconscient, d'abord). L'importance de ces scènes est telle qu'elles sont filmées par une équipe spéciale et les chorégraphes-réalisateurs sont en Inde de véritables vedettes. Et puis, moins connu que Bollywood : <em>Hollywood on the Nil</em>. Le cinéma égyptien s'est lui aussi frotté à la comédie musicale dans les années 1940-1960.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">Tout une gamme d'émotions</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est la partie thématique que Sonia Schoonejans n'a pas vraiment eu le temps d'aborder, à cause d'un quiproquo avec la salle et l'équipe technique – en fait de deux heures, il n'y avait qu'une heure et demie de prévue (ça craint un peu quand la conférencière a vingt-cinq minutes d'extraits à montrer à un public qui a payé sa place – peu cher, certes mais tout de même, c'est dommage). Les pistes données à toutes vitesse comportent, en vrac : la scène de bal de <a href="http://www.youtube.com/watch?v=cn9ifIhCIhg" target="_blank"><em>Fisher King</em></a> où la danse est une métaphore du coup de foudre (les Jane Austiniennes et les fans de comédies sentimentales trouveront pleins d'autres scènes de bal très pertinentes, je n'en doute pas) ; <em>Le Bal</em>, d'Ettore Scola, où la danse se fait le miroir d'époques successives à travers un dancing du Front populaire aux années 1980 ; <em>On achève bien les chevaux</em>, où une certaine violence sociale prend corps ; <em>Pulp Fiction</em>, où la danse est le signal d'une violence physique à venir. Dans la débandade de la prise de notes, j'ai pris le temps de me faire un warning :<em> Charles Atlas à éviter absolument</em>. On ne sait jamais, ça peut toujours servir.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Sur ce, je vous laisse vous perdre dans les méandres de Wikipédia et YouTube. N'hésitez pas à poster les perles que vous trouverez, à l'image de cette rencontre improbable entre <a href="http://www.youtube.com/watch?v=JliBeJ9UZzo" target="_blank">Méliès et le gangnam style</a>.</p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>1 Walter Benjamin, <em>L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique</em></p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlPartita 2 en 3tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-12-04:29868472013-12-04T19:22:00+01:002013-12-04T19:22:00+01:00 Partita 2 , comme son nom ne l'indique pas, est en trois parties : la...
<p><em>Partita 2</em>, comme son nom ne l'indique pas, est en trois parties : la musique de Bach jouée dans l'obscurité par Amandine Beyer, le duo de Boris Charmatz et Anne Teresa De Keersmaeker dansé dans le silence et les deux, enfin, réunis. Sur le moment, cela paraît moins schématique que ça. En l'absence de lumière qui s'allume, on met un certain temps à comprendre que ce qu'on a pris pour le prologue est en réalité une partie entière du spectacle. La présence de quelques ninjas de Pleyel ou de l'Opéra aperçus par Palpatine prend alors son sens ; pour les spectateurs du théâtre de la Ville, venus voir de la danse, en revanche, c'est un peu comme si le spectacle n'avait pas encore commencé : ça s'agite dans tous les sens, ajuste son manteau, finit de ranger son sac et tousse à qui mieux mieux miasmes... Petit à petit, ça se calme, l'œil s'habitue à l'obscurité et la musique rigole sur une cascade de têtes faiblement éclairées par la signalétique des issues de secours, créant pour chacun une auréole de quelques cheveux fous. Alors qu'à Pleyel, la musique de Bach fait apparaître les espaces vides de la salle et y circule comme la lumière des vitraux à l'intérieur d'une cathédrale, nous rapprochant ainsi un peu du passé, elle résonance moins au théâtre de la Ville, se heurte à la masse des corps, confinée dans la chaleur. J'attrape quand même le bras de Palpatine au cas où Bach m'entrainerait dans ses montagnes russes émotionnelles mais en réalité c'est surtout parce que ses fringues sont douces et qu'il n'y a rien à voir que je risquerais de louper en posant ma tête sur son épaule. On est bien, on s'endormirait presque quand la violoniste arrête soudain de jouer et sort de scène. Ah bah, au revoir.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les deux danseurs rentrent alors dans la pénombre : les cônes et bâtonnets de votre rétine se font des politesses, c'est un peu usant. Heureusement, le jour se lève plus vite que dans <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/05/20/cesena.html" target="_blank"><em>Cesena </em></a>; malheureusement, la poésie de l'aurore est oubliée. Les deux danseurs marchent, courent, sautent et dansent sur une espèce de rosace dessinée au sol, qui promet un joli bouquet de trajectoires et ne tient qu'à moitié ses promesses – dans le terme de <em>rosace</em>, que tout le monde a tout de suite adopté sans s'en rendre compte, affleure le parfum un peu fané de <em>Rosas danst Rosas</em>. Il y a bien des gestes qui me font sourire mais dans l'ensemble, je regrette Bach.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On s'ennuie tranquillement jusqu'à ce que les danseurs partent, à la suite d'une dizaine de spectateurs lassés, et reviennent avec la violoniste. Comme la superposition des calques sur Photoshop, celle de la danse et la musique fait apparaître les formes ; on ouvre l'œil. Les mouvements trouvent enfin leur raison d'être, ne serait-ce que par la répétition : lorsqu'on s'aperçoit qu'on les a déjà vus, qu'on reconnaît les premiers, on se met à attendre les suivants, à l'identique. Il ne peut en être autrement puisque tout a déjà eu lieu. La musique ne fait que mettre en relief les pics de jubilation, où l'envie de sauter l'emporte sur le bruit que feront les baskets à la réception. Mais en dehors de ces moments qui me faisaient déjà sourire, j'ai du mal à suivre Keersmaeker qui semble volontairement laisser de côté des accents par lesquels je me serais laissée emporter avec joie. J'essaye d'entendre la musique comme elle la danse et finit non sans mal par deviner une espèce de ligne sous le flot des notes, presque inexistante à force de constance – le silence de la musique, comme il y a le silence de la mer (en termes musicaux : la basse). En suivant cette ligne musicale, tracée à la craie, la danse très mesurée de Keersmaeker installe un rythme qui laisse la place à l'écoute, comme celui de la marche laisse place à la réflexion. Il y a quelques années, j'aurais peut-être apprécié qu'on m'entraîne vers la musique par le corps. Mais depuis, j'ai appris à l'écouter (assise, avec mon imagination propre) et <em>Partita 2</em> est trop humble (ou trop mathématique<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><sup style="font-size: 70%;">1</sup> ?) pour me la faire entendre autrement et renouveler l'image que je m'en suis faite. Elle ne fait qu'en proclamer la suprématie par une danse toujours à la limite de la redondance.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" style="font-size: 75%;" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>1 « Ce qui m'intéresse, c'est que […] la danse permette de visualiser la structure de la partition, ses fondations. » A. T. D. K., citée dans le programme.</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlI can't stand this odd womantag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-11-15:29846602013-11-15T18:11:00+01:002013-11-15T18:11:00+01:00 Wilson. Baryshnikov. The Old Woman est vraiment le spectacle pour lequel...
<p>Wilson. Baryshnikov. <em>The Old Woman </em>est vraiment le spectacle pour lequel j'ai réservé les yeux fermés. Le problème, c'est que j'ai presque dû les garder ainsi <em>pendant</em> le spectacle lui-même. Au sortir de la pièce, voici quelques préceptes / conseils / demandes / suppliques / exigences que je souhaiterais transmettre tout ensemble aux metteurs en scène, régisseurs et programmateurs.</p><p> </p><p><strong>Différents angles de vue tu testeras</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Un spectacle est fait pour des spectateurs. Cette tautologie implique que la pièce ne soit pas uniquement réglée pour la vingtaine de personnes centrées, sur le siège d'une desquelles le metteur en scène s'est assis pour les répétitions – d'où la nécessité, cher metteur en scène, de voyager dans la salle pour adopter différents angles de vue sur votre travail. C'est indispensable dans les salles à l'italienne, où la visibilité est toujours un sujet sensible, mais aussi dans les salles plus récentes de type auditorium. Repérer les principaux écueils (tournant dans le fer à cheval qui fait manquer le jeu des entrées et sorties de coulisses pour la moitié de la salle, piliers particulièrement mal placés et nombreux, balcon trop avancé qui masque la visibilité des surtitres et étouffe le son, feuille d'acanthe sur le trajet de l'œil...) devrait permettre de limiter les dégâts, en adaptant ce qui peut l'être.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il aurait été très facile, en l'occurrence, de supprimer les néons figurant les feux de la rampe ou de baisser sensiblement leur luminosité, de manière à ce qu'ils n'aveuglent pas les cinq premiers rangs – ou, si cela tient à cœur au metteur en scène, de condamner lesdits cinq premiers rangs. Encore aurait-il fallu pour cela que le metteur en scène et/ou le régisseur s'y assoie un moment, pour évaluer la gêne de cette barrière lumineuse. Je ne vous raconte pas le plaisir que c'est quand on porte en plus des lunettes : la lumière s'étire verticalement sur les verres pour vous flinguer les yeux en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. J'ai essayé de mettre mon écharpe devant en paravant mais cela n'a pas été très concluant (sans compter que cela cachait les pieds de Baryshnikov et ça, c'est une hérésie pour une balletomane, même lorsqu'il a enfilé sa casquette de comédien). J'ai fini par adopter la technique d'une dame devant moi, qui tenait son programme devant ses yeux comme une Espagnole son éventail. Ah, oh, ces belles lumières de Wilson sur lesquelles on peut enfin se concentrer !</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Mollo sur la sono tu iras</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Un dilemme ne tarde pas à se présenter : tenir le programme pour préserver ses yeux ou se boucher les oreilles pour atténuer les cris et les bruits métalliques, qui ponctuent chaque changement au sein de la scène ? Drôle d'idée tout de même que de sonoriser des comédiens dont la partition comprend un certain nombre de passages où ils hurlent à gorge déployée. Le recours à la technique devrait au contraire permettre de maîtriser le son, de l'amplifier pour conserver la texture des murmures en rendant les paroles intelligibles (mission accomplie) et de le rendre supportable lorsque la voix donne son maximum (échec complet). Ce qui sauve à peu près de la surdité, c'est que chaque scène fonctionne par répétition d'une séquence de paroles, d'actions et de bruitages, qui permettent, après le coup initial, d'anticiper un minimum les impacts sonores à venir.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>L'absurde (ironie) tu poétiseras</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Répétitions et rupture sont en effet, dans cette pièce, les deux composantes de l'absurde. Les scènes s'enchaînent sans transition, abruptes comme les meubles stylisés qui parsèment la scène et les changements de lumières. Au tranchant de la mise en scène répond un texte curieusement flou de Daniil Kharms, flasque comme une vieille peau. Les répétitions des deux comédiens, qui commencent perchés sur une planche et finissent avec des becs de perroquet sur la tête, hésitent entre l'anaphore poétique et le radotage d'une petite vieille. En émerge peu à peu l'histoire, bien arrosée de vodka, d'un homme qui trouve un cadavre chez lui : il ne sait que faire de cette vieille dame morte, terrifiante (et encombrante lorsqu'on veut y amener une dame bien vivante). La peur de la vieillesse, l'horreur de la mort et l'incompréhensibilité de la vie se figent dans le rire jaune d'un mime, cruel d'indifférence, dont la tristesse a par contrecoup quelque chose de réconfortant. Autant que peut l'être un clown, c'est-à-dire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Les clowns tu signaleras</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Comme on signale les scènes de sexe ou de violence dans les films, on devrait indiquer que <em>cette pièce contient des scènes de clowns</em>. Les clowns ne m'ont jamais fait rire. Ils ne m'ont jamais fait pleurer non plus. La seule émotion qu'ils suscitent en moi est l'exaspération (peut-être leur en veux-je d'une indécision des sentiments qui est aussi mienne). À chaque fois que les tooneries de Baryshnikov sont sur le point de me faire sourire ou les traits et l'articulation de Willem Dafoe sur le point de m'émouvoir, le clown ressurgit à travers leur visage grimé et leurs cheveux grisés, crispe l'instant qui devient instantanément sa propre parodie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pourtant, on a affaire à deux comédiens extraordinaires. Baryshnikov ne sait pas faire un mouvement qui ne soit un geste, dense de présence, tandis que son acolyte conserve une voix grave même dans l'aigu, lourde de vécu (la légèreté est dans la parole du premier et dans la gestuelle du second, comme si chacun était plus enthousiaste de ce qu'il connaissait moins). Les plis de leur visage, qui, accentués par le maquillage, deviennent bien autre chose que des rides, me fascinent – en particulier les simili-ouïes de la mâchoire de Willem Dafoe<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><sup style="font-size: 12px;">1</sup>, comme si toute la pièce prenait vie et respirait par là.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>De la conclusion, bonne note tu prendras</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le propre de l'art est de rendre <em>intranquille</em> (un jour, je lirai Pessoa et je m'apercevrai que j'emploie complètement de travers ce mot que j'adore), de désarçonner le lecteur, le spectateur ou l'auditeur (peu importe), loin de ses habitudes de pensée. Mais que l'art nous mette dans l'inconfort ne signifie pas qu'il doit agresser nos sens ; ce n'est pas parce que le spectacle est inconfortable qu'il dérange nos <em>a priori</em>. Que le théâtre s'occupe du sens propre de l'inconfort et le spectateur pourra se soucier du sens figuré !</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right; font-size: 14px;">Une belle chronique et de belles photos chez <a href="http://fomalhaut.over-blog.org/article-the-old-woman-kharms-wilson-theatre-de-la-ville-121028791.html" target="_blank">Fomalhaut</a>. </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote" style="font-size: 14px;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>1 J'y suis ! C'est le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Willem_Dafoe" target="_blank">Bouffon vert</a> de <em>Spider-Man</em> ! </p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlWang et Ramirez : Borderlinetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-11-01:29829712013-11-01T00:32:00+01:002013-11-01T00:32:00+01:00 Il ne faut pas nous faire peur comme ça, cher théâtre de la Ville. En lisant...
<p>Il ne faut pas nous faire peur comme ça, cher théâtre de la Ville. En lisant le programme avant la représentation, Palpatine et moi nous demandons si nous avons bien fait de faire le déplacement jusqu'aux Abbesses. Il y est question de pièce politique, qui questionne la ligne de partage entre inclusion et exclusion, en mêlant à la danse les témoignages de personnes en marge de la société. Typiquement le genre de sombres et bons sentiments qui me fait fuir. À le voir comme un simple rappel de la distribution, on finit par oublier pourquoi le bout de papier qui présente le spectacle s'appelle un <em>programme</em>. Heureusement, la danse est souvent à la fois en deçà et au-delà du programme affiché, censé donner une grille de lecture à ceux qui ne sauraient pas comment l'aborder autrement : le mouvement réintroduit la polysémie et offre au spectateur la possibilité d'interpréter ce qu'il voit comme il l'entend. Le premier tableau me rassure : j'ai eu raison de <a href="http://www.youtube.com/watch?v=-pf9lI-yN8I" target="_blank">faire confiance à YouTube</a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Attachées à un filin, deux filles se livrent bataille pour atteindre une structure métallique en avant-scène mais les efforts de l'une entravent toujours celle de l'autre, qui se trouve alors éjectée en arrière de manière assez spectaculaire, un peu comme dans un film de kung-fu (ou alors c'est le chignon dressé sur la tête de la danseuse coréenne qui m'y fait penser). La compétition est violente, quasi animale par moments, mais laisse aussi deviner l'humour qui traversera de part en part le spectacle, notamment grâce à des positions improbables qui défient les lois de la gravité. Bien que <em>Borderline</em> soit constitué d'une suite de tableaux aux tons assez variés, le premier introduit un certain nombre d'éléments récurrents qui donnent au spectacle sa cohérence.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Poids et contrepoids</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'avancée des deux danseuses sur le mode des vases communiquant introduit l'usage brillant qui est fait des poids et contrepoids. Le plus frappant est la diagonale traversée par deux danseurs épaule contre épaule ; leur corps est aussi incliné que celui des filles mais ils ne ne sont retenus par aucun baudrier. Leur seul appui est leur partenaire, ce qui donne à cette traversée une allure lunaire, les corps comme en apesanteur. Par la suite, poids et contrepoids sont utilisés de manière beaucoup plus dynamique, plus athlétique. Le poids des corps se décale, offrant une liberté de mouvement aussi brève qu'extraordinaire : pour se compenser, les déséquilibres doivent être rattrapés très rapidement, à la volée ; les muscles se contractent pour rapprocher de soi le poids de l'autre et se relâchent avec une grande vivacité pour changer d'appui. Dans ces conditions, exit le pas de deux mixte : le duo de base est unisexe, pour un poids, une taille et une musculature équivalent. Pour le plus grand plaisir de la balletomane : par la tension qu'ils mettent en jeu, ces duos d'homme sont proprement électrisants – sans même parler des abdominaux en béton indispensables pour sans cesse rétablir son équilibre, dont on a la délicieuse confirmation visuelle à la fin.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Home sweet cage</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Deux structures métalliques cubiques, dont une face comporte des barreaux : simple mais efficace. La case dans laquelle les deux filles essayaient de rentrer sert tour à tour d'abri, de cage, de prison et de chez soi. Lorsque la danseuse coréenne parvient à s'y introduire, elle y trouve de quoi se confectionner une tenue moins occidentale et sa danse, mi-break mi-contemporaine, se métisse de gestes traditionnels.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Lorsque l'autre danseuse s'y heurte, en revanche, alors que les quatre autres danseurs la traversent sans problème, loin d'y trouver sa place, elle s'y retrouve enfermée. Le solo qui s'ensuit est assez ahurissant – et un peu dérangeant, il faut bien le dire : dans le silence, où l'on n'entend que son souffle apeuré, agitée de spasmes, la danseuse semble se battre contre elle-même. Son bras ou ses jambes, jamais loin de déclarer leur autonomie, l'ébranlent sans cesse dans de nouvelles secousses et la lutte l'entraîne à la limite de la folie – apaisée seulement par le bercement de l'autre danseuse.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Plus tard, dans une synthèse qui dépasse la dichotomie intérieur/extérieur (déclinée sur le thème inclus/exclu avec la première danseuse, enfermé/libre avec la seconde), un danseur-funambule marche au-dessus de la structure, affranchi de cette roue cubique de souris, et la fait bouger de l'intérieur comme un partenaire de pas de deux, sur lequel il prend appui pour mieux le repousser.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On voit aisément à partir de là comment se construit l'interprétation sociétale qui m'avait un peu effrayée dans le programme, parce qu'on n'y devinait pas la relation concrète à autrui, qui fait de l'individu autre chose qu'un simple représentant de la société.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Plaisanterie à la marge</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ce que le programme ne laissait pas non plus deviner, c'est que l'humour viendrait faire contrepoids à une thématique engagée, de ce fait jamais moralisante. Présent par touches discrètes tout du long, il ouvre une parenthèse comique au milieu de la pièce : ce sont d'abord les deux filles qui débarquent en talons aiguilles et plateformes, hanches hyper en avant, bras très en arrière, dans une attitude qui tient à la fois du mannequin et du sumo, pour un duel endiablé. <em>Deux filles qui font du breakdance en talons, je suis sûre que sur YouTube, ça ferait des millions de vues !</em> commente un des mecs, perché sur le bord de la structure comme un glandeur sur un banc, avant de se mettre à raconter une histoire à base de bol de riz qui se conserve plus ou moins longtemps selon que tu lui as déclaré ton amour ou ton indifférence. <em>L'indifférence tue !</em> finit-il par hurler, alors que son pote enchaîne négligemment des figures à couper le souffle, pour passer le temps. Okay.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>La sylphide en breakdance</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Câbles et baudriers permettent plus que jamais de flirter avec l'interdit de voler. Peut-être est-ce là l'impression que <em>La Sylphide</em> avait fait sur les spectateurs de l'époque. Seulement, débarrassés de la maladresse des danseuses, crispées de se faire trimballer, immobiles, à une dizaine de mètres du sol dans une chorégraphie qui nie l'artifice pourtant visible, les danseurs harnachés de baudrier usent de toute la technique au sol du breakdance pour rebondir et repartir de plus belle. Pas plus que la poussée au sol, le manipulateur des cordes (gréeur dans le programme, assureur en escalade) n'est caché ; il passe de temps à autre sur scène pour détacher un danseur. Dans le dernier tableau, il est y carrément installé, grimpant sur les structures métalliques lorsque la longueur de la corde l'exige.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le programme parle de manipulation, passant de la marionnette aux dieux grecs. Il y a quelque chose de cet ordre-là dans l'interaction des danseurs, notamment dans un combat deux contre un, lequel se fait rou(l)er de coups à distance (on pense toujours aux pas de deux amoureux mais il y aurait une anthologie des duels à faire dans la danse classique et moins classique, pour rendre compte pleinement du rapport à l'autre et à son corps). Le reste du temps, je préfère y penser comme maniement plutôt que comme manipulation : c'est la main de la danseuse sur l'épaule de l'autre, pour faire plier son anxiété ; c'est la main du danseur qui parcourt ses corps pour réveiller et ordonner ses muscles un par un ; c'est la main du gréeur, ganté comme s'il manigançait quelque chose, main de maître qui œuvre à la beauté du dernier pas de deux, dans lequel l'homme à terre et la femme dans les airs composent avec les aléas de la lévitation bien plus qu'ils ne les subissent. Wang devient une sylphide de chair et de sang, qui se retient au torse qu'elle enlace, s'en éloigne et s'y rattrape dans un mouvement de balancier propre au désir. On croirait voir incarnées les boules de feu du spectacle de marionnettes chinoises !</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Saluts sous forme de mini-<em>battle</em>. Surprise et plaisir : c'est bon de se rappeler pourquoi on va voir des spectacles de danse ! Le meilleur de la saison pour le moment...</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlMum au théâtre de la Villetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-10-29:29826762013-10-29T14:11:43+01:002013-10-29T14:11:43+01:00 Le tout-Twitter ayant boudé ma place pour le premier programme de Trisha...
<p><em>Le tout-Twitter ayant boudé ma place pour le premier programme de Trisha Brown, c'est Mum qui l'a récupérée. Le théâtre de la Ville, c'est un peu comme Leader Price : on y trouve le meilleur comme le pire. Je pensais sincèrement qu'on serait plus au niveau de la tarte aux poires que des saucisses en plastique mais Mum a eu le droit à </em>the<em> théâtre de la Ville </em>full experience<em><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><sup>1</sup>. En lisant les réactions à chaud depuis Édimbourg, j'ai crains un instant de me faire déshériter mais c'était sans compter sur le second degré maternel, qui m'a bien fait rire à mon retour. Vous n'étiez malheureusement pas dans mon salon lorsque j'ai eu le droit à une démonstration des ellipses à petite foulée en marche arrière et de l'expression un brin constipée du mec qui fait tellement bien le piquet qu'il pourrait devenir garde de la reine d'Angleterre sans entraînement supplémentaire, aussi ai-je demandé à la principale intéressée (Mum, pas la reine d'Angleterre) de nous en faire un petit compte-rendu...</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Théâtre de la Ville... Trisha Brown... Je ne connaissais ni l'un ni l'autre, alors pourquoi pas !!</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le théâtre est somme toute moche, style théâtre de banlieue, très peuple et au fur et à mesure qu'il se remplit très branchouille intello. Mais – et ça c'est chouette –, confortable : pour une fois, j' étais bien assise, la clim ne pas amenée à maudire la terre entière et la sono ne m'a pas détruit les oreilles que j'ai très fragiles (quoique ce qu'elle diffusait aurait pu mais on y reviendra !!).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le rideau s'est levé sur la première séquence. Deux danseurs faisaient le planton de dos à droite de la scène. Ils sont restés comme cela tout le temps : ils devaient s'emmerder grave !! Une jeune femme un peu ronde s'est mise à courir à reculons en formant des ellipses parfaites avec par moments quelques petits pas accélérés... J'ai essayé de trouver un lien avec la musique (n'y avait-il pas par moments des bruits de train à vapeur ? Peut-être mimait-elle une envie de s'évader, freinée par je ne sais quelle angoisse ?). Enfin, quand je parle de musique c'était plutôt une espèce de bouillie mélangeant mélodies et bruits divers. Très joli.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">J'ai donc cessé d'essayer de comprendre quoi que ce soit et ai regardé les corps que j'avais devant moi ou plutôt leurs académiques décolorés aux endroits où l'on transpire naturellement : le long de la colonne vertébrale, sous les seins, sous les bras... Bref, je me suis dit qu'au moins ils auraient pu investir dans des académiques décents d'autant que la couleur carotte-potiron trop cuite n'était pas spécialement seyante.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Quand la deuxième séquence a commencé, j'ai freiné derechef un fou rire, enviant presque les quelques personnes qui étaient parties à la fin de la première séquence après des applaudissements très mous. Une femme d'un certain âge, pour ne pas dire d'un âge certain, quoique très bien faite, se tenait seule au milieu de la scène, une caméra en guise de sac à dos, caméra qui diffusait le film de la même femme faisant à peu près les mêmes gestes. Je dis à peu près car il était de toute façon impossible de suivre correctement puisque la gente dame sautillait et se tortillait puis se retournait aveuglant sur le passage du faisceau les spectateurs qui avaient le malheur d'être dans son rayon (dont moi)...</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Heureusement que j'ai entendu une ouvreuse dire que cela durait 6 minutes avant un entracte de 15 minutes sinon je crois que j'aurais abdiqué.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La dernière séquence m'a réconcilié avec la danse contemporaine, les académiques qui moulent l'intimité des danseurs et Trisha Brown : des enchaînements magnifiques, acrobatiques, un emmêlement des corps harmonieux et étonnant !! Seul bémol (c'est le cas de le dire) : pas de musique, juste une espèce de sirène qui se déclenchait par intermittence et qui faisait fortement apprécier le silence qui suivait même si avec ça, je me disais que les danseurs devaient passer leur temps à compter !! Enfin, dernière petite bizarrerie : faisait partie du ballet (où deux jeunes femmes magnifiques dépassaient d'une tête tous les danseurs) un danseur un peu décharné mais avec des grosses cuisses et un fessier trop musclé, un peu raide même si techniquement il n'y avait rien à dire, bref un type que j'aurais plus vu dans une brasserie avec un grand tablier que sur une scène... Au moins, pensais-je, chacun peut avoir sa chance avec Trisha !!</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-size: 11px;"> </span></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><span style="font-size: 13px;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>1Expression piquée sans vergogne à Andréa, qui m'a beaucoup fait rire avec son tweet : « Ca sent l'herbe dans le RER. C'est un peu the banlieue full experience. »</span></p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLiving drumstag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-06-01:29662202013-06-01T09:50:00+02:002013-06-01T09:50:00+02:00 Photo d'Herman Sorgeloos Anna Teresa de Keermaeker,...
<p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Drumming-Live-Herman-Sorgeloos_zps6630c9e5.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Drumming-Live-Herman-Sorgeloos_zps6630c9e5.jpg" alt=" photo Drumming Live" width="90%" border="0" /></a></p><p style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Photo d'Herman Sorgeloos </span></p><p>Anna Teresa de Keermaeker, deuxième round. Une fois installée, j'ai à peine le temps de remarquer que le tapis de sol est orange, à l'exception d'un lai noir, traversé par les branches d'une étoile elle aussi orange, et de déglutir ma dernière bouchée de sandwich au poulet qu'un coup de percussion déclenche lumière et mouvement. Le coup d'envoi est donné : la force d'inertie jouera cette fois-ci en notre faveur, perpétuant, ô joie céleste, le mouvement en continu.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les percussions jouées en live au fond de la scène, qui tantôt martèlent, tantôt tintinnabulent, ainsi que les trajectoires nébuleuses mais néanmoins décidées des danseurs me font penser à Alban Richard – à moins que ce ne soit l'étoile au sol, comme tombée de sa <em>Pléiade</em>. Heureusement, la chorégraphie est mâtinée de Trisha Brown : sans atteindre cette qualité de rebond qui donne l'impression que la pièce est d'un seul tenant, parcourue d'un seul et même mouvement, la danse d'Anna Teresa de Keersmaeker est animée d'une semblable énergie. On y court, on y saute, comme pris du besoin impérieux de courir, de sauter, et on court et on saute, inépuisable, car la joie qui en naît fait encore courir, fait encore sauter.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les corps ne se touchent pas tout de suite mais ils cherchent et soutiennent le regard avant de s'emboîter le pas – le regard décidé d'une gymnaste sur le point de s'élancer dans une diagonale, la connivence en plus. On attendrait des collisions et l'on est surpris ça et là par une rencontre : un danseur qui en déplace un autre d'un bond, tous deux avec leur force d'homme, ou une petite robe argentée, soulevée jusqu'à la naissance des cuisses, soulevée jusqu'à faire voltiger les longs cheveux noirs...</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Drumming live</em> n'est pas une révélation mais c'est une bonne soirée, sous le signe du soulagement : lorsque le lai étoilé, lancé par un danseur, se retrouve subitement en rouleau sous le pied d'un autre et que les lumières ont été éteintes d'un coup de percussion, je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer. Collants, T-shirt et sac orange, j'étais en phase, sûrement. </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/05/30/ATDK-percutee" target="_blank">Palpatine</a></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlUne saison au théâtre de la Ville ?tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-05-27:29656002013-05-27T21:18:00+02:002013-05-27T21:18:00+02:00 Le public du théâtre de la Ville n'a pas grand-chose à voir avec celui des...
<p>Le public du théâtre de la Ville n'a pas grand-chose à voir avec celui des autres théâtres et on y croise bien peu de balletomanes quand le tiers de la programmation est étiqueté danse. C'est que ce théâtre est à la culture ce que Leader price est à l'alimentation : on y trouve le meilleur comme le pire, à des prix raisonnables. La tradition veut que l'on goûte avant de dire que l'on n'aime pas. Cependant, si vous voulez éviter de faire grincer votre siège en partant au milieu de la représentation (également une tradition du théâtre de la Ville), voilà quelques conseils profilés. Attention, le premier qui me parle du public au pluriel verra son adresse IP bannie de ce blog.</p><p> </p><p>Pina Bausch :<br />♣ c'est un film en 3D.<br />♥ c'est<em> Le Sacre du printemps</em>.<br />♦ c'est <em>1980</em>.</p><p> </p><p>Jérôme Bel :<br />♦ vous avez particulièrement aimé <em><a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/12/23/qu-est-ce-qu-un-danseur-contemporain.html" target="_blank">Cédric Andrieux</a></em>.<br />♣ ce nom vous dit quelque chose, ou peut-être pas.<br />♥ ce n'était pas le chorégraphe de Véronique Doisneau ?</p><p> </p><p>Vous avez :<br />♣ une bonne vue, fût-elle corrigée.<br />♦ des lunettes.<br />♥ des jumelles.</p><p> </p><p>La dernière pièce de théâtre que vous avez vue était :<br />♥ probablement un Molière ou un Racine.<br />♣ d'un auteur russe.<br />♦ politisée ou transdisciplinaire.</p><p> </p><p>Le cirque :<br />♦ pourquoi pas au théâtre ?<br />♣ celui du Soleil a été une belle découverte.<br />♥ vous vous souvenez des contorsionnistes et des chevaux.</p><p> </p><p>Millepied est :<br />♥ le futur directeur de l'Opéra de Paris.<br />♣le mari de Natalie Portman.<br />♦ le cadet de vos soucis.</p><p> </p><p>Votre journal favori :<br />♦ est <em>La Terrasse</em> ou <em>Télérama</em>.<br />♣ est <em>Slate.fr</em> ou <em>Rue 89</em>.<br />♥ vient de disparaître.</p><p> </p><p>Le Lac des cygnes est :<br />♣ de Tchaïkovsky.<br />♦ sujet à être revisité.<br />♥ inratable.</p><p> </p><p>La bayadère est :<br />♣ un motif récurrent des magazines de déco.<br />♦ une figure indienne.<br />♥ un peu kitsch mais la descente des ombres, quoi.</p><p> </p><p>Vous aimez dîner :<br />♦ avant le spectacle.<br />♣ à l'entracte.<br />♥ après le spectacle.</p><p> </p><p>Votre brunch, vous l'aimez :<br />♥ organisé via doodle d'après une mailing list balletomaniaque.<br />♣ différent d'une fois sur l'autre.<br />♦ bio.</p><p> </p><p>Vous repérez le côté cour et le côté jardin selon :<br />♦ les indications places paires et impaires dans le théâtre.<br />♥ le côté où commencent les diagonales et celui où elle finissent.<br />♣ que vous voyez ou non les mains du pianiste.</p><p> </p><p>Un gala :<br />♣ est une occasion de découvrir des artistes qu'on n'a pas l'habitude de voir.<br />♦ ce n'est pas trop votre truc.<br />♥ vous mangerez des pâtes pendant tout le restant du mois s'il le faut mais vous y serez !</p><p> </p><p> </p><p><strong>Vous avez un maximum de ♥</strong> : cher balletomaniaque, je ne saurai que trop vous encourager à tenter la grande aventure du théâtre de la Ville mais, à vous plus qu'à d'autres encore, je me dois de recommander la plus grande prudence. Aussi rassurant soit-il, un nom connu n'est pas une garantie. Le Preljocaj du <em>Funambule</em> n'est pas celui du <em>Parc</em>, l'Anna Teresa de Keersmaecker de Garnier n'est pas forcément celle du théâtre de la Ville, pas plus qu'<em>In the middle somewhat elevated </em>ne vous garantie du WTF le plus total. L'Opéra agit comme un filtre : l'ôter peut être libératoire tout comme cela peut ruiner la poésie de la chose – le paysage médiocre sans filtre Instagram.</p><p><strong>Le conseil de la souris</strong> : YouTube est votre meilleur ami. Mettez à profit les capacités acquises au cours des heures passées à dénicher des vidéos russes plus improbables les unes que les autres pour trouver des extraits des programmes proposés. En général, on se fait rapidement une idée. Trop lent, trop bavard, trop contemporain... vous finirez bien par trouver <a href="http://www.youtube.com/watch?v=-pf9lI-yN8I" target="_blank">quelque chose</a> qui soit assez étonnant pour retenir votre attention et pas trop bizarre au point de vous faire fuir. Bon courage et toutes mes condoléances pour la disparition de Danser.</p><p> </p><p><strong>Vous avez un maximum de ♦ </strong>: cher cultureux/théâtreux, vous êtes un lecteur assidu ou vous aimez les tests, parce que vous avez continué alors que vous êtes de toute évidence déjà abonné au théâtre de la Ville.</p><p><strong>Le conseil de la souris</strong>, tout de même, pour que vous ne repartiez pas bredouille : méfiez-vous des « création de 2012 ». Probablement contaminé par la nouveauté publicitaire qui ne compte pas les mois passés en rayon, le théâtre de la Ville a conservé dans le programme 2013-2014 des créations de la saison en cours. Je vous épargne des rediffusions, ne me remerciez pas, profitez-en plutôt pour faire un tour dans un théâtre à l'italienne. Ou tester le resto à côté du Châtelet : la salade chèvre-miel-bacon et raisin vaut le détour et les desserts peuvent être surprenants (avouez que cela fait rêver, un douillet de meringue aux figues). Evitez cependant la mousse au chocolat si vous devez courrir à votre place juste après.</p><p> </p><p><strong>Vous avez autant de ♥ que de ♦ et aucun ♣</strong> : vous avez un problème avec les maths mais allez quand même faire un tour du côté du <a href="http://www.leschroniquesdunpetitratparisien.com/" target="_blank">Petit Rat</a>, elle a un profil similaire au vôtre.</p><p> </p><p><strong>Vous avez un maximum de ♣ </strong>: vous êtes anormalement sain pour traîner sur ce blog sans appartenir à l'une des deux catégories précédentes. Je vous soupçonne donc d'être un mélomane s'étant abrité derrière les questions orientées danse pour ne pas révéler sa nature de mélomaniaque. Aussi discret que vous, l'abonnement spécial musique du théâtre de la Ville vous plaira peut-être. Avec de la musique indienne pour toi, Joël.<br />Vous n'êtes pas un mélomaniaque ? Vous n'êtes pas Aymeric non plus ? Vous n'êtes ni un spam, ni un provincial, ni un membre de ma famille ? Laissez-moi un commentaire, il faut qu'on aille se faire un ciné.</p><p><strong>Le conseil de la souris</strong> : insaisissable et curieux comme vous semblez être, je ne vois pas trop ce que je pourrais faire pour vous niveau programmation. En revanche, je vous recommande de faire un tour à l'angle du Sarah Bernhardt : à partir de 20h, il n'est pas rare que les sandwiches soient soldés et, si tel n'est pas le cas, il y a toujours la crêpe à la crème de marron ou au Nutella. </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlEmpreintes d'un temps enfouitag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-05-18:29643542013-05-18T15:28:00+02:002013-05-18T15:28:00+02:00 Les hommes-galets Anticipez le mouvement, vous suffoquerez...
<p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/g_Lyon12sankaijuku05_zpse9d03fb5.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/g_Lyon12sankaijuku05_zpse9d03fb5.jpg" alt=" photo g_Lyon12sankaijuku05_zpse9d03fb5.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Les hommes-galets</span><br /> </p><p>Anticipez le mouvement, vous suffoquerez d'immobilisme. Cherchez l'immobilité et tout se mettra en mouvement. Le tissu qui frémit de l'onde du mouvement, la cage thoracique qui s'étonne de respirer, l'érosion des hommes-galets sur scène, l'attention des spectateurs tout autour de vous. L'immobilité n'existe pas, on n'en appelle à elle que pour faire apparaître le mouvement, qui a toujours déjà commencé : lorsqu'on rentre dans la salle, la sable s'écoule déjà de deux sabliers, sur des plateaux qui font appel à un équilibre d'avant la justice, d'avant toute société. <em>Umusuna</em> ne nous emmène pas aux origines du monde mais danse le mystère du monde qui existe avant notre venue au monde, avant l'Histoire, avant les souvenirs. Un temps enfoui sous la parole, sous l'écriture, et dont la seule empreinte est le mouvement, le mouvement qui balaye l'immobilité où s'ancre le mythe des origines, comme les archéologues balaient à présent la poussière pour récupérer un fragment passé. Un pas devant l'autre, spectateur : Amagatsu nous a fait entrer dans la danse sans que l'on s'en aperçoive.</p><p> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/sankaijuku-biennale-danse-lyon_zpsf197921e.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/sankaijuku-biennale-danse-lyon_zpsf197921e.jpg" alt=" photo sankaijuku-biennale-danse-lyon_zpsf197921e.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Les hommes amphibies<br /> </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">On est plongé dans ces « mémoires d'avant l'Histoire » comme dans le silence de la mer, bruissant et inaudible. Enfin muet, on peut être fasciné par les corps qui rampent comme des animaux qu'on ne connaîtrait pas encore, ou plus, étape enfouie entre la bactérie et le poisson ; par les fleurs ou plumes rouges surgies des oreilles comme un superbe parasite, exotique, sur un arbre ; par les cercles qui effacent peu à peu les traces des danseurs ayant rayonnés à partir d'un même point chacun dans sa direction, dans le sable vierge – l'origine réintégrée dans la course à petites foulée des planètes, tour à tour le centre les unes des autres.<br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/umusuna-planetes_zpsca73a22a.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/umusuna-planetes_zpsca73a22a.jpg" alt=" photo umusuna-planetes_zpsca73a22a.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Les hommes-planètes<br /> </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Fasciné et inquiété par ces bouches noires et béantes, qui trouent des visages impassibles alors que le corps, baigné de lumière rouge, semble hurler, comme de l'acier en fusion.<br /> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/umusunakitakyus_zps9d1c9fb3.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/umusunakitakyus_zps9d1c9fb3.jpg" alt=" photo umusunakitakyus_zps9d1c9fb3.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Les hommes en fusion</span><br /> </p><p>Et ces mêmes corps, en groupe, flotter comme algues qui se déploient les unes après les autres. Et pendant tout ce non-temps, échappé d'aucun sablier, du sable coule au fond de la scène, ans s'arrêter, sans envahir la scène, coule, tombe comme s'élève la flamme. On s'abîme dans ce que l'on voit, dans ce que l'on ne voit plus, on s'oublie parfois mais on ne s'ennuie pas. Ou plus. Ou pas encore. </p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/umusunakitakyus_zps9d1c9fb3.jpg.html" target="_blank"><img style="font-size: x-small; display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/g_Lyon12sankaijuku07_zps4aff1b53.jpg" alt=" photo g_Lyon12sankaijuku07_zps4aff1b53.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">L'ombre de la main, de la main-serre</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/umusunakitakyus_zps9d1c9fb3.jpg.html" target="_blank">Palpatine</a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Les photos sont pour la plupart issues du site de la Biennale de Lyon et le titre de ce billet est une traduction proposée par le programme.</span></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLe réel est torturétag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-02-21:29517782013-02-21T10:45:00+01:002013-02-21T10:45:00+01:00 Pourquoi n'invoque-t-on le réel que sous la caution de la laideur et de la...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Pourquoi n'invoque-t-on le réel que sous la caution de la laideur et de la souffrance ? Depuis la laideur pittoresque d'une femme en caleçon Addidas rose, jupe informe bariolée, sabots aux pieds, jusqu'à la souffrance des corps tziganes en camps de concentration, le réel d'Israel Galván n'est que bruit et brouillard – épave de piano que l'on frappe, caisses de bois sur lesquelles on tape, torse et mollets que l'on claque. Le violon se prend pour un chien haletant, la trompette pour une sirène stridente et l'on méprend des poutres d'acier pour des instruments grinçants. Quant aux chants, ils m'obligent à constater ce paradoxe : je suis attirée par la danse flamenco tout en étant rebutée par la culture dans laquelle elle s'inscrit. Les pieds et les mains tapent puissamment – sur les nerfs. Je voulais voir et j'ai entendu. On en veut décidément à mes oreilles.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Même le corps du danseur a quelque chose de dissonant. Ce n'est pas la maigreur ; quelque chose me gêne, qui me gêne aussi dans les représentations du Christ : ce sont les côtes, je crois, que la tête et le bassin lâchés projettent vers l'avant, béantes comme le boléro d'un toréador défait. À terre, il se métamorphose en insecte, qui se débat pieds et mains. Debout, ses jambes, fines, nerveuses, font montre d'une puissance qui jamais n'entre en séduction. C'est l'affaire des femmes, d'une Carmen parachutée là entre deux réclames publicitaires balancées par une grosse bonne femme dont les doigts potelés s'agitent comme les mains d'un nourrisson. Juste avant que les poutrelles métalliques ne soient à nouveau manipulées, enrayant par leur grincement cru tout pathos – l'insupportable sonore remplace l'insoutenable moral.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Heureusement que pétaradent les pieds virtuoses du danseur alors que tout espoir d'apprécier le spectacle est bien vite piétiné. Pourquoi, après des années à trouver guichet clos, ai-je obtenu une place pour <em>ce</em> spectacle d'Israel Galván ? Ces temps-ci, mon karma culturel me pousserait à abandonner toute tentative de découverte pour me replier sur le réel enchanté de la balletomanie. Je crois que je vais m'en tenir à Giselle. C'est bien, Giselle, non ?</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;"><a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/02/21/Hitler-in-mi-corazon" target="_blank">Palpatine</a> est tellement d'accord qu'il m'a piqué ma chute dès l'introduction.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlDesh à mains nuestag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-01-19:29462832013-01-19T10:58:40+01:002013-01-19T10:58:40+01:00 Il y a cette main qui n'a de cesse de passer sous le bras et de s'échapper à...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a cette main qui n'a de cesse de passer sous le bras et de s'échapper à l'arrière du corps, forçant Akram Khan à se retourner. Vers les coulisses de son histoire, vers le passé qu'il n'a pas vécu mais qui est quand même le sien car celui de son père. Il regarde la paume de cette main avec étonnement – à la fois sienne et étrangère.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a ces mains qui sont le prolongement de l'outil, cette masse dont il frappe de plus en plus fort, de plus en plus vite, un monticule de béton qu'on imaginerait encercler un platane et qui n'entoure qu'un peu de terre. Juste assez cependant pour qu'affleurent des racines : un homme qui a choisi le mouvement ne peut pas être déraciné. L'absence de l'origine est jouée et déjouée à chaque fois que le danseur se met en mouvement et qu'il écrit avec son corps son histoire, une histoire, qu'il construit ou qui l'invente.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a ces mains qu'il ne cesse d'essuyer contre sa tunique mais qui ne sont pas sales : elles sont seulement pleines de terre, de sa terre, <em>desh</em>,<em> </em>Bangladesh, qu'il ne connaît pas et qui est là, imprimée au creux de sa main, au milieu des lignes de vie, de chance et d'amour. Et de douleur mais on ne le sait pas encore, pas vraiment.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Akram-Khan-Desh-pere_zpsc6637cb0.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Akram-Khan-Desh-pere_zpsc6637cb0.jpg" alt=" photo Akram-Khan-Desh-pere_zpsc6637cb0.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a cette main sceptique qui se frotte la barbiche, celle du père, dont le visage est dessiné sur son crâne. La tête penchée comme un enfant pénitent, il fait revivre ce personnage et sa sagesse d'ancien, qu'il n'a pas voulu connaître ni comprendre lorsque sa génération l'incitait plutôt à imiter Mickaël Jackson et à parler anglais comme un Américain black. De cette métamorphose surgit l'histoire du père, cuisinier du village, malmené par la guerre, jusqu'à ce que son visage s'efface et que le danseur relève la tête.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a cette main, invisible mais ô combien réelle, qu'il prend dans la sienne. Courbé, mais pas sous le poids des ans – ou alors seulement de ceux à venir – il raconte des histoires à sa nièce, je crois, qui ne s'en laisse pas conter.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Akram_Khan_Desh_Richard_Haughton_zpsef043bdb.png.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Akram_Khan_Desh_Richard_Haughton_zpsef043bdb.png" alt=" photo Akram_Khan_Desh_Richard_Haughton_zpsef043bdb.png" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Photo Richard Haughton</span><br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a ces mains qui grimpent aux branches d'un arbre gigantesque, fabuleux, à l'écorce de crayon de couleur : le danseur, narrateur, petit homme, enfin, traverse ce récit fabuleux, projeté sur une toile tendue en avant-scène et peuplé de toutes sortes d'animaux sauvages. La canopée de cette jungle ressemble à un nuage, dont le petit homme aura tôt fait de descendre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a ces mains refermées et brandies, comme pour le but qui marque la victoire d'un match de football. La fête est pleine de cris et de pancartes mais les seuls points que l'on marque sont les coups qu'on donne en l'air et des coups de feu répondent aux poings levés.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a cette main qui ne tient pas son iPhone, en panne, mais qui se raccroche à cette voix d'enfant au service après-vente, à l'autre bout du monde. On ne sait plus très bien qui veut réparer quoi ; la communication est toujours difficile à maintenir.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a cette main qui effleure et ébranle une forêt de bandes de tissu tombées des cintres, pales adoucies par rapport à celles, d'hélicoptères, qui ont servi à meurtrir les voûtes plantaires de cet enfant qui ne savait pas sur quel pied danser pendant la guerre. </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a cette main thaumaturge qui effleure et ébranle les pâles de tissus, et les fait danser <span style="font-size: 11px;">–</span><span style="font-size: 11px;"> se substitue aux pieds. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/desh-akram-khan-Richard_Haughton_zps90d40ab9.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/desh-akram-khan-Richard_Haughton_zps90d40ab9.jpg" alt=" photo desh-akram-khan-Richard_Haughton_zps90d40ab9.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"> <span style="font-size: x-small; text-align: center;">Photo Richard Haughton<br /> </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a ces mains, incroyablement expressives, qui dansent comme ailleurs, comme en <em>kathak</em>, et font débouler sur scène le danseur comme un derviche tourneur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a ces mains, bavardes, et il y a cette main par laquelle Akram Khan m'a pris pour me raconter ce qu'en tout autre occasion je n'aurais pas écouté – ou si mal entendu.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a des spectacles en <em>Il y a</em>, comme ça, et <em>Desh</em> en fait partie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Desh1_zps8f825ae9.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Desh1_zps8f825ae9.jpg" alt=" photo Desh1_zps8f825ae9.jpg" width="90%" border="0" /></a></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlBallett am Rheintag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-12-22:29424172012-12-22T11:43:00+01:002012-12-22T11:43:00+01:00 Photo de Gert Weigelt Les abonnés du théâtre de la Ville...
<p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Martin-Schlapfer_Forellenquintett_Marlucia-do-Amaral-JAcircrg-WeinAcirchl_FOTO_Gert-Weigelt_zpsf08c88b6.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Martin-Schlapfer_Forellenquintett_Marlucia-do-Amaral-JAcircrg-WeinAcirchl_FOTO_Gert-Weigelt_zpsf08c88b6.jpg" alt="" width="90%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Photo de Gert Weigelt<br /> </span></p><p>Les abonnés du théâtre de la Ville à fréquenter assidument l’Opéra n’étant pas très nombreux, le programme du Ballet am Rhein ne pouvait récolter que des critiques mitigées : <em>Forellenquintett</em> affiche une joie de vivre qui a dû suffoquer les spectateurs du théâtre de la Ville, habitués à une certaine austérité, tandis que les balletomanes, enthousiasmées à la perspective de découvrir cette troupe néoclassique, ont été plombées par le côté sombre et tortueux de <em>Neither</em>. Descendant presque aussi souvent à Châtelet qu’à Opéra, j’ai non seulement été très amusée de ce choc des cultures chorégraphiques, mais j’ai apprécié l’intégralité du spectacle. Avec une légère préférence pour la première pièce, tout de même – je veux croire que c’est parce que mon tempérament est davantage perméable à la fantaisie qu’à la dépression, même si c’est seulement parce que j’ai découvert <em>Giselle</em> bien avant Jan Fabre.</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>Forellenquintett</em>, </strong><strong>fantaisie schubertienne et Libertines pour lutins, bouches rondes et poète saoul</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/b06_forellenquintett_08_zps70ae30f3.jpg" alt="" width="90%" border="0" /></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Des rectangles très allongés strient la toile de fond comme des octets de passage – couleur bois : voilà pour la forêt. De drôles de bêtes s'y croisent, rencontres improbables entre un mignon morpion qui saute sur le dos de son partenaire, un lutin en académique vert, à aigrette rousse, qui lutine joyeusement et une nymphe trimballée par un satyre improvisé qui lui tire des mimiques impayables – bouche ronde muette comme une truite. Eau boueuse oblige, on enfile les bottes pointes au pied tandis qu'une paire en or descend des cintres, trophée comique pour pêche miraculeuse – soit un bonhomme imbibé que récupère sa partenaire outrée. Un poète, nous dit le programme : il fallait s'en douter lorsqu'il a claironné au maître de ces lieux « Un verre de Bordeaux ». Tout un poème, que les habitants de la forêt suivent à la lettre, tenue devant eux comme une carte aux trésors mystérieuse. Rien à déchiffrer, c'est l'esprit farceur qui anime amourettes et bizarreries, ne laissant pas une seconde de répit aux danseurs. Quoique un peu en avance sur la musique dans les premières minutes, ceux-ci sont comme des truites dans l'eau : pointes cassées, mouvement repris sur jambe pliée, portés de patinage artistique, vitesse des entrepas... ils échappent au regard qui tente de les immobiliser et le temps nous file entre les doigts.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour essayer de les attraper, <a href="http://www.youtube.com/watch?v=6dz7rL-3ins" target="_blank">jetez votre filet à 0'58</a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Ni une ni deux, <em>Neither</em></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Schlapfer_Neither_MartinChaix_Sachika_Abe_FOTO_GertWeigelt_zpsfe3e67ac.jpg" alt="" width="90%" border="0" /></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small; text-align: center;">Photo de Gert Weigelt<br /></span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Après les académiques bigarrés (et même pas moches – un exploit) de <em>Forellenqunitett</em>, place à des pantalons et tuniques fluides bleus et blancs. La clarté des tenues, en opposition directe avec la noirceur de la pièce, transforme les danseurs en une foule d'âmes errant dans un espace confiné – patients-fous-amants-fantômes – tous enfermés en eux-mêmes. Mouvements de mains comme si l'on essayait de se débarrasser de quelque chose de collant : <em>Neither</em> exprime pour moi cette humeur pégueuse où l'on ne peut se résoudre ni à une chose ni à son contraire, où l'absence de choix nous plonge dans la même angoisse que l'une et l'autre option, et nous laisse dans l'incapacité de faire un choix – ce qui prolonge d'autant plus notre désarroi.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il n'y en a pas moins de la beauté, ne serait-ce que dans les corps étonnamment divers des danseurs : de toutes les nuances de blanc et de noir, des fesses charnues, des cuisses musclées, des visages mûrs, d'hommes et de femmes à la personnalité bien trempée. J'ai du mal à m'empêcher de chercher ceux qui me fascinent le plus, au détriment parfois de la chorégraphie. Mais cela fait tellement de bien, de voir des danseurs dont le caractère semble avoir au moins autant façonné les corps que le travail. Rien que pour cela, il faudrait inviter davantage les compagnies allemandes. On aurait enfin l'occasion d'apprécier cette danse néoclassique que l'on ne connaît que par vidéos, et encore bien mal. J'avais bien entendu parler d'Uwe Scholz, par exemple, mais jamais de Martin Schläpfer... </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;"><span style="text-align: right;">Vu avec Palpatine, mais allez donc aussi lire <a href="http://www.impressionsdanse.com/2012/11/ballett-am-rhein-martin-schlapfer.html" target="_blank">Pink Lady</a>, qui m'a bien fait rire.</span></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlSavion Glover, ça passe ou ça claquetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-07-02:29117852012-07-02T15:16:00+02:002012-07-02T15:16:00+02:00 Après l' aventure rocambolesque de la revente de nos places à Garnier,...
<p>Après l'<a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/07/02/Savion-Glover-claquant" target="_blank">aventure rocambolesque</a> de la revente de nos places à Garnier, Palpatine et moi arrivons au théâtre de la Ville pour une soirée de claquettes. Une première pour moi si l'on exclut mes propres balbutiements pédestres et le show(-off) <em>Lord of the dance</em>. En jetant un oeil au programme avant l'ouverture du rideau, j'ai un peu peur : "<span style="font-size: x-small; font-family: Arial;" lang="FR">À</span> quoi pensez-vous lorsque vous dansez ? <span style="font-size: x-small; font-family: Arial;" lang="FR">–</span> Je prie." De fait, au début du spectacle, Savion Glover communie sûrement davantage avec Dieu qu'avec le public, qu'il ne regarde jamais. Cela me gêne un peu, comme si l'on me parlait en regardant dans la direction opposée. Heureusement, une belle chemise orange vient égayer la silhouette sans visage. Surtout, on est happé par le jeu de jambe. Du coup, je suis contente d'être proche de la scène, même si la baffle qui amplifie le bruit des claquettes me meurtrit parfois les oreilles. C'est assez violent quand il se déchaîne au bord de la mini-estrade, sous laquelle doit se trouver le micro. On dirait des détonations de feu d'artifice. Un bouquet, au moins, vu comme cela mitraille. Pourtant, pas de grandes gerbes, les fusées, plus bruyantes qu'éclatantes, sont décevantes.<strong> C'est qu'il ne s'agit pas d'un spectacle, mais d'une performance</strong>*.<strong> Pas de danse mais des percussions. Ou une danse réduite au rythme, musique produite par le corps.</strong></p><p>Et là, aidée par mes cours d'initiation au flamenco, j'entrevois toute la virtuosité de la chose : des rythmes de toutes sortes, binaires, ternaires, à contretemps, syncopés, enchaînés, téléscopés... La répétition permet d'en attraper quelques-uns, les plus simples, et alors, le corps a envie de danser ; mais les autres, trop complexes, je ne les entends pas, et alors, je finis par avoir ma claque de ce martèlement continu, de cette transe extatique ou épileptique à laquelle je ne peux pas participer. Les pieds sont tellement rapides et les rythmes indistincts, insaisissables, que cela en devient lent, long. On compte alors sur des pas qui engagent le haut du corps (tour, déséquilibres sur pointes, dérapages contrôlés) pour interrompre la mitraille et nous permettre de reprendre le rythme.</p><p>Le duo avec Marshall Davis Jr est bienvenue : même si la chemise orange comme par nous tourner le dos, un lien se crée entre les interprètes, entre complémentarité, canon et unisson époustouflant. On découvre ansi un autre style : aux secousses des jambes ne répondent plus les mouvements de buste saccadés, icontrôlés, qui donnent parfois l'air à Savion Glover l'air d'un épileptique, mais le balancement souple d'une silhouette dégingandée, comme une marionnette qui ne serait pas articulée dans le dos. Aux côtés de celui-ci, celui-là se redresse : on voit enfin ses yeux et on entr'aperçoit son regard. Quelques minutes d'éclate, comme à la fin du spectacle, lors d'une impro où les applaudissements du public suppléent les pas que le claquettiste retient.</p><p>Le reste du temps, c'est plus intériorisé, plus concentré. Les quelques mètres sur lesquels le claquettiste évolue n'invitent de toutes façons pas à dévorer l'espace. A deux reprises, des guitaristes flamencos donnent une dimension plus artistique (cela n'empêche pas de chanter par moments - caractéristique du flamenco ?) à ce qui risquerait autrement de devenir un exercice de style technique pour seuls initiés (que je soupçonne nombreux dans la salle). <strong>Claquettes et flamenco n'ont pas grand mal à s'entendre</strong> : entre <em>heels</em> et <em>tacones</em>, le talon devient prépondérant ; moins de <em>shuffles</em>, ça frappe et ça claque. La fusion est assez fascinante à observer : les claquettes se colorent, deviennent plus sombres, plus ancrées dans le sol. Cela contribue sans aucun doute à <strong>l'austérité</strong> qui <strong>marque la soirée aussi sûrement que la virtuosité de la star. Un plaisir</strong> <strong> exigeant</strong>, dont on ressort un peu claqué.</p><p><br /><span style="font-size: x-small;">* Témoins la chemise trempée et les cordes d'eau qui tombent de son front - increvable, il n'a même pas l'air claqué.</span></p><p><span style="font-size: x-small;">Impression semblable chez <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/post/2012/Percutant-Savion-Glover" target="_blank">Amélie</a>.<br /></span></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlCesena, à l'aube de la voixtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-05-22:28997032012-05-22T11:21:05+02:002012-05-22T11:21:05+02:00 le grain, c'est le corps dans la voix qui chante, dans la main qui...
<div align="right"><span class="style25"><em>le grain, c'est le corps dans la voix qui chante,</em><br /><em> dans la main qui écrit, dans le membre qui exécute...</em><br /> <br /> Roland Barthes </span></div><div align="right"><span class="style25">cité par Björn Schmelzer, </span></div><div align="right"><span class="style25">fondateur de l'ensemble <a href="http://www.graindelavoix.be/" target="_blank">graindelavoix </a></span></div><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il fait nuit sur scène. Un homme s'avance, entièrement nu, et émet un long cri, repris et modulé – remonté – par ses flexions. Pas de doutes, nous sommes au théâtre de la Ville. Cela continue, on attend patiemment. Un tailleur de pierre se fait entendre en coulisse et soudain, <em>it dawns on me</em>. J'assiste à la pièce d'Anna Teresa de Keersmaeker qui avait été donnée à l'aube à Avignon et avait pourtant laissé les spectateurs plus ravis que fatigués. Le cri du premier homme, c'est le chant du coq. On peut désormais légitimement espérer que lumière se fasse sur les déplacements que l'on devine dans la pénombre. Un groupe d'hommes (parmi lesquels quelques femmes, on le découvrira par la suite) que l'on entend plus qu'on ne le discerne fait crisser du sable. Un grand cercle de sable balayé jusqu'à devenir un cercle solaire. Une éclipse solaire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La danse est réduite au rythme de la marche. Le mouvement n'a pas de forme, un déplacement de pénombre, tout juste. Alors qu'on écarquille les yeux depuis une vingtaine de minutes, une voix s'élève, qui nous en dissuade. C'est un soulagement : on voit ce qu'on voit, sans forcer les yeux, en écoutant les voix qui ont rejoint la première et l'ont contrepoint. L'Ars subtilior renaît de l'écho lointain du cri de l'homme chant du coq, un son brut comme la pierre qui résonne bientôt comme la voûte d'une cathédrale. Un son qui ébrèche les corps, vibrant et vivant sur son passage. Des corps traversés par un cri qui emprunte la voix pour se faire musique, ce n'est pas un <em>spectacle</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">« Lumières ! » crie soudain la régie. Que je crois. Le cri excédé vient du public, qui se met à rire jaune. Quelques réglages s'imposeraient en effet pour que l'aube artificielle fasse effet jusqu'au fond de la salle. En attend un ajustement qui ne vient pas, ni de la régie ni des yeux, cela discutaille et l'on a du mal à se laisser fasciner par ce début du monde. L'origine, comme toujours, se refuse. Indiscernable à l'oeil nu, la scène bascule en noir et blanc lorsque l'on veut s'aider des jumelles, camaïeu de gris mouvementés. Je n'ose imaginer les vieux atteints de la cataracte. La danse tarde tant à se faire visuelle que la salle s'éclaircit en même temps que la scène.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La lumière se lève imperceptiblement, sur la confusion des danseurs et des chanteurs que l'on ne distingue pas les uns des autres. Même en pleine lumière, ces poussières d'individus restent un groupe, des grains de sable qui crissent lorsqu'ils se rencontrent. La chorégraphie diurne n'y ajoute finalement presque rien : elle rend visible les corps fatigués, épuisés, travaillés par la voix, décapés par son grain, dispersés et réunis comme le sable. Sablier. Fablier. Musique, mutisme, brutalité de la pierre, de la voix, homme fou à relier : il y a quelque chose de médiéval chez ce groupe en baskets, qui s'efface peu à peu à mesure que les formes prennent corps. Lumière est faite – de désillusion. On s'achemine lentement vers une fin qu'on ne distingue pas plus que les origines (l'aveuglement n'est pas l'apanage des ténèbres), à l'image de cette grande femme que j'ai prise pour une gamine séduisante et qui s'est mise à viellir avec le jour, concentrant toute la grisaille de la nuit dans ses cheveux. </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlMaboule Raoul dans la cabane d'Ali Babatag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-01-21:25278922012-01-21T15:47:22+01:002012-01-21T15:47:22+01:00 [Début janvier] Le théâtre de la Ville, qui n'a pas de catégories, seulement...
<p>[Début janvier] Le théâtre de la Ville, qui n'a pas de catégories, seulement des bonnes places, les attribue dans l'ordre des réservations. J'ai pris mon abonnement une semaine ou deux après la date d'ouverture et j'ai obtenu pour <strong><em>Raoul</em></strong> un rang V (sachant que, contrairement à Pleyel, il n'y a pas de rang ZZ). Que <strong>James Thierrée</strong> soit fantastique, cela se sait -- ça ne se voit pas. Ce qui est bien dommage parce que son spectacle est indescriptible.</p><p>On ne peut pas être introduit dans son univers, il faut y faire effraction et foncer dans le tas, comme l'artiste, tête baissée, qui donne des coups de bélier dans le cabane située côté jardin. Deux pans constitués de tubes de métal finissent par tomber avec force et fracas, comme un écho à ses hurlements. Raoul est moins du côté du <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/01/06/cool" target="_blank">cool</a> que de la rage : <em>Raaaaaaoouul</em> ! Notre vagabond-saltimbanque, petit-fils de Charlie Chaplin et fils spirituel de Vladimir et Estragon (le godillot, tout est dans le godillot qu'on retire) en a après Raoul ; et pour cause, ce n'est peut-être que lui-même. Devoir hurler son nom parce qu'on ne sait pas qui l'on est, il y a de quoi se taper la tête contre les murs (de sa cabane), vous avouerez. Il y a bien un deuxième larron, mentionné en distribution mais on le distingue si peu du premier qu'on n'est pas vraiment sûr de l'avoir vu : je le soupçonne d'être complice des tours de passe-passe de notre homme qui en profite pour se réinventer sans cesse. J'appelerai donc Raoul celui-là même qui en a après Raoul, il faut bien se mélanger les pinceaux pour faire connaissance avec l'artiste.</p><p>Une fois perché dans l'imaginaire de sa cabane, Raoul s'en donne à coeur joie et à rage tristesse. Loueurs de chambres de bonnes, vous n'imaginez pas tout ce qu'on peut faire dans 6 m2. Manier la tringle des rideaux comme un toréador pour prendre un intrus à ses filets, lire au coin du grésillement du phonographe, se servir de son pavillon comme d'un porte-voix, devenir Nagg en plongeant dans la poubelle, en ressortir bardé d'ustensiles de cuisines pour se défendre contre le premier martien maritime qui passe à la lisière, lui moudre du poivre sur le bec pour le nourrir comme un gros poisson et le faire éternuer, battre des mains à coté des oreilles pour répondre aux nageoires et établir la communication (dorénavant, vous me verrez sûrement faire ce signe à l'approche d'un quiproquo ; je ne suis pas encore folle, seulement loufoque et j'ai testé sur un Palpatine obnubilé par sa <em>timeline</em> Twitter, ça marche encore mieux que de pointer son museau de souris -- sûrement à cause de ses origines pingouins). Parfois, Raoul tente de mettre un orteil dehors mais il s'avère que la farine par terre, c'est de la glace. Même en bravant le froid, il est pris dans la bourrasque et dérive dans un <em>moon walk</em> désarticulé tel que Michael Jackson se retourne dans sa tombe pour mieux voir où commence le mouvement, s'il commence quelque part -- à côté, le <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/01/10/napoli-ses-pates-son-poisson.html" target="_blank">poisson</a> de <em>Napoli</em> est un fossile, c'est dire.</p><p>Ses pitreries ne me font pas rire. Ce n'est pas que ce n'est pas drôle, c'est que c'est poétique avant tout. <strong>Une poésie sans lyrisme (le lyrisme, avec son chant, ne supporte pas le bruit), fascinante comme une concaténation de logiques, triste et belle grâce à ce qui est détruit dans la collision.</strong> Par exemple, Raoul nous met en boîte à cigales, et c'est en ouvrant le couvercle de la poubelle qu'on leur ferme le clapet. Peu à peu, quand il devient clair qu'il ne s'en sortira pas, de sa cabane, on entre en hibernation avec lui. J'oublie la tristesse de ces pitreries de fou et je ris de même en le voyant faire un brin de lecture : il déplace le fauteuil, ajuste sa position, se frotte les yeux, lisse ses cheveux derrière ses oreilles, prend le livre, déplace le fauteuil, lisse ses cheveux, se gratte le nez, arrache une feuille pour s'en tamponner le visage et commence enfin à lire... quelques secondes avant que son corps ne le rattrape : il se met en travers du fauteuil, les genoux par-dessus l'accoudoir, la tête en bas et les pieds sur le dossier, pourquoi pas, assis de nouveau, affalé, redressé, les coudes sur les genoux et la tête dans les mains, jette le livre par terre pour lire à la bonne distance et ripe des coudes comme Cendrillon déguisée en Charlot. C'est tellement ça... le moment où l'on n'a pas plongé dans le livre et où une simple rainure sur la tranche peut déranger au point de nous forcer à nous interrompre. </p><p>Mais Raoul n'attend rien, surtout pas Godot. Passés quelques moi(s), l'espoir refait rage. Il faut se réinventer, rappeler Raoul et le chasser par des cris, déraciner le décor planté et toucher de nouvelles terres. On se maintient la tête hors de l'eau : des bestioles submarines apparaissent, mante religieuse arachnéenne et éléphant bleu, tandis que la cabane, qui avait été ouverte en en faisant tomber deux pans, est détruite de même ; il n'en reste plus qu'un radeau qui flotte dans les airs, étoile d'un spectacle filant les métamorphoses. En apesenteur au bout d'un tape-cul géant que des hommes en noirs font tourner et monter, lampe de spéléologue au front, Raoul finit par s'envoler-se noyer dans tout l'espace amniotique de la scène. </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLecavalier désarçonnetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-03-18:22662132011-03-18T19:44:06+01:002011-03-18T19:44:06+01:00 C'est le nom de Lock qui m'avait poussée à réserver pour cette...
<p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est le nom de Lock qui m'avait poussée à réserver pour cette soirée au théâtre de la ville mais il n'est pas surprenant que son interprète, <strong>Louise Lecavalier</strong>, vole le haut de l'affiche. De fait, les quinze minutes de...<strong><a href="http://www.youtube.com/watch?v=jn_8LRC3yOM" target="_blank"> <em>A Few Minutes of Lock</em></a> </strong>seront trop peu pour vraiment goûter le style du chorégraphe, quoique déjà suffisante pour en avoir un a priori très positif. Et non, je ne dis pas uniquement cela à cause de <strong>Keir Knight</strong>, échalas affreusement sexy dans sa veste noire de costume. De toutes façons, la « tornade blonde » aspire tous les regards et il n'y a guère moyen d'y échapper puisqu'elle est toujours en scène : pendant les cinquante minutes que dure la première pièce, elle n'en sort pas, ou alors trente secondes grand maximum et c'est alors pour mieux y débouler ensuite.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><a href="http://www.youtube.com/watch?v=3QQhGA8SgkU" target="_blank"><em>Children</em></a>, de Nigel Charnock</strong>, en met plein la vue, mais ce n'est pas vraiment grâce à ses jeux de lumières aveuglants (avec musique-sirène fin du monde, délicieux – c'est toujours moins terrifiant que les cris <em>de joie</em> d'enfants dont j'ai crains un instant qu'ils n'envahissent la scène). La pièce est totalement décousue, on ne sait pas pourquoi on manie un bâton, pourquoi on se bat avec, pourquoi on court à quatre pattes et sans les genoux, ni pourquoi quoi, mais on ne cherche même pas, autant se demander pourquoi un enfant joue ; mieux vaut attendre de voir à quoi il joue. Il n'y a rien d'enfantin ni de puéril, il n'y a que deux danseurs qui font plein de choses un peu absurdes mais les font à fond. Sérieux comme des enfants qui jouent. La demi-mesure ? Connaissent pas. Ce n'est pas un vain mot que de dire que Louise se <em>jette</em> dans les bras de/sur son partenaire : on ne sait jamais très bien si elle lutte contre lui ou avec lui. Probablement les deux, en fait : c'est comme si elle n'était vivante que tant qu'elle luttait. Dans un duo-duel avec des bâtons, ils finissent tous deux par attraper celui de l'autre, si bien qu'ils se retrouvent chacun à un bout de barres parallèles qui tiennent autant du brancard que des barres où s'appuyer pour réapprendre à marcher. Même chose avec les oreillers, qu'ils mettent entre eux avant de rouler l'un sur l'autre : on ne sait pas s'ils amortissent le choc et permettent le contact ou s'ils l'empêchent en se trouvant entre eux.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On entend lorsque la musique s'arrête que Louise est hors de souffle, mais cela ne semble avoir aucun effet sur sa danse, sinon de la rendre encore plus entière et violente, comme si c'était son état naturel. C'est un phénomène que j'ai remarqué, on est d'autant plus bourrine qu'on est fatiguée, et Louise doit être épuisée. Elle continue de plus belle, se jette à corps perdu, accord perdu avec<strong> Patrick Lamothe</strong>, qui, là contre, la contre. Cela doit lui demander une énergie phénoménale de s'opposer à celle de sa partenaire, de lui résister.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La fin s'arrose : c'est la bouteille d'eau qui fait déborder le vase pour les spectateur devant <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2011/03/16/super-Louise" target="_blank">Palpatine</a> et moi – ils partent. Les danseurs déjà trempés de sueur en profitent ainsi pour prendre leur douche et troquer l'entracte pour un <em>précipité</em> – chassez la nature, elle revient au galop. Cinq-dix minutes et Lecavalier se remet en selle. En la voyant, je repensais à cette expérience qui avait été faite, d'un homme d'une quarantaine d'années qui avait reproduit au sautillement près la journée d'un enfant et qui, le soir à peine venu, en avait fait une attaque cardiaque. Là, je pense que Louise ferait faire une crise cardiaque à une danseuse de vingt ans. Interpellé par la notice biographique qui indique une compagnie au début des années 1980, on a cherché : elle a plus de cinquante ans. <strong>Une folle furieuse</strong>.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlAkramkhadabratag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-03-08:22573552011-03-08T22:35:26+01:002011-03-08T22:35:26+01:00 Il y avait une place devant, mais j'avais une place au rang Q et j'y suis...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Il y avait une place devant, mais j'avais une place au rang Q et j'y suis restée – sur le cul. Je ne connaissais <strong>Akram Khan</strong> que de nom (et encore, sans l'orthographe) mais nom de nom, il aurait été dommage d'en rester là. <strong><em>Vertical road</em> s'apparente à du contemporain sans le côté contempo, à du butô sans lenteur, à du hip-hop sans ouéch, à de la danse indienne sans délicatesse maniérée et à un art martial sans défaite. </strong>Cela ne ressemble à rien et ça a pourtant de la gueule, ce n'est rien de le dire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Vertical-Road-2.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Vertical-Road-2.jpg" border="0" alt="" width="322" height="214" /><br /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les mouvements très ancrés dans le sol, genoux pliés, tête souvent relâchée, explosent et libèrent une énergie qui confine à la violence. Pas de portés mais des jetés ; ici, quand on déboule, c'est au sol. Les secousses qui agitent le corps vont des à-coups de la pulsation cardiaque aux spasmes frénétiques de la transe, tandis que la musique, indissociable des corps, martèle dans un crescendo qui alterne avec des moments d'acalmie, des battements de coeur plus ou moins essoufflé et assourdissant. Cela part des tripes et vous y prend. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai le cou qui part en avant, une épaule qui se rabat ou les abdos qui se contractent, tant nous fait entrer en empathie avec les danseurs la musique dont on finit par ne plus trop savoir si elle part du corps des danseurs, accompagne leur effervescence ou n'est que la résonance très amplifiée de notre propre être intérieur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On ne comprend pas toujours tout, mais on le vit. Ce n'est qu'en passant chez <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/post/2011/La-danse-tribale-d-Akram-Khan" target="_blank">Amélie</a> que j'ai pu reconstituer le fil d'un homme qui, d'abord séparés des autres derrière une bache translucide (effet d'ondes <em>frappant</em>), s'immisce à leurs côtés et cherche à prendre l'ascendant sur eux, jusqu'à ce qu'il se retrouve exclu, à nouveau séparé par la bache mais côté public cette fois, et doive tendre la main (poser la sienne sur celle des autres, en contrejour) pour faire tomber le rideau (cette chute... après la <em>Prisonnière</em>, le <em>Funambule</em> ou <em>Kaguyahime</em>, je ne m'en lasse pas, c'est toujours aussi beau).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Entre les deux, l'étranger arrive avec ses tablettes, qu'il pose droites comme les autres, d'abord immobiles et qu'il déplace comme des pions, soulevant au passage un nuage de poudre, entre poussière d'une tribu ancestrale et sable d'une contrée désertique (mirage d'<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/05/01/montrer-main-blanche.html" target="_blank">Amagatsu</a>). Quand ces être s'<em>animent</em>, ils sont possédés. Cela donne lieu à des scènes incroyablement fortes, notamment lorsque, oscillant sur les pieds et les mains, les genoux en l'air, ils avancent comme une armée de fourmis et colonisent la scène, ou se rassemblent en cercle, bras en l'air, <em>battle</em> sans idole. Dans cette étrange communauté où les filles ne se distinguent des hommes que par des chignons qu'elles portent très haut et qui les font ressembler à des mangas karatéka, on ne s'attire pas, on s'aimante. Et c'est alors un formidable combat où l'on porte atteinte à l'autre sans jamais le toucher (au summum de son pouvoir, les mains de l'étranger tournent autour d'une sphère imaginaire et c'est un autre qui, pris dans ce manège, s'en trouve malmené). Si les comparaisons n'introduisaient pas des connotations parasites, je dirais sans hésiter que des guerriers manga se battent à coup de champs magnétiques et finissent sans volonté aux mains de l'autre : sous <em>imperium</em>. Non moins fascinant est le moment qui suit où deux corps se retrouvent entremêlés plus qu'enlacés, dans un duo d'une sensualité ni suave ni animale, avant que la fille ne soit hissée sur les épaules de l'homme et que, genoux face à son torse, elle redresse son buste vers la lumière qui l'aspire, juste au-dessus d'elle. Moment de suspension. Et ça reprend - aux tripes, toujours. </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour les photos des saluts (quoique pas le même jour), voir chez <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2011/03/05/fantastique-Akram-Khan">Palpatine</a>.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlC'est trop forsythetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-03-04:22565032011-03-04T19:23:00+01:002011-03-04T19:23:00+01:00 Ce n'est malheureusement pas le ballet de l'opéra de Lyon, mais cela...
<p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=workwithinwork.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/workwithinwork.jpg" border="0" alt="" width="307" height="227" /><br /></a>Ce n'est malheureusement pas le ballet de l'opéra de Lyon, mais cela permet de se faire une idée.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Plus qu'extrême, c'est extra – hors des mouvements ordinaires. Et excitant.<br />Quelque soit l'adjectif, il faut un X, cette inconnue qui rend fascinantes les extensions du corps. Il y a certes des jambes au plafond, mais rien d'excessif, on ne fait pas d'écarts. L'extension est ailleurs, désaxée : d'abord dans ces bras qui se tiennent presque toujours derrière les épaules et font des danseuses de gigantesques créatures, monstrueusement sexy (surtout la très grande, la plus grande, en justaucorps bleue, une fille terrible). Les danseurs, eux, épaules rondes, sont plus dans la suavité et c'est d'autant plus surprenant qu'on n'imagine pas de suavité sans lenteur. La rapidité, dans <em>Workwithinwork</em>, est pourtant affolante, affriolante en devient la danse dans son austérité. On appuierait parfois bien sur pause, pour mieux en jouir, mais c'est alors une pose (jambes campées de profil égyptien, avec un poignet cassé qui traîne derrière, virgule provocante), nouvelle forme de tension qui demande tout autant d'attention. C'est de la danse pure, comme de la coke, et je m'éclate, c'est jubilatoire : la rapidité me dit énergie, l'imprévu, séduction, et les extensions, intensité. On en ressort <em>grandi</em>, neurone aéré, colonne vertébrale étirée, démarche élastique, prêt à conquérir le monde qui grouille à l'entracte.</p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=tama_barry_et_tomomi_sato_dans_workwithinwork_de_william_forsythe.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/tama_barry_et_tomomi_sato_dans_workwithinwork_de_william_forsythe.jpg" border="0" alt="" width="305" height="203" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Quintett</em> m'a fait l'effet d'une retombée ; alors que le public (dont <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2011/02/26/encore-du-bon-vieux-Forsythe" target="_blank">Palpatine</a>) semble l'avoir de loin préféré pour être « plus humain », j'y ai davantage senti une posture de chorégraphe contemporain qui fait son cinéma avec un escalier creusé dans la scène et un gros projecteur qui, braqué dans sa direction comme un canon, le fait ressembler à un abri anti-atomique. Deux couples et une pièce rapportée y évoluent, ou plutôt faudrait-il dire deux femmes et trois hommes, s'il est vrai que les couples sont à géométrie variable. Il y a de belles choses, mais c'est vain comme une après-midi interminable dans un motel désertique, plus vain encore s'il est vrai que les occupants désœuvrés ne sont pas des gens médiocres mais des êtres à l'intelligence et à la sensibilité aiguisée. On ne s'en sort pas, on ne sort pas du piège de la nostalgie, c'est toujours la même rengaine, en l'occurrence « Jesus' blood never failed to me yet » de Gavin Bryars, à peine une minute qui tourne en boucle. On ne s'en aperçoit pas jusqu'au moment où cela devient insupportable, la fois de trop ; et l'intolérable tristesse se mue en indifférence.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.html« Comme si je m'étais presque ennuyé »tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-01-21:20940222011-01-21T16:27:43+01:002011-01-21T16:27:43+01:00 [ Rêve d'automne , de Jon Fosse, mis en scène par Chéreau au théâtre...
<p> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">[<em>Rêve d'automne</em>, de Jon Fosse, mis en scène par Chéreau au théâtre de la Ville]</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">Comme toutes les citations de ce billet, le titre est à prendre avec des guillemets, ou les guillemets avec des pincettes, car je cite de mémoire et j'imagine autant que je me souviens. Mais le personnage principal a prononcé quelque chose dans ce goût-là et cela résume assez bien ce <em>Rêve d'automne</em> dont je me suis réveillée en ne l'ayant pour ainsi dire jamais vécu. Je ne sais plus pourquoi le personnage disait cela, il disait d'autres choses et il serait ainsi vain de résumer l'histoire, s'il y en a vraiment une, l'histoire d'une vie, parmi des vies jetées dans le vide. <span style="text-decoration: none;">Un couple d'amants qui se rencontrent ou se retrouvent dans un cimetière, un divorce qui s'est ensuivi et qu'on a appris à l'enterrement de la grand-mère de l'homme, dans ce même cimetière où la pièce et la vie se défont sous nos yeux... Des êtres errent autour, comme des peines sans âme, dont certains, lorsque c'est leur tour, viennent s'incarner en personnage, tandis que la grand-mère morte et le petit-fils mourant restent dans les limbes – en l'occurrence, les salles annexes du musée qui constitue le décor. Les légendes des tableaux sont lues par le couple comme les stèles des tombes et si l'assimilation du musée au cimetière est peu flatteuse pour le premier, elle peuple le second d'un furtif froissement des vies passées. Et c'est de la même manière que seront les instants perçants, furtifs.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-decoration: none;"> La pièce a mis un temps fou à démarrer, jusqu'à ce que l'homme s'assoit par terre à côté d'un banc, enlève ses chaussures et place ses pieds nus sur des pages de papier journal et nous fasse la fin d'un Vladimir ou d'un Estragon. Mais on apprend que l'homme a un domicile, et même une famille, que peut-être il ne voudrait pas fixe, une maison, un travail, un enfant, une vie sociale en somme. Transition sans transition, et c'est ainsi que le personnage vieillit sans heurts au cours de la pièce, l'instant précédent devenant un temps jadis sans préavis, sans qu'on se soit rendu compte de rien. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-decoration: none;">« Il lui a été donné de vivre longtemps », dit le père à propos de la grand-mère. Et toujours sa femme dans les bras : « Il nous a été donné de vivre longtemps, à nous aussi ». C'est comme si vieux, ils étaient déjà morts ; plutôt que de ramener par leur conversation la grand-mère à eux, ils se projettent vers elle. C'est que « beaucoup de choses se sont passées, et rien ». Les moments se succèdent sans jamais rien créer dans la durée ; c'est vrai de la vie des personnages mais aussi de la pièce, si bien si mal que Palpatine était en colère en ressortant. Pour lui, il faudrait ponctuer : « beaucoup de choses se sont passées et : rien ». </span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-decoration: none;"> Moi qui ai peut-être le travers de vouloir trouver à comprendre jusqu'à la justification, qui vois dans les pieds nus des défunts le dicton de grand-mère comme quoi la mort s'attrape par les pieds, qui ai bien voulu muser dans le cimetière d'une pièce tombée dans un coma irrémédiable après la première heure, lorsque le père s'est mis à (ne plus) agir comme le grand-père qu'il n'est pas devenu, je ne suis pas allée jusqu'à la conclusion et : rien, j'ai glané des riens :</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-decoration: none;"> J'ai vu les vivants dont la femme parlait, dans leur appartements, comme ces gens empilés dans des boîtes-aquarium qu'on voit ou imagine en passant en train devant des immeubles éclairés ; je les ai vus et je les ai vus disparaître, la vie ayant mené grand train. J'ai vu ce que voulait dire la grand-mère quand elle désignait cette femme comme la mort (de son mari), cette femme qui l'éloignait de sa femme et de son enfant (vie reproduite à défaut d'avoir été vécue), cette femme qui l'emmenait finir sa vie stérile avec elle, qui l'emmenait mourir sûrement et vivre un peu. J'ai entendu des phrases devenir curieuses, un « ça va bien ? » lancé à la fin d'une conversation comme si l'homme s'enquérait d'une possible hystérie plutôt que de la santé de la femme, des « oui » de conversations polies avec la « belle » famille devenir des cris d'étouffement et de désir de s'échapper, des images devenir des clichés, avec « aucun oiseau qui vole très haut dans le ciel », en avion (le ciel des idées, peut-être). Pas âme qui vive, le thème de la soirée était pourtant simple. Les corps, eux, ont vécu, parfois. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-decoration: none;"> Il y aura eu, par exemple, la main que l'amante a laissée derrière elle comme pour un baisemain qu'on laisserait derrière soi ensuite, que l'homme a prise dans la sienne, à plat d'abord, pour sentir la pulpe des doigts et la chaire de la paume, avec les doigts croisés, ensuite, pour accrocher ses vieux os à ceux de l'autre et les entrechoquer, et dont il a refermé le poing enfin, pour concentrer sa force à elle ; poing contre paume. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">Oui, j'ai beaucoup rêvassé, et pour être honnête, je pourrais dire de la pièce comme l'homme de la femme : « Parfois, mais pas souvent, j'ai pensé à toi ».</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlTyler tyler drowning brighttag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2010-11-22:20260192010-11-22T13:42:00+01:002010-11-22T13:42:00+01:00 … in the waters of the night What immemorial hand or eye Could fan...
<p style="margin-bottom: 0cm;">… <span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;">in the waters of the night</span></span><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"><br />What immemorial hand or eye</span></span><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"><br />Could fan thy seamless dichotomy ?</span></span></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=tyler_tyler_2.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/tyler_tyler_2.jpg" border="0" alt="Photobucket" width="311" height="207" /></a></p><p> </p><p style="margin-bottom: 0.5cm;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"><strong>Les costumes sont sombres, les corps eux-mêmes sombrent, mais <em>Tyler Tyler</em> n'est pas un naufrage</strong>, n'en déplaise à ceux qui se sont enfouis comme des rats (je déplore néanmoins que soit restée le tuberculeux de service). Pourtant, petite souris, j'ai eu peur moi aussi, lorsque j'ai vu s'étirer la scène où un homme entame lentement une danse traditionnelle japonaise, accompagné sur un mini-piano de poche par une jeune femme occidentale. Puis la scène s'est inversée, avec un danseur contemporain debout et le danseur de kabuki su-odori à l'accompagnement, et le contre-emploi humoristique de l'un et de l'autre (chanson américaine avec un accent à couper au couteau ; danse traditionnelle exécutée en jean, boucle de cow-boy à la ceinture) a détendu l'atmosphère. <strong>Danse contemporaine américaine, danse traditionnelle japonaise</strong>, le dialogue des cultures était annoncé et leur questionnement mutuel peut commencer.<br /></span></span></p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=YasukoYokoshi_byAlexandraCorazza3.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/YasukoYokoshi_byAlexandraCorazza3.jpg" border="0" alt="Photobucket" width="313" height="208" /></a></p><p> </p><p style="margin-bottom: 0.5cm;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"><strong>Yasuko Yokoshi</strong> a l'intelligence de ne pas décliner toutes les déclinaisons possibles, en donnant lieu à des associations prévisibles et un peu mécanique. Elle fait danser les contemporains ensemble, puis les traditionalistes à part, bientôt rejoints par les premiers qui se fondent dans l'héritage du passé. Là où ça se gâte, c'est lorsqu'un guitariste arrive et que tout se mélange dans une espèce de porridge country. Dans la surprise d'un même geste répété, en lieu et place de l'éventail, un micro est produit et la danseuse contemporaine de dire des bribes d'une narration lointaine, un enfant enlevé par un mari qui veut le tuer. Le mélange danse-théâtre fonctionne un peu mieux lorsqu'est repris ce qui, à en suivre le programme, doit être une épopée japonaise du XIIe siècle : l'embarcation fait naufrage et l'Empereur est sommé de faire ses adieux à ses ancêtres, à l'Est, pour mourir convenablement, et de tourner ses espoirs de survie vers l'Ouest. Le danseur contemporain est maintenu en déséquilibre par les traditionalistes, il tire vers l'arrière de la scène et ondule comme à la proue du bateau ; le contemporain comme renouveau. Et pourtant, autre déséquilibre, vers l'avant cette fois-ci, arrêté un instant dans sa chute par le poing d'un ancien, héritage indispensable à l'équilibre – un étai(t) solide.<br /></span></span></p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=yasuko-yokoshi.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/yasuko-yokoshi.jpg" border="0" alt="Photobucket" /></a></p><p> </p><p style="margin-bottom: 0.5cm;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;">Le principal reproche qu'on peut adresser à ce spectacle, ce n'est pas une quelconque lenteur ( la chorégraphie de Sankai Juku hypnotisait de lenteur), mais un rythme décousu par l'irruption du théâtre et de la voix parlée parmi le chant et les corps en mouvement. Pour le dire autrement : cela ne danse pas assez. Quand cela danse, en revanche, il se passe quelque chose, c'est tout autre chose. Le kabuki su-odori fascine par ses mouvements d'<strong>éventails argentés comme de la tôle ondulée, comme des conques de coquillages</strong>, promptes aux envolées ou aux disparitions devant le visage, lorsque les danseurs sont de dos, et que la nuque apparaît comme sur une auréole plissée. J'aime la simplicité et la beauté du geste avec lequel la vieille dame relève la bande de tissu qu'elle traîne et fait signe de s'essuyer les yeux. Il n'y a pas de signification à chercher, rien à attendre, juste une tranquillité qui berce et jamais ne nous endort – musique-bruitage de clapotis avec canards intermittents, comme celle que diffuse le réveil de <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2010/11/18/americano-japonais" target="_blank">Palpatine</a>, et que j'apprécie ce soir-là pour la même raison que je la déteste le matin (ça me donne envie de les shooter à la carabine). <strong>C'est reposant, c'est tranquille, c'est beau</strong>.<br /><br /></span></span></p><p style="margin-bottom: 0.5cm;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"> </span></span><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Yokoshi4_magnum.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Yokoshi4_magnum.jpg" border="0" alt="Photobucket" width="314" height="262" /></a></p><p> </p><p><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;">Plus beau encore, peut-être parce que plus mouvant (et <strong>il n'y a pas loin du mouvant à l'émouvant</strong>), la danse contemporaine – la danseuse contemporaine, pour être plus exacte car, si son partenaire, Kayvon Pourazar, se glisse bien à l'intérieur de la chorégraphie, elle, <strong>Julie Alexander</strong>, semble l'inventer spontanément. C'est tout son corps à qui il prend l'envie de se détourner, d'entrer en déséquilibre, de se maintenir ou de se relâcher. <strong>Même lorsqu'elle se jette à plat ventre comme un pingouin, c'est beau.</strong> C'est dire. Surtout que le passage de serpillère est habituellement ce que j'abhorre dans un certain type de contemporain. Julie Alexander peut se jeter à terre, ce n'est même pas éprouvant, le geste répété a une beauté désespérée, tranquille, il n'y a « plus d'espoir, le sale espoir ».</span></span></p><p><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Tyler-Tyler-Yasuko-Yokoshi-by-Alexndra-Corazza.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Tyler-Tyler-Yasuko-Yokoshi-by-Alexndra-Corazza.jpg" border="0" alt="Photobucket" width="315" height="203" /></a></p><p> </p><p><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"> Large jupe en jean tout d'abord, qui l'installe dans une Amérique désertique, j'imagine en Arizona, sans savoir pourquoi (je soupçonne l'association d'idée <em>Tyler tyler</em> – Liv Tyler- <em>Arizona Dream</em>, que j'ai détesté tout en admirant la beauté de l'actrice qui rejaillit ici sur la danseuse par le simple force du nom) ; elle la troque ensuite contre une robe qui a encore l'ampleur de la tenue des danseurs de kabuki su-odori mais se marie davantage à la <strong>retenue</strong> dont sont empreints leurs gestes ; robe que l'on imagine bien sur une <strong>gouvernante anglaise</strong> du XIXe victorien dans une famille puritaine, et qui est défaite, en même temps que les cheveux, remplacée par une pauvre jupe de tulle rose passé et des manches ballon bleues, imitation dégradée de la gouvernante comme de la princesse de bal. Le danser persiste à relever son corps de <strong>noyée</strong>, à le faire tenir debout en dépit du passé disparu. A la fin, la danseuse traditionnelle revient sur scène, en tenue de ville très sportswear, rejointe par le contemporain au piano miniature : pas besoin de recommencer, «you will see what you just saw », la danse d'hier n'en sera pas plus actuelle ni plus démodée, toujours autre par rapport à une danse contemporaine qui s'en détourne pour ne pas s'immobiliser dans la fascination.</span></span></p><p><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></p><p><em><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Nancy_Wozny_underground_arts_scene_DiverseWorks_Yasuko_Yokoshi_Tyler_Tyler.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Nancy_Wozny_underground_arts_scene_DiverseWorks_Yasuko_Yokoshi_Tyler_Tyler.jpg" border="0" alt="Photobucket" width="316" height="238" /></a></em></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLes corps cunéiformes de Cunninghamtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2010-11-12:20102882010-11-12T11:58:00+01:002010-11-12T11:58:00+01:00 [Théâtre de la Ville, vendredi 5 novembre, avec Palpatine ] [ Pond...
<p style="margin-bottom: 0cm;">[Théâtre de la Ville, vendredi 5 novembre, avec <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2010/11/06/Cunningham-premier" target="_blank">Palpatine</a>]<br /><br /></p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Cunninghampondway.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Cunninghampondway.jpg" border="0" alt="" /><br /></a>[<em>Pond Way</em>, photo de Carol Prati]</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Tous les danseurs sont sur scène, en vêtements amples, de voilages blancs, et font des dégagés ou des ronds de jambes. Mais là où un Forsythe impose un même épaulement qui fait de suite naître la puissance du groupe dans <em>Artifact suite</em>, Cunningham dispose ses danseurs en tous sens et brouille leur agencement par d'incessants changements de direction : <strong>cela grouille, comme les remous provoqués par des bestioles à la surface d'un étang</strong>. Par la suite, la danse ne cesse de se ré-agencer en groupes dont la disposition semble plus ou moins aléatoire (l'éparpillement est un effet difficile à atteindre si l'on veut éviter le fouillis sans pour autant faire apparaître une structure ; il y a tout une science du bordel organisé).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>Pond way</em></strong>, grâce à son titre évocateur, fait apparaître des gerris (sauts bras et jambes écartés, comme l'espèce de cousin d'eau) et surtout des <strong>grenouilles</strong> plus vraies que nature, qu'on a l'impression d'entendre coasser tant elles bondissent bien en tous sens (quelques pas d'élans avec les bras sur le côté, comme sur les accoudoirs d'un fauteuil, qui se rétractent progressivement, jusqu'au saut proprement dit, à la réception duquel ils sont ramenés vers l'avant par-dessus tête). Ce doit être l'éclate, d'autant que, contrairement au classique, le temps n'est pas en l'air, on peut s'écraser joyeusement à l'atterrissage. Car l'espèce de saut de chat avec retirés simultanés des deux jambes existe bien en classique, cela s'appelait même un saut de grenouille pour moi mais le dictionnaire de la danse ne valide pas le terme (alors qu'il définit un « saut de bison » - ce serait l'image <a href="http://img.over-blog.com/300x300/1/12/72/46//martha-graham-cie.jpg" target="_blank">du milieu</a>, si j'ai bien compris la description).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Tout ce petit monde grouille sur une bande son plutôt vague et clapotis (j'allais ajouter sifflements aussi, mais ça, c'était le nez de mon voisin, à qui j'ai demandé de se moucher avant la deuxième pièce ; manque de chance, le sifflement était indépendant de l'obstruction supposée de la narine ; heureusement, cela s'est moins entendu avec le piano). L'amusement se termine abruptement, après des diagonales de saut de biche ou assimilés, scène vide, juste le temps d'apercevoir sur la toile de fond un petit bonhomme en barque, que je n'avais pas remarqué – rideau. <br /><br /></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">A voir l'homme en académique jaune, plus tout jeune, évoluer au ralenti dans une douche sur une musique aussi minimale que l'éclairage, je me demande si <strong><em>Second hand</em></strong> ne désignerait pas la danse d'un interprète un peu usé. Mais le programme, chopé à la fin du spectacle en haut d'une armoire, m'apprend que c'est tout simplement à cause d'une « <em>cheap imitation</em> » de Satie, que John Cage a composée pour cause de droits d'auteur trop importants ; pour la peine, le piano et le saxophone sont flanqués d'un synthétiseur.<br /><br /></p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=mercebylindaspillers.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/mercebylindaspillers.jpg" border="0" alt="" width="316" height="147" /><br /></a>[<em>Second Hand</em>, photo de Linda Spillers ; des corps tous en coudes et genoux]</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le titre ne donne donc aucune clé d'entrée dans l’œuvre et à voir tous les <strong>petits bâtons de couleur</strong> qui ont rejoint l'homme-canari (dans cette compagnie, on porte l'académique sans peur et sans reproche), j'ai vite <strong>l'impression de voir bouger des idéogrammes</strong>. Autant il est amusant d'imaginer <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/05/23/des-oh-et-des-bah.html" target="_blank">retrouver des pingouins</a> dans <em>Beach birds</em> ou des grenouilles dans <em>Pond Way</em>, autant sans pierre de rosette pour stimuler l'imagination, on ne déchiffre pas grand-chose. <strong>Les corps deviennent alors des symboles cunéiformes indéchiffrables et les traits en eux-mêmes, pour variées que soient leurs combinaisons, présentent un aspect un peu monotone.</strong> Attitude sous toutes ses formes (quatrième devant, derrière, seconde), arches sur demi-pointes, triplettes et pliés... certes, les variations sont infinies mais elles provoquent la lassitude de l'indéfini. Les <strong>poses successives</strong> créent du mouvement mais pas toujours de la danse ; les danseurs ont beau évoluer en groupes, je me rends compte, lorsque cela arrive enfin, que c'est le contact entre eux qui fait défaut. Ce sont les liens qui se nouent qui nous interrogent, les relations protéiformes qui peuvent naître et se transformer sous nos yeux.<br /><br /></p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=secondhand.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/secondhand.jpg" border="0" alt="" width="316" height="164" /><br /></a>[<em>Second Hand</em>, photo d'Anna Finke]</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a quelques beaux moments lorsque des couples de forment où l'homme rattrape la femme dans toutes sortes de cambrés répétés. Mais la plupart du temps, je suis d'accord avec un commentaire entendu à l'entracte : <strong>c'est désincarné</strong>. Ce qui pose tout de même un léger problème lorsqu'il s'agit de danse, c'est-à-dire d'expression des corps. Visages fermés, mouvements arrêtés, détournés de l'autre : non seulement il n'y a pas d' « âme » mais son absence est telle que <strong>le corps n'en est plus qu'à peine un, pris dans la mécanique du mouvement</strong>, à la limite de la machine. La neutralité des interprète était voulue par Cunningham ; j'avais lu avec intérêt le numéro de <em>Danser</em> qui lui a été consacré à sa mort, et trouvé stimulant l'utilisation du hasard comme le refus du sentimentalisme. Mais c'est une chose de débarrasser le mouvement de tout lyrisme pour le faire valoir en lui-même, c'en est une autre de le le séparer du geste et des interprétations qu'il peut susciter. La technique classique revue par Balanchine qui l'a coupée des arguments au service de laquelle on la mettait, ne contraint pas ma propension à l'interprétation. Au contraire, elle est stimulante et l'abstraction des ballets n'a rien d'aride.<strong> Tout se passe comme si le génie de Cunningham tenait à la légende, non pas tant à la sienne qu'à celle qu'il donne à ses pièces. En son absence, l’œuvre est moins abstraite que conceptuelle, et il vaut mieux qu'elle soit justifiée par un discours qui lui était extérieur pour être appréciée.</strong> Je crois que c'est fondamentalement ce qui me gêne chez Cunningham et explique pourquoi j'apprécie davantage des pièces entourées d'indices interprétatifs.</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans <strong><em>Antic meet</em></strong> (belles photos à aller voir <a href="http://photos-de-danse.blogspot.com/2010/11/meet-de-merce-cunningham-au-theatre-de.html" target="_blank">là</a>), ils sont incorporés à la pièce elle-même. Sans qu'on puisse trouver un sens à l'ensemble, <strong>des saynètes se suivent, chacune avec un trait d'humour lié à une bizarrerie qui lui est spécifique et réside souvent dans le costume</strong>. On trouve ainsi un <strong>homme-chaise</strong>, qui offre en pas de deux une assise confortable à la jeune fille apparue par une porte (sans mur, comme dans un tableau de Magritte) ; des danseurs avec haut à cerceau (un peu comme les tutus de <em>The vertiginous Thrill of exactitude</em> mais en miniature) ; des jeunes filles en tablier ou en boule-robe à fanfreluches, qui semblent habillées avec les rideaux de leur tante (j'avais lu « Auntie meet » et avait décidé que tout se passait dans une maison familiale du sud des États-Unis) ; ou encore un <strong>cambrioleur-lutin</strong> coincé dans un pull multi-manches (ce qui est angoissant dans la nouvelle « N'accusez personne » de Cort<span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span>zar est ici du plus haut comique). Les costumes sont revêtus par-dessus des académiques noirs et <strong>les danseurs-note animent ainsi la partition avec des dissonances humoristiques</strong> – un amoureux éploré de repartir la tête dans son pot de fleur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est <strong>grinçant</strong> mais comme j'entends derrière moi, « au moins, ça a du sens » : le partitif est preuve que le spectateur n'attend pas une pièce à thèse ou à argument avec <em>un</em> sens bien déterminé, simplement une danse qui puisse mettre leur esprit en mouvement et s'amuser avec <em>des</em> sens possibles, à défaut que les leurs aient été émus.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Cunningham-Second_Hand_c_Anna_Finke.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Cunningham-Second_Hand_c_Anna_Finke.jpg" border="0" alt="" /></a></p><p style="text-align: center;">[<em>Second Hand</em>, third time, Anna Finke]</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Contente</em> d'avoir découvert ce chorégraphe, je me contenterai justement de ce que j'ai vu, sans éviter ses œuvres mais sans chercher non plus à assister à des soirées qui lui soient entièrement consacrées.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p>