Last posts on subprime2024-03-29T09:30:01+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://starter.blogspirit.com/https://starter.blogspirit.com/fr/explore/posts/tag/subprime/atom.xmlCEDRIC SEGAPELLIhttp://www.monromannoiretbienserre.com/about.htmlDENNIS LEHANE : MOONLIGHT MILE OU LE CREPUSCULE DE L’AMERIQUE.tag:www.monromannoiretbienserre.com,2011-06-05:32946762011-06-05T17:54:00+02:002011-06-05T17:54:00+02:00 Bon je le dis d'emblée, ce « Moonligt Mile » de Dennis Lehane...
<p><img id="media-87308" style="border-width: 0; float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" src="http://www.monromannoiretbienserre.com/media/00/01/3210164616.jpg" alt="9782743622275.jpg" /></p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;">Bon je le dis d'emblée, ce « Moonligt Mile » de Dennis Lehane ne peut pas être considéré comme un ouvrage extraordinaire, surtout en rapport à ce que nous offre habituellement cet auteur talentueux. On peut même dire que dans la série Kenzie-Gennaro ce roman n'a pas l'envergure d'un « Gone Baby Gone » ou d'un « Ténèbres, Prenez Moi la Main ». Mais que l'on ne s'y trompe pas, Dennis Lehane, c'est comme un Château d'Yquem, il n'y a jamais de mauvais cru. Je soupçonne même cet auteur d'être capable de brûler un manuscrit qu'il estimerait médiocre plutôt que de le livrer à sa maison d'édition. Alors forcément après un cru exceptionnel comme « Un pays à l'aube », pavé historico-policier, on ne peut qu'être déçu avec « Moonlight Mile » qui n'a pas l'éclat de son prédécesseur.</span></p><p> </p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;">Mais finalement tout cela n'est qu'une question de contexte. Avec un « Pays à l'Aube », on découvrait une Amérique, bouillonnante et renaissante, en pleine effervescence après les traumatismes de la première guerre mondiale. Fin de la 1<sup>ère</sup> guerre mondiale, retour des soldats, premières grandes luttes syndicales et balbutiement des revendications raciales, un pays en pleine révolte dont Boston est la figure de proue. Il en va tout autrement pour « Moonlight Mile » titre éponyme des Rolling Stone aussi mélancolique que cet Amérique du présent que nous décrit Dennis Lehane. Un pays laminé par les subprimes et dont les dernières miettes du rêve américain ont été emportées par le souffle des crises successives. Dans cette suite de « Gone Baby Gone », Patrick McKenzie va de nouveau devoir retrouver Amanda qui est désormais âgée de 16 ans. La jeune fille qu'il avait retrouvée une première fois alors qu'elle avait été enlevée à l'âge de 4 ans semble avoir à nouveau disparu du domicile de sa toxicomane de mère. Mêmes protagonistes donc et intrigue similaire pour cette histoire crépusculaire où l'on croise des serveuses désenchantées, des retraités sans pension et des jeunes déboussolés. Une population sans illusion. Patrick McKenzie qui partage désormais sa vie avec Angie Gennaro (ils ont une petite fille) est lui-même taraudé par des soucis de travail et souhaite obtenir un poste dans une grande agence afin d'obtenir des avantages sociaux lui permettant de subvenir aux besoins de sa petite famille.</span></p><p> </p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;">Avec Lehane, l'écrivain d'une ville : Boston, nous allons parcourir cette Amérique épuisée où les panneaux « A vendre » fleurissent devant une cohorte de maisons désertées. Un pays fantomatique qui s'est arrêté brutalement comme en témoigne ces agglomérations inachevées truffées d'engins de chantiers abandonnés. Un témoignage poignant qui place peut-être l'intrigue au second plan mais qui n'en demeure pas moins essentiel. Un témoignage sur cette population laminée par les déconvenues successives auxquelles elle a du faire face.</span></p><p> </p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;">Des notes de tristesse et de mélancolie dans ce qui sera probablement le dernier épisode de la série McKenzie-Gennaro et je me réjouis déjà du prochain roman de Lehane, d'autant plus s'il est du calibre de « Mystic River », « Shutter Island » ou « Un Pays à l'Aube ». Il faut également souligner le travail remarquable de la traductrice, Isabelle Maillet, qui a toujours su restituer les savoureux dialogues qui émaillent toute l'œuvre de Dennis Lehane. Il faut donc lire « Moonlight Mile », récit emblématique de cette Amérique d'en bas.</span></p><p> </p><p> </p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;"><strong>Dennis Lehane : Moonlight Mile. Edition Rivages/Thriller. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet.</strong></span></p><p> </p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;"><strong>A lire en écoutant : Titre : Moonlight Mile. Interprète : Rolling Stone. Album : Sticky Fingers.</strong></span></p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 12pt;"> </span></p>
Olivier Beaunayhttp://oliveretcompagnie.blogspirit.com/about.htmlHarvard (1.1.2) Le temps des remises en cause (l'éthique de responsabilité selon Srikant Datar)tag:oliveretcompagnie.blogspirit.com,2011-04-01:22608752011-04-01T17:30:00+02:002011-04-01T17:30:00+02:00 Tout irait en somme pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas tout à...
<p>Tout irait en somme pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas tout à fait. Dans l'une des toutes premières séances consacrée à la mondialisation<em></em>, les choses finissent par exploser à propos de la crise des <em>subprimes</em>. Face à un participant issu du monde de la finance qui justifie le comportement des banques en se félicitant de leur prospérité retrouvée quand elles ont manifestement joué un rôle actif dans la catastrophe ambiante et que le reste de l'économie continue de souffrir, Mark, l'essayiste canadien membre de mon groupe de travail, répond par une virulente mise en cause de leur responsabilité ou, pour mieux dire, de leur irresponsabilité.</p><p>Il faut dire qu'au sein des groupes de travail comme lors des discussions en amphi, l'expression des désaccords est encouragée par l'Ecole dès lors qu'elle s'effectue dans le respect des autres. De même pour l'expression des points de vue différents ou dissidents, si souvent négligée voire dissuadée dans la vie ordinaire des équipes, dont l'Ecole considère au contraire qu'elle est une source de richesse importante. Dans la réalité, surtout en amphi, les débats collectifs sont sérieux tout en restant relativement policés - ce qui n'exclut évidemment pas une pointe d'humour ici ou là, voire une tonalité de plus franche détente, en particulier lors des synthèses hebdomadaires du samedi matin. L'échange plutôt vif qui surgit alors autour de la crise<em> </em> au milieu d'une assemblée qui représente majoritairement l'économie réelle, et notamment l'industrie, est révélatrice d'une conscience aiguë du problème et de la volonté de rebâtir quelque chose sur des fondations plus saines.</p><p>Très vite pourtant, Rajiv Lal qui mène les débats, reprend la main sur le sujet en amenant l'assistance à prendre la mesure à la fois de la complexité du problème et de la responsabilité collective qu'il révèle. Bien sûr, les milieux financiers ont mis au point puis développé à grande échelle des produits dont le risque était hors de contrôle, donc dangereux (1). Mais, dans le même temps, les autorités ont aussi largement abandonné au cours des dix ou quinze dernières années leurs prérogatives de contrôle du système, comme le montre la confusion des genres entretenue au sein même des principales agences de notation qui auraient dû, par définition, mettre en garde à temps contre les dérives et les dangers de ces produits d'investissement. Etait-il également raisonnable pour des milliers de familles modestes de considérer, fût-ce sous l'influence d'une promotion cynique facilitée par un terrain culturel favorable, que la propriété d'un logement fût une sorte de droit naturel doublé d'une transaction indolore ? - Bien sûr que non, répondra par ailleurs le professeur de finance renvoyant dos à dos l'argument de l'offre et celui de la demande.</p><p><strong>Metallurgic Park</strong></p><p>A vrai dire, une première salve était déjà partie la semaine précédente au cours d'une séance consacrée aux nouvelles technologies. Marco Iansiti, qui animait les débats, avait alors coupé court aux mises en cause croisées qui promettaient de dégénérer en mettant les pieds dans le plat au milieu de l'amphi. "En substance, dit-il alors en prenant tout le monde à contre-pied, s'il y a bien un responsable dans cette affaire... c'est l'Ecole. C'est nous qui avons formé au cours des deux ou trois décennies précédentes des bataillons de jeunes gens aussi appâtés par la finance qu'ils se sont révélés âpres au gain". Bien sûr, cette tendance des années 90 dépasse de loin Harvard. En France même, elle a gagné nombre d'écoles d'ingénieurs dont les diplômés ont préféré, au labeur de l'industrie, les promesses de la finance combinées à l'essor des nouvelles technologies.</p><p>C'est à cette époque, vers la fin des années 90, que j'avais rejoint l'industrie minière et métallurgique et je me souviens encore des difficultés considérables que nous avions à convaincre aussi bien les investisseurs que les jeunes diplômés de la solidité et de l'attrait de nos métiers. Tout ce qui était nouveau et de préférence communiqué avec brio, fût-ce sur la base d'un rapport superfétatoire avec le réel, était immédiatement suivi avec enthousiasme par des marchés ou de jeunes ingénieurs qui semblaient avoir abdiqué tout esprit critique et, plus encore, toute <em>notion de long terme</em>. A la limite, nous n'existions plus que dans l'esprit de quelques analystes égarés et autres ingénieurs perdus.</p><p>Les équipes d'ouvriers, de techniciens et d'ingénieurs comme les communautés qui vivaient directement et indirectement de notre activité s'habituaient ainsi peu à peu à être regardées comme des bêtes curieuses dans un zoo ou, plus exactement, comme des créatures préhistoriques au milieu d'un museum d'histoire naturelle, aussi fascinantes que dépassées. Du coup, les visites de sites que nous organisions n'étaient pas loin alors de ressembler davantage à Jurassic Park qu'à une découverte industrielle. N'étaient quelques détails stratégiques, industriels ou sociaux à résoudre, il aurait presque fallu se pincer chaque jour pour s'assurer que, dans un monde qui avait alors totalement inversé l'ordre des grandeurs, tout cela était bien réel.</p><p>Et puis, l'industrie était aussi sale et encombrante que les nouvelles technologies promettaient un monde aussi net que ludique, enfin <em>débarrassé du réel</em>. C'était avant l'explosion de la bulle internet du début des années 2000, bientôt suivie de l'attentat du World Trade Center qui plongea le monde dans la crise. Dans notre industrie-même, tous ceux qui avaient cédé au chant des sirènes des nouveaux procédés en confondant la joyeuse euphorie des laboratoires avec des développements industriels plus laborieux le payèrent alors de faillites implacables et de recapitalisations en chaîne.</p><p><strong>Le management comme éducation</strong></p><p>Dix ans plus tard, le <em>mea culpa</em> de Iansiti n'en prend, dans ce contexte, que plus de valeur : ce n'est pas parce que cette responsabilité est largement partagée avec les autres qu'il faut s'en dédouanner soi-même... <em>So, that's it</em> ? On ne battrait sa coulpe que pour mieux tourner la page et passer à autre chose ? Il n'en est rien. En réalité, au-delà de la reconnaissance par les uns et les autres de leur part de responsabilité, cette remise en cause intellectuelle a très vite pris une dimension collective au sein de l'Ecole sur un plan aussi bien éthique que pratique, selon un cheminement qui avait d'ailleurs démarré avant que nous arrivions et qui commencera à porter ses fruits peu après notre départ.</p><p>Srikan Datar est incontestablement une figure intellectuelle et morale centrale de ce renouveau. Diplômé de l'Université de Bombay et de l'Indian Institute of Management d'Ahmedabad, il est aussi titulaire de deux Masters et de deux Ph.D obtenus à Stanford. A l'origine professeur de comptabilité, Srikant est un spécialiste du pilotage par les coûts, du management de la performance ainsi que des systèmes de contrôle. A l'instar de nombre de ses collègues, il travaille en étroite relation avec nombre de dirigeants de grands groupes et est d'ailleurs administrateur de plusieurs d'entre eux - Novartis, Info Systems ou encore Stryker pour n'en citer que quelques uns. Auteur d'une centaine de parutions, toutes publications confondues, il a reçu plusieurs prix d'excellence en particulier de la Carnegie Mellon University et de Stanford pour son excellence pédagogique. Il est, de fait, régulièrement cité par les étudiants comme un professeur aussi dévoué qu'innovant.</p><p>Or, il est des circonstances où l'innovation consiste moins à épouser la première idiotie venue qu'à prendre un peu de recul avec les pratiques dominantes du moment (2) et Srikant va apporter sur ce terrain une contribution remarquée. Dans une étude de cas consacrée à une start-up innovante dans le domaine des technologies médicales, ATH Micro Technologies Inc. qui sera l'occasion de passer au crible l'ensemble des points critiques liés à la montée en puissance d'une jeune entreprise, il rappelle les éléments fondamentaux du système de contrôle à mettre en place. Quatre types de problèmes sont identifiés : les incertitudes stratégiques, les variables de la performance, les risques à éviter et les valeurs fondamentales. On gère les premières par des systèmes de contrôle interactifs cherchant à améliorer le positionnement futur de l'entreprise en étroite symbiose avec son environnement ; les secondes par un système de diagnostic s'assurant que le travail est bien réalisé ; les troisièmes par une sorte de système de frontières mettant en place une surveillance appropriée ; les quatrièmes enfin, en développant un système de croyances (3) <em></em>favorisant l'engagement de l'équipe dans la mise en oeuvre de la mission de l'entreprise.<br /><br />Quoique n'étant pas nouveau en soi (4), ce système de contrôle constitue un rappel utile dans le contexte de l'époque. Surtout, Srikant en fait une présentation qui établit un parallèle éclairant et de bon sens entre le management des organisations et l'éducation des enfants. L'évaluation de la performance ? Elle passe également dans l'éducation par un système d'encouragement et de récompense, qu'il soit matériel ou symbolique. L'identification des risques à éviter ? Elle s'appuie bien, elle aussi, sur la mise en place d'un certain nombre de limites, et notamment d'un système permettant d'en surveiller et d'en corriger les écarts. Les valeurs essentielles ? Dans un monde où l'on ne peut pas tout prévoir, elles jouent un rôle clé et prospèrent en tout état de cause à travers une culture familiale non pas formelle mais vécue et traduite dans les faits - bref, en montrant l'exemple. La préparation de l'avenir enfin ? Elle passe de la même manière dans l'éducation par un système d'exploration de l'environnement ayant pour objectif, idéalement, de mettre l'enfant en position de réaliser son potentiel, c'est-à-dire à la fois de trouver sa voie et d'accomplir ce qu'il à faire...</p><p>Etait-ce la simplicité du modèle ou ma paternité récente ? Sans doute les deux à la fois. S'il est vrai que tout apprentissage passe par des moments de révélation ou des <em>déclics</em> qui s'ancrent dans une expérience singulière, celui-là m'apparut d'emblée comme une boussole précieuse sur les deux terrains du management et de l'éducation.</p><p>Au-delà de cette intervention qui, en combinant sagesse et efficacité, rappelait astucieusement les bornes à ne pas dépasser, Srikant publiait également au milieu du programme un ouvrage apportant une base solide à la refondation des Business Schools (5). Il a même figuré dans la <em>short list</em> des trois candidats à la succession du <em>Dean</em> (doyen) de l'Ecole, succession qui est également intervenue au cours du programme. Or, cette reconnaissance est d'autant moins anecdotique qu'outre le fait qu'elle concerne la première université au monde, sa mise en oeuvre se déroule selon un processus très particulier. Plusieurs mois durant, une large consultation est en effet menée aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Ecole dans le but de faire émerger les successeurs potentiels du doyen en poste. Impossible de se retrouver là par hasard et encore moins par favoritisme. On ne saurait à vrai dire imaginer processus plus exigeant en termes de talent, de contribution mais aussi de sens du service et, plus encore, de réputation. C'est au terme d'un tel processus que Srikant Datar s'est vu confirmer comme l'une des figures parmi les plus respectées de la communauté académique de l'Ecole.</p><p><strong>L'heure de la refondation</strong></p><p>Or même si, pour ce qui le concerne, le processus n'a pas été jusqu'à son terme, il est clair qu'il n'en a pas moins été un artisan écouté et influent de la remise en cause qui a commencé à se mettre en place à cette époque. Nitin Nohria, qui a finalement été désigné comme le nouveau <em>Dean</em>, a d'emblée entamé une large consultation internationale aussi bien parmi les étudiants et le corps enseignant que les entreprises, les institutions et tous les acteurs de référence intéressés par les destinées de l'Ecole. Sa vision du développement de l'Ecole et les grands objectifs qu'il a retenu pour son action ne s'inspirent pas moins largement des réflexions menées par Srikant Datar.</p><p>Cette vision tient en quelques points que le nouveau Dean résumait début 2011 en une courte brochure adressée à tous les anciens de l'Ecole et structurée autour de quatre questions : quelles sont les plus importantes opportunités qui se présentent à nous ? Qu'est-ce qui fait notre singularité ? Où pourrait-on faire davantage, ou que pourrait-on faire différemment ? Comment enfin, les changements à l'oeuvre dans le monde d'aujourd'hui sont-ils susceptibles de nous affecter ? Il est frappant de constater combien cette réflexion prend acte du passage d'un siècle qui fut largement un siècle américain à un autre qui s'est d'emblée imposé comme celui de la mondialisation - y compris en se donnant pour objectif de contribuer à résoudre les problèmes qui lui sont liés : développement durable, systèmes de santé, fonctionnement des marchés, révolution digitale ou pauvreté.</p><p>Or, selon les termes du nouveau Dean qui rappelle au passage, à l'instar d'autres cercles humanistes, qu'être un leader ce n'est pas se proclamer tel mais <em>être reconnu comme tel</em> par les autres et en particulier par ses pairs, c'est bien une marque de fabrique de l'Ecole que de faire en sorte que ses diplômés fassent preuve de <em>leadership</em> et cela quel que soit le domaine dans lequel ils choisissent d'agir. S'ensuivent quelques priorités qui donnent notamment pour objectif à l'Ecole de reconfigurer son système de formation dans un univers marqué par le développement d'alternatives plus courtes et mieux ciblées. Il s'agit par exemple de faire évoluer la méthode des études de cas vers une approche davantage tournée vers le terrain et la pratique, en particulier dans le cas des MBA en s'inspirant du "laboratoire remarquable" que représentent à cet égard les formations exécutives.</p><p>Une deuxième orientation est liée au développement de la multidisciplinarité en particulier entre la Business School et l'Université à l'instar de plusieurs programmes lancés dans le domaine de la santé ou de l'entrepreunariat social. C'est un objectif que le nouveau <em>Dean</em> veut pousser dans une logique d'intégration plus affirmée avec l'Université et qui pourrait donner lieu à un laboratoire conjoint focalisé sur l'innovation. L'internationalisation est aussi au programme de ce nouveau plan d'action, mais sur un mode qui puisse à la fois à renforcer les centres régionaux déjà ouverts par l'Ecole, notamment en Asie, et à mettre en place des modes de coopération innovants avec des institutions ou des organismes également engagés dans l'enseignement du management. De façon plus spécifique, Ditin Nohria met aussi l'accent sur une prise en compte approfondie de la diversité sur le campus, qu'elle soit de nature socio-démographique ou intellectuelle, de sorte que chaque membre de la communauté puisse se sentir ici réellement chez lui.</p><p>On est frappé au total par le mélange d'ambition et d'humilité qui préside à cette vision renouvelée du développement de l'Ecole. L'<em>ubris</em> de la crise a laissé des traces et, en quelques mois, Harvard est passé du constat à l'action en élaborant collectivement, <em>à l'intérieur comme à l'extérieur</em> de ses murs, un projet à la fois innovant et mobilisateur.</p><p>Parmi les critères explicatifs de la force et de la longévité des marques, celui de l'adaptation à l'environnement est, dans le cas de l'Ecole, sans doute le plus impressionnant en raison à la fois de sa puissance et de sa rapidité. Bien sûr, des personnalités particulières ne manquent pas d'émerger au cours d'un tel processus pour lui donner un visage et une voix. Il reste que l'on ne peut s'empêcher de penser au contact de cette sorte de <em>puzzle</em> de la refondation qui se met alors en place qu'il s'agit là, plus que de la somme de contributions individuelles remarquables, d'une mécanique collective inscrite dans l'ADN même de l'Ecole. Cet aspect particulier de son identité recoupe un trait important des analyses d'Arie De Geus selon lesquelles un des facteurs de la longévité des organisations est que chacun s'y sent en quelque sorte le gardien, le dépositaire et l'artisan d'une tradition qui l'a précédé, qui lui survivra - et qu'il doit ainsi faire ses meilleurs efforts pour faire fructifier.</p><p>A sa manière, plus abrupte, le prédécesseur de Tarun Khana ne disait pas autre chose.</p><p>_____</p><p>(1) Pour une approche vulgarisée de cette question, voir par exemple le livre de Jacques Attali, "La crise, et après ?", Fayard (2008).</p><p>(2) Ils s'appuient notamment sur le livre de Robert Simons, "Levers of Control", HBS Press (1995).</p><p>(3) On dirait plus volontiers une <em>culture</em> en français, ce qui souligne bien là encore la différence entre une culture de process et une culture de délibération, une dimension organique et une dimension critique, une logique de performance collective et une logique d'adhésion individuelle - si bien que, contrairement à une idée rebattue, la culture réputée la plus collective des deux n'est pas celle que l'on pense.</p><p>(4) J'ai connu deux dirigeants, un patron d'administration centrale et un industriel, qui cultivaient cette approche mêlant esprit caustique et intelligence décapante (je me souviens notamment avoir vu un document d'étude provenant d'un cabinet de conseil annoté de la main de l'un d'eux, dont j'espère qu'il n'a pas été retourné tel quel à ses auteurs). Dans certains cas, cette opposition délibérée aux enthousiasmes de l'époque peut faire manquer une évolution importante. Il reste que, par contraste avec tous ceux d'entre nous qui épousent une mode après l'autre à un rythme si difficile à suivre que l'on se demande si son objet véritable est de produire de quelconques effets concrets, de préférence positifs, cette sorte de mécanique intellectuelle se révèle un outil de triage relativement efficace, dès lors en tout cas qu'elle ne conduit pas à une forme de dogmatisme héroïque et solitaire.</p><p>(5) Srikant M. Datar, David A. Garvin, Patrick G. Cullen, "Rethinking the MBA - Business Education at a crossroads", Harvard Business Press (2010). Pour l'anecdote et en écho au parallèle qu'il fit lui-même entre le management et l'éducation, je ne résiste pas au plaisir de citer ici la dédicace que Srikant a gentiment faite de son livre à ma fille : " <em>To Chiara - It has been one of my great pleasures to get to know the Beaunay family. Study hard, be good, and always think about what you can do for others. I hope that one day you will study at Harvard so that we may learn from you just as we have learned from your father. Good luck and very best wishes. Srikant</em>". Au-delà de ses aspects emphatiques et bienveillants relativement inévitables dans la culture américaine, cette dédicace me semble un signe supplémentaire de sa qualité pédagogique et humaine. D'ailleurs, lorsqu'on vient le voir pour un mot de cette nature, l'auteur ne se contente pas, à l'instar de certains de ses collègues, de griffoner à la va-vite un mot à pei
Casadeihttp://casadei.blogspirit.com/about.htmlLa prospérité du vicetag:casadei.blogspirit.com,2009-10-29:18454952009-10-29T18:30:00+01:002009-10-29T18:30:00+01:00 La prospérité du vice ou une introduction (inquiète) à l'économie est...
<p style="text-align: justify;"><span style="color: #0000ff;"><strong><em><img src="http://casadei.blogspirit.com/media/01/01/1487063499.jpg" alt="prospérité du vice.jpg" id="media-416157" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />La prospérité du vice ou une introduction (inquiète) à l'économie</em></strong> est davantage un livre sur l'histoire de l'humanité qu'un livre d'économie. <strong>Daniel Cohen,</strong> à la suite de beaucoup d'autres, notamment <strong>David Landes</strong> ou <strong>Jared Diamond</strong> nous trace un vaste portrait de notre espèce depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu'aux traders. On redécouvre l'invention de l'agriculture, l'empire romain, on s'interroge sur la fermeture soudaine de la <strong>Chine</strong>... un grand voyage au cours duquel l'inquiétude ne fait effectivement que monter.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #0000ff;"><strong>Adam Smith,</strong> dans son ouvrage sur les sentiments moraux, l'avait déjà souligné, ce qui motive l'individu, ce qui nous meut, c'est d'être un peu plus riche que notre voisin, d'être reconnu, de mériter de la considération, d'où le titre du livre.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #0000ff;">A l'échelle des pays, la prospérité de <strong>l'Europe</strong> pourrait bien venir de la situation de concurrence dans laquelle se sont trouvées pendant plusieurs siècles les grandes nations : successivement <strong>Venise</strong>, <strong>Espagne, Pays-Bas, Angleterre, France, Allemagne</strong> mais cette émulation a aussi abouti aux deux guerres mondiales du XX siècle. Si l'histoire se répète, <strong>l'Asie</strong> pourrait être demain menacée du même sort.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #0000ff;">A ces défis classiques, s'ajoute aujourd'hui ceux du réchauffement climatique, d'une planète de neuf milliards d'être humains d'ici 40 ans, de l'épuisement des ressources.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #0000ff;">Comme dans ses livres précédents, <strong>Daniel Cohen</strong> est d'une grande clarté, économe en chiffres, jamais complexe, un livre à lire avec plaisir pour se convaincre qu'un peu de sobriété pourrait ne pas être inutile.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #0000ff;">En épigraphe de son ouvrage, <strong>Daniel Cohen</strong> cite <strong>Léonard Cohen :</strong> <em>Give me back the Berlin Wall, give me Stalin and Saint Paul, I'va seen the future, brother, It is murder.</em> C'est dire si le monde qui vient risque d'être très éloigné de la fin de l'histoire annoncée par <strong>Francis Fukuyama.</strong></span></p>
Bernard LECOMTEhttp://lecomte-est-bon.blogspirit.com/about.htmlDes nouvelles de ma banquetag:lecomte-est-bon.blogspirit.com,2008-01-29:14742042008-01-29T16:10:00+01:002008-01-29T16:10:00+01:00Dans ma boîte à lettres, entre deux journaux bourrés d’infos sur les récentes...
Dans ma boîte à lettres, entre deux journaux bourrés d’infos sur les récentes facéties des grandes banques (panique due aux <em>subprimes</em> et affaire Jérôme Kerviel), une missive de mon banquier à moi. Des explications ? Des excuses ? Une prime d’affolement ? Que nenni. L’annonce qu’à compter du 16 mai prochain, si un de mes chèques leur arrive non provisionné, il m’en coûtera 30 euros de pénalité si le chèque est inférieur à 50 euros et (allez savoir pourquoi) 50 euros pour une somme supérieure. Pour 5 milliards, ils ne disent pas. Mais ils me compteront, dans tous les cas, 15 euros de <em>"frais de lettre d’information"</em>, ce qui confirme l’impression générale quant à la compétence des banquiers : ils sont vraiment les seuls à croire qu’une simple lettre s’affranchit à 15 euros !
Olivier Beaunayhttp://oliveretcompagnie.blogspirit.com/about.htmlWho You Gonna Believe, Me Or Your Lying Eyes ? (entretien n°5/8 avec Nancy Mathis)tag:oliveretcompagnie.blogspirit.com,2007-12-22:14487182007-12-22T19:59:49+01:002007-12-22T19:59:49+01:00De Kennedy à ClintonNancy Mathis est la présidente de First Take...
De Kennedy à ClintonNancy Mathis est la présidente de First Take Communications, un cabinet spécialisé dans le conseil en interventions médiatiques. Nancy a notamment été journaliste dans la presse, à la radio puis à la télévision notamment sur CBS. Puis elle a fait ses classes en communication politique avec Joe Kennedy (le fils de Bobby), alors Représentant démocrate du Massachusetts, ainsi que pour un comité sur les questions bancaires à la Chambre des Représentants. Elle a, par la suite, travaillé pendant cinq ans avec l’équipe Clinton comme directeur de la communication d’un programme relatif à l’apprentissage pour l’ensemble des Etats-Unis.No Child Left BehindToute réforme aux Etats-Unis se situe au milieu du triangle « politics, policy and press » dont il faut gérer les pôles et les interactions en permanence. Bien qu’élaborée et suivie sur une base bi-partisane, la réforme « No Child Left Behind » dans la domaine de l'éducation n’a pas échappé à la règle. Les désaccords, notamment sur la question des moyens affectés à la réforme, entre les Etats et le Gouvernement fédéral ont conduit à de premières interpellations, puis à de larges critiques exprimées dans les medias qui ont, pour le coup, semé la confusion sur le sujet en donnant lieu à une véritable « guerre médiatique ». Celle-ci a du coup crée un sentiment de demi-réussite (pour les Républicains) ou de demi-échec (pour les Démocrates). Beaucoup des publications récentes de l’American Enterprise Institution tentent d’ailleurs de réhabiliter la réforme. Nancy résume l’état de la question d’une formule : « Good tenet, poorly implemented ».Le cas des subprimesLa crise actuelle des subprimes, dont beaucoup de spécialistes du monde bancaire et financier s’accordent à penser qu’elle s’aggravera dans des proportions significatives au cours des prochains mois, donne simultanément à voir une sorte d’optimisme de façade à l’œuvre aussi bien dans le monde politique que dans les grands medias. Bien sûr, l’objectif de ne pas effrayer les marchés, qui aurait un effet en retour encore plus dévastateur, est central dans l’affaire.Objectivement, si l’on suit l’idée du rôle déclencheur que peut avoir une situation de crise dans toute réforme, ce contexte devrait cependant pouvoir se traduire par l’amorce d’une posture différente de la part des autorités fédérales (sans préjuger de la suite de la crise mais en raisonnant en termes de potentiel, y compris en ayant présent à l’esprit la crise parallèle du système de retraite et de santé, on peut, à la limite, être tenté d’établir une comparaison avec les années 30). Mais l’idéologie du «free market » est tellement prégnante dans les institutions et les esprits ici qu’elle empêche toute ouverture de cette nature.Le fait surprenant reste bien l’omniprésence, fragile mais très large, de cet optimisme de façade. On pense à ce propos à la formule bien connue pour illustrer la puissance de certains discours semant le doute face à des aspects pourtant tangibles de la réalité : « Who You Gonna Believe, Me Or Your Lying Eyes ? »…« Grasstops » et « grassroots » politicsToute stratégie de communication, sur un sujet sensible de réforme, commence naturellement ici par une étude en profondeur de l’opinion s’appuyant sur les sondages et des focus groups qui sont aujourd’hui la norme absolue, quel que soit le sujet à traîter, pour fixer l’image de départ, le rapport des forces et les marges de manœuvre. Souvent, l’attention se porte sur, disons, les 40 % de gens au milieu du débat qui n’ont pas au départ d’avis très tranché sur le sujet.C’est à partir de cette photographie de départ (« baseline poll ») que se déploient les stratégies dites de « grasstops politics » qui visent à toucher directement les décideurs. Ces approches sont complétées de stratégies de « grassroots politics » qui, elles, cherchent à mobiliser l’opinion et d’abord sur le terrain local. On s’appuie, pour ce faire, sur des groupes intermédiaires, par exemple des associations représentatives du domaine concerné, pour faire remonter, dans les medias, les messages du terrain qui sapent la légitimité de Washington à réformer.Cette association du pouvoir politique et des pouvoirs intermédiaires qui permet de mobiliser en masse le moment venu est encore puissante par exemple dans le lien qui unit les Démocrates et les grands syndicats, notamment autour de la personne de John Edwards. Même s’il est vrai que le démantèlement du système des retraites, et d’abord au sein des grandes compagnies qui ne pouvaient plus en assumer le coût (multiplié par quatre en une vingtaine d’années), a fortement affaibli les grands syndicats américains.Le cas de la NRLLa NRL en particulier excelle dans l’art de la « grassroots politics ». Elle s’appuie d’abord sur le sentiment, culturellement très puissant, de la liberté individuelle garantie en l’occurrence par le second amendement, qui pose le droit à porter une arme à feu. Surtout, elle sait entretenir la confusion sur la question. Le doute : il est de notoriété publique, depuis « An Inconvenient Truth », qu’il s’agit là d’un des premiers ressorts de toute stratégie de déstabilisation de la part des grands lobbies (on s’en souvient, Al Gore fait, dans ce film, référence à celui du tabac). Au lieu de se placer sur le terrain des tueries mettant en cause les fusils d’assaut, le puissant lobby laisse entendre que ce sont les droits des chasseurs, notamment dans le Sud, qui seraient menacés. « Washington ne vous aime pas ! », explique-t-il en substance, "l’Etat fédéral veut remettre en cause votre mode de vie !".Tous les moyens de communication sont alors bons pour mobiliser la cible : newsletters, mailings, réunions, mobilisation des membres de l’association en prenant régulièrement soin de leur laisser entendre que leurs pratiques seraient menacées par les projets fédéraux. Témoin vs expertMais le plus important en matière de mobilisation à fort impact médiatique reste encore l’utilisation du témoignage direct : le bon chasseur qui semble injustement pénalisé, le parent d’une victime qui légitime aux yeux de tous le droit de se défendre, etc. L’essentiel de la stratégie ici consiste à ne jamais se laisser embarquer sur le terrain de l’argumentation rationnelle, mais de rester sur celui, émotionnel, et donc à beaucoup plus fort impact, du témoignage en lui-même absolu et non négociable. « C’est ma vérité, j’en témoigne concrètement devant vous, dans ma vie ou mon malheur et cela, vous le voyez bien, vaut bien plus que toutes les arguties » pourrait-on résumer. Redoutablement efficace. Surtout quand cette stratégie s’accompagne après cela d’une communication vers les élus légitimant le message par la sensibilité du sujet dans l’opinion.L’art du dealSur l’ensemble de ces sujets, les communiquants sont bel et bien aux avant-postes aujourd’hui : le moindre dossier un peu sensible permet d’associer au minimum un spécialiste du lobbying local et/ou national, un expert en études d’opinion, un conseiller medias et plusieurs porte-parole connectés à des groupes d’intérêt. Dans de nombreux cas, le déploiement de ces stratégies aboutit à des deals souvent passés au sein d’alliances contre nature. Par exemple, si l’implantation de jeux d’argent dans un Etat donné suscite l’opposition des communautés religieuses locales, une négociation s’ouvre assez facilement pour, en échange de la neutralité des porte-paroles de la communauté dans les medias, apporter des fonds qui pourront être utilisés à des investissements dans l’éducation.Et vogue le navireUn autre exemple d’actualité en cours concerne les activités nautiques. Face à un projet de loi à finalité écologique à l’étude pour créer un permis de navigation, dont le coût est élevé, les lobbies se mobilisent. Ils font valoir que l’industrie nautique américaine reste une des rares industries prospères du pays, que les embarcations particulières ne sont pas les gros navires, que l’activité contribue au respect de l’environnement autour par exemple des activités de pêche (en Floride et en Arizona notamment) mieux que ne saurait l’imposer une loi fédérale. Tout cela avec constance, une grande cohérence et une efficacité telle auprès de l’opinion et des autorités que Washington finit par renoncer. Il s’agit là d’un point essentiel, manifeste dans le cas des retraites : la communication publique, aux Etats-Unis, sert beaucoup plus à faire échouer les projets qu’à faire avancer les réformes…
JPChttp://necronomie.blogspirit.com/about.htmlMarketing de l'endettement : Les martyrs du crédit et la titrisation version littérairetag:necronomie.blogspirit.com,2007-08-16:31544512007-08-16T12:15:00+02:002007-08-16T12:15:00+02:00APRÈS qu'elle fut entrée dans cette voie du crédit immobilier mystique car...
APRÈS qu'elle fut entrée dans cette voie du crédit immobilier mystique car les hommes construisent des maisons pour oublier qu’ils sont mortels et qu'elle se fut, de son plein gré, offerte pour être la brebis émissaire des péchés du monde financier, le marché jeta son emprise sur elle et elle vécut cette existence extraordinaire où les douleurs servent de tremplin aux joies; plus elle souffrit et plus elle fut satisfaite et plus elle voulut souffrir; elle savait qu'elle n'était plus seule maintenant, que ses tortures avaient un but, qu'elles aidaient au bien de l’économie et qu'elles palliaient les exactions des vivants et des morts; elle savait que c'était pour la gloire du Marché que le parterre odorant de ses plaies poussait d'humbles et de magnifiques fleurs; elle pouvait vérifier, par elle-même, la justesse d'une réponse de sainte Félicité, injuriée par les railleries d'un bourreau qui se gaussait de ses cris, lorsqu'elle accoucha dans sa prison, avant que d'être livrée aux huissiers féroces lâchés en un cirque. <br />- Que ferez-vous donc quand vous serez dévorée par les bêtes? disait cet homme. <br />Et la sainte répliqua: <br />-C'est moi qui souffre maintenant, mais alors que je serai martyrisée, ce sera un autre qui souffrira pour moi, parce que je souffrirai pour Lui. <br />-Cela s’appelle la titrisation des créances des pauvres : le divin subprime…<br />