Last posts on saint-augustin2024-03-28T21:23:31+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://starter.blogspirit.com/https://starter.blogspirit.com/fr/explore/posts/tag/saint-augustin/atom.xmlMarc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlEntretien avec Erik Andler et Jean-Marc Bastière « Si le temps marque notre finitude, il n'est pas fatalement un malheurtag:marcalpozzo.blogspirit.com,2023-02-06:33348402023-02-06T06:00:00+01:002023-02-06T06:00:00+01:00 Le temps est un mystère. Mais qu’est-ce que le temps ? L’artiste Erik...
<div dir="ltr"><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Le temps est un mystère. Mais qu’est-ce que le temps ? L’artiste Erik Andler qui expose pour la première fois à Paris consacre une œuvre au temps. Jean-Marc Bastière, philosophe et journaliste au Figaro a consacré un très beau livre au temps <em>Les sept secrets du temps</em> (Stock, 2018). À l’occasion</strong> <strong>de l’exposition</strong> <strong>d'Erik Andler qui s’intitulera « Distorted Date » et qui aura lieu du jeudi 09 (vernissage) au jeudi 23 février (clôture) 2023 à l'Hôtel La Louisiane dans le VIème arrondissement de Paris, j’ai profité d’un tour de table pour en savoir plus sur le temps, même si cette notion est l’une des plus complexes en philosophie. Cet entretien est paru dans le site du mensuel <em><span style="color: #800000;">Entreprendr</span>e</em>. Il est désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</strong></span></p></div><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/2502628890.jpeg" id="media-1346137" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"><img id="media-1346638" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/1290324088.jpeg" alt="secret.jpeg" />Marc Alpozzo : Bonjour Erik, Bonjour Jean-Marc, tous les deux, vous avez travaillé sur la question du temps. On connaît tous, la célèbre remarque de Saint Augustin, « <em>Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus.</em> » Précisément, à propos du temps, que diriez-vous ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Erik Andler : Bonjour Marc, Bonjour Jean-Marc. Merci Marc de m’accueillir pour ce tour de table sur le « Temps ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Pour moi, le temps est une notion complexe. Aussi, avant de s’interroger sur le « Temps », il me semble nécessaire de se demander de quel « Temps » nous parlons ? En effet, le temps, couvre un spectre très large qui va, entre autres, de la philosophie à la physique en passant par la métaphysique, les neurosciences et également la physique quantique.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">De mon point de vue, si le « Temps » reste, encore aujourd’hui, insaisissable, c’est un élément universel qui est l’une des clefs de la compréhension de l’Univers.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Jean-Marc Bastière : Bonjour Marc, bonjour Erik. Que dire après saint Augustin ? Le temps, les poètes le contemplent, les philosophes l'interrogent, les physiciens le mesurent. Et des artistes, comme Erik, le dessinent et le peignent avec inspiration, nous ouvrant des portes insoupçonnées ! Je dirais que le temps hante tout un chacun. Mais, insaisissable, il nous échappe toujours. Qu’on le veuille ou non, on se bat sans cesse contre ce fantôme intime dont l'existence impalpable se manifeste à chaque instant. Pourtant, il n'y a rien de moins abstrait - et de plus physique - que le temps. Il n'existe qu'incarné, peuplé pour moi de visages et de paysages, de voix humaines et de sons familiers, d’effluves de pain chaud et de feuillages après la pluie, de pêches mûres et de poisson grillé sur la plage, de baisers furtifs et d'étreintes tendres avec des êtres chers.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> <em>A contrario</em>, la contemplation des « peintures de date » d’Erik - chiffres vivants, traversés de torsions et de vibrations - nous fait ressentir la tension intrinsèque entre l'espace et le temps en déchirant le voile des évidences sensorielles, tandis qu'un peintre comme Eugène Boudin aimait, lui, croquer un ciel de nuages à un instant unique.<br /></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1346639" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/598793911.jpeg" alt="Exposition _Rencontre des couleurs_ Lyon 2022 (1).jpeg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Erik Andler : photo prise en juin 2022 lors d'une exposition à Lyon</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">M. A. : Erik, vous êtes peintre, et vous avez commencé la peinture en autodidacte. Vous avez débuté par une période de réflexion, puis en 2010, vous avez commencé à peindre sur du papier, en vous réappropriant formellement l’esthétique picturale des « Date Paintings » d’On Kawara. En 2012, vous réalisez votre première peinture sur toile de lin « NOV, 11. 2011 ». Vous poursuivez dans votre œuvre, une démarche plastique qui fait écho aux travaux scientifiques développés à travers les siècles. Vos peintures interrogent sur le temps, sa perception, sa réalité, sur l’espace aussi. Pourtant, au-delà de ces grandes questions du temps et de l’espace, qui sont des formes <em>a priori</em> de notre sensibilité selon Kant, votre travail nous questionne sur notre quotidien, notre monde et sur l’univers. Pourquoi ce choix ? Pourquoi cette orientation ? Est-ce que votre but est de mélanger des questionnements philosophiques à une représentation esthétique ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">E. A. : Marc, pour être franc, mon travail n’est pas orienté par un choix. Les œuvres que je crée naissent d’une inspiration suscitée par des questions qui m’habitent profondément.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Aussi, mon but n’est pas de mélanger des questions philosophiques à une représentation esthétique. Mon orientation est bien différente. Je présente, au travers, de mes créations, et en particulier, des « Distorted Dates » ma vision du « Temps », mais également ma perception de nos sociétés, du monde qui nous entoure et de mon ressenti sur l’Univers. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">M. A. : Jean-Marc, vous être critique littéraire au <em>Figaro</em>, et rédacteur en chef du mensuel <em>Histoire & Civilisations</em>, et vous avez publié de nombreux ouvrages, sur la jeunesse, Dieu, la religion, la prière, et un livre particulièrement marquant sur le temps, <em>Les sept secrets du temps</em> (Stock, 2018) </span></strong><strong><span style="font-size: 12pt; color: black; background: white;">[paru aussi en poche au Seuil, chez Points vivre, 2019]. </span></strong><strong><span style="font-size: 12pt;">Vous avez réalisé un vrai texte de philosophie, votre ouvrage étant une méditation poétique sur le temps, ce bien précieux, qui nous fâche, nous presse, nous lâche. Est-ce que vous avez écrit ce livre, parce que le temps serait notre malheur, duquel vous comptez nous libérer ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">J.-M. B : Si le temps marque notre finitude, il n'est pas fatalement un malheur. On peut simplement se méprendre sur lui. Pourquoi ? Parce que le temps, comme la vie, n'est pas un dû mais un don. Comme de l'eau pure qui nous est offerte ou une grâce qui nous est octroyée. L'attitude première que nous devrions cultiver est la reconnaissance, parce que nous avons le privilège d'être vivant et que ce temps précieux dont nous disposons, il ne tient qu'à nous de l'habiter de tout notre cœur. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ce temps, bien sûr, nous pouvons en faire notre malheur si nous cherchons à l'accaparer comme un trésor, si nous nous cramponnons à lui de façon désespérée, si nous cherchons à retenir son écoulement inexorable, entre un passé qui n'est plus, un présent qui s'évapore et la mort qui se rapproche ! Il ne faudrait pas grand-chose, pourtant, pour que le temps ait un goût de bonheur. Une pincée de confiance pourrait suffire ! Cette allégresse volontaire n'élude pas, bien sûr, l'angoisse, la tristesse et le tragique de l'existence. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> Ma seule préoccupation, c'est de faire remonter à la lumière ce que le lecteur porte déjà en lui. Loin de moi, donc, l'idée de libérer les autres du temps ! Être un passeur, oui, peut-être.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">M. A. : Jean-Marc, vous nous proposez dans ce livre d’acquérir la « sagesse du temps », dites-vous, ce qui reviendrait à vivre heureux et paisible, en nous dévoilant ses sept secrets. Mais quels sont-ils exactement ? Pouvez-vous nous en proposer un bref résumé ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">J.-M. B. : La sagesse, à vrai dire, n'est pas un long fleuve tranquille ! Et trouver la joie et la paix peut passer par un long et dur combat intérieur – aussi « brutal » qu'une « bataille d'hommes », écrit justement Rimbaud. En réalité, même si le contenu est philosophique et surtout spirituel, j'ai voulu, non sans plaisir et amusement, me glisser dans la forme particulière des ouvrages de développement personnel. Après la lecture d'un livre qui m'a touché et même bouleversé, ai-je remarqué, l'émotion se dissipe vite, très vite, trop vite. Une fois le volume remisé dans sa bibliothèque, nous oublions presque aussitôt l'essentiel. Nous passons à autre chose. Les livres nous changent-ils ? Oui, je le pense, mais lentement, par imprégnation, tout au long de la vie. Le type d’ouvrage dont la manière m'inspire ici peut aider, sans rien céder, bien sûr, sur le fond, à cette assimilation.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ces sept « secrets » sont comme des sentiers de montagne. Ils nous mènent vers la contemplation d'un seul mystère : celui du temps. Le premier : ou comment ne pas subir le temps en changeant ma perception et mon attitude. Le deuxième : ou comment trouver le bon tempo pour suivre mon désir fondamental. Le troisième : ou comment, contre les voleurs de temps, mener une vie véritablement créative. Le quatrième : ou comment dépasser un individualisme étroit en inscrivant mon organisation personnelle dans une culture vivante qui la porte. Le cinquième : ou comment réussir les passages, c'est-à-dire rendre à chaque jour sa saveur unique et à chaque âge sa vocation propre. Le sixième : ou comment, contre le mirage du passé, l’utopie de l'avenir et la tyrannie de l'instant, rendre au présent son éternelle présence. Le septième : ou comment concilier notre appréhension humaine d'un temps qui nous est compté avec ce qui échappe au temps.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">M. A. : Erik, puisqu’on parle du temps retrouvé, c’est en juillet 2016, que vous avez effectué un voyage d’étude à Barcelone tout à fait déterminant, puisque vous avez ressenti le besoin de vous détacher de l’emprunt formel pour travailler une forme plus personnelle, et c’est dès votre retour à Lyon, que vous avez commencé à utiliser la forme de la date définit par la norme internationale ISO 8601, qui est la norme spécifiant la représentation numérique de la date et de l’heure, et qui est une notation, créée en 1988, destinée à éviter tout risque de confusion dans les communications internationales due au grand nombre de notations régionales différentes. Quel étrange choix, non ? Quelle en est l’origine ? Est-ce qu’on se lève un beau matin, et que l’on se dit que l’on va travailler sur la représentation numérique de la date et de l’heure ? Lorsque vous avez exposé vos toiles pour la première fois, quelles ont été les réactions des gens ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">E. A. : Marc, à l’époque, je recherchais une représentation plus personnelle et également plus harmonieuse de la date. Et c’est un matin, en prenant un café dans un coffee shop de Barcelone que j’ai eu cette idée d’utiliser la forme de la date définie par la norme ISO 8601 pour mon travail.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Lors de ma première exposition, les réactions des gens étaient très intéressantes. Les personnes étaient très surprises par mes peintures. En particulier, par les « Distorted Dates ». Les gens étaient particulièrement intrigués par les déformations peintes sur la toile. Mais, également, beaucoup de personnes me disaient qu’en regardant mes oeuvres, ils ressentaient une grande sérénité et de l’apaisement.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">M. A. : Justement, votre travail artistique, Erik, pose des questions, peut-être personnelles, mais aussi philosophiques, telles que : Qu’est-ce que le temps et quel est son processus ? Quid du temps psychologique et de la perception que nous avons de son écoulement ? Le temps est-il linéaire, ne serait-il pas plutôt relatif ? Dans les faits, votre peinture s’élève au-delà du temps psychologique et de sa perception qui nous trouble, en questionnant la science bien au-delà de la physique newtonienne. En quoi la peinture pourrait-elle être légitime dans ce questionnement qui semble appartenir aujourd’hui aux scientifiques ? Pensez-vous que la peinture puisse nous proposer une vérité sur le temps qui échappe à la science, et laquelle ?<br /><br /></span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">E. A. : Marc, pour moi, le sujet du « Temps » ne peut pas appartenir à une catégorie de personnes, il est Universel. Aussi, je ne cherche pas à proposer une vérité au travers de mes peintures. Bien au contraire. Avec mes œuvres, j’introduis des premières clefs de lecture qui donnent une ouverture vers des questionnements sur le « Temps », sur nos sociétés, sur notre monde et sur l’Univers. Les réponses sont multiples et vivent en chacun de nous.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">M. A. : Jean-Marc, puisque nous parlons du temps selon le physicien, rappelons-nous ce débat contemporain, qui a cent un ans cette année, puisqu’il date de 1922, et qui portait alors, sur la nature du temps, un dialogue de sourds peut-on dire entre Albert Einstein et Henri Bergson. La question portait précisément sur le temps qui passe, et sur la représentation que l’on s’en fait. Est-ce que vous vous représentez le temps plutôt sous la forme d'une montre aux aiguilles qui sonnent la distance parcourue ou plutôt comme un morceau de musique dont les notes s'enchaînent, chacune imprégnée de la précédente et appelant la prochaine ? En bref, êtes-vous plutôt einsteinien ou bergsonien ? Sachant, que le premier défendait plutôt une conception de la temporalité à l'aune de sa théorie de la relativité restreinte, et que le second, pensait le temps sous un prisme plutôt psychologique.</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">J.-M. B. : Les deux, à vrai dire ! Einsteinien, déjà, par nécessité, dans le quotidien. Car il vaut mieux avoir une « montre » dans la tête pour parcourir avec un minimum de sérénité la distance d'une journée ou... d'une année ! Ne méprisons pas, dans la vie personnelle ou professionnelle, les vertus d'un emploi du temps réfléchi, sinon médité !</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C'est un premier pas vers la paix de l'âme. Un simple bureau mal rangé, recouvert de papiers en souffrance, peut, en effet, déprimer profondément. Quand les oublis et les retards se multiplient, avec l'impression ressentie d'être étouffé ou submergé, il est nécessaire de tout remettre à plat et de s'imposer un « régime du temps » drastique. Avec des renoncements, des allègements.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Une bonne organisation reflète aussi une forme de beauté et de sagesse. Savoir dire non à une sollicitation, goûter un rendez-vous en prenant un peu d'avance, se donner le temps de la clarté intérieure avant de prendre une décision (Louis XIV répondait toujours : « Je verrai ! »), et surtout pouvoir respirer à pleins poumons la rafraîchissante gratuité du temps. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Mais je suis aussi bergsonien par tempérament : quand je dois décider de quelque chose, de mineur ou de majeur, je mets presque toujours en balance l'utilité de cette action avec la puissance de vie qu'elle recèle. Entre-t-elle en résonance avec ce qui me fait vibrer vraiment ? C'est une question d'oreille, non pas interne, mais intérieure. Ou de ressenti subtil. Je peux par exemple renoncer sans hésitation à quelque chose d' « utile » ou à un quelconque intérêt pour poursuivre une conversation intéressante, prolonger une rencontre inattendue, écrire une page dont l'inspiration ne peut attendre, ou passer un après-midi d'errance bienheureuse en pleine forêt ou dans les rues de Paris.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Pour autant, je ne renonce pas, loin de là, à tout ce qui peut paraître ennuyeux ou désagréable. Déjà, il y a la fameuse « règle d'or », qui consiste à éviter de faire aux autres ce qu'on n'aime pas subir soi-même. En s'efforçant, par exemple, sauf empêchement impérieux, de ne pas décommander au dernier moment un déjeuner prévu. </span></p><p style="text-align: justify;"><spa
Marc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlQu'est-ce que le temps ? (Saint-Augustin)tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2022-05-12:32568432022-05-12T06:00:00+02:002022-05-12T06:00:00+02:00 La notion du temps est probablement l’une des plus complexes en...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">La notion du temps est probablement l’une des plus complexes en philosophie. En effet, peut-on définir le temps ? Est-ce qu’au cœur de notre existence, le temps ne se manifeste pas tout en se dérobant à nous ? N’échappe-t-il pas à toute définition ? Dans un texte canonique qui s’interroge sur la nature du temps, Saint Augustin affirme qu’il croit savoir ce qu’est le temps si on ne lui demande pas de l’expliquer et de le définir. Lorsqu’on lui pose la question du temps alors il ne sait plus quoi répondre. Sûrement est-ce la raison pour laquelle <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/augustin" target="_blank" rel="noopener">Saint Augustin</a></span> au Livre XI des <em>Confessions</em>, fait du problème du temps un lieu à la fois authentique et spécifique d’interrogation philosophique. Je continue ici, dans l'<em><span style="color: #800000;">Ouvroir</span></em>, grâce aux travaux d'Augustin, mon travail entamé récemment sur <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/le+temps" target="_blank" rel="noopener">le temps</a></span>. </span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/529971293.jpeg" id="media-1126864" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Au IV-Vème siècle de notre ère, au livre XI de ses <em>Confessions</em>, Saint Augustin écrit la chose suivante : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. » Ce passage, qui fait débuter le texte, pose d’emblée le thème du temps, et précisément sa définition, que l’on est bien incapable de donner. Cela est d’autant plus surprenant, que nous sentons, au moins intuitivement, nous l’éprouvons. Il est même cette <em>forme </em>a priori<em> de la sensibilité</em> selon Kant, puisque nous vivons dedans, nous en faisons l’expérience en permanence. En posant désormais la question de l’essence du temps, on voit que le temps est au plus près et au plus loin de nous. Dans ce cas-là uniquement, puisque selon Saint Augustin, Dieu a créé le temps, impliquant qu’avant Dieu, il n’y avait pas de temps, et que Dieu est en-dehors du temps. C’est donc dans ce contexte, que l’on doit évoquer cette réflexion d'Augustin sur le temps, telle qu'il l'a développée au livre XI des <em>Confessions</em>, ce qui nous force à évoquer les questions spirituelles qui l'ont habité.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Cela met également en avant le premier paradoxe du temps que ce texte soulève, puisque Saint Augustin relève que, si j’ai bien une intuition du temps, ce qui me parait évident, dès qu’il s’agit de le conceptualiser en revanche, j’en suis incapable, ce qui pose forcément un problème, celui de nommer quelque chose qui semble ne pas exister, et que je ressens pourtant. Comment conférer alors un être à des temporalités qui n’existent que dans l’absence ? Se pose alors le problème non pas celui de l’expérience du temps, mais de sa conversion en mots, sa saisie abstraite et conceptuelle afin d’en tirer une définition, sans quoi, on le comprend bien, on ne pourra jamais comprendre ce qu’est le temps, on ne pourra jamais comprendre ce qu’est l’être du temps, et pourquoi le temps échappe ainsi à la raison. Ce qui nous ramène donc à la question philosophique fondamentale qui occupe cette séquence : Qu’est-ce que le temps ? D’autant que définir c’est délimiter. Ce qui pose un autre problème évident, puisque ne pouvant le définir, en former un concept, on se demande aussitôt comment assigner des limites à ce qui est aussi évanescent, comment attribuer de l’être au temps qui parait manquer d’être ? <br /> </span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1126865" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/1901395191.jpeg" alt="augustin.jpeg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Augustin passe aux aveux<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Saint Augustin continue : « Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. » Selon lui, nous connaissons le passé parce qu’il y a des choses qui « passent », et nous connaissons l’avenir parce qu’il y a des choses qui adviennent. Cependant, quel est l’être du passé et de l’avenir si ceux-ci ne « sont » pas (au sens du présent) ? Et quel est l’être du présent, si lui-même s’engouffre dans le passé (car, si ce n’était pas le cas, le présent serait l’éternité) ? Nous verrons dans la seconde partie la solution que Saint Augustin donne à cette question philosophique. Pour l’instant, nous pouvons dire que le langage ordinaire ne peut définir le temps qu’à partir de ce qu’il voit ou ressent, d’où l’absence de question à propos du temps pour le langage ordinaire, faute de problème visible. Si le langage ordinaire se réfère au temps, c’est souvent pour s’inquiéter de l’heure qu’il est, du temps qui passe, de l’âge qui avance ; le temps paraît à la fois très familier et en même temps effrayant quand on prend en compte ses dégâts irréversibles à mesure qu’il passe. Pour le langage ordinaire en effet, le temps ne pose donc aucun problème, ou s’il pose problème, c’est parce qu’il passe trop vite. En matière d’information véhiculée entre les hommes, le langage ordinaire sait nommer le temps, et ne se questionne aucunement. Sûrement parce que le temps peut s’éprouver dans sa chair et intuitivement. Saint Augustin est donc mis face à ce paradoxe au centre même du temps, puisque son « être » consiste à s’évanouir en permanence et à n’être plus. Au-delà de l’argument sceptique qui ferait dire au philosophe que le temps n’existe pas, Saint Augustin est forcé de faire face à la vraie question du temps qui passe, et de son puissant paradoxe : si le temps passe et qu’il s’évanouit en permanence, le temps n’existe que dans la mesure où il passe et s’évanouit en permanence, ce qui nous oblige à en déduire que l’être du temps est celui de l’évanouissement et à n’être plus. On peut sûrement répondre à ce problème que le temps est simplement ce que nous vivons, le temps n’étant alors que le temps qui passe, et rien d’autre. Plusieurs siècles plus tard, le philosophe allemand Kant dira à ce propos que c’est parce que le temps, comme l’espace, est une des formes subjectives <em>a priori</em> qu’il nous est impossible de connaître les choses en elles-mêmes, et qu’il est impossible de considérer le temps comme un objet d’une connaissance <em>a posteriori</em>.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">On peut alors en déduire que le temps n’est pas un concept de l’entendement. Kant se l’assure par deux arguments : la connaissance du temps commence avec l’expérience ; nous possédons aussi des connaissances du temps qui ne dérivent pas de l’expérience, ce qui suppose une connaissance <em>a priori</em>. Or, cette forme dite <em>a priori</em> en tant qu’elle précède les données sensibles et s’applique à elle, autrement dit en tant qu’elle rend possible l’expérience fait que le temps est présent dans toute expérience, et que celle-ci concerne des objets extérieurs ou qu’elle soit intérieure, comme l’est l’imagination par exemple.<br /><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>La théorie des trois présents</strong> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Pour répondre au paradoxe, Saint-Augustin évoque la théorie des trois présents, ce qui revient à dire qu’il y a un présent du passé, un présent du présent, et un présent du futur. De ce triple présent qui existe dans l’esprit, on peut dire que le passé et le futur existent bien, mais sous la forme du souvenir pour le passé et de la prévision pour l’avenir. Saint Augustin s’oppose ainsi à Pascal qui dit qu’en matière de définition du temps, celle-ci est synonyme de clarté, puisque lorsque nous parlons du temps, nous pensons tous à la même chose, nous essayons de le définir, nous faisons toujours entrer en jeu dans la définition le temps lui-même en usant de termes tels que « successif », « devenir », en lui attribuant une valeur ontologique. On constate alors avec le texte de Saint Augustin, qu’il souligne que la familiarité du temps s’accompagne d’obscurité et de mystère. En effet, le temps existe d’une manière assez mystérieuse puisque le futur existe comme « pas encore » qui sortira bientôt du présent, et le passé comme un lieu obscur duquel s’est tiré le présent. Le futur existe donc comme un lieu qui a rendu possible le présent, et le passé existe comme ce qui suit le présent et où il se retire. Lorsque nous nous remémorons un fait passé, que faisons-nous sinon convoquer des images qui sont en nous, ce qui fait que le présent rend possible un mode d’existence du passé à partir de la mémoire. Idem pour le futur. Lorsque dans le présent, j’imagine un événement à venir, comme l’obtention du baccalauréat pour un élève de terminale, nous imaginons le futur, mais les images de ce futur supposé nous viennent du présent. Voilà comment Saint Augustin justifie l’idée que le présent est le seul temps qui existe pour nous, en soulignant que le souvenir est le mode d’accès au passé, et l’attente celui de l’accès au futur. On comprend qu’il y a une triple action de l’esprit, et que Saint Augustin fait reposer la connaissance du temps sur un présent mental.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est ainsi que l’on retrouve la thèse d’Aristote, qui soutenait que le temps est un état de nature, et formait à ce titre, le paradoxe suivant : le temps n’existe pas, puisqu’il est composé du passé, qui n’est plus, du futur, qui n’est pas encore, et du présent, qui est évanescent, et disparaît sans cesse, ce qui nous mène à en déduire que le temps n’est pas un mouvement, puisque celui-ci peut être plus ou moins rapide, – à la différence du temps –, mais qu’au contraire le temps ne peut exister sans changement : il ne semble pas que du temps ait passé quand on garde la même pensée. Ainsi, on dit qu’il s’est passé du temps quand on perçoit un changement. Ce pourquoi le temps n’est ni le mouvement ni sans le mouvement ; il est donc nécessairement quelque chose du mouvement, mais quoi ? Aristote répond qu’au moment où nous percevons l’antérieur et le postérieur, nous disons alors qu’il y a du temps ; le temps n’est autre, que le nombre du mouvement selon l’antérieur et postérieur. Ce qui ainsi démontre l’action du temps, c’est le <em>mouvement</em> qui modifie l’aspect et la position des choses. Le mouvement est le principe de la génération, de la corruption de l’accroissement, et de l’altération des choses. Il produit une rupture entre deux états. C’est à partir de cette rupture que l’on peut parler d’antérieur et de postérieur. Aristote définit ainsi le temps comme « le nombre du mouvement ».<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">On peut finir en rappelant que le physicien Albert Einstein dans la théorie de la relativité, rejoindra les vues d’Aristote, en affirmant que nous percevons le temps en fonction du mouvement, et même que, chaque mouvement a sa propre temporalité.<br /><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><strong>Le temps intérieur</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">La solution de Saint Augustin est donc la suivante : on ne peut pas dire qu’il y a trois temps qui sont le présent, le passé et l’avenir (car ces deux derniers ne « sont » pas). Il y a pourtant bien trois temps, mais ce sont le « présent relatif au passé » (mémoire), le « présent relatif au présent » (perception) et « le présent relatif à l’avenir » (attente). Cela nous fait donc penser que le temps est lié à l’existence du changement. Autrement dit, pour percevoir le temps qui passe, nous devons d’abord percevoir des changements (jours du calendrier, nuit et jour, naissance et mort, saisons qui se succèdent, années qui passent, heures de l’horloge, etc.), ce qui est la marque d’une rupture d’un état continu et uniforme. Si le passé tend à n’être plus, le futur pas encore et le présent à se détruire en permanence, alors disons que l’être du temps est le non-être, puisqu’on ne pourrait accorder un être stable au présent sans immédiatement détruire le temps. Pourtant, si mon esprit est capable de faire exister trois temps, c’est la conscience qui saisit ces trois temps qui, en eux-mêmes ne sont rien, et qui leur donne cette consistance.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Afin de résoudre le paradoxe du temps, ne faut-il pas suivre Saint Augustin jusqu’à cette vérité qu’il énonce : le temps serait une « distension de l’âme » (<em>extensio animi</em> en latin) que l’on retrouve au chapitre XXVI de ses <em>Confessions</em> ? Cela présente donc le temps comme une tension, soit vers ce qui n’est plus soit vers ce qui n’est pas encore, et nous présente le temps comme une réalité subjective, une façon de vivre le temps intérieurement qui, seule, peut déterminer l’être du temps. On peut alors dire que recourir à la mémoire, c’est se transformer en une sorte de biographe de soi-même, rapportant des souvenirs sous la forme du récit que l’on se raconte, ce qui reviendrait à dire que la littérature est la seule forme de vraie vie.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt; color: #800000;"><strong>Le problème du temps : une énigme et une privation d’être</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ? </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on avec vérité : Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente. Si l’on m’accorde de l’entendre ainsi, je vois et je confesse trois temps ; et que l’on dise encore, par un abus de l’usage : Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ; qu’on le dise, peu m’importe ; je ne m’y oppose pas : j’y consens, pourvu qu’on entende ce qu’on dit, et que l’on ne pense point que l’avenir soit déjà, que le passé soit encore.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> Extrait du texte. Saint Augustin, <em>Les Confessions</em>, Livre XI, ch. XIV</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #800000;">En ouverture : Le lapin blanc, personnage dans Alice au Pays des Merveilles, de Walt Disney. </span></strong></p>
Marc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlSaint Augustin et la voix de Dieutag:marcalpozzo.blogspirit.com,2021-04-14:31526122021-04-14T06:03:00+02:002021-04-14T06:03:00+02:00 Augustin tente de sonder un grand mystère, celui de la voix de Dieu, qui...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Augustin tente de sonder un grand mystère, celui de la voix de Dieu, qui parle aux hommes à travers le texte sacré qu’est la Bible. <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/augustin" target="_blank" rel="noopener">Saint Augustin</a></span> nous rappelle donc, que Dieu, malgré son élévation au-dessus de tous les hommes et de tous les prophètes, reste la voix, la voix du Verbe ou de la Parole éternelle. C’est ainsi donc, en tant que prédicateur, qu’il met l’autorité de sa parole sous l’autorité de Dieu, puisque sa parole n’est autre que celle de Dieu, qui parle à travers lui. Voici une petite méditation, que je propose en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/69037865.jpg" id="media-1095509" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1095510" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/1608686346.jpg" alt="confessions.jpg" />Quelle différence peut-on faire entre la voix de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/augustin" target="_blank" rel="noopener">Saint-Augustin</a></span> et la parole divine ? D’une part, on peut répondre que la voix n’est rien sans la parole ou sans la pensée, et d’autre part, que dans l’intelligence concevant la parole, la pensée précède la voix. En revanche, dans l’esprit à qui s’adresse la pensée, la voix porte la pensée et la précède. Ainsi, Augustin, sachant que le Verbe existe d’abord dans l’intelligence divine avant d’arriver jusqu’à nous, sait que la parole n’est plus nécessaire quand il s’agit de la voix du Verbe ou de la Parole éternelle. « Tous comprennent aussi, je pense, écrit Augustin dans cet extrait, que ce qui se fait en moi se produit également dans tous ceux qui parlent. » Augustin sait donc qu’il doit se placer sous l’autorité du Verbe, qui existe d'abord dans l'intelligence divine, et qui, pour arriver jusqu'à nous, a demandé à avoir les précurseurs que sont Jésus et les prophètes, les Apôtres et les patriarches.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Si le verbe précède la voix en Augustin, il lui faut encore expliquer le circuit complet de la communication puisqu’on y trouve deux directions : celui de l'idée à la voix et celui de la voix à l'idée. C’est donc sous l’autorité du verbe, qui est le premier, et qui vient avant la voix, qu’Augustin se place, puisque celle-ci est le véhicule du Verbe. Donc la voix elle-même transporte le sens comme moyen d'information. Ça n’est donc qu’ensuite qu’Augustin s'efforce d'atteindre d'un seul élan le sommet de sa pensée et la porte à Dieu.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Après une longue méditation sur la voix et sa fonction, Augustin commence à établir ce qu'elle est. En bref, pour reprendre une parole théologique on peut dire que tout homme qui annonce le Verbe est la voix du Verbe. Ainsi, si la voix ne dit rien quant à l'intelligence, Augustin, ne prenant nullement la voix dans un sens métaphorique dans le Sermon 288, 5, dit que c’est « le son de (sa) voix qui peut porter (sa) pensée ». </span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt; color: #800000;"><strong>À voir aussi :</strong></span><br /><iframe width="360" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/xxz75fBARsY?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Saint Augustin dans <em>La Foi prise au Mot,</em> du 11/01/2010.</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cependant, lui, qui prêche, ne peut réduire la parole à un simple procédé rhétorique, au motif de la voix. Aussi, en fondant épistémologiquement le son de la voix et ses procédés, il fait de celle-ci, celle qu’il porte devant son auditoire une parole de la vérité, sachant qu’elle ne peut être que d'origine divine. Cette voix se fait entendre intérieurement et silencieusement d’abord. C’est pour cela qu’il dit : « Ainsi, dit-il, la parole est en moi antérieure à la voix ». C’est donc grâce aux voix extérieures et corporelles, qui appellent l'homme à exercer son jugement et à retrouver en lui la transcendance de cette vérité, qu’Augustin peut alors porter la pensée par « la voix qui ne vient qu’ensuite ». La voix, inférieure au Verbe, représente cette dimension d'adresse, d'interpellation par laquelle l'homme accueille l'altérité divine.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Augustin sonde le mystère de la voix. Qu’est-elle et à quoi sert-elle ? Elle ne vient qu’après la pensée, qui peut se faire pensée créatrice lorsque celle-ci s'est approfondie grâce à la lecture de la Bible. C’est à ce moment-là qu’il se met sous l’autorité de la voix, qui n’est autre que le Verbe avec lequel il va s’adresser à Dieu.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #800000;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En couverture : Vittore Carpaccio (1455-1526) <em>La vision de Saint Augustin,</em> 1502-1507, Huile sur toile, 144 x 208 cm, Venise, église de Saint-Georges-des-Esclavons</span></strong></span></p>
Marc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlLa leçon de philosophie : Le temps est-il notre malheur ?tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2020-05-28:31506912020-05-28T06:00:00+02:002020-05-28T06:00:00+02:00 La leçon de philosophie est à la fois un exercice que l'on accompli...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/la-lecon-de-philosophie/" target="_blank" rel="noopener">La leçon de philosophie</a></span> est à la fois un exercice que l'on accompli devant un jury et un cours que l'on donne devant ses élèves. L'enjeu est toujours le même, puisque c'est ce moment où il nous faut faire la preuve de notre capacité à réunir, lors d'un exercice bref, toutes les qualités qui pourront faire de nos cours des moments de philosophie. Voici une leçon sur le temps qui se formule ainsi : <span style="color: #800000;"><em>Le temps est-il notre malheur ? </em></span></span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/2875343687.jpg" id="media-1091876" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><br />Se demander si le temps est notre malheur revient à se demander si notre condition humaine ne repose pas intégralement sur le temps, et, si celui-ci n’est pas une fatalité dont on ne peut pas se défaire. Si l’on décrit le temps selon un angle subjectif, on peut en effet le décrire, à la suite de la <em>doxa</em>, comme une expérience immédiate, affective et pathétique. Il est vrai que le temps nous fait vieillir, mourir, qu’il est irréversible, et que le sentiment de ne jamais pouvoir revenir en arrière, afin de changer les mauvais choix de notre existence, est pour nous, lorsqu’on y pense, une profonde douleur. Le temps transforme nos vies en quelque chose d’irrattrapable, d’irréversible, comme si la ligne du temps n’était qu’un insondable anathème posé au-dessus de nos têtes, emportant tout, dans un long fleuve impassible, menant dans un profond précipice où tout finit par disparaître dans le néant. On connait à ce propos les mots du poète : « Avec le temps va, tout s’en va... », et ceux de Samuel Beckett : « Ma vie s’en allait, mais j’ignorais où. »<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il est vrai que le temps est synonyme de vieillissement et de déclin. Mais il peut être également défini, si on l’observe sous l’angle objectif, comme celui du temps historique et de la nature, ou encore comme une durée, un temps linéaire, autrement dit dépendant d’une définition univoque. On peut alors définir le temps de la nature comme l’alternance entre les jours et les nuits, les saisons, ou encore comme le temps universel de l’horloge qui se divise en unités quantifiables, comme si la vie était un cycle infernal et sans fin.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Or, peut-on seulement appréhender le passage du temps comme un processus simplement linéaire, un parcours en ligne droite, de la naissance à la mort, et qui donnerait à l’existence la forme d’une trajectoire rectiligne ? Ne serait-ce pas méconnaître le travail de la mémoire, ces retours incessants du passé vers le présent, et qui rompt avec la conception linéaire du temps ? On peut ainsi opposer le temps existentiel au temps de la nature, comme le temps cosmologique au temps subjectif.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Si l’on prend l’étymologie du mot, le temps nous vient du grec <em>temno</em>, qui signifie couper, ou <em>temnos</em> enclos, ou encore du latin <em>templus</em>, temple<em>, tempus</em>, fraction de la durée ; on voit que le temps se définit alors comme séparation d’éléments <em>indivis ;</em> qu’il est une coupure définissant un dedans et un dehors ; une exclusion de l’élément autant que son rassemblement avec le tout. Pour qu’il y ait du temps, il faut donc du changement.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">On peut alors dire que le temps se propose à la pensée comme une énigme ontologique, puisque, dans la succession des instants, il est à la fois successivement étant et non-étant. Se questionner autour du temps et de la condition qu’il pourrait induire dans nos existences, revient à se demander si la condition humaine dépend exclusivement du temps, ou si nous pouvons lui échapper. Autrement dit, est-il possible de dissocier l’homme du temps, ou l’homme est-il, selon les mots de Jankélévitch, « du temps à deux pattes » ?<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Le temps qui passe représente tous ces instants qui se dispersent et se rassemblent à la fois en une vie. Or, c’est au milieu de ce tourbillon que représente le temps, à la fois comme unité du concept et diversité de son phénomène, que nous sommes prisonniers, prisonniers de l’impermanence, et de l’instabilité des choses, broyés dans cette double puissance de la coupure mise à l’œuvre au sein même du phénomène du temps et qui nous conduit jusqu’à la mort.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">On peut alors dire que le temps est notre malheur, au sens où nous nous posons dans le temps, qui est une simultanéité de l’étant et du non étant. Mais nous pouvons également nous distinguer du temps par la mémoire et l’effort philosophique. Enfin, si le temps est du côté de la mort, il est aussi du côté de l’autre et ainsi il n’est pas nécessairement notre malheur puisqu’il est la possibilité de l’éthique.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1092061" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/2908693182.jpg" alt="le temps,héraclite,vladimir jankélévitch,marcel proust,ludwig wittgenstein,blaise pascal,rené descartes,maurice merleau-ponty,henri bergson,saint-augustin,emmanuel lévinas,heidegger" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Le lapin du film Alice aux pays des merveilles (9151)</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Au moment même où nous existons nous sommes aussitôt avec le temps, pris dans le temps. Le temps fuse en nous, nous traverse et nous déporte. On peut alors parler d’expérience initiale et dépossédante par le temps qui nous installe dans une expérience contradictoire qui ne nous lâche plus jusqu’à la mort. Le temps ne se manifeste pas comme un concept mais plutôt comme une réalité fuyante qui nous dépossède de nos désirs, de nos espoirs, de nos souvenirs et bientôt de notre vie. Héraclite a très bien défini notre condition par cette phrase restée célèbre : « Nous ne posons jamais deux fois le même pied dans le même fleuve », ce qui veut dire que tout change sans cesse, et que nous sommes emportés par le devenir permanent ; que nous expérimentons dans notre existence l’impermanence constante. Lorsque nous vivons, nous sommes aux prises avec le temps qui se manifeste en se déclinant et se divise, au point de dire que nous vivons à la fois avec lui, à la fois contre lui, mais jamais sans lui. Dans l’expérience de la vieillesse, nous vivons très certainement une expérience étrange du temps, qui suit invariablement son « cours », et qui défait tout ce qu’il a fait, qui emporte tout avec lui. Cette expérience du temps nous la faisons certainement dans le vieillissement, une expérience à la fois commune et intime, dans laquelle apparaît dans tout son effroi, et peut-être même toute son horreur, la manifestation authentique et originaire de l’épreuve du temps et son entreprise de destruction. C’est en ce sens même, autrement dit, dans ce vécu de conscience du temps psychique, qui précède le temps objectif, que peut se faire la conscience de ce dernier, que le temps peut nous apparaître comme un malheur, et peut-être même le plus grand des malheurs.</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ce qui peut sembler paradoxale c’est que le temps soit notre malheur : il semble manifeste que nous ne sommes pas l’auteur du temps ni responsables de la temporalisation, mais, une fois nés, nous sommes aux prises du temps ; de sa dépossession originelle et renouvelée, qui peut nous faire dire qu’il y a en nous, de nous, au-dedans, comme au-dehors, quelque chose qui passe, et dont le passage s’effectue malgré notre volonté ; il semble que nous soyons condamnés à subir passivement le temps, ainsi que son irréversibilité, et que la condition humaine dépend de ses ravages et de son entreprise de destruction, au point de ne nous laisser aucun choix. Ce qui creuse encore plus cet état de choses, c’est que nous ne sommes pas en mesure de définir le temps, puisque, tel que le montre Aristote dans <em>Physique</em>, IV, la question de la nature du temps montre que le temps est quelque chose du mouvement ; dans la relation que l’homme entretient avec le temps, il fait l’expérience psychique d’une durée intérieure et de changements qui sont essentiellement perçus par l’âme. Le temps est perçu par un acte de l’âme qui a la sensation d’un changement. Mais encore faut-il que le changement ne soit pas total sans quoi la conscience ne peut pas le reconnaître comme changement. Il faut donc que le changement soit partiel. C’est alors que la conscience va le prendre comme un changement et s’en étonner ou s’en morfondre. À l’image du narrateur de Proust, dans <em>Le Temps retrouvé</em>, qui, au bruit du tintement de la sonnette, se souvient subitement de lui, autrefois, il y a déjà si longtemps maintenant, alors qu’il entend ce bruit si particulier, alors qu'il est désormais si différent. Il faut toutefois qu’il soit encore le même pour que la conscience puisse déterminer qu’il a bien changé ; c’est donc dans l’apparition de ce changement, que le narrateur sait qu’il y a de nombreuses années qui le séparent de lui aujourd’hui, parce que le changement n’est pas total sans quoi il aurait conduit à l’égarer, mais partiel, et qu’ainsi la conscience reconnait quelque chose d’immuable et de fixe dans ce changement. Nous serions alors tentés de dire que notre malheur réside dans le fait que le temps, tel que le montre Aristote, est à la fois quelque chose d’identique qui demeure au sein même du changement, et que, à l’instar du narrateur de Proust, ce changement observable par la conscience, au moment même où elle en prend acte, nous saisit et nous apitoie ?</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">À cet endroit de notre analyse, ne pouvons-nous pas en conclure d’ors et déjà que le temps est notre malheur parce que le temps qui passe est synonyme pour nous d’une mort prochaine, à travers les épreuves de la dégradation et du vieillissement ? Cette expérience du vieillissement se trouvant toujours conditionnée par la mort, fait pourtant dire à Wittgenstein dans son <em>Tractacus-philosophico-politicus</em>, qu’il n’y a pas d’expérience de la mort, car « la mort ne peut être vécue ». Faisant alors de la mort un vieillissement visible par la conscience et que nous subissons, et en même temps, une énigme métempirique, cela souligne bien notre problème, puisque la mort s’annonce à nous à la fois comme une possibilité et une impossibilité absolue. Ce qui est alors notre malheur semble-t-il, est moins la mort elle-même que notre impossibilité à l’envisager pleinement,</span><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> et ce temps qui coule en nous, à travers le vieillissement, signe même de notre mort prochaine, tout en se montrant comme une impossibilité dans le temps présent, puisque nous ne sommes pas capables de véritablement l’envisager, tant nous sommes disposés à nous croire immortels. C’est donc les philosophes Pascal et Jankélévitch qui peuvent nous venir en aide, puisque cette mort annoncée, qui ne semble qu’hypothétique à nos yeux, lorsque nous sommes encore vivants, est une consolation bien mince, rajoutant à notre souffrance et notre désarroi dans le temps présent. Suspendus entre deux néants, pour reprendre la jolie formule de Pascal, nous pouvons surtout faire une expérience vertigineuse et indirecte du temps à travers la mort de l’autre, puisque, toujours pour Pascal c’est la mort de l’autre qui nous annonce notre propre mort. « Le dernier acte est sanglant » nous dit Pascal dans ses <em>Pensées</em>, (199 et 210), et c’est bien cette mort de l’autre dont nous pouvons faire l’expérience qui conditionne notre vie, notre « condition d’homme ». À peine nous souvenons-nous de la disparition d’un proche, l’imaginons-nous lorsqu’il était encore vivant, que l’on prend conscience que la mort nous a ôté d’une présence, la soustrait des lieux qu’elle habitait, des objets dont elle se servait, au point que cette disparition demeure incompensable ; une tragédie scandaleuse et mystérieuse, tel que le dit Jankélévitch dans <em>La Mort</em>, ce qui nous pousse à faire une bien étrange expérience qui nous livre la certitude radicalement inexpérimentable et invisible de notre propre mort à venir. C’est donc parce que le temps nous contient dans le processus de son devenir permanent que nous faisons l’expérience douloureuse du vieillissement, et que nous aboutissons à une impasse nous conduisant à une expérience de la mort impersonnelle et indirecte des autres ; que nous pouvons aussi conclure que le temps est toujours pour nous un malheur et la promesse inébranlable mais toutefois incertaine, de notre fin prochaine. De cette mort annoncée nous ne pouvons toutefois rien dire, ou alors en dire trop, mais le temps qui s’écoule en nous, et que nous ne pouvons désespérément pas arrêter, semble l’allié fidèle et insensible d’une condition menaçante et cruelle, contre laquelle nous aurions beau lutter, nous demeurions toutefois impuissants et incertains. Néanmoins, si nous sommes mêlés au temps, ne pouvons-nous pas nous en distinguer en nous adossant à un concept qui est censé s’opposer au temps ?</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1091906" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/882887068.jpg" alt="janké.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Vladimir Jankélévitch</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il est possible peut-être de sortir de cette impasse philosophique auquel le temps nous conduit, en tentant, non plus de questionner la nature du temps, mais en nous demandant par quels moyens il nous est loisible d’en sortir. Car, si le temps est notre malheur, ne sommes-nous pas toutefois en droit de dire aussi, que le problème du temps cesse aussi de se poser, et que dans certains cas de figure, nous ne sommes plus marqués par le sceau du temps ? Mais pour cela, il nous faut alors cesser de nous questionner directement sur le temps, mais sur la meilleure façon de vivre afin de nous soustraire au temps, de cesser qu’il se pose, et de l’arrêter. Car, l’on peut dire, à la suite de Descartes, que ce qui compte précisément n’est pas la mort, mais le temps qu’il s’agit de vivre et de bien vivre. Certes, « cette vie et brève et ne souffre aucun délai » aime à répéter Descartes dans le <em>Discours de la méthode</em> (IV), n’en reste-t-il pas moins qu’il est préférable aux atermoiements et lamentations marquer le temps et y planter des repères. Parmi ces repères on trouve la vérité cartésienne et la confiance en cette vérité. Cette vérité n’est autre d’ailleurs que la solide proposition que l’on retrouve dans la deuxième méditation : « cette proposition je suis, j’existe est nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit », ce qui peut nous faire dire que l’entreprise de Descartes nous apporte la solidité dont nous avions besoin face au temps qui passe et qui fait notre malheur, puisque cette vérité du cogito résiste à tout, et que rien n’est en mesure d’attaquer cette vérité, et donc de nous ébranler. Car, si l’on s’en tient à la leçon donnée par l’entreprise cartésienne, la vérité est vraie chaque fois et toujours, mais elle ne l’est pas pour toujours, car il y a le temps, et c’est pour cette raison qu’il nous faut la répéter éternellement, que c’est cet effort qui précisément me libère de l’angoisse du temps et de la brièveté de la vie. Ce que l’on voit alors à l’œuvre ici, c’est la volonté philosophique, dans son projet et ses variations, de marquer le temps de notre sceau et nous extraire de son flux, puisqu’il nous inquiète ; en le marquant de quelque chose d’invariant, qui est hors de lui, cette invariance du temps exige une méthode, un effort toujours renouvelé.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ce que l’on peut aussi dire du temps c’est qu’il est familier, parce que partout, mais néanmoins informulable, ou du moins, pas clairement, du fait de son inconstance. Ce que nous pouvons reprocher au temps c’est qu’il apporte sans cesse de la nouveauté, et crée ainsi en nous, de l’incertitude et de l’angoisse. En ce sens, il est la cause même du malheur que nous ressentons à ne pas savoir nous en faire le maître ; c’est parce que nous ne savons pas être les maîtres du temps, ce dont nous rêvons depuis le commencement, que le temps nous marque du sceau du malheur. Cette impossibilité obligée se retrouve en chacun de nous, telle une condamnation irréversible, et nous oblige non plus à nous questionner sur les moyens de sortir du temps mais plutôt sur ce que nous pourrions en faire, déplaçant ainsi la question. Nous voyons alors que la question qui nous concerne ne peut plus se poser sur le plan ontologique, puisqu’elle conduit alors à une impasse, ou une impuissance face au temps, nous marquant de son sceau, et nous marquant du malheur de notre condition temporelle, mais peut, au contraire, être questionnée sous un nouvel horizon, l’horizon épistémologique, et la connaissance que l’on en a : nous avons le temps vu par la science, mais aussi le temps que l’on pense : Merleau-Ponty compare par exemple, le temps qui passe aux battements du cœur. Notre cœur bat rapidement, ou lentement, ses rythmes sont alternés, mais nous pouvons le penser ou bien penser à autre chose, ce qui montre qu’il y a un temps qui passe, et qui ne peut faire autrement, mais qu’à propos du temps personne ne peut dire ce qu’il y a, à l’image de cette réflexion d’Augustin, à propos du temps : « Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus » (<em>Confessions</em>, XI) ; personne non plus ne peut prédire ce qu’il y aura.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">En écoutant Bergson il est néanmoins possible, peut-être, de dire quelque chose à propos du temps. Dans la <em>Pensée et le mouvant</em>, le caractère du temps est celui de la durée, qui est « un jaillissement ininterrompu de nouveautés ». On le comprend par la définition de ce qu’il appelle la durée, et qui ressemble à « un progrès » et une « création perpétuelle de possibilités et de réalités. » Or, si comme n
Marc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlLe journal de Raïssa, la femme de Jacques Maritaintag:marcalpozzo.blogspirit.com,2019-01-20:31278662019-01-20T09:20:00+01:002019-01-20T09:20:00+01:00 Les éditions Desclée de Brouwer ont eu la bonne idée de faire paraître le...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Les éditions Desclée de Brouwer ont eu la bonne idée de faire paraître le <em>journal de Raïssa Maritain</em>, la femme de Jacques Maritain, qui était épuisé depuis déjà 15 ans. Ces carnets de notes, et fragments, rassemblés par le mari de Raïssa, est l’histoire d’une conversion au christianisme. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>, et elle est désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/2561336182.jpg" id="media-1056725" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1070895" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2072792734.jpeg" alt="jacques maritain,raïssa maritain, Ernest Psichari, Charles Péguy, " />Voici un livre à ne pas mettre entre toutes les mains. Voici venir le livre de la conversion d’une femme pieuse au christianisme. Or, dans notre époque athée, anti-chrétienne, antireligieuse, qui fait presque de l’antireligieux un produit marketing, voici venir le livre d’une sainte, d’une femme pieuse, d’un cœur simple comme l’écrivait Flaubert à propos de son personnage Félicité.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Raïssa Maritain, femme du philosophe français Jacques Maritain, une des figures majeures du néo-thomisme au 20e siècle. Comme Thomas d'Aquin, Jacques Maritain fut l'artisan et le défenseur d'une philosophie chrétienne fondée sur l'expérience et la raison, indépendante de la foi, mais en accord parfait avec la Révélation. Philosophe prolixe, encore beaucoup lu aujourd’hui, il formait un couple indissociable avec Raïssa, cette philosophe tout autant poète que mystique. Si Jacques Maritain est enco<span class="text_exposed_show">re dans les esprits de tous, Raïssa a tendance à s’effacer peu à peu de la mémoire collective. C'est d'autant plus regrettable, qu'elle fut celle qui mit les mots de la poésie sur une vie hors du commun, qui théorisa le besoin irrépressible et vital de l’oraison, et se tint derrière et aux côtés de l’homme qui partagea sa vie. Pour leurs amis d'enfance, Ernest Psichari ou Charles Péguy, c'étaient deux êtres à la pensée aussi vibrionnante que leur existence. Alors même que Raïssa laisse une œuvre poétique et philosophique remarquable, on considère, d'abord et avant tout, qu'elle est une <strong>mystique</strong>. Son journal, que j'ai eu l'honneur de recevoir, et que j'ai lu avec un bonheur m'habitant encore, va chercher ses racines de cette soif du ciel encore présente en moi, parle pour elle.</span></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070896" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/2492494827.jpg" alt="jacques maritain,raïssa maritain, Ernest Psichari, Charles Péguy, " /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Jacques et Raissa Maritain</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Ô Jésus, combien votre Passion était nécessaire. Comme il fallait que votre adorable cœur fut transpercé pour moi. Ô Jésus ! votre cœur douloureux et saignant me dit de ne pas craindre et d’avoir confiance, il me le dit si fortement », écrit Raïssa dans son journal, le 20 juillet 1960. Combien d’esprits, de cœurs sont aujourd’hui capables d’entendre un tel message de paix intérieure, de tranquillité de l’âme ; combien d’entre nous sont capables de vivre en soi cette chaleur, cette passion, cet amour brûlant ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2011/05/27/entretien-avec-jean-pierre-denis.html" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #ff0000;"><span style="color: #800000;">Depuis que le christianisme fait « scandale »</span></span></a>, depuis qu’il est le chancre de la « contre-culture » actuelle (je reprends les termes de Jean-Pierre Denis dans un livre paru au Seuil en 2011), il est temps, je pense, de comprendre le message chrétien, dans sa profondeur dérangeante, déstabilisante, et surtout libératrice. Car le message est un message de libération, d’amour et de libration, et rien d’autre…</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En 1962, le mari de Raïssa, qui n’est autre que le philosophe Jacques Maritain, rassemble ses notes et fragments éparses rédigés dans plusieurs carnets en 1962 et compose ce <em>Journal</em>.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est un journal composé de quatre carnets allant de 1906 à 1926 et un cahier vert concernant le « journal de 1931 », en plus des feuilles détachées et des notes et fragments trouvés par Jacques Maritain dans un autre cahier, un ensemble de méditations et de pensées pour soi-même jetées à la hâte par manque de temps, que Raïssa nous lègue, nous offre avec la charité de cœur qu’on lui connaît alors, après la lecture de ces brèves pensées, mêlant amour, joie, abandon, humilité, dévotion, passion pour le Christ.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1056728" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/2942217813.jpg" alt="jacques maritain,raïssa maritain" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Raïssa Maritain</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La foi pour Raïssa n’est pas juste une affaire de sentiment ou de croyance, c’est une foi qui l’habite dans l’entièreté de son être, c’est une béatitude permanente qui lui donne la force et l’amour pour continuer et mener à bien sa mission ici-bas.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Il est une béatitude propre à la nature spirituelle, et qui se trouve à son comble chez les bienheureux, où elle est immortelle comme l’esprit. »</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">À l’image des confessions de Saint-Augustin, ce journal est le dialogue d’une femme avec le Très-haut, un cri du cœur, un cri sans âge pour trouver la voie, celle du sauveur certainement, un cri trouvé dans les notes les plus intimes de l’épouse du philosophe. Certains lecteurs hésiteront, j’imagine à pousser très loin leur lecture, tant c’est dans la vie intime que ces notes ont été puisées, et certainement trouveront-ils quelque chose d’indécent dans le travail de Jacques Maritain à vouloir amener au grand jour ce que Raïssa vivait dans son plus personnel quotidien. Personnellement, je n’y vois rien de tout ça. L’entreprise est plutôt saine, partageable, réalisée en vue de mettre à disposition de tous, la démarche de Raïssa, portée par la grâce de la contemplation afin d’expérimenter « le mystère infini de Dieu, son amour et sa miséricorde » comme le dit très bien le frère René Vuillaume dans sa préface datant du 24 juin 1963.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Ce livre est donc le témoignage d’une rare et authentique « expérience du mystère de Dieu » dans la réalité humaine la plus ordinaire, mêlée à « la clarté d’une intelligence extraordinairement vigilante et amoureuse de la vérité ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Écrit dans un langage très clair, et simple, on suit patiemment, mais passionnément aussi, l’itinéraire spirituel et philosophique d’une âme, qui progresse vers toutes les étapes de l’élévation spirituelle, en découvrant en elle sa nature divine.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1056727" style="margin: 0.7em auto; display: block;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/538860533.jpg" alt="jacques maritain,raïssa maritain" /></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Raïssa Maritain</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Raïssa Maritain, <em>Journal de Raïssa</em>, Desclée De Brouwer, septembre 2018.</span></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;">À voir aussi :</span><br /><iframe width="360" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/ysHIjrV6asQ?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></strong></p><p style="text-align: center;"><em><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">The Man Who Loved Wisdom: The Story of Jacques Maritain</span></strong></em></p>
TEKOAhttp://www.iconotekoa.com/about.htmlEglise Saint-Augustin, Bruxellestag:www.iconotekoa.com,2014-03-17:29997132014-03-17T17:25:00+01:002014-03-17T17:25:00+01:00
<p style="text-align: center;"><img id="media-791930" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://iconotekoa.blogspirit.com/media/02/02/1358984562.jpg" alt="PlancheBxlStAugustin1.jpg" /></p>
TEKOAhttp://www.iconotekoa.com/about.htmlEglise Saint-Augustin, Lyon 4èmetag:www.iconotekoa.com,2014-03-17:29996922014-03-17T16:48:00+01:002014-03-17T16:48:00+01:00
<p style="text-align: center;"><img id="media-791909" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://www.iconotekoa.com/media/01/02/3605771526.jpg" alt="PlancheLyonStAugustin1.jpg" /></p>