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Marc Alpozzo
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Entretien avec Michel Maffesoli. La perte de l’idéal maçonnique
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2024-01-04:3351019
2024-01-04T06:00:00+01:00
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L e sociologue et professeur émérite à la Sorbonne, Michel Maffesoli, que...
<p style="text-align: justify;"><strong>L<span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">e sociologue et professeur émérite à la Sorbonne, Michel Maffesoli, que j’avais rencontré précédemment pour parler de l’élite pressentant sa fin et agitant les peurs d’un État-Léviathan, revient avec un pamphlet, <em>Le Grand Orient. Les lumières sont éteintes</em>, (Guy Trédaniel, 2023), qui se présente à la fois sous la forme d’un solde de tout compte, mais aussi d’une charge violente contre la transformation progressive d’une des plus grandes obédiences de France. Celui qui en fut le membre durant 50 ans, accuse le Grand Orient, d’avoir éteints les lumières, en passant d’une quête spirituelle à des problèmes politiques et sociétaux éteignant les lumières, ou plutôt les Lumières, celles de l’universalisme et de la liberté de penser, pour leur préférer les nouveaux problèmes propres au « politiquement correct » de notre époque, comme le wokisme par exemple. Ce fut l’occasion de revenir sur quelques grandes questions métaphysiques et spirituelles qui pourront éclairer nos temps bousculés. Cet entretien est paru dans le numéro 32 de <span style="color: #800000;"><em>Question de Philo</em></span>.</span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/403231939.jpeg" id="media-1368677" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Marc Alpozzo : Cher Michel Maffesoli, vous avez été membre du Grand Orient depuis 1972 et vous en avez été exclu le 10 novembre 2022. Pourquoi avoir choisi d’intégrer cette obédience de la Franc-maçonnerie, et pourquoi en être sorti ?</strong></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Michel Maffesoli : J’ai été 50 ans au Grand Orient. J’ai d’abord démissionné, puis j’ai été exclu quelques jours après. Lorsque j’y suis rentré j’étais jeune. Pour quelle raison ? C’était l’époque où j’ai fait la connaissance de celui qui fut toute ma vie durant mon maître, Gilbert Durand, anthropologue, trop peu connu à mon goût, et avec lequel j’ai fait mes deux thèses. C’était un Franc-maçon. Il était l’équivalent de Claude Lévi-Strauss à son époque. J’avais été nommé assistant à Grenoble, et je l’avais rencontré là-bas. Il a également aiguillé tout mon travail, ma sociologie étant très influencée par sa pensée, et je le cite régulièrement. Mais à côté de son œuvre majeure, <em>Les Structures anthropologiques de l'imaginaire<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><strong>[1]</strong></a></em>, et tous ses travaux sur le symbolique, il était maistrien. Il a écrit un ou deux livres très intéressants sur Joseph de Maistre. Et, la seconde raison – même si la vie est sans pourquoi, n’est-ce pas ? – : me préoccupaient, le symbolique et l’imaginaire, et il s’est trouvé que la maçonnerie avait cette spécificité-là. Aussi, dans le cadre des obédiences maçonniques, on en trouve certaines pour lesquelles, ce que je viens de dire est plus important, par contre le Grand Orient est plutôt orienté vers des questions plus rationalistes, voire de gauches. Mais il y avait des niches, et je me trouvais dans une de ces niches. Et puis, très lentement, durant les deux dernières décennies, j’ai réalisé que ces niches n’étaient plus tenables non plus. Particulièrement dans leur dimension sociétale.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : À ce propos, vous proposez précisément dans votre livre<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, une critique de cette dimension sociétale, disant que cela a remplacé le spirituel.</strong></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Ma thèse est là en effet. Nul besoin de chercher midi à quatorze heures. Au fondement même de la Franc-maçonnerie, lorsqu’elle se recrée en 1717, à Londres, on trouve les Constitutions d'Anderson de 1723. Or, la première règle est précisément que l’on ne parle pas de politique. Il s’est pourtant trouvé que, progressivement, la bureaucratie du Grand Orient est devenue sociétale, wokiste, politiste, et le dernier grand-maître, Trichard, est syndicaliste de profession.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : Vous le dites précisément : cela démarre au Grand Orient, et puis cela s’achève en Occident. C’est ainsi que l’on commence par parler de spiritualité puis l’on finit par parler de politique. Ce qui rappelle vos deux précédents ouvrages, où vous montrez, fort à propos la décadence de l’Occident et la fin de la modernité<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Dans ce nouveau livre, je fais en effet un jeu de mots : Grand Orient et petit Occident. Comment expliquer cela ? En général, toute société a besoin de réflexions ésotériques, dans le sens fort du terme, même si je sais que ces mots peuvent faire peur. Toutefois, accordons à ce mot « ésotérique », l’idée d’une pensée de fond. Et c’est à partir de cette pensée de fond qu’il y a l’exotérique : ça sort ! Je vais vous donner un exemple, puisque vous êtes philosophe : quand Hegel dit, en 1825, que la lecture du journal, c’est la prière de l’homme moderne, il dit cela parce qu’il a une œuvre de fond, – il était Franc-maçon de surcroit – une œuvre ésotérique, une œuvre délicate d’ailleurs. Et puis, à côté de cela, il y a la lecture du journal. Ce qui est exotérique. Or, pour qu’il y ait de l’exotérique, il faut qu’il y ait de l’ésotérique. Aussi, l’analyse que je développe dans ce livre, c’est que le Grand Orient a perdu cette dimension ésotérique, qui est le cœur de la maçonnerie depuis les pythagoriciens jusqu’aux Mystères d'Éleusis, en passant par les Templiers, puisque c’est cela la filiation avec les fraternités du Moyen-âge, etc. On voit bien comment, régulièrement, il y a des endroits où l’on œuvre et l’on pense de manière profonde. La maçonnerie, en 1717, s’inscrit dans cette filiation. Et, en France, le Grand Orient, depuis le XVIII<sup>e</sup> jusqu’à la moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, et peut-être un peu plus, demeure dans cette tradition. En 1877, il abandonne la référence au grand architecte de l’univers, ce qui fait sa spécificité, et il n’est dès lors plus reconnu par la Grande loge d’Angleterre : il n’est plus inscrit dans les maçons réguliers. Je dirais que c’est le début de la décadence, lorsqu’on ne veut plus penser qu’il y a de l’invisible pour comprendre le visible.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : C’est le <em>religare</em> en latin. Ce qui relie le visible à l’invisible.</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Oui. De cet abandon, celui de la dimension du sacré, de la dimension du divin sous quelque forme que ce soit, et qui a conduit au fameux « laïcisme », autrement dit la dénégation et la lutte à bien des égards contre le sacré, le spirituel et le symbolique, etc. C’est à cela qu’a conduit la laïcité...</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : Et qui conduit à des combats ou des discussions d’arrière-garde, et notamment le wokisme auquel vous consacrez un chapitre<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Ces fameux « éveillés »<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>!</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Encore une fois, ma position est un peu provocante, lorsque je montre dans ce chapitre, et je l’ai dit dans d’autres de mes articles, que le wokisme n’est autre que la caricature des Lumières. C’est-à-dire que lorsque quelque chose arrive à sa fin, cela devient une caricature. Voyez d’une manière très précise, les Lumières, c’est l’universalisme, les droits de l’homme, etc. Or, que fait le wokisme actuellement sinon universaliser une particularité : la peau, le sexe, le genre, etc. Ce qui rejoint les préoccupations actuelles de la bureaucratie du Grand Orient, et que j’appelle diabolique, au sens étymologique : ce qui coupe. Et puis, pour vous le dire très simplement, je suis un de ceux qui, dans les années 1970, influencé par la pensée allemande, sous la direction de Durand, je n’ose pas le dire, mais je crois que je suis l’un de ceux qui ont lancé le mot « sociétal ». Voyez, dans cette philosophie allemande, lorsque Heidegger veut montrer l’importance de la philosophie historique, il dit « historial » ; lorsque le <span style="background: white;">philosophe marxiste </span><span style="background: white;">Georg Lukacs parle de la philosophie de l’objet, il dit l’objectal<a href="#_ftn6" name="_ftnref6"><span style="background: white;">[6]</span></a>, etc. Eh bien, c’est dans cette filiation que j’ai employé le mot « sociétal », qui n’était pas employé en 1972, pour rendre à ce qui est profond, – ce que j’appelle la nappe phréatique – qui n’est pas seulement le contrat rationnel, le contrat rousseauiste, mais une dimension plus profonde. Or, le problème qui me chagrine aujourd’hui, c’est que ce mot est devenu ridicule, puisque, lorsqu’on ne sait pas quoi dire, on dit sociétal. D’un mot de fond, c’est devenu un mot superficiel. Or, c’est à la conjonction de ce wokisme et de ce pseudo-sociétal, que ce qui prévaut au Grand Orient, ce ne sont plus les plans symboliques, mais l’euthanasie, l’avortement, les combats LGBT, etc. Ce qui n’est rien d’autre que des questions politiques, et que l’on appelle « sociétales ». Or, je montre précisément que la décadence est l’aboutissement de cette conjonction. </span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><span style="background: white;">M. A. : Aussi, ce qui prévaut dans votre thèse, thèse que vous développiez déjà dans </span>vos deux précédents ouvrages, <em>Le temps des peurs</em><a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a> et <em>Logique de l’assentiment</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, </strong><strong><span style="background: white;">c’est que le Grand Orient est en pleine décadence parce qu’il n’a pas compris que c’est la fin de la modernité et qu’il n’arrive pas à entrer dans la postmodernité, ce qui a pour conséquence que les jeunes ne suivent plus. </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><span style="background: white;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : J’ai donné le chiffre, même si je ne suis pas un homme du chiffre. Cela dit, je ne peux pas ne pas dire que 65% des jeunes abandonnent. Chiffre très important pour un sociologue. Et je m’amuse un peu à montrer, qu’en 1972, la moyenne d’âge était de 42 ans. Aujourd’hui, elle est officiellement de 65 ans. Ce que j’appelle le « cinquante nuances de gris ». Mais à vrai dire, c’est cinquante nuances de blanc. Ce qui veut dire, que c’est un truc de vieux retraités. Je ne sais pas si vous connaissez mon livre <em>La nostalgie du sacré<a href="#_ftn9" name="_ftnref9"><strong>[9]</strong></a>, </em>mais j’y montre que le sacré est une vraie préoccupation de la jeunesse.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : On assiste dès lors au retour du sacré, mais aussi des religions.</strong></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Oui, je le vois ainsi. Mais pas le retour des religions instituées. C’est plutôt, à Paris, les églises traditionnelles. Ce n’est plus le catholicisme conciliaire, qui a abandonné le latin, la vraie liturgie, et qui a vidé les églises. Certes, ce que je dis est anecdotique, ce n’est pas scientifique, mais je vais régulièrement à Saint-Nicolas du Chardonnet, et je suis frappé de voir qu’une bonne moitié de l’église est pleine de jeunes. Donc, en effet, je crois qu’il y a un retour de tout cela, et que l’on peut observer à travers les 16 000 participants au pèlerinage de Chartes, ou à l’affluence incroyable au JMJ de Lisbonne en 2023. Au nombreuses retraites spirituelles également. Cela nous donne quelques petits indices. Voyez, <em>index</em>: ce qui pointe.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : Au Grand Orient, on vous a reproché par exemple d’avoir fait des émissions avec des personnes qui sont infréquentables médiatiquement. Par exemple, vous avez débattu avec Éric Zemmour. Vous avez accepté de passer sur CNews. Vous montrez que c’est une forme inquisitrice<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. </strong></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : C’est anecdotique ça aussi. Mais oui, et c’est d’autant plus grave que, concernant le Grand Orient, cela va à l’encontre même de la liberté de pensée. Or, ce qui est le cœur battant de la tradition maçonnique, c’est la liberté de pensée et la liberté de conscience. Vous étiez de droite ou de gauche, c’était officieux. Voyez cette vieille idée de Voltaire, même s’il était initié, de la tolérance. Et là ce n’est plus le cas !</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : Est-ce que cela ne rejoint pas l’esprit de la société française aujourd’hui ?</strong></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : En effet. Revenons à ce que je disais à propos de l’ésotérique, ce qui est officieux rentre désormais dans l’officiel. En copiant. Je cite, dans ce livre, ce qui s’est passé à propos de la psycho-pandémie du Covid : ils m’ont repris sur ce que je disais à propos des gestes barrières, le masque que j’appelais « la muselière », etc. On me l’a reproché. Comme on m’a reproché d’être du côté des gilets jaunes. Le sens de ce que l’on discute à présent, c’est précisément cette liberté fondamentale de penser, la liberté de poser des questions, de n’être pas dogmatique, puisque le propre même de la Franc-maçonnerie c’est l’esprit libre : celle de poser des questions.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>M. A. : Cela rappelle votre thèse à propos du « complotisme ». Pour vous, cela relève du fait de s’interroger, de se questionner. C’est la remise en question de Socrate. Aujourd’hui, cela devient interdit.</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Je dirais plutôt Aristote que Platon. Mais c’est un problème secondaire. Je suis dans la filiation de saint Thomas d’Aquin. Lorsqu’Aristote pose la différence entre la philosophie et la <em>doxa</em>, il emploie une formule : <em><span style="background: white;">kalos</span></em><span style="background: white;"><em>aporestai</em>: poser bellement des questions. Aporie, qui veut dire des problèmes auxquels il n’y a pas forcément des réponses. Et lorsqu’on lit la <em>Somme théologique</em> de saint Tomas d’Aquin, on voit qu’il y a tel argument contre, puis je pose ceci, etc. : ce qui était la « <em>disputatio</em> » dans la fameuse Sorbonne. Ce qui avait une tendance dogmatique, c’est-à-dire une solution a priori, on pouvait lui opposer ce processus de la <em>disputatio</em>. Or, nous disons tous les deux la même chose : ce n’est plus le cas dans la société d’aujourd’hui. Et c’est le vrai problème actuel. Partout, il y a ces oppositions de dogmatismes. Mais on ne trouve plus d’endroit où c’est l’essence même d’avoir ces <em>disputatio</em>. Cela n’existe plus.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><span style="background: white;">M. A. : Vous faites d’ailleurs une très belle distinction entre la philosophie progressive et le progressisme.</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M. : Le mythe du progrès fut ma critique dans ma thèse d’État, en 1978. Je ne sais pourquoi, je fis la critique du progrès et du service public, disant ironiquement, que le service public a pris le public à son service. Voyez, une inversion. C’est au XIX<sup>e</sup> qu’apparaît le mythe du progrès. Ce qui est devenu la grande idéologie du progressisme sous la forme d’une injonction. Or, c’est amusant, car au début de chaque tenue maçonnique, il y a l’affirmation que c’est une philosophie progressive. Mais ce n’est pas le progressisme, car c’est la prise en compte de la tradition, et que j’ai appelé la spirale, l’enracinement dynamique, un oxymore contraire à la flèche du temps marxiste qui nous promet les lendemains qui chantent. S’il y a une évolution, ce sera sur la base de la tradition. Or, si c’est affiché à chaque tenue, c’est le contraire qui est développé dans les discours de la bureaucratie. Précisément, ce mythe progressiste a fait son temps, et les nouvelles générations ne s’y reconnaissent plus : cette société parfaite à venir, etc. Leur désengagement politique est à ce titre intéressant. Le trésor caché de la philosophique maçonnique, c’est plutôt la progressivité que le progressisme. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><span style="background: white;">M. A. : Quelle est l’essence même de la Franc-maçonnerie ? Dans son objectif, dans sa spiritualité et sa métaphysique ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="background: white; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">M. M : Puisqu’on est parti au commencement de cet entretien du symbolique et de la spiritualité, et que vous en avez rappelé l’étymol
Marie GILLET
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Couronne de l’Avent, livre de chevet.
tag:bonheurdujour.blogspirit.com,2023-12-08:3351751
2023-12-08T05:00:00+01:00
2023-12-08T05:00:00+01:00
Couronne de l’Avent : Faite cette année dans un pot de fleurs remisé qu’il...
<em><strong><br />Couronne de l’Avent : Faite cette année dans un pot de fleurs remisé qu’il a fallu tout d’abord bien brosser avec du savon noir avant de le laisser sécher. Quatre cierges blancs ont été piqués dans un bloc de mousse florale et entourés de feuillages de pins et de lentisques agrémentés de quelques petites boules de Noël dorées. Cette « couronne » trône sur la table maintenant. <br /><br />Lecture en cours : Relecture, plutôt. « Eloge du risque », d’Anne Dufourmantelle. Comment se lasser de ce livre ? Comment ne pas y découvrir, à chaque fois, quelque chose d’autre qui tout à coup fait sens ? Deux citations en exergue : « Le risque est beau » (Platon) et « L’instant de la décision est une folie » (Kierkegaard). <br />Cette relecture sera longue : « Eloge du risque » est un livre de chevet, de ces livres qu’on laisse sur la table de nuit, qu’on reprend le soir pour les lire ne serait-ce que dix minutes mais auquel on pense et on repense. <br /></strong></em>
Marc Alpozzo
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La leçon de philosophie : Qu'est-ce que l'art ?
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2021-06-24:3207345
2021-06-24T06:00:00+02:00
2021-06-24T06:00:00+02:00
La leçon de philosophie est à la fois un exercice que l'on accompli...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/la-lecon-de-philosophie/" target="_blank" rel="noopener">La leçon de philosophie</a></span> est à la fois un exercice que l'on accompli devant un jury et un cours que l'on donne devant ses élèves. L'enjeu est toujours le même, puisque c'est ce moment où il nous faut faire la preuve de notre capacité à réunir, lors d'un exercice bref, toutes les qualités qui pourront faire de nos cours des moments de philosophie. Voici une leçon sur l'art qui se formule ainsi : <span style="color: #800000;"><em>Qu'est-ce que l'art ? </em></span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/220679355.jpg" id="media-1106865" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #26282a; background: white;">Qu’est-ce que l’art ? Si l’on se pose philosophiquement cette question, on devra certainement partir de deux définitions. Une définition antique, partant du grec <em>techné</em> et qui a donné le sens du mot « technique » en français ; puis, du latin <em>ars</em>, qui nous a donné le sens du mot « art ». On peut donc répondre que l’art est ce qui est de l’ordre d’un savoir-faire, donc l’artisanat, et ce qui est de l’ordre de la créativité, et qui donne l’artiste aujourd’hui.<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #26282a; background: white;">Mais en répondant ainsi à cette question, cela semble très insuffisant. Car, de nos jours, l’art est à la fois ce qui est beau, esthétique (au sens de Baumgarten <em>Aesthetica</em>) et ce qui est conceptuel (voir à ce propos l’art contemporain depuis Marcel Duchamp et son célèbre urinoir renversé).<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #26282a; background: white;">Peut-on donc enfermer la notion d’art dans une définition restrictive qui nous vient du XVIIIe siècle, et qui prétend que l’art relève essentiellement des « beaux-arts », en théorisant que l’art est ce qui est « esthétique », et se définit donc comme une « science de la connaissance sensible », prétendant ainsi que l’œuvre d’art est un objet dont la perfection sensible, le beau, s'affranchit du bien de manière générale ? Si l’on s’en tient à cette définition, on aurait tendance à penser que la définition de l’art est dogmatique, et qu’elle exclut d’emblée tout ce qui n’est pas de l’ordre du Beau.<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #26282a; background: white;">Cependant, si cette définition académique a été largement répandue jusqu’au début du XXe siècle, l’artiste Marcel Duchamp s’écarte de la peinture, pour présenter dès 1913 ses premiers ready-mades, qui sont des objets « tout faits » qu’il choisit pour leur neutralité esthétique, notamment ses œuvres <em>Roue de bicyclette</em> (1913) et <em>Porte-bouteilles</em> (1914). Mais c’est véritablement son œuvre <em>Fontaine</em> en 1917 qui va révéler cette technique, et qui revient à prendre des articles ordinaires, prosaïques, et à les placer dans des galeries ou des musées afin de leur ôter toute leur signification d’usage. Élevant ainsi des objets ordinaires au rang d’œuvres d'art par son simple choix en tant qu'artiste, Duchamp renverse la définition de l’art qui se basait jusque-là sur la notion de Beau, pour l’étendre au concept. Une œuvre d’art désormais ne relève plus du domaine esthétique et de la sensibilité, mais de l’idée et du concept. En substituant au beau le concept, Marcel Duchamp n’opère pas simplement une révolution. Il opère un véritable tour de passe-passe, au point de laisser croire qu’il signe à la fois la fin du Beau, mais aussi la fin de l’art.<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #26282a; background: white;">Or, si l’on se base sur ces deux constats, on se trouve devant un véritable problème philosophique. Pourquoi ? Parce que si l’on peut tout à fait déduire de la démarche de Duchamp que nous faisons l’expérience de la fin du beau, en revanche, dire qu’il signe la fin de l’art, c’est dire très hasardeusement, que la définition de l’art peut être enfermée dans des codes académiques et donc dogmatiques. Ce qui semble philosophiquement assez peu tenable.<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif; color: #26282a; background: white;">Si l’art semble ne recevoir aucune définition possible, en revanche, plusieurs problèmes s‘offrent à nous : si l’art ne trouve aucune définition définitive, peut-on alors dire que l’artisan, qui respecte des principes pour réaliser des ouvrages qui sont soumis aux besoins est un artiste ? Est-ce que l’on peut dire aussi, que tout objet qu’il soit artistique, technique ou usuel est de l’art ? Est-ce que l’on peut aussi affirmer qu’’un enfant qui lacère une toile par exemple, comme le fait Lucio Fontana est un artiste lui aussi ? Aussi, devant la multiplicité des arts, la peinture, la sculpture, la musique, la poésie, le roman, le cinéma, la bande-dessinée, le haute-couture, la haute gastronomie, peut-on dire que tous les arts sont équivalents, ou trouve-t-on une hiérarchie des arts ? Enfin, qui décide de ce qu’est une œuvre d’art et pourquoi celle-ci plutôt que celle-là ? Est-ce le critique d’art ? Le spectateur ? Le temps ?<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="background: white;">Devant une œuvre d’art, comme la <em>Joconde</em>, <em>Fontaine</em> ou <em>Carré blanc sur fond blanc</em>, on se demande systématiquement ce que l’on voit. Cependant, si l’on peut dire que le regard est en soi un art de pensée, il est parfois difficile de saisir le sens d’une œuvre, notamment lorsque celle-ci requiert un mode d’emploi, comme dans l’art contemporain, ce qui coupe l’œuvre du béotien, ignorant des codes. Est-ce que cela ne nous entraîne pas alors à <em>sur-interpréter</em> ce que nous voyions, ou doit-on d’emblée poser des limites au cadre de la définition de l’art, quitte à ce que le génie de l’artiste les repousse systématiquement, comme avec Duchamp en 1917, ou en 2018, une œuvre de Banksy, </span><em>la Petite fille au ballon</em>, qui s’autodétruit à la salle des ventes après avoir été vendue ? N’est-ce pas le génie de l’artiste qui donne ses règles à l’art et ainsi en donne une définition toujours temporaire ? Ou doit-on en déduire philosophiquement, à la suite de Daniel Arasse, qu’en matière d’art, on n’y voit de moins en moins ?<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">En tant que philosophe, ne doit-on pas en déduire que dire à la fois que l’art n’a pas de définition c’est déjà donner une définition à l’art ? Ne pourrait-on pas se risquer à dire que l’art est à la fois une expérience esthétique en propre, et en même temps, un lieu qui oblige le spectateur à sortir de son état de passivité, en le conviant à donner lui-même une définition de l’art, selon la célèbre formule de Duchamp : « C’est le spectateur qui fait l’œuvre », amenant ainsi le béotien à se demander devant des toiles d’art contemporain : « Est-ce que ça c’est de l’art ? » ou encore, « Qu’est-ce que cette œuvre d’art veut dire ? » Devant le sentiment d’incompréhension qui a bien plus de sens qu’il n’y parait dans un premier temps, devant le « regardeur » dubitatif à qui il manque les grilles de lecture, doit-on questionner philosophiquement les dogmes culturels dans lesquels on a enfermé l’art, et ne doit-on pas aussi penser la définition de l’artiste à partir de son travail même, puisque, selon la définition de Duchamp lui-même, l’artiste au travail s’interroge lui aussi, sur ce que serait le résultat de son œuvre ?<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1106867" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/1944624978.jpg" alt="picasso.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Picasso dans son atelier</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> <strong>I. </strong></span><strong style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Peut-on définir l’art comme <em>mimésis</em> ?</strong></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">1. L’art se définit à partir d’une imagination trompeuse</span></strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Peut-on commencer par répondre à cette question en considérant l’art comme un moyen d’accéder à la vérité ? En prenant comme base de départ de notre réflexion, que le réel peut être estimé comme n’étant ni vrai ni faux, puisque le réel est et c’est tout, la présupposition que l’art est le seul moyen d’appréhender la multiplicité du réel, afin d’en rendre une compréhension singulière, et unifiée semble possible. Si l’on prend également en compte l’acception contemporaine de l’art, on remarquera que l’art se base sur une émotion esthétique issue de l’œuvre d’art elle-même. L’art serait donc un moyen de rendre le réel intelligible et serait également ce qui est beau. Oui, mais comment définir le beau ? Une définition est-elle seulement possible ? Est-ce que le beau est issu du jugement de goût, auquel cas, il serait entièrement subjectif, relatif à chacun ? Est-ce qu’on peut dire pour mieux préciser cette notion, que le beau est ce qui est de l’ordre de la jouissance esthétique, auquel cas, est beau ce qui relève des sens et de la sensation ? On trouve une première réponse dès l’antiquité, puisque les philosophes grecs attachent la jouissance esthétique à l’œuvre d’art ; et celle-ci relève plutôt d’une jouissance sensuelle qu’intellectuelle. C’est ainsi que l’accès à la beauté n’est alors possible qu’à partir de la vérité, autrement dit, la vérité est l’accès à la réalité et à la beauté véritable. Ce paradoxe est possible, si l’on prend en compte, dans l’Antiquité, l’idée que l’art est comme une <em>mimésis</em>. Autrement dit, l’art est ce qui imite le réel. Cela veut donc dire, que le cinéma, le théâtre, l’opéra, les Beaux-Arts, la poésie, la littérature, un concert de rock ne sont que des leurres, des illusions, des copies trompeuses d’une réalité cachée au spectateur. Voilà qui est intéressant philosophiquement, car cela veut dire que les arts nourrissent les croyances, la <em>doxa</em>. L’œuvre d’art renforce les souffrances et les incompréhensions, les mystères de la réalité. Il n’y a pas de vérité possible par l’art. De plus, l’art n’est pas non plus de l’ordre du beau, car le beau est selon Platon, ce qui est de l’ordre de la vérité qui éclaire le réel. On trouve alors, selon cette définition platonicienne de l’art, une contradiction avec l’acception contemporaine, dans la mesure où, selon Platon, la lumière de la beauté et de la vérité est ce qui éclaire les choses réelles, tandis que l’art n’est que l’apparence à ces choses réelles, voire une aspiration à la beauté à travers la figure d’Éros. Qu’est-ce que cela veut dire, si ce n’est, que même la définition de la beauté demeure inaccessible à l’homme pour Platon, et seul un mouvement dialectique sans fin, vers cette beauté absolue, se confondant avec la vérité absolue est possible, mais alors, l’émotion esthétique doit laisser place à l’émotion purement intellectuelle, ce qui laisserait à penser que l’émotion esthétique est pour Platon, une sensation purement et simplement sensuelle. On ne peut donc connaître le Beau, toujours selon Platon, qu’en quittant le domaine de l’art pour celui de la philosophie d’autant qu’au livre VII de la <em>République</em>, le disciple de Socrate accuse l’artiste de n’être qu’un <em>imitateur</em>, c’est-à-dire un être qui produit des copies trompeuses de la réalité. Par une œuvre d’art, on ne fait jamais l’expérience de la beauté véritable, mais plutôt celle des ombres projetées sur la paroi, dont l’art est un des miroirs.<strong> </strong>L’émotion esthétique est alors un leurre, car elle ne doit rien à la vérité. Elle nait même d’une confusion ontologique, prenant le risque d’égarer le spectateur, qui confondra les ombres avec la vérité, car il sera soumis au jeu de l’émotion. La critique de Platon porte alors sur l’art comme image de l’image de l’Idée, même si, lui-même, a recours très souvent à un type de discours qui est de l’ordre de l’imagination et qui est le mythe, afin de nous dire ce qu’est l’Être et la vérité.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><span style="color: #800000;"><strong>À voir aussi :</strong></span><br /><iframe width="480" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/1aUGHOIdNPg?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><em>Art,</em> de Yasmina Reza - passage culte !</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">2. L’art est ce qui produit le vrai à partir de l’imagination</strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Cependant, ceci étant établi, ne peut-on pas dire toutefois, à l’inverse de la conception platonicienne de l’art, que c’est bien l’imagination qui produit le vrai, et nous ouvre l’accès à l’Être ? Si Platon nous a montré que l’artiste est un imitateur à l’inverse de l’artisan, qui nous ouvre essentiellement à des êtres particuliers et à des apparences trompeuses, Hegel apporte un flagrant démenti à cette thèse. Selon le philosophe allemand, l’art est la présentation de l’absolu, dans une triade qui comporte l’art, la religion et la philosophie. Bien sûr, l’art produit une vérité inférieure à ce que peut produire la religion et la philosophie, mais il constitue pourtant, le chemin qui prépare l’accès à la vérité absolue. La religion et la philosophie portent en elles une vérité de l'art à un degré plus élevé, certes, mais l’on trouve aussi une vérité immanente à l'art lui-même, parce que le vrai se trouve déjà là <em>dans</em> l'art. Par conséquent, si l’on peut penser l'art en termes de vérité c'est parce qu'il est déjà par lui-même un mode d'être du vrai, étant donné que la forme sensible n'est pas une simple enveloppe. Si l’on continue de suivre la thèse de Hegel dans son ouvrage <em>Esthétique</em>, on peut d’ors et déjà dire que la vérité de l'art s’entend comme la vérité à l'œuvre dans l'art. Et, comme l'art n'est rien hors des œuvres d'art, ou plutôt hors des mouvements produisant les œuvres d'art, la vérité de l'art est vérité en œuvre <em>dans</em> l'œuvre. Si donc il y a vérité de l'art c'est que l'art est surtout une pensée ne pouvant s'exprimer autrement qu’au moment où elle se présente. De plus, à l’inverse de Platon, selon Hegel, l’œuvre d’art n’est pas une simple imitation de la nature, créant un sentiment esthétique. Pourquoi ? Parce que la beauté que l’on trouve dans une œuvre d’art ne vient pas de l’artiste lui-même, de l’esprit qui est en elle. On ne peut donc parler à ce moment-là de beau artistique inférieur au beau naturel. C’est même plutôt le contraire. Parce que l’on trouve toujours l’Esprit dans une œuvre d’art, il en ressort une valeur spirituelle que présente un événement, saisit et jaillissant de manière plus vive et plus visible que ce qu’il nous est loisible de connaître dans le domaine de la vie réelle et non artistique. Aussi, si l’art est le lieu d’émergence de l’Esprit divin, il est aussi une occasion pour l’homme à travers les œuvres d’art de prendre conscience de lui-même. On peut même répondre à notre question, en disant, à la suite de Hegel, que l’art a pour fonction de dévoiler un contenu, qui est celui de l’Esprit en train de se former, et que le progrès de l’art dont parle Hegel, toujours dans son <em>Esthétique</em>, parvient au point final d’une harmonie de l’Esprit et de la forme artistique, lorsque l’art parvient au niveau le plus élevé lorsque l’idée et sa représentation expriment le vrai. Est-ce qu’il est possible cependant, de parler de la fin de l’art, comme <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2014/03/03/hegel-le-vrai-est-le-tout-3139616.html" target="_blank" rel="noopener">Hegel</a> </span>le présuppose, en parlant de l’art romantique, dans lequel l’art se dénaturalise et se libère de la matière ? Est-ce que l’art moderne ne vient pas remettre en question cette définition de l’art, au point de brouiller la définition que nous venons à peine d’évoquer, afin de montrer que plusieurs définitions sont possibles, ou plutôt qu’aucune ne peut convenir de manière dogmatique ?<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1106868" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/3487588451.jpg" alt="andy warhol.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Andy Warhol, en 1982</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">II. </span><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En définissant l’art est-ce qu’on ne manque pas l’objet même de l’art qui est de déborder toute définition ?</span></strong></p><p style="text-align: justify;"><strong style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">1. La fin du beau en art</strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est Alexander Gottlieb Baumgarten qui, en 1735, opère un renversement dans l’histoire de la philosophie sous l’étiquette de « naissance de l’esthétique », en s’appuyant sur une nouvelle théorie de la sensibilité, vue désormais comme faculté de connaissance parallèle à la raison, et qu’il range sous le nom d’« esthétique » (<em>aesthetica</em>). En classant ainsi la <em>sensibilité</em> à un rang nouveau, qu’il place à un niveau comparable à la raison, Baumgarten opère une véritable révolution. En 1914, c’est un autre renversement dans l’histoire de l’art, cette fois-ci opéré par l’artiste Marcel Duchamp. Ce dernier a acheté et installé dans son atelier, un banal séchoir à bouteilles, qui fait désormais grand bruit dans le monde de l’art. À quoi faisons-nous face ? À la création du premier <em>ready-made</em>, qui est un objet « tout fait » promu au rang d’œuvre d’art, par le choix et le geste de l’artiste, et qui bouleverse la théorie esthétique et marque la naissance de l’<em>art conceptuel</em>. Ce
Marc Alpozzo
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« L’Événement Socrate » ou la naissance de la philosophie
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2020-10-09:3139863
2020-10-09T22:28:00+02:00
2020-10-09T22:28:00+02:00
En 399 av. J.-C., est condamné à mort par une respectable cité, un homme...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>En 399 av. J.-C., est condamné à mort par une respectable cité, un homme dont le seul but était d’améliorer les institutions de l’État, de découvrir le vrai, et de rendre libre. <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2011/03/13/socrate-ce-philosophe-qu-on-assassine.html" target="_blank" rel="noopener">La mort de Socrate</a></span> est un événement majeur dans l’histoire de la pensée occidentale. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>, et elle est désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/1013057395.jpg" id="media-1070652" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1070654" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/2992974934.jpg" alt="ismard.jpg" />Paulin Ismard est maître de conférence en histoire grecque à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et membre de l’Institut Universitaire de France. C’est donc plus en historien qu’en philosophe qu’il aborde la cruciale questions « <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/socrate/" target="_blank" rel="noopener">Socrate</a></span> ». <em>L’Événement Socrate</em>, se propose de raconter un moment unique de notre histoire, un événement qui changera notre manière de penser et de voir, celui de l’avènement de la philosophie et de la dialectique, dont le nom est Socrate.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h2 style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Naissance de la philosophie</span></strong></h2><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cet homme qui n’a rien écrit de son vivant, n’en a pas moins eu des disciples. Nous pourrions même dire que tous les philosophes depuis sa mort, sont ses disciples. À commencer par Platon lui-même qui le revendiquait. Et pourtant, ceci n’est pas véritablement la question que se pose l’auteur de ce brillant essai. Son enquête, très fouillée, et passionnante, prend naissance dans « l’affaire Socrate », c’est-à-dire le retentissant procès dont il a été la victime en 399 av. J.-C. Ce procès est un moment unique, car, il est le procès d’un homme, dont la figure est bien connue des athéniens, et qui est philosophe. Comme Freud, plus tard, qui systématisa la psychologie et inventa la psychanalyse, Socrate systématisa la pensée, et inventa la philosophie telle qu’on la pratique aujourd’hui.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En 399 avant notre ère, Socrate fut donc accusé par Mélétos de ne pas reconnaître les dieux traditionnels de la cité, d’avoir introduit de nouvelles divinités et de corrompre la jeunesse. Hélas, nous ne disposons pas des minutes de ce procès retentissant, et sa version officielle nous été transmise seulement par Platon, dont on connait aujourd’hui encore l’admiration philosophique qu’il vouait à son maître.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Paulin Ismard se propose donc de mener l’enquête, et, d’éclairer avec la rigueur du chercheur, les raisons historiques de sa condamnation, et les vraies raisons de la subversion socratique, résidant tant dans les positions politiques du philosophe, que dans son mode de vie et sa pédagogie.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Des Pères de l’Église aux sans-culottes, de Diderot à Maurras, le procès retentissant de ce philosophe hors-norme fit de « Socrate » un événement unique dans l’histoire de la philosophie. Il cessa d’être revu et corrigé, utilisé, et colporté au fil des siècles, soulignant nos diverses lectures de la démocratie athénienne, et les multiples réécritures de l’événement, et les conditions d’exercice de la démocratie au fil des siècles.</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070655" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/922221996.jpg" alt="paulin ismard, socrate, mélétos, platon, Denis diderot, charles maurras, " /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Paulin Ismard</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Paulin Ismard, <em>L’Événement Socrate</em>, Flammarion, « Champs-histoire », octobre 2017, 304 pages.</span></strong></p>
Marc Alpozzo
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Monumentale histoire de la philosophie
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2020-09-03T12:14:00+02:00
2020-09-03T12:14:00+02:00
Jean-François Pradeau, professeur de philosophie à l’université Lyon 3,...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><strong>Jean-François Pradeau, professeur de philosophie à l’université Lyon 3, accompagné d’une cinquantaine de spécialistes de dix nationalités distinctes, parcourt l’histoire de la philosophie pour montrer comment elle continue d’interroger le monde. Cette<span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><span style="font-size: 12pt;"> chronique est parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>. Elle est désormais en accès libre dans l<span style="color: #800000;"><em>'Ouvroir</em></span>. </span></span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2644108280.jpeg" id="media-1071941" alt="" /></p><h2 style="text-align: justify;"> </h2><h2 style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><img id="media-1071940" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/2091395318.jpg" alt="histoire1.jpg" />La philosophie à travers l’histoire</span></strong></h2><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il y a bien une histoire de la philosophie. Une histoire de la philosophie singulière et multiple, foisonnante, faite de thèses contradictoires et mêlées, qui, comme le disait le philosophe allemand Hegel, sont un ensemble de doctrines qui forment une totalité rationnelle. Du VI<sup>e</sup> siècle av. J.C. jusqu’à nos jours, les philosophes n’ont pas toujours dit la même chose, se sont combattus, ont formé des chapelles, des écoles ou, au contraire, solitaires n’ont eu de leur vivant aucun disciple. Des dialogues de Platon, aux systèmes d’Aristote ou de Hegel, aux aphorismes de Nietzsche, aux méditations de Wittgenstein, la philosophie se déploie à travers l’organon ou le poème, le système ou la dialectique. Cependant, des sophistes aux dialecticiens, des rationalistes aux vitalistes, des innéistes aux empiristes, des humanistes aux phénoménologues « tous les objets de la tradition philosophique rencontrent à leur façon, dans leur langue et avec les outils de leur temps, les mêmes questions. »</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">Ni pensum ni ouvrage de vulgarisation</span></strong></span></h2><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Afin de débroussailler et de clarifier une histoire aussi monumentale que celle de plus de vingt siècles de philosophies, le philosophe Jean-François Pradeau a invité plus de cinquante spécialistes de toutes nationalités, afin de réaliser cet ouvrage qui est une sorte de défi à l’histoire de la philosophie, tant le chantier était important. Publié initialement en 2009 aux éditions du Seuil, il paraît aujourd’hui en poche, dans un format très agréable et souple, ce qui aide notablement à la lecture d’un tel livre. Ni pensum ni ouvrage de vulgarisation, c’est plutôt un livre didactique présentant l’ensemble de la tradition occidentale, des origines à nos jours.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comme disait Gilles Deleuze :</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><blockquote><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« la philosophie raconte des histoires avec des concepts. »</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Elle aime déterrer les paradoxes ; pulvériser les dogmes ; secouer les opinions. De sa naissance dans les années 580 av. J.C. à Millet, ville côtière d’Asie Mineure, aux découvertes philosophiques négatives de la physique contemporaine, cette <em>Histoire</em> collective nous conte l’histoire monumentale de la philosophie occidentale.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071942" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/4204987038.jpeg" alt="Jean-françois pradeau, hegel, platon, aristote, nietzsche, ludwig wittgenstein, l'organon, la dialectique, gilles deleuze, jésus Christ, Millet" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Jean-François Pradeau<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Jean-François Pradeau, <em>Histoire de la philosophi</em>e, Points, septembre 2017, 816 pages.</span></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br /><iframe width="480" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/Pfd8l2sBh-M?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></strong></p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">"La vie comme elle va" Emission du 11/04/2002 <br />consacrée à l'ailleurs. Entretien <br />avec Jean-François PRADEAU, <br />agrégé et docteur en philosophie, <br />spécialiste de philosophie antique <br />et traducteur de "Fragments : <br />citations et témoignages" d'Héraclite.</span></strong></p>
Marc Alpozzo
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Qu’est-ce que la philosophie ? Note sur Deleuze et Guattari
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2020-02-28:3147213
2020-02-28T06:00:00+01:00
2020-02-28T06:00:00+01:00
Voici un article qui traite d'un livre majeur, écrit par Gilles Deleuze et...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Voici un article qui traite d'un livre majeur, écrit par Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ? et qui est paru aux éditions de Minuit en 1991. Je le retrouve avec plaisir dans mes tiroirs. Écrites en décembre 2005, ces lignes me paraissent encore et toujours utiles au lecteur curieux, intéressé de savoir ce que peut être la philosophie à notre époque. Je remets donc en ligne, dans ces pages, un texte nécessaire, dans lequel le philosophe et le psychanalyste prétendent qu'on ne peut s'intéresser à la philosophie, qu'au terme de la vie.</strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/3408505784.jpg" id="media-1084634" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1084632" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/1454178825.jpg" alt="deleuze guattari.jpg" /><span style="font-size: 12pt;">Qu’est-ce que la philosophie ? Voilà probablement l’une des plus importantes questions. Gilles Deleuze et Félix Guattari ouvrent leur ouvrage du même titre par ces quelques lignes : « Peut-être ne peut-on poser la question <em>Qu’est-ce que la philosophie ? </em>que tard, quand vient la vieillesse, et l’heure de parler concrètement. »<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> </span></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">N’étant pas encore si vieux, je me demande si je suis parfaitement apte à répondre à cette question. Mais pourquoi d’ailleurs faudrait-il y répondre ? Par quel tour de passe-passe, la philosophie de nos jours, aurait-elle ainsi à se justifier d’exister, d’être enseignée en Terminale et de continuer son chemin et d’irriguer notre quotidien ?</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il est vrai qu’il est difficile aujourd’hui, dans un monde où le règne absolu de la communication unilatérale n’est plus apte à se saisir de concepts, hormis peut-être des concepts qui ne sont guère plus que des outils marketing, de comprendre l’activité philosophique, qui ne doit être confondue avec la contemplation, la réflexion ou encore la communication.<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> Cette idée devra être mûrement réfléchie par le lecteur, avant même que ce dernier s’engage sur les chemins bien escarpés de la réflexion philosophique.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">« La philosophie ne contemple pas, ne réfléchit pas, ne communique pas, bien qu’elle ait à créer des concepts pour ces actions ou passions. »<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Qu'est-ce que la philosophie ? Poser cette difficile et délicate question revient également à se demander dans l’histoire de la philosophie comment cette dernière put être décrite par un de ses plus grands penseurs. Cette épineuse question trouverait une réponse des plus insatisfaisantes. Mais tout de même, je pense par exemple à Hegel que Deleuze a longtemps combattu.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Je pense que l’on pourrait partir de cette idée précise : il y a <em>une</em> Raison est cette Raison est à l’œuvre dans le monde. La philosophie va exposer de l‘intérieur cette nécessité. Je ne peux rien présupposer car ce n’est pas moi qui explique ce qu’est Dieu mais c’est l’absolu qui s’<em>auto-explique</em>. La philosophie suit cette pensée divine qui se déploie à partir d’elle-même et qui ne se déploie pas à partir d’un objet. Au lieu de partir, comme une autre science, du sujet et de l’objet, impliquant une relation entre eux, la philosophie part de leur idéalité rationnelle et cette idéalité c’est l’Absolu.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Le mouvement propre de la chose même, c'est-à-dire de l’essence universelle des choses, qui est l’Absolu, sera aussi dans la pensée. Le mouvement de la connaissance appartenant au mouvement même de la chose.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Questions :</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">- Où Dieu se réalise-t-il ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">- Où Dieu pense-t-il ?</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il se réalise à travers nous, dans nos actes, et il se pense en nous, à travers la façon dont nous le pensons. Renversement de Kant par Hegel : dans le transcendantalisme de Kant, ce sont les catégories qui organisent la perception, et la connaissance du monde ramène ce monde à des fondements nécessaires de l’esprit humain, les catégories par exemple structurant la façon dont les choses m’apparaissent. Alors que pour Hegel, l’esprit humain participe d’une logique universelle qui organise à la fois la nature et l’histoire, les phénomènes extérieurs et les phénomènes intérieurs, ainsi que l’objet extérieur et la connaissance que j’en ai. Cette logique peut être réfléchie et découverte par l’esprit humain, à travers l’histoire de sa culture.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">L’essence universelle du monde est en même temps la logique qui le meut.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Pour Platon, la connaissance ne peut connaître un même objet que parce que les deux sont de même nature. La connaissance ressemble donc nécessairement au connu. C'est-à-dire, que la perception sensible ressemble au sensible. Pour Hegel, ça se ressemble car c’est la même Raison qui est dans les deux.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Pour que nous puissions fonder une connaissance objective du monde, il faut que le monde soit rationnel. Donc que la Raison ne soit pas seulement subjective dans l’esprit humain mais objective dans les choses. Cette idéalité rationnelle de la connaissance et du monde, c’est aussi le mouvement d’autoproduction de la Raison. On a l’impression que la Raison est une forme qui, pour connaître, doit recevoir un contenu de l’extérieur. Or pour Hegel, la Raison ne reçoit pas son contenu de l’extérieur, puisqu’il faut penser un mouvement par lequel la Raison divine donne son propre contenu, ce qui s’oppose à nous qui devons le recevoir de l’extérieur.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">La philosophie est donc une activité théorique conceptuelle, à la différence de la religion qui reste imprégnée de représentations sensibles et symboliques : par exemple, Dieu le père est un symbole. Cela reste toujours imprégné de sentiment : par exemple, croire, avoir confiance. La philosophie présuppose par une confiance, un sentiment : elle veut rapprocher toutes les représentations partielles à leur rationalité, à leurs nécessités internes. C’est cela la <em>nature propre de la pensée</em>.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">La réflexion religieuse est interne aux représentations religieuses. Alors que la philosophie est un métalangage, une métathéorie des pensées déjà là. C’est donc une réflexion qui pense sur des pensées. La philosophie ne part pas de pensées particulières mais de la pensée en tant qu’elle est la forme de rationalité de toutes nos pensées. Or cette rationalité de nos pensées c’est la rationalité de la Raison même de Dieu, donc, c'est la nécessité de la rationalité divine.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Cette réflexion est le fait d’un penseur isolé, mais elle est aussi le long parcours de la réflexion de l’entendement de la culture humaine dans son historicité. Cette histoire de la culture ne se fait cependant pas arbitrairement : elle a une logique interne ; elle s’organise par un déploiement de formes ; un enchaînement rationnel. C’est une remontée réflexive de la connaissance vers la rationalité, ce qui est une définition de la phénoménologie de l’esprit.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">En revanche, c’est par la réflexion sur sa propre histoire, sa propre culture, et d’abord par son présent historique, son monde, que l’homme parvient à une philosophie éternelle.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Tout individu est fils de son temps.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est dans son temps que l’on peut reconnaître la logique de l’Absolu à l’œuvre. La réflexion ne peut pas être extérieure à son objet, et c’est parce que la réflexion est dans le monde qu’elle peut découvrir l’éternité. C’est dans le présent qu’on trouve la rationalité de l’histoire et non en se réfugiant dans un passé mythifié. Il faut donc saisir la rationalité de son époque.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Une attitude réactive est philosophiquement condamnée, car ce serait être complètement incapable de saisir la rationalité <em>ici et maintenant</em>.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Mais comment se fait-il qu’un esprit humain puisse accéder à l’Absolu à travers la réflexion de la culture ? Parce que l’Absolu se réfléchit en nous. Il se réfléchit à travers nous, ce qui veut dire, dans le vocabulaire hégélien, qu’il est par soi, <em>par nous<a href="#_ftn4" name="_ftnref4"><strong>[4]</strong></a>, </em>et aussi par soi, par lui-même dans la mesure où c’est lui qui se réfléchit quand nous le réfléchissons.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Le propre de l’Absolu est toujours de pouvoir ramener à soi son extériorisation. Et l’Esprit ne laisse jamais totalement échapper cette extériorisation. Mais cette extériorisation doit s’entendre comme <em>aliénation, - </em>se faire autre, se vider de sa diversité par ce fait. Quand l’Absolu s’extériorise, il prend le risque que cette extériorisation lui devienne extérieure, il prend le risque de se vider pour se faire autre par ce qu’il est, par exemple, pour se faire Nature.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Mais cette extériorisation ne lui échappe pas. C’est la différence avec <em>Entfremdung</em> qui est l’aliénation où son extériorisation peut échapper. Dieu accepte de se vider de sa diversité en se faisant Loi. Hegel récupère ici la tradition religieuse : Dieu accepte de se défaire de son essence pour se faire par exemple, Nature.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">La spéculation philosophique saisit l’idée parce qu’elle est un savoir du tout et pas des objets particuliers. Les sciences ordinaires relèvent d’un travail de l’entendement. L’entendement est ce qui sépare, découpe la réalité, l’analyse. Par exemple, l’analyse de l’eau, lorsque le chimiste sépare le carbone et l’azote. Ce qui s’oppose à la Raison qui est <em>totalisante</em>, <em>intégratrice</em>. Le savoir est un mouvement qui passe de l’entendement à la Raison. L’entendement se fait Raison lui-même. Et ce travail de décomposition appelle de lui-même, une réintégration re-totalisante.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Mais l’entendement et la raison ne sont pas deux facultés distinctes comme chez Kant. Il y a chez Hegel, un passage de l’un à l’autre, et l’entendement devient raison, il se dépasse en raison.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">La science au sens philosophique donne le sens des autres formes de savoirs et des autres formes de connaissance : par exemple, le sens de la perception, ou du travail de l’entendement.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">De fait, on peut dire que la philosophie est une métathéorie dont le vrai contient le sens des autres vrais.</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1084631" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/2351363146.jpg" alt="deleuze_guattari_thumb.jpg" /></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Gilles Deleuze et Félix Guattari</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">____________________________________________</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Gilles Deleuze, Félix Guattari, <em>Qu’est-ce que la philosophie ?</em> Editions de Minuit, 1991, p.7.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Op. cit., p.11</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Ibid., p.12.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Par nous : c-à-d dans la mesure où nous le réfléchissons.</span></p>
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Jorge Luis Borges, une poétique de la complexité
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2019-06-25:3136785
2019-06-25T07:15:00+02:00
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Les deux chefs-d’œuvre de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, qui nous...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Les deux chefs-d’œuvre de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, qui nous a quitté le 14 juin 1986 à Genève, et qui a marqué des générations d’écrivains et de lecteurs, <em>Fictions</em> et <em>Le livre de sable</em>, bénéficient d’une nouvelle édition. L’occasion idéale pour redécouvrir le maître de Buenos Aires. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne <em><span style="color: #800000;">Boojum</span> ;</em> elle est désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/671101359.jpg" id="media-1065002" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><br /><br /><br /></p><p style="text-align: justify;"><img id="media-1065003" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/170461640.jpg" alt="borges.jpg" />P<span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">aru en 1944 en Argentine, et traduit en langue française en 1951, <em>Fictions</em> est un recueil composé de deux sections, « Le jardin aux sentiers qui bifurquent » (huit textes) et « Artifices » (neuf textes) et, de son côté, <em>Le Livre de sable,</em> paru en 1975, est composé de treize textes.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">L’œuvre de Borges regorge de mystères, d’errances, de glissements ; elle se nourrit d’un réel surévalué, profond, sinueux, labyrinthique dans lequel on se perd pour mieux peut-être, se trouver, qui sait ! Mais ce dont on est sûr, c’est que la collision entre l’imaginaire et la réalité, mêlée de références culturelles et historiques, nous offre un monde nouveau qui se déploie au milieu de l’ancien, non sans faire montre d’un souci constant de nous décrire notre réalité ordinaire dans ses formes et ses plis les plus nuancés. L’œuvre de Borges se déploie comme la bibliothèque de Babel, tel un accordéon, un éventail dans sa complexité humaine et protéïforme.<br /><br /><br /></span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p style="text-align: left;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« La Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible. »<br /></span></p><p style="text-align: left;"> </p></blockquote><p style="text-align: center;"><img id="media-1071779" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2868056397.gif" alt="jorge luis borges,platon,roger caillois,nestor ibhara,paul verdevoye,jean-pierre bernès,giorgio de chirico,miguel de cervantès,don quichotte" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Jorge Luis Borges<br /><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><em>Fictions</em> comme <em>Le livre de sable</em> sont deux livres faits de récits brefs aux genres variés. Policier, fantastique, symbolique, ils mêlent les références diverses, les allers-retours entre le réel et l’irréel, la forme brève, la réactualisation des thèmes universels, l’utilisation des métaphores, les constructions narratives complexes, le brouillage des genres entre le policier et le fantastique. Borges est l’inventeur d’un style littéraire nouveau, le créateur du roman policier métaphysique, d’histoires à clés, de romans à énigmes touchant à l’ontologie, la philosophie, l’ésotérique. Il ne peut être classé dans aucun genre déjà établi. Exprimant la complexité du monde, le mystère de l’existence et la condition humaine, la forme brève de ses récits sont un outil favorable à l’art de Borges, qui décrit la condition de chacun dans un monde absurde et incertain. Son œuvre est si particulière, si inattendue, que l’on se demande à chaque page et chaque ligne pour qui Borges écrit. Quelle chance, il nous répond à cette bien curieuse question comme cela : « Je n’écris pas pour une petite élite dont je n’ai cure ni pour une entité platonique adulée qu’on surnomme la masse… J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. » <br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071312" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/3742541761.jpg" alt="jorge luis borges,platon,roger caillois,nestor ibhara,paul verdevoye,jean-pierre bernès,giorgio de chirico,miguel de cervantès,don quichotte" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Jorge Luis Borges (Buenos Aires 1899 – Ginevra 1986) </span><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">et sa femme María Kodama</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br /></span><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comment résumer ces deux œuvres mémorables, intemporelles ? Qui n’a jamais entendu parler du récit intitulé « Pierre Ménard, auteur du Quichotte », cet écrivain imaginaire du nom de Pierre Ménard, qui a l’ambition de réécrire le <em>Don Quichotte</em> de Cervantès, non en le recopiant, mais en le reproduisant. Qui n’a jamais lu « La Bibliothèque de Babel », cette bibliothèque « totale » présentée ainsi :</span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« [Un] penseur observa que tous les livres, quelque divers qu’ils soient, comportent des éléments égaux : l’espace, le point, la virgule, les vingt-deux lettres de l’alphabet. Il fit également état d’un fait que tous les voyageurs ont confirmé : il n’y a pas, dans la vaste Bibliothèque, deux livres identiques. De ces prémisses incontroversables il déduisit que la Bibliothèque est totale, et que ses étagères consignent toutes les combinaisons possibles des vingt et quelques symboles orthographiques (nombre, quoique très vaste, non infini), c’est-à-dire tout ce qu’il est possible d’exprimer, dans toutes les langues. Tout : l’histoire minutieuse de l’avenir, les autobiographies des archanges, le catalogue fidèle de la Bibliothèque, des milliers et des milliers de catalogues mensongers, la démonstration de la fausseté de ces catalogues, la démonstration de la fausseté du catalogue véritable, l’évangile gnostique de Basilide, le commentaire de cet évangile, le commentaire du commentaire de cet évangile, le récit véridique de ta mort, la traduction de chaque livre en toutes les langues, les interpolations de chaque livre dans tous les livres. »</span></p><p style="text-align: justify;"> </p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1065004" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/825585444.jpg" alt="borges2.jpg" />Sans compter « Le jardin aux sentiers qui bifurquent » racontant un livre labyrinthique et infini où les repères temporels ne cessent de se multiplier, dans lesquels on voit une image réfléchie de l’univers, ou « Funes et la mémoire » qui est l’histoire d’Irénée Funes, personnage observant la complexité « multiforme » de l’univers. Les identités des personnages, leurs rapports avec le monde, les choses du monde, l’univers, tout semble bouleverser notre réel si limpide et ordinaire, provoquant le doute, l’angoisse, l’absurde, réduisant notre monde à un décor de théâtre qui ne fait plus sens, installant en nous le sentiment d’étrange étrangeté, brouillant les mondes du rêve et de la réalité, transformant les récits oniriques en récits réalistes et inversement. <br /><br /><br /></span><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Quand on lit Borges, on a souvent le sentiment de retrouver les univers décalés du peintre de Chirico. </span><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dans la nouvelle <em>Le Livre de sable,</em> on est devant un récit qui contient un nombre infini de pages, sans début ni fin, obsèdant celui qui le possède jusqu’à le consumer. N’est-ce pas là la métaphore habile du lecteur de Borges, lisant ses propres récits, ne sachant comment les aborder, les interpréter, les lâcher, lecteur déstabilisé, plongé dans un univers incongru et onirique, lui rappelant peut-être, à terme, que son propre monde, qu’il croit réel, n’est que la caverne de Platon, et ses parois sur lesquelles il voit passer des ombres, alors qu’il les prend pour la plus criante vérité.<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071047" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/1305581463.jpeg" alt="platon,jorge luis borges,roger caillois,nestor ibhara,paul verdevoye,jean-pierre bernès,giorgio de chirico,miguel de cervantès,don quichotte" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Giorgio de Chirico, <em>La Gare Montparnasse</em>, (La Mélancolie du départ)<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Jorge Luis Borges, <em>Fictions</em>, traduit de l’Espagnol (Argentine) par Roger Caillois, Nestor Ibarra et Paul Verdevoye, nouvelle édition révisée par Jean-Pierre Bernès, Gallimard, « Folio », novembre 2018, 208 pages.<br /></span></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;">À voir aussi :</span><br /><iframe width="360" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/qT_i9tNbnjE?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></strong></p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Entretien avec Borges (1965) - Partie 1</span></strong></p>
Marc Alpozzo
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Hannah Arendt, une pensée politique pour notre temps
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2019-04-22:3135163
2019-04-22T07:37:00+02:00
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Les éditions Calmann-Lévy rééditent dans leur collection « Liberté de...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Les éditions Calmann-Lévy rééditent dans leur collection « Liberté de l’esprit » un des ouvrages majeurs d’<span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/hannah-arendt/" target="_blank" rel="noopener">Hannah Arendt</a></span>, <em>Condition de l’homme moderne</em>. Cet essai semble avoir été écrit pour notre temps présent, tant il est actuel, moderne, chargé de concepts pour comprendre le XXI<sup>e</sup> siècle naissant.</strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/3080103686.jpg" id="media-1070082" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1062500" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/3694515369.jpg" alt="condition.jpg" />À la sortie de ce livre, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/hannah-arendt/" target="_blank" rel="noopener">Hannah Arendt</a></span> était essentiellement connue pour ses trois tomes sur le totalitarisme qui avaient fait sensation, et avait irradié la petite communauté philosophique. Or, visiblement, nous sommes à des lieux de la thématique précédente, lorsque nous ouvrons ce nouveau livre, datant de 1958. Divisée en six chapitres, cette œuvre impensable, opère le changement de front, car, « si la possibilité du monde totalitaire est à chercher dans une méditation sur le mal radicale, la possibilité du monde non-totalitaire est à chercher dans les ressources de résistance et de renaissances contenues dans la condition humaine en tant que telle », comme l’écrit fort justement Paul Ricœur dans sa belle préface à cette réédition.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">À la différence des philosophies contemplatives, comme le stoïcisme, celle d’Hannah Arendt est une philosophie de l’action. Juive réfugiée à New York, ancienne maîtresse du maître de Fribourg, penseur de la forêt-noire, elle eut une vie hors norme à l’image de sa pensée. Lorsque paraît <em>Condition de l’homme moderne</em>, cette pensée s’inspire fortement des doctrines allemandes (la phénoménologie d’Edmund Husserl et de Martin Heidegger, ou de Karl Jaspers), mais également grecques et latines (notamment la théologie de saint Augustin). Penseur politique indiscutablement, la méthodologie d’Hannah Arendt n’est pas indifférente à celle de la phénoménologie.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dans <em>Condition de l’homme moderne</em>, le livre, composé de deux parties, met en œuvre une étude systématique, assise sur la distinction conceptuelle entre le domaine public (le monde commun) et le domaine privé (dans lequel l’homme dépasse le confinement biologique de la famille et l’isolement du soi), et une hiérarchie de concepts — travail, œuvre, action — qui lui permet de préciser la signification politique des trois principales activités de la <em>vita activa</em>, du travail, de l’œuvre et de l’action. Or, l’action est avant tout politique, et c’est dans ce monde commun qui est la condition de notre accès au réel, que nous pouvons, contre la <em>vita contemplativa</em> de Platon, la <em>vita activa</em> que nous pouvons vivre une vie pleine qui ne sera pas le refus du monde.<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070083" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/38396180.jpg" alt="paul ricoeur,hannah arendt,heidegger,edmund husserl,saint augustin,karl jaspers,phénoménologie,platon,homo faber" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Une usine Ford en 1924<br /><br /></span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Les actions des hommes ressemblent à des gestes de pantins manœuvrés par une main invisible derrière le décor, de sorte que l’homme est comme le jouet d’un dieu. Il est remarquable que ce soit Platon, qui n’avait aucune idée du concept moderne d’Histoire, qui ait inventé la métaphore de l’acteur en coulisse qui, dans le dos des hommes agissant, tire les ficelles et est responsable de l’histoire. Le dieu de Platon ne fait que symboliser le fait que les histoires vraies, par opposition à celles que nous inventons, n’ont point d’auteur ; comme tel c’est le véritable précurseur de la providence, de la “main invisible”, de la nature, de “l’esprit du monde”, de l’intérêt de classe, etc., qui ont servi aux philosophes de l’histoire, chrétiens et modernes, pour tenter de résoudre le problème d’une histoire qui doit bien son existence aux hommes mais qui n’est évidemment pas “faite” par eux. » <br /><br /></span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">D’une étude historique au progrès scientifique jusqu’à la condition humaine, en passant par l’avenir de l’homme, du travail et la quête de l’immortalité. Hannah Arendt étudie notre modernité, notre action en commun, et la condition même de l’homme moderne, ses prouesses, ses excès, ses folies.<br /><br /></span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Si on laisse les normes de l’homo faber gouverner le monde fini comme elles gouvernent, il le faut bien, la création de ce monde, l’homo faber se servira un jour de tout et considérera tout ce qui existe comme un simple moyen à son usage. »<br /><br /></span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dialectique de la raison critique de l’Homo faber, Hannah Arendt montre un pessimisme similaire à celui de son maître et amant Heidegger, condamnant la technique, la religion du progrès, en mettant en garde contre la crise des sciences européennes, à l’origine de la dérive de la modernité. Si l’homme connait aujourd’hui une dangereuse décadence, ce n’est pas sans lien avec l’évolution des sciences et des techniques, dont elle se méfie, d’autant que ce progressisme purement scientifique ne profite guère à la pensée et à la méditation.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Nous voilà prévenus !</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070086" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/428770470.jpg" alt="paul ricoeur,hannah arendt,heidegger,edmund husserl,saint augustin,karl jaspers,phénoménologie,platon,homo faber" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Laboratoire secret de Ford</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br />Hannah Arendt, <em>Condition de l’homme moderne</em>, préface de Paul Ricœur, Calmann-Lévy, octobre 2018.</span></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;">À voir aussi :</span><br /><iframe width="360" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/cK3TMi9GqwE?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></strong></p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Entretien entre Hannah Arendt et Roger Errera, New York, 1973</span></strong></p>
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
« Théorie du mal, théorie de l’amour », seizième séminaire d’Alain Badiou
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2018-10-04:3127871
2018-10-04T10:29:00+02:00
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Depuis 1966, le Séminaire d’ Alain Badiou jouit d’une très grande...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><strong>Depuis 1966, le <em>Séminaire</em> d’<span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/badiou" target="_blank" rel="noopener">Alain Badiou</a></span> jouit d’une très grande renommée. C’est un laboratoire où le philosophe teste, nourrit et les affûte ses idées. Ouvrons le seizième volume, consacré à l’année de 1990-1991 : <em>Théorie du mal, théorie de l’amour</em>. </strong><strong>Cette chronique est parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>. Elle est désormais en accès libre dans l<em>'<span style="color: #800000;">Ouvroir</span></em>.</strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/1644522701.jpg" id="media-1056737" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br /><img id="media-1056738" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/3763731228.jpg" alt="badiou9.jpg" />L’image est d’emblée percutante : le rapprochement entre le mal et l’amour. Comment et pourquoi le philosophe dresse-t-il un parallèle entre la théorie du mal et à la théorie de l’amour ? D’où vient le mal ? Et qu’est-ce que l’amour ? D’une part donc, les valeurs du Bien et du Mal, et de l’autre l’amour, avec un lien entre ces deux motifs, dont les résonances éthiques, métaphysiques et philosophiques montrent que la pensée philosophique continue de relever des défis, les propositions religieuses sur le Bien et le Mal, pour les repenser, les re-problématiser, les inscrire dans la modernité. Et en tirer une thèse, assez inactuelle : en Occident, le mal dont l’amour est capable, c’est la religion.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">A-t-on tort de voir en <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2016/03/31/la-philosophie-d-alain-badiou-3069764.html" target="_blank" rel="noopener">Alain Badiou</a> <a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2018/04/01/eloge-de-la-politique-l-hypothese-communiste-d-alain-badiou-3102969.html" target="_blank" rel="noopener">le militant politique avant le philosophe</a></span> ? Maoïste, ou du moins, l’a-t-il longtemps été, philosophe bien évidemment, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/badiou" target="_blank" rel="noopener">Badiou</a></span> est aussi mathématicien, romancier, dramaturge, et polémiste. Autant dire qu’il cumule les casquettes, et, parfois, accepte de donner la réplique à <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/onfray" target="_blank" rel="noopener">Michel Onfray</a></span>, ou de répondre aux questions des journalistes Nicolas Truong ou Aude Lancelin, parlant de politique ou d’amour, se mettant ainsi à la portée du grand public.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais il ne faut pas oublier qu’Alain Badiou est avant tout professeur émérite à l’École normale supérieure, et l’auteur de nombreux ouvrages à haute portée philosophique, qu’il publie comme une mitraille dans les années 90 et 2000 : <em>L’être et l’événement</em>, <em>L’éthique</em>, <em>Logiques des mondes</em>, <em>La vraie vie</em>, etc.</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1056739" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/956601913.jpg" alt="badiou_alain.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Alain Badiou chez lui</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La publication des séminaires est une chance inestimable : observer une nouvelle philosophie naître peu à peu, dans le laboratoire des idées qu’Alain Badiou créa directement au 45 rue d’Ulm. Penseur aux multiples visages, mêlant politique et éthique, ce qui ne semble plus aller tant de soi depuis plusieurs décennies, Badiou est un séminariste rigoureux et profond, essayant d’exposer sa philosophie aux auditeurs ou lecteurs capables, de leur côté, de grands efforts pour lire et méditer une parole vivante, et vivifiante, n’ayant de cesse de questionner et re-questionner ce qu’est la philosophie, et ce qu’elle veut.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Rapport de la philosophie à la vérité, rapport de la vérité à l’amour, rapport de l’amour au mal,</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><blockquote><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« quand la philosophie cède à la tentation de prescrire l’unicité du lieu sacré de la vérité, elle devient une prescription angoissante ou un commandement obscur et tyrannique, qui l’écarte de la clarté de son acte, celui de la saisie ».</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Penser donc le mal dans les conditions du présent pour ce philosophe communiste, c’est le penser en-dehors du véritable adversaire de l’éthique que Badiou nomme le « moralisme », en renvoyant cette conception du mal à son origine religieuse. C’est là toute l’ambiguïté de son processus de vérité et de vérification de la vérité, non sans résister à la tentation de dessiner une éthique du bien. C’est sûrement toute la fragilité de son argumentation, mais elle vaut bien un détour, au moins pour comprendre pourquoi la philosophie depuis Platon n’a eu de cesse de confronter la pensée au désastre, ne serait-ce que pour « unifier le concept du Mal du point des vérités ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Alain Badiou, <em>Le Séminaire, Théorie du mal, théorie de l’amour</em>, Fayard, « Ouverture », avril 2018.</span></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;">À VOIR AUSSI :</span><br /><iframe width="480" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/IO39uEsK2ug?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></strong></p><p style="text-align: center;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Alain Badiou - Part 1 : l'Amour</span></strong></p>
Edouard
http://blogres.blogspirit.com/about.html
Notes sur le corps perdu
tag:blogres.blogspirit.com,2016-10-06:3324614
2016-10-06T01:06:00+02:00
2016-10-06T01:06:00+02:00
par Jean-Michel Olivier Mon premier est un corps de légende. Le...
<p><em><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">par Jean-Michel Olivier</span></strong></em></p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;"><a href="http://blogres.blogspirit.com/media/00/02/3053834146.jpeg" target="_blank"><img id="media-215937" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://blogres.blogspirit.com/media/01/01/2605645619.jpeg" alt="images-3.jpeg" /></a>Mon premier est un corps de légende. Le corps rêvé, à deux, par mes parents. Un corps double, déjà, et tissé de désirs contradictoires. Pas de visage, encore, ni de nom propre. Mais la rencontre de deux rivières qui, un beau jour, ont mélangé leurs eaux. Rien de visible, encore, dans ce petit embryon virtuel qui porte en soi tous les espoirs du monde, les angoisses et les rêves, la vie et la mort. Mais, bien sûr, le programme à venir est inscrit dans les gênes, comme un passeport : un <em>sauf-conduit</em> pour des destinations futures.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">« En ces temps-là, écrit Platon dans <em>Le Banquet,</em> les êtres humains avaient quatre bras, des jambes en nombre égal, deux visages, les parties honteuses en double, tout le reste à l’avenant. […] Zeus, pour mettre un terme à leur indiscipline, les coupa en deux comme on tranche les fruits pour en faire des conserves, ou encore comme on divise un œuf dur avec un crin. »</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Mon premier est un corps idéal : des jambes déliées, des bras solides, un visage d’ange, les yeux bleus de son père, le nez droit de sa mère (et la culotte de son grand frère, dirait Gotlib). Il a des proportions parfaites. Un chef-d’œuvre esthétique, en quelque sorte. Mais pas encore de sexe.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Pendant des millénaires, on n’a rien su de la magie de la gravidité. L’ignorance, aujourd’hui, n’est plus de mise : grâce à l’échographie, on peut suivre en temps réel et en cinémascope l’histoire du petit bougillon, le mesurer, l’ausculter, déceler d’éventuelles maladies ou des malformations congénitales. On peut même l’opérer <em>in utero</em> sans qu’il s’en aperçoive.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Bien à l’abri dans la grotte maternelle, il ou elle n’est jamais seul(e). Son corps est <em>inclus</em> dans un corps plus vaste qui le nourrit et le contient. Il pousse à l’abri des regards indiscrets, bien au chaud, en toute sécurité, mais il grandit déjà sous surveillance. <em>Big Mother is Watching You.</em> Il a déjà son dossier médical, sa fiche magnétique d’assurance, sa chambre réservée à la Maternité.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Pour les Grecs, comme pour les Romains, le corps idéal est celui du <em>soldat</em>: incarnation de la virilité accomplie et de la fonction sociale la plus noble. Au Moyen Âge, c’est le <em>chevalier</em> au corps dissimulé par une armure, toujours au service des plus faibles, et lié à son Roi par une fidélité indéfectible. Et aujourd’hui ? L’idéal masculin serait un composé d’acteur (Johnny Depp) et de chanteur de charme (Robbie Williams). Quant à l’idéal féminin, c’est un mélange de <em>top model</em> (Gisèle Bundchen) et de chanteuse sexy (Shakira, Britney Spears).</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Après neuf mois de réclusion dans la grotte maternelle, voilà le petit d’homme enfin admis à voir le jour ! En même temps qu’il ouvre pour la première fois les yeux, les autres voient son corps. Il cesse d’être une image, un fantasme, un désir inconscient. Il est là, couché sur le sein de sa mère, et il n’est pas quelqu’un d’autre. Il n’est plus inclus dans le corps d’un autre, mais exclu du Jardin d’Eden.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">À peine né, on le toise, on le pèse, on l’ausculte, on l’étalonne, on examine la souplesse de ses membres, on mesure le diamètre de son crâne. Le premier test qu’il doit passer, c’est l’épreuve du <em>grabbing</em>: il doit être capable de refermer sa main sur le doigt du pédiatre. Il doit d’emblée montrer son désir de s’accrocher à la vie.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Son premier mot d’ordre philosophique : <em>Je pince, donc je suis.</em></span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">On ne le dira jamais trop : le nom (et le prénom) que je porte aura toujours été celui d’un autre. Il existe avant moi et sans moi. C’est le prénom d’un enfant mort (Ramuz avaient deux frères aînés, Charles et Ferdinand, qui moururent en bas âge), d’une tante d’Amérique ou d’un grand-père fou, d’un ami de maman ou d’une vedette de cinéma (combien de Brad, de Jennifer, de Monica dans les années 2000 ?). Dans tous les cas, c’est le nom étranger qu’on colle sur mon corps. L’étiquette. Le signe distinctif. Qui m’aura précédé et qui attestera que j’ai vécu. Un nom étrange qu’il faudra accepter d’abord, puis ensuite reconnaître (comme on reconnaît une <em>dette</em>). Ce nom étrange qu’il faudra honorer, sa vie durant, sous peine d’être exclu du clan familial, et de perdre son identité.</span></p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Un nom. Un corps. Sa vie durant, il faudra négocier avec ces énigmes insondables, qui sont données une fois pour toutes, à la naissance. Je suis ce nom. Je suis ce corps. Pourquoi ne m’appelé-je pas Jordi, ou Aragon, ou Franz Schubert, ou Félix Unglück ? Et pourquoi ne suis-je pas petit, large d’épaules, roux aux yeux bleus, poilu et ventriloque ?</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Vous me direz qu’on peut changer de nom. C’est compliqué, mais c’est possible. Vous me direz aussi qu’il y a des pseudonymes (Stendhal, Cendrars, Molière, etc.), et que Julien Gracq, dans tous les cas, sonne mieux que Julien Poirier, par exemple. C’est vrai. Vous me direz également qu’il est possible aujourd’hui de modifier son corps selon ses moindres caprices. Rien de plus facile, en effet, qu’une petite liposuccion, une rhinoplastie, un limage des dents, une greffe de cheveux, un <em>lifting</em> du visage, etc. Nous sommes les premiers, sans doute, dans l’histoire de l’humanité, à pouvoir <em>remodeler</em> notre corps à loisir, au point d’en faire, à jamais, un corps méconnaissable même pour ceux qui nous connaissent le mieux.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">« Le charme, le seul vrai charme, est épidermique : qui songe à louer le squelette de sa Dulcinée ? » Julien Gracq.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Si, au départ de la vie, le monde apparaît à l’enfant comme le prolongement indifférencié de son corps, la conscience de soi naît à partir de la frontière qu’il trace entre lui et le monde extérieur. Vers l’âge de trois ans, quand il dessine, la première image qu’il donne de lui-même est une boucle fermée qui partage un dedans d’un dehors. Inscrivant dans cet enclos corporel les yeux et la bouche, greffant des membres filamentaires, il fixe, dans la fascination du vis-à-vis, l’image d’un <em>moi</em> qui se découvre — comme un <em>autre.</em></span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Hippocrate, le plus célèbre médecin de la Grèce antique, n’a jamais ouvert de cadavre, ni laissé aucun traité sur ce sujet. Et jusqu’au XIII<sup>e</sup>, le corps humain n’est qu’une surface. Il faut que Frédéric II de Germanie rende une ordonnance en vertu de laquelle il est défendu d’exercer la médecine sans avoir étudié au préalable pendant un an l’anatomie sur des corps humains. Deux excommunications papales, lancées contre l’auteur de cet édit, ne suffisent pas à refermer les cadavres. Dès lors, le corps est étudié non seulement comme une surface, mais aussi comme une profondeur.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">« J’ai disséqué plus de dix corps humains, écrit Léonard de Vinci dans ses <em>Carnets.</em> Fouillant chacun des membres, écartant les plus infimes parties de chair […] Si tu es passionné par ce sujet, tu peux être retenu par une répugnance naturelle ou, si elle ne te retient pas, tu peux redouter de passer la nuit en compagnie de cadavres découpés, écorchés, horribles à voir. Si cela ne te rebute toujours pas, peut-être ne possèdes-tu pas le talent de dessinateur indispensable à cette science. »</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">En coupant le corps en morceaux, la dissection met un terme au principe d’unité que sous-tend la notion d’<em>individu</em> (qui signifie « corps indivisible »).Aussi, jusqu’au XVII<sup>e</sup>, les dépouilles offertes aux anatomistes sont celles des condamnés à mort. La dissection, pratiquée à huis clos, est entourée d’opprobre. À la fin du siècle, la tendance s’inverse :la dissection devient un spectacle à la mode. Dans <em>Le Malade imaginaire,</em> Molière ironise : « Il y en a qui donnent la comédie à leurs maîtresses, mais donner une dissection est quelque chose de plus galant. »</span></p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Où est mon corps d’enfant ? Mon dernier cheveu blond ? Le corps choyé par mes parents n’existe plus. Un autre a pris sa place, que personne n’a reconnu, mais qu’il faut accepter, parce qu’on n’a pas le choix, et puis un autre encore. Tout ce qu’il reste de ce corps primitif, ce sont des cicatrices fermées sur un secret. Les genoux si souvent éraflés qu’ils ressemblent à des champs de bataille. Le dos brûlé par le lait écumant que mon grand-père, dans sa nuit primordiale, a renversé sur moi, un dimanche de printemps. Le coude creusé par la chute d’un vélo lancé à toute allure sur un chemin de pierres, etc.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Nous sommes des poupées russes. À chaque étape de notre vie, un nouveau corps vient remplacer le précédent, l’enveloppant d’une nouvelle peau, qui ne tombe pas, et reste intacte avant d’être recouverte à son tour. Au centre du dispositif, il y a un corps d’enfant, minuscule, effaré, immobile, qui regarde avec un sourire ces corps effacés par le temps, et qui ne parle pas.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Un jour, dans un accès de fureur éthylique, un collègue lança sur moi une assiette qui faillit me tuer. Mon front dégoulinait. Ma belle chemise de lin était tachée de rouge. Après le vin partagé en commun, dans la douceur de la nuit (une vraie <em>Comédie d’été</em> à la Shakespeare), je goûtais au vrai sang du sacrifice. Sans poser de questions, les médecins de l’hôpital recousirent la blessure avec du fil invisible et une aiguille. La boutonnière existe encore. Je ne la sens jamais. Certains soirs, quand le froid est trop vif, elle se teinte de rouge, pour que je ne l’oublie pas.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Je n’ai plus, aujourd’hui, le visage que ma mère m’a connu. Quelques photos anciennes, toujours les mêmes, toujours en noir et blanc, attestent pourtant que ce visage a existé. Qu’il a été le mien. Un visage d’ange (ou de démon) qui sourit tout le temps. Puis c’est la page blanche : une année de silence. Après, l’enfant n’est plus le même. Son visage a changé. Le beau sourire est devenu grimace. L’enfant avait dix ans. Les chemins de montagne étaient gelés. Zigzagant entre les congères, la voiture a quitté la route, dévalé un talus, s’est écrasée contre un sapin. L’enfant assis à côté de son père a traversé le pare-brise. Il est resté enseveli des heures sous la neige. On l’a tiré de là, on a ôté le verre de ses yeux, soigné les plaies de son visage. À l’hôpital, emmailloté comme une momie, il est resté dix jours sans bouger, sans parler. Quand on lui a retiré ses pansements, sa mère ne l’a pas reconnu. Dans l’album de famille, après la bourrasque de neige, les photos sont maintenant en couleur.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Le corps est le premier jouet, la première source de douleur et de plaisir. Tout s’y inscrit en palimpseste. À cet égard, c’est le modèle des relations que l’on entretiendra avec autrui. Si j’aime mon corps, si je le soigne et le vénère (comme la publicité m’y enjoint constamment), je serai plus sensible au corps de l’autre, à ses défauts, à ses métamorphoses, à son vieillissement.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Comme il est le premier instrument de plaisir, le corps est aussi la première œuvre d’art. Tout porte à croire que l’homme (et donc la femme !) a pris sa propre peau comme support originel de son image. Regardez les Dogons, les Papous, les Incas, les Massaï. Regardez Pamela Anderson. Regardez Marilyn Manson. Le maquillage — comme le tatouage — constitue la forme la plus ancienne de métamorphose corporelle. Grâce à elle, on sépare, d’emblée, le corps biologique et le corps culturel.</span></p><p> </p><p><span class="Apple-style-span" style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 19px;">Combien de temps sépare un grain de peau d’un grain de sable ?</span></p>
eurocitoyen
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Poètes et profanes
tag:eurocitoyen.blogspirit.com,2013-06-23:2969073
2013-06-23T22:15:00+02:00
2013-06-23T22:15:00+02:00
[petite déviation poétique sur ce blog d'actualité pour éviter de parler de...
<p><em>[petite déviation poétique sur ce blog d'actualité pour éviter de parler de celle-ci]</em></p><p> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: center;" align="center"><strong style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-size: 14.0pt;">Poètes et profanes</span></strong></p><p> </p><p class="MsoNormal"><span style="font-size: 14.0pt;">Platon voulait chasser les poètes de la Cité. </span></p><p class="MsoNormal"><span style="font-size: 14.0pt;">Car un baiser s’empresse toujours de mouiller son obstacle ; toucher le tronc d’un arbre sec peut nuire à sa fluidité.</span></p><p class="MsoNormal"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-744714" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://eurocitoyen.blogspirit.com/media/01/00/2972779881.jpg" alt="poètes,profanes,cité,platon,citoyenneté,europe" /></p><p class="MsoNormal"><span style="font-size: 14.0pt;">Chassez les poètes de la Cité pour ne pas les corrompre.</span></p><p class="MsoNormal"><span style="font-size: 14.0pt;"><br /></span></p>
Marc Alpozzo
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Socrate. Ce philosophe qu'on assassine
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2013-03-06:2261738
2013-03-06T10:03:00+01:00
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Socrate est un homme seul ! Seul devant une plèbe hypnotisée par le...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino; text-align: justify;"><span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/socrate/" target="_blank" rel="noopener">Socrate</a></span> est un homme seul ! Seul devant une plèbe hypnotisée par le discours de ses accusateurs, Mélétos, Anytos et Lycon. Lui, que la Pythie avait déclaré investi d’une mission divine, comparait devant ses juges pour plusieurs chefs d’accusation dont celui d’athéisme. Cette étude est p<span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">arue dans les<span style="color: #800000;"><em> Carnets de la philosophie</em></span>, numéro 16, d'avril 2011. La voici désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</span></span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/4236319057.jpg" id="media-1071282" alt="" /></p><p style="text-align: left;"> </p><p style="text-align: left;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">La fin de vie d'un philosophe</span></strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est donc un homme seul qui engage un long discours devant une foule qui bientôt lui donnera la mort : « Quelle impression mes accusateurs ont faite sur vous, Athéniens, je l’ignore. Pour moi, en les écoutant, j’ai presque oublié qui je suis, tant leurs discours étaient persuasifs. Et cependant, je puis l’assurer, ils n’ont pas dit un seul mot de vrai. Mais ce qui m’a le plus étonné parmi tant de mensonges, c’est quand ils ont dit que vous deviez prendre garde de vous laisser tromper par moi, parce que je suis habile à parler. […] Quoi qu’il en soit, je vous répète qu’ils n’ont rien dit ou presque rien qui soit vrai. Moi, au contraire, je vous dirai l’exacte vérité. » Voilà comment un homme de plus de soixante-dix ans, entame son éloge, son plaidoyer. Le voilà qui entonne sa défense. Et le voilà qui se prépare à faire son apologie. Oui ! Mais il ne le fera pas dans l’esprit de l’apologie de l’époque. Celle-ci servait plus à l’artifice de la rhétorique, à la flatterie ; on essayait d’émouvoir les juges, de les séduire. Alors que Socrate, s’en tenant aux faits, va en profiter pour réexpliquer ce qu’être philosophe veut dire…<br /><br /></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cet épisode de la vie de Socrate est décisif ! Car c’est celui de la fin d’un homme. L’histoire d’un amant de la vérité que la plèbe a assassiné.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est Mélétos qui, en 399, viendra déposer une plainte au greffe de l’archonte-roi contre un citoyen assez peu ordinaire : Socrate. À soixante-dix ans, cet homme, ce « gueux », ce « mendiant, ce quasi-clochard toujours prêt à battre la conversation avec les puissants, les honnêtes hommes, les sans-grades de la cité d’Athènes, est accusé de « corrompre les jeunes gens et de ne pas croire aux dieux auxquels croit la Cité et de leur substituer des divinités nouvelles ». Et le chef d’accusation n’est pas à prendre à la légère. Car Socrate est célèbre dans l’Antiquité pour ses discours. Il a d’ailleurs la réputation d’être un philosophe qui intervient avec les armes les plus aiguisées, pour faire taire les discutailleurs les plus célèbres, lui qui s’est donné une mission, celle d’intervenir pour sauver les institutions fondamentales qui méritent d’être sauvées. C’est-à-dire sauver la justice contre la valorisation ambiante de l’injustice, sauver la loi contre la désobéissance, et plus fondamentalement, sauver le discours contre les discours trompeurs et antilogiques.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">Sauver le discours</span></strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il s’agit pour Socrate de sauver le discours du naufrage du sens et des valeurs, c’est-à-dire de substituer aux <em>logoi </em>qui se contredisent les <em>logoi </em>qui viennent se porter secours entre eux, afin de s’opposer aux sophistes et d’ainsi rendre possible un discours, un <em>logos</em>, un message, et sauver un autre <em>logos</em>, − ce qui lui coûtera évidemment le prix de sa propre vie à son procès qui se tiendra bientôt. Voilà donc le premier rôle du philosophe. Le second se trouve dans la célèbre affirmation socratique : « Je sais que je ne sais rien ». Amener ses interlocuteurs à prendre conscience de leur ignorance et de leurs non-savoirs, lui, que la Pythie de Delphes a déclaré comme le plus sage des hommes, a depuis fait son enquête auprès de ses concitoyens : politiciens, orateurs, poètes, techniciens croient ou prétendent tous posséder un savoir, mais, en réalité, ne savent rien qui vaille. Corrompre les esprits, c’est donc les amener à examiner leurs savoirs, ou plutôt l’étendue de leur ignorance, c’est leur inspirer le sens du doute, de la remise en question. C’est les conduire à se poser la vraie question : <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Ti esti</em> (qu’est-ce que ?) Et, bien sûr dans ces cas-là, la première à l’imiter est cette jeunesse cultivée.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br /></strong>Alors pourquoi ont-ils tué Socrate ? Lorsqu’on lit ce que Platon nous rapporte des paroles prononcées par son maître à son propre procès, on pourrait être étonnée du flegme qu’adopte le vieil homme, du peu de cas qu’il porte aux juges et au jury. Il n’a pas cessé, alors que son procès se déroule, de s’entretenir comme à l’ordinaire, avec ses disciples. Est-il sot ? Est-il inconscient ? En réalité, le procès qu’on lui intente est un faux procès, et Socrate veut démontrer à ses juges que sa mission, plus que politique ou pédagogique, est morale et philosophique. Notre ami a toujours visé la vérité. C’est donc par cette disponibilité à la vérité exclusivement, que son procès débutera, et c’est par elle également, qu’il s’achèvera. Rappelons le refus prompt que Socrate opposa en ce qui concerna la condamnation des généraux qui n'avaient pas recueilli les corps des naufragés à la bataille des Arginuses en 406 et en 404, sous la tyrannie des Trente. Sa critique ouverte des exécutions sommaires ordonnées par ces derniers, son refus de participer ne serait-ce qu’à une seule arrestation. C’est donc le courage de Socrate qu’il s’agit de souligner ! Un courage qui s'associe à une grande « maîtrise de soi » et ce, en toutes circonstances ! Jamais ivre, même après avoir beaucoup bu, Socrate ne s'emporte jamais, supporte avec flegme injures ou critiques, à la grande admiration d'Alcibiade, par exemple. Ses disciples louent cette attitude et ce caractère. Sa méthode d'enseignement qui est la philosophie et la pratique de celle-ci n'était pas non plus de tout repos.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;"><strong>À voir aussi :</strong></span><br /><iframe width="480" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/aCsnBlLBp9s?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Que peut-on réellement savoir sur Socrate?</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br /></strong>De fait, si on a tué Socrate, c’est parce qu’il dérangeait les puissants en instruisant les ignorants. Les esprits conservateurs ont vu d’un très mauvais œil cette novation sur le plan de la pensée ; aussi accusèrent-ils Socrate d’athéisme, de corrompre la jeunesse et de nier les vieilles valeurs morales – probablement plus pour s'en débarrasser que pour faire surgir la vérité ! – soulignant combien Socrate constituait un réel danger pour l'ordre social. </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">La philosophie en acte</span></strong></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Durant son procès, – qui se déroule en trois temps, Socrate discute le réquisitoire de ses accusateurs ; il fixe sa peine ; il montre aux juges qui l’ont condamné le tort qu’ils se sont fait à eux-mêmes – cet amant de la sagesse va dessiner la figure du philosophe. Or, que constate-t-on ? Que la philosophie n’est pas quelque chose de désincarnée. Qu’elle n’est pas un nuage d’idées ou un jeu formel ; la philosophie a un visage et ce visage est celui du philosophe. Socrate est ce visage. Il s’interroge ; il s’étonne devant le monde. Il interroge la justesse de ses savoirs. Il est cet homme qui se place entre l’idéal d’une connaissance vraie et l’ignorance. Aussi, la philosophie prend-elle ainsi le visage de celui qui est parti à la recherche de l’absolu.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Et d’ailleurs, lorsqu’en 399, Socrate est accusé par Anytos et deux autres hommes d’être « coupable du crime de ne pas reconnaître les dieux reconnus par l'Etat et d'introduire des divinités nouvelles (…) de corrompre la jeunesse », en réalité, on feint de ne point comprendre ce qu’être un philosophe veut dire. On ne retient pas ce que Pythagore, à la naissance de la philosophie, avait proposé comme définition, avant Socrate lui-même, définition que ce dernier ne reniera pas : le philosophe est l’amant de la vérité.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La formule est brillante. D’ailleurs, il faut préférer dire que le philosophe est un amant de la sagesse, plutôt qu’un ami du savoir. Parce que le philosophe est un être de désir, sa recherche de l’idéal s’origine dans une recherche de la vie droite, de la vie mesurée ; c’est une tentative d’élévation, c’est une ascension vers le Bien, le Beau et le Vrai, autrement dit, vers ce qui est transcendant. Plus tard, dans <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Le Banquet</em> de Platon, la recherche du Beau sera une recherche du Bien. D’ailleurs, n’est-ce pas avec le sentiment de la Beauté que commence la philosophie ? Car la Beauté se marie nécessairement avec l’Idée de Bien. En ce sens, pour le philosophe, la vérité du désir est un désir de vérité. De fait, cette recherche de la vérité se transforme en une aventure ; une aventure qui s’annonce sous les meilleurs auspices : celle de la méthode, – qui signifie étymologiquement, précisons-le, « manière d’avancer ».<br /><br /></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La philosophie se fait alors ce chemin existentiel interrogeant les multiples manières d’être-au-monde. Sans doute, nous faut-il désormais affirmer que la philosophie ne peut faire fi de l’expérience. Car pour être juste, on doit dire que le philosophe est amant de la sagesse quand il désire une vie mesurée ; pour cela, son attention et sa réflexion n’ont pour seul but qu’éclairer les multiples formes de l’expérience humaine. Car être philosophe demande de bien s’interroger sur ce qui nous est donné de vivre, c’est-à-dire l’expérience la plus simple : l’expérience sensible. </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Après un procès retentissant, où Socrate refuse qu'on le défende, voulant s'en charger tout seul, il propose comme peine, pour sa conduite passée... d'être nourri au prytanée (honneur suprême !) pour le restant de ses jours. Cette proposition est prise comme une provocation, et il sera condamné à mort.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br />Socrate dit alors un dernier adieu à ses juges en les laissant sur cette formule ouverte : « Il est temps pour nous de nous quitter, moi pour mourir et vous pour vivre, et seul le dieu sait quel est le pire des châtiments ».<br /><br /></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;"><strong>À voir aussi :</strong></span><br /><iframe width="480" height="270" src="https://www.youtube.com/embed/C_RUhtIMExE?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe></span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">François Roustang : Socrate chaman ou philosophe ? (Les Racines du ciel)</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Puis, enfermé en prison, Socrate n'est cependant pas exécuté immédiatement. Il faut pour cela que le vaisseau qui part à Délos chaque année, porter des offrandes à Apollon, soit de retour pour qu’une exécution capitale puisse avoir lieu. Pendant les trente jours de son emprisonnement, Socrate s'entretient alors avec ses disciples qui lui proposent en vain un plan d'évasion.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Face à son vieil ami Criton qui le presse de s'évader, Socrate oppose un refus catégorique. Criton, en voulant le convaincre de fuir, se fait l'écho de l'opinion du plus grand nombre : « Pourquoi mourir quand il est si facile de s'échapper ? » Mais Socrate choisit de mourir. Pourquoi ? Certes, il est convaincu que sa condamnation est injuste. Mais lorsqu'il en discute avec ses amis, faisant intervenir les Lois de la cité dans la prosopopée, c’est une véritable profession de foi de civisme qu’il accomplit. Une profession de foi qui nous parle à nous, lecteurs d'aujourd'hui ! Comment rester insensibles aux affirmations de Socrate, à sa conception loyaliste de l'Etat, qui ne peut effectivement exister sans cette reconnaissance implicite du bien-fondé de ses institutions. Athènes à abrité et protégé Socrate. Il en a accepté les droits et les devoirs. Sa sentence est peut-être injuste. Mais ce n’est pas à Socrate de le dire. Car Socrate est citoyen d’Athènes. Il le restera jusque dans sa condamnation. Pas de traîtrise. Pas de désolidarisation du groupe dont il est membre à part entière. Platon fera de sa mort un événement qui ne cesse de nous faire réfléchir.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin: 0cm 0cm 0pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">La mort de Socrate</span></strong></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La mort de Socrate est pour nous très instructive. Socrate voulait-il mourir ? Souvent, on recourt un peu facilement à cette solution, car on ne comprend pas pourquoi il défia jusqu’au bout ses juges.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>En réalité, par cette dernière pirouette, il nous a montré que l’expérience de la réflexion est un exercice spirituel dont le discernement devient à la fois, belle vertu, bel exercice, belle action et belle âme. Alors que tout le monde se rue sur le faux, le philosophe vise le Bien. Or, c’est par le Beau que le philosophe accède au Bien. Imaginez, si l’on aime une chose belle, alors on veut le Bien pour cette chose. Aussi, aimant le Beau, on aime consécutivement le Bien.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">À partir de là, on peut également parler d’expérience métaphysique. Le philosophe ne vise pas seulement à interroger l’expérience. Il lui faut également interpréter son existence, et lui donner un sens. On touche alors au domaine de l’expérience métaphysique. C’est le domaine du transcendant, de ce qui dépasse l’humain : c’est l’Âme, le Monde, Dieu. Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, dans l’expérience métaphysique, l’interrogation importe plus que la réponse ; la réponse n’existant bien souvent pas.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">On comprend à présent pourquoi ils ont tué Socrate. D’abord, parce que les bouleversements politiques et culturels qu’il provoqua ne furent pas entièrement compris tout de suite. Ensuite, parce que la méthode qu’il employa pour y parvenir fut très vite sujet à controverse – d’autant qu’à l’inverse des poètes ou des sophistes, ces messages n’ont pas un contenu de paroles belles, mais vraies ; se posant en contre les rhéteurs minables, les messages de Socrate ne privilégiaient pas la forme, mais le fond. Mais surtout, s’ils ont tué Socrate, c’est parce que philosopher pour ce dernier correspondait à cet homme bon et beau (<em>Kalos Kagatos</em>) dont le discours ridiculise les faux-savants, et séduit, voire convertie la jeunesse. C’est parce qu’il nous a montré que l’enjeu de la vie philosophique,
Marc Alpozzo
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Têtes de chien, note sur Diogène le Cynique
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2012-09-05:1851950
2012-09-05T13:04:00+02:00
2012-09-05T13:04:00+02:00
Diogène, né vers 413 avant Jésus-christ à Sinope, aimait toiser ses...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Diogène, né vers 413 avant Jésus-christ à Sinope, aimait toiser ses contemporains, et arborer une gueule de chien en réaction contre la culture. Cet a</span></strong><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">rticle a été écrit en 2009. Il est p</span></strong><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">aru dans le numéro 10, des<em> <span style="color: #800000;">Carnets de la philosophie</span></em>, en janvier 2010. il a été revu et augmenté en 2012. Le voici désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2907778212.jpg" id="media-1070035" alt="" /></p><div style="text-align: right;"><span style="color: #000000; font-size: 10pt;"><strong><em style="font-family: Georgia; text-align: right;">« Diogène c’est Socrate devenu fou. » </em><span style="font-family: Georgia; text-align: right;">Platon.</span></strong></span></div><div style="text-align: justify;"><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt 180pt; text-align: right;" align="right"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: medium;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Diogène, né vers 413 avant Jésus-christ à Sinope, aimait toiser ses contemporains, et arborer une gueule de chien en réaction contre la culture. Il aimait ainsi donner à notre relation à la nature toute sa force et sa profondeur. Cette tête de chien, que – certains confondent avec une tête de lard, plus portés dans leurs œuvres moribondes à donner au ressentiment qui les tord, au sentiment de jalousie qui les accable, ses pures lettres de noblesse, produisant avec un bonheur égal à leur médiocrité, les pires négativités qui finira par tous les emporter –, ne saurait être justement portée par n’importe qui. Diogène est l’icône la plus célèbre de l’école cynique, aboyant contre leurs concitoyens, forniquant en public. Faire la bête contre ceux qui se prétendent des hommes. Contestations et dérisions de ces hommes « dénaturés ». Il faut relire Diogène, et oublier les calomnies de crapules aussi fainéantes qu’indigentes. Il n’appartient pas à tout le monde d’être cynique. Ce ne sont pas les « blondes de service », ou les « crétins aux petits pieds » qui sauront se mettre à la hauteur du génie de Diogène. À peine pourront-ils produire ce que Nietzsche attribuait aux hommes du ressentiment.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1127222" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/2435292070.png" alt="diogène le cynique,jésus,platon,les cyniques,michel onfray" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Cet article, paru dans la revue <em>Spécial Philo</em>, n°5, fév-avr. 2014</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">« Pour bien vivre, disait Diogène, disposer d’une raison droite ou d’une corde pour se pendre ». Quelle magnifique phrase qui vient donner le change à la société où l’on y voit que le règne des contraintes et des artifices. Agir et réagir contre les hommes : s’opposer à cet élan de domination qui les asservit. C’est le constat que fait Diogène : tous ces misérables humains ne pensent qu’à dominer, capitaliser, jouir. Mais sont-ils seulement heureux ? Le vrai cynique sera un <em style="mso-bidi-font-style: normal;">destructeur</em>. Il voudra briser ces valeurs. Mais il lui faudra pour autant disposer d’une raison droite : il lui faudra donc fabriquer ses lois comme un révolté. Du haut de son légendaire tonneau, Diogène dénonce : la domination exercée par le plaisir sur les hommes, le travail, les revers, la souffrance, bref, tout ce qui compose, de près ou de loin, chaque vie humaine. Le bonheur n’est donc pas dans le plaisir, insatiable par définition, dans les rapports sociaux qui passent par le travail ou les échanges, mais dans ce qui le contrarie : l’autarcie, c’est-à-dire le fait de se suffire à soi-même.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"> </span></p><div style="text-align: center;"><p style="text-align: center;"><img id="media-1070036" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/2959483659.png" alt="diogène le cynique,jésus,platon,les cyniques,michel onfray" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">« Ôte-toi de mon soleil » - (réplique fulgurante à Alexandre le Grand, <br />roi de Macédoine, qui était aimablement venu le voir et <br />qui lui demandait s'il avait besoin de quelque chose, <br />s'il pouvait l'aider en quoi que ce soit... -</span></p></div><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">De fait, on l’a bien compris, les philosophes cyniques grecs se dressent contre l’ordre social. D’où leur modèle : le chien. Car le chien se dresse contre les puissants, il mord les importants et il ne reconnaît d’autre autorité que celle de la nature. On raconte qu’Alexandre le Grand admirant Diogène et se serait bêtement aventuré vers son tonneau, entouré de sa cour, pour lui demander ce qu’il aurait souhaité recevoir. Et Diogène de seulement lui répondre : « Ote-toi de mon soleil. »</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Contemporain de Platon, Diogène est connu dans l'imagerie populaire comme le philosophe qui habite un tonneau et se promène dans Athènes en plein jour, une lanterne à la main, cherchant un homme... Avec le temps, le cynisme a pris une connotation péjorative de mépris et de dénigrement d'autrui, qualifiant tous ceux qui, par peur de leur propre médiocrité, rabaissent systématiquement les autres...</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"><br />Rien de cela dans le cynisme philosophique. L'ironie n'a qu'un seul but : dégonfler la baudruche toujours renaissante de la vanité humaine. Cette baudruche, c’est celle que l’on place entre-soi et les autres. C’est celle qui nous fait manquer l’essentiel : être soi ! C’est l’outil nécessaire pour accomplir, ce que les Grecs appelaient une vie bonne...</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"> </span></p><div style="text-align: center;"><span style="font-size: 12pt;"><img style="border-width: 0; margin: 0.7em 0;" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/1065028690.jpg" alt="diogenes.jpg" /></span></div><div style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Diogène de Sinope</span></div><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Le cynique fait la bête. Il est cette bête qui dispose de la raison droite. Un raisonnement aussi subtil que le raisonnement des écoles hellénistiques. Ainsi, il parvient, rejetant les fausses valeurs véhiculées par une société qui entrave toute liberté humaine, à une sérénité inaliénable. D’où l’idée juste défendue par Michel Onfray qu’il ne se trouve aucun pessimisme chez Diogène<a style="mso-footnote-id: ftn1;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn1" name="_ftnref1"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[1]</span></span></span></span></a>. Ça n’est pas la vie qui est un mal, mais le mal vivre. Par leur morale, leur philosophie aux préceptes infaillibles, les cyniques ne craignent ni la pauvreté, ni la mort d’un proche, ni les liaisons malheureuses. Ils jouissent d’une légèreté absolue dont seuls pourraient en jouir les combattants de l’arène morale. Socrate utilisait irrémédiablement son ironie au service du questionnement philosophique. Une ironie feinte, un air candide par lequel il enquêtait auprès de ses interlocuteurs pour savoir si ceux-là étaient plus savants que lui. Considéré d’ailleurs comme l’homme le plus sage d’Athènes par l’oracle de Delphes, Socrate n’en faisait pourtant rien. Son ironie s’étendait jusque-là : un refus net de se prendre au sérieux, ou de prendre les autres au sérieux. Comme tout ce qui est humain, ou tout ce qui est philosophique ne peut être assurément sérieux, pour Socrate, il n’était pas question de s’en enorgueillir.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Les cyniques, eux, portaient cette ironie socratique à son comble. Rejeter le masque du sérieux, l’agression verbale, la <em style="mso-bidi-font-style: normal;">parrhèsia</em>, cette tranquille assurance, cette façon d'oser qu’ils pratiquent avec tant de rigueur.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"> </span></p><div style="text-align: center;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"><img style="border-width: 0; margin: 0.7em 0;" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/550866729.gif" alt="new_pa4.gif" /></span></div><div style="text-align: center;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"><span style="font-size: 10pt;">Diogène de Sinope et Alexandre le Grand</span><br /></span></div><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Il est clair qu’on est loin du cynisme aujourd’hui, si ce n’est, comme le dénonce Peter Sloterdijk, un cynisme postmoderne, ou se réclamer du chien n’est plus qu’agir comme des « bâtards » ignorants, ou les barbes et les besaces ont été remplacé par les fringues et la frimes, où la copulation en public n’est plus que vain et vaniteux exhibitionnisme mou. Quand autrefois, on faisait référence aux idées et aux théories absconses,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>les cyniques y opposaient geste, humour et ironie. Aujourd’hui, pour seule défense contre le savoir que l’on refuse par pure ignorance, on oppose la rhétorique creuse, le quolibet, le sarcasme fade.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 12pt;">Selon Diogène, les démocrates étaient des valets de masse, Platon une perte de temps, et Socrate un philosophe incapable d’inquiéter quiconque. Néanmoins, Diogène n’a pas fait école au-delà de la sienne…</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070037" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/1224086466.jpg" alt="diogène le cynique,jésus,platon,les cyniques,michel onfray" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><span style="font-size: 10pt;">Diogène de Sinope à l'Alexandre le Grand : - Oui, ôte-toi de mon soleil !</span><br /></span></p><div style="mso-element: footnote-list;"> </div><div style="text-align: right;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">(Article écrit en 2009, revu et augmenté en 2012)</span></strong></div><div style="text-align: right;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1127039" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/3747191333.jpeg" alt="diogène le cynique,jésus,platon,les cyniques,michel onfray" />Paru dans le numéro 10, des<em> <span style="color: #800000;">Carnets de la philosophie</span></em>, en janvier 2010 et dans <span style="color: #800000;"><em>Spécial Philo</em></span>, n°5, fév.-mars-avr. 2014.</span></strong></div><div style="mso-element: footnote-list;"><br clear="all" /><hr align="left" size="1" width="33%" /><div id="ftn1" style="mso-element: footnote;"><p class="MsoFootnoteText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt;"><a style="mso-footnote-id: ftn1;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftnref1" name="_ftn1"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman';">[1]</span></span></span></span></a> <span style="font-family: Georgia;">Michel Onfray, <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Cynismes</em>, Le livre de poche, p.59.</span></span></p></div></div></div>
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Entre corps et âme, L'immoralisme de Spinoza (Une lecture du travail de Robert Misrahi)
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2011-01-03:1860366
2011-01-03T06:00:00+01:00
2011-01-03T06:00:00+01:00
J'ai croisé plusieurs fois Robert Misrahi, dans des conférences...
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;" align="center"><span style="font-size: 12pt;"><span style="font-family: georgia, palatino;"><strong>J'ai croisé plusieurs fois <span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span style="font-size: 12pt;">Robert Misrahi, dans des conférences et des salons littéraires. J'aime beaucoup ce spécialiste de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/spinoza/" target="_blank" rel="noopener">Spinoza</a></span>, professeur émérite de la Sorbonne, car je suis bien convaincu avec lui que la philosophie de Spinoza consacre un lien étroit entre la liberté et le bonheur, avec pour boussole la joie. Ce rapport au bonheur par la joie déleste la philosophie de tout déterminisme. Mais cette philosophie ne saurait être possible sans une révision complète du rapport entre le corps et l'âme. Contre le dualisme cartésien, Spinoza opère un véritable renversement des rapports entre les deux en les unifiant. Deleuze dans un ouvrage important (<em>Spinoza et le problème de l'expression</em>) parlait de parallélisme entre le corps et l'esprit. Cette question philosophique difficile, reposant à la fois sur une conception ontologique, épistémologique et anthropologique, <span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span style="font-size: 12pt;">Robert Misrahi les porte courageusement dans l'ensemble de son travail, et dans une </span></span></span></span>conception de l’individu chez Spinoza, que l'on retrouve dans un ouvrage, que j'ai commenté dans ce long article, réalisé pour le numéro 9 des <span style="color: #800000;"><em>Carnets de la philosophie.</em></span> Je le rends désormais accessible dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</strong></span></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/1414702725.jpg" id="media-1071277" alt="" /></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;" align="justify"> </p><h1 style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">Introduction : problématique et méthode</span></h1><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1125723" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/3428962142.jpeg" alt="spinoza,gilles deleuze,platon,kant,rené descartes,ferdinand alquié,nicolas malebranche,dualisme cartésien,lévinas,maurice merleau-ponty,jean-paul sartre,jean-pierre changeux,paul ricoeur,robert misrahi" />Quels sont les rapports entre le corps et la conscience ? La dimension de la conscience est-elle séparable de la dimension corporelle ? Comment peut-on entrevoir la problématique de la conscience à partir du statut du corps aujourd’hui ? Ces trois premières questions philosophiques fondamentales quant aux problèmes du rapport entre le corps et l’esprit, viennent précisément questionner la définition de l’homme. Une définition qui pense l’homme de manière dualiste : à la fois un être matériel, proche de l’animal, assujetti à des besoins biologiques, et pourtant apte à les dépasser, sans totalement s’en affranchir néanmoins, donc y résister. Pourquoi ? Parce que l’homme n’est pas seulement un être embarrassé d’un corps ; en produisant des pensées, il est également une conscience qui dispose de la faculté de <em>se penser</em> et de <em>penser ses actions</em>. Déchiré entre ses pulsions et sa raison, l’homme, dans ses actes et ses pensées, fait alors preuve d’une conjonction de deux principes différents et antagonistes. Cette dualité entre le corps et l’esprit, ou les pulsions et la raison, n’a pas manqué de créer un conflit dans la culture occidentale, entre ceux qui font montre d’un véritable mépris pour le corps, qu’ils vilipendent et bannissent, et ceux qui au contraire, défendent le <em>mens sana in corpore sano</em>. Dans son ouvrage <em>Le corps et l’esprit dans la philosophie de Spinoza<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><strong>[1]</strong></a></em>, R. Misrahi interrogeant le statut même du corps et de l’esprit, précise dès les premières lignes que, « la problématique du statut de la conscience se présente aujourd’hui d’une façon riche et paradoxale<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> ». Il est vrai que le débat philosophique à propos du dualisme, qu’il se soit placé sur le terrain ontologique ou déplacé sur le terrain psychologique, existentiel, neuroscientifique, ne nous a pas permis de dépasser le conflit. Aussi, en se fixant comme objectif philosophique de cerner les rapports du corps et de l’esprit dans la philosophie de Spinoza, R. Misrahi se devait, dès son introduction, de repositionner le débat des rapports corps-esprit entre les progrès de la neurobiologie, qui « semblent offrir des éléments pour une connaissance et une maîtrise scientifiques du comportement<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a> », et la philosophie phénoménologique, qui vient faire barrage à des revendications excessives<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Que l’on s’en tienne à l’homme neuronal, selon la formule de J.-P. Changeux<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, ou à la dimension corporelle et charnelle du sujet, comme chez <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/jean-paul-sartre/" target="_blank" rel="noopener">Sartre</a></span>, Merleau-Ponty, Marcel ou encore <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/emmanuel-levinas/" target="_blank" rel="noopener">Levinas</a></span>, c’est-à-dire un corps-sujet, R. Misrahi ne saurait se satisfaire de ces nouvelles tentatives de définition de l’homme, et dernière celle-ci, de la grande question qui se pose en filigrane : <em>comment doit-on vivre ?</em> Certainement parce que le matérialisme neuroscientifique ne parvient toujours pas à clarifier comment la conscience s’inscrit dans le réel, et surtout dans le corps. Or, que l'on prenne les perspectives d’un Marcel ou d’un Levinas, celles-ci « retrouvent vite leur origine spiritualiste<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a> », que l'on prenne les descriptions d’un Sartre, qui demeurent trop abstraites tant dans « l’élucidation des motifs de l’action […] que dans les descriptions du corps vivant<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a> », ou encore les structuralistes, tous auront échoué selon Misrahi, car les actions humaines qu’ils décrivent, sont noyées dans des problèmes linguistiques et grammaticaux.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Aussi, si l’on entend résoudre le problème des relations entre le corps et la conscience, il s’agit alors pour nous de nous recentrer sur le désir et son « rôle central dans l’activité humaine<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a> », nous dit le spécialiste de Spinoza, R. Misrahi. Cette référence au désir, que les sciences humaines – et précisément les psychiatres et psychanalystes – semblent parfaitement circonscrire, pourrait alors nous permettre de mieux poser le problème. D’abord, parce que le statut de l’inconscient – à la fois en tant que langage et en tant qu’au-delà de la conscience – mais encore les pulsions et le statut de la conscience et du corps posent toujours problème dans leurs interactions qui, à ce jour, ne semblent toujours pas clarifiées et précisées de manière satisfaisante, nous nous apercevons alors la question du désir revient alors au centre de l’ancienne problématique de l’âme et du corps qui, nous dit Robert Misrahi, est devenue précisément la problématique <em>du sujet et du désir</em>.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Sur le plan méthodologique, Robert Misrahi entend faire intervenir la philosophie de Spinoza, et précisément sa doctrine de l’homme et du désir, afin de tenter de surmonter les obscurités demeurant, ou encore les contradictions inhérentes aux hypothèses, et « de rendre compte d’une façon originale et claire de la relation corps-esprit<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a> ».</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h2 style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">Chapitre 1 – Le contexte</span></h2><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>1 – Aperçu schématique sur les doctrines traditionnelles</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comment surmonter l’obstacle du <em>dualisme</em> cartésien de l’âme et du corps ? Comment élaborer derrière le dualisme, une doctrine unitaire de l’homme ? Afin de proposer un point de départ important à une réflexion philosophique et anthropologique sur les rapports de l’esprit et du corps, Spinoza doit d’abord établir une critique du <em>dualisme</em> « psychophysique » cartésien, selon les mots de R. Misrahi<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Car, si le cartésianisme permet de libérer la science de l’occultisme et de recours aux forces occultes, il demeure cependant impuissant à résoudre le problème de l’unité humaine. Le mécanisme cartésien établit un monde créé par un Dieu, substance absolue, et constitué par des âmes et par des corps, chacun des deux étant une substance finie et dépendante. Mais cette dépendance ne permet toutefois pas l’unité, car les corps sont exclusivement définis par l’extension et l’étendue qui ne pensent donc pas. Si le mécanisme cartésien permet la formulation mathématique du monde, il rend cependant le corps et la matière totalement étranger à la pensée. Et le <em>cogito,</em> qui est chez Descartes, le critère de vérité, définit l’essence de l’âme, mais ne peut en aucune manière rendre compte de la moindre détermination matérielle ou spatiale. La pensée se trouve en l’âme, et les sensations et perceptions sont d’origine corporelle. De fait, à la question « <em>Qui suis-je ?</em> », Descartes répond que je suis une chose qui pense, « c’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a> ». Mais Descartes, exclue ce qui pourrait empêcher la pensée de se définir de manière intellectualiste, c’est-à-dire l’imagination et la sensation. Le dualisme cartésien est un dualisme radical, qui scinde l’âme et le corps en deux, et enlève à l’âme tout contenu corporelle, et au corps toute possibilité de penser. Ce « dualisme de la pureté<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a> », selon R. Misrahi ne permet cependant pas de rendre compte des rapports entre l’âme et le corps.</span></p><ol style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Misrahi rappelle bien évidemment que Descartes établit la relation entre le corps et l’âme par la « glande pinéale », qui relie ces deux réalités hétérogènes. Ce qui est alors mis en problème, c’est l’<em>action</em> que chaque substance peut exercer sur l’autre. Tandis que le corps est actif, l’âme est passive. La glande pinéale transmettant à l’âme sa quantité de mouvement et sa direction, elle est une « caisse de résonance<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>» qui transmet à l’âme ce qu’elle reçoit du corps.</span></li></ol><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais le problème du <em>dualisme </em>subsiste : la réponse mécaniste n’est pas suffisante pour résoudre le problème qu’il a posé. Pourquoi ? Tenter de concilier un spiritualisme d’un côté qui tâcherait de rendre compte d’un côté du mouvement corporel par la pensée, et un matérialisme de l’autre, voulant rendre compte de la pensée pure par des mouvements corporels pose précisément un problème de méthode. Comment comprendre l’homme par ces deux méthodes qui se confondent ? De plus, cela entraîne un paradoxe, comme le souligne R. Misrahi : « le cartésianisme est conduit à traiter la conscience comme une chose (l’âme est réduite à une épure, comme les corps étendus) et le corps comme une conscience (la glande pinéale est porteuse de décisions)<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a> ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><em> </em></span></p><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>2 – La critique spinoziste du dualisme cartésien</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Nous pouvons retrouver plusieurs critiques formulées par Spinoza à l’encontre du <em>dualisme </em>cartésien :</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">1° D’abord, Spinoza s’étonne devant la doctrine cartésienne de la glande pinéale. Dans la préface de l'<em>Ethique V</em>, il souligne le caractère obscur et confus du concept d’<em>union</em> dès lors que Descartes oppose l’esprit et le corps. Problème auquel s’ajoute l’indétermination de l’union. En effet, il interroge les quantités de mouvement et d’énergie que l’esprit peut transmettre à la glande pinéale. Ce qui s’aggrave d’une <em>modalité d’action</em> de l’esprit sur le corps.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">2° Autre critique, celle concernant la réalité et l’étendue du pouvoir de l’esprit sur ses passions. Comment Descartes peut-il expliquer que nos jugements suffisent à bien orienter et réorienter les mouvements de la glande pinéale ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais au-delà de cette critique, souligne R. Misrahi, ce sont les philosophes de la volonté que Spinoza vise, c’est-à-dire ces philosophes qui prétendent que la volonté est suffisante pour dominer et domestiquer les passions du corps.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Tâchons de comprendre : son propos est double et simultané nous dit R. Misrahi. D’abord, Spinoza entend nous montrer que toutes nos actions sont déterminées et ne sauraient découler du moindre « libre-arbitre ». Il réfute donc toute possibilité d’arbitraire dans nos actions, et pose l’axiome que toutes nos actions ont une raison d’être. Mais cette critique du « libre-arbitre » entraîne alors une seconde exigence : selon Spinoza entendre que l’idée que tous nos actes aient une « cause » entraîne alors nécessairement que l’idée de « volonté » serait un leurre. Il s’agit de comprendre en réalité que l’idée de « volonté » implique nécessairement l’idée de « faculté », que ce soit l’idée de volonté, de juger, etc. Nous devons donc comprendre, nous dit R. Misrahi, que Spinoza entend défendre l’idée que la faculté de vouloir ou de juger est un leurre, parce qu’il n’existe que des « idées singulières ». Cette critique radicale de la volonté laisse le champ libre aux notions de <em>désirs </em>et de <em>conatus </em>qui tiennent une place centrale dans le corpus spinoziste.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Nous ne devons donc plus comprendre l’acte de l’homme comme résultant d’une volonté, c’est-à-dire d’une faculté, mais résultant de volitions qui sont des actes singuliers. De la même manière que nous devons comprendre la <em>raison </em>comme caractérisant l’esprit, lorsque ce dernier forme des idées et pense effectivement et activement des concepts qui sont affirmées dès lors qu’ils sont pensés. De fait, nous devons entendre cet inlassable combat du <em>dualisme</em> comme une réflexion véritable sur l’opposition entendement-imagination et action-passion. Une critique spinoziste qui s’ouvre sur une conception neuve de la morale et une perspective autre de l’existence nous dit R. Misrahi.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>3 – Le propos d’ensemble de la philosophie de Spinoza</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le projet philosophique de Spinoza vise une finalité précise : « une joie permanente et souveraine ». La joie placée au centre de l’expérience avec pour stade ultime la Béatitude, impliquant nécessairement la relation réflexive entre l’homme, et Dieu qui est <em>ce </em>monde, c’est-à-dire la Nature conçue dans toute son infinité. Dans sa visée éthique, le spinozisme recherche la connaissance de ce monde, ce qui permet à l’homme, dans cette relation à Dieu, de trouver joie et liberté. La visée de Spinoza est donc d’ouvrir une voie à la connaissance objective en innovant par rapport à Descartes qui s’en tenait à la seule connaissance de la nature. Spinoza entend élaborer une connaissance de l’homme. C’est la modernité de Spinoza que R. Misrahi ne manque pas de souligner.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais ce que l’on doit également retenir, dans le travail d’élaboration de la relation entre le corps et l’esprit de Spinoza, c’est toute la part anthropologique que cela introduit. Afin d’être précis, tâchons d’éclaircir ce point avant de continuer. La démarche de Spinoza, nous dit R. Misrahi, est anthropologique au sens où elle dessine une véritable « science de l’homme » en analysant la structure de l’homme comme telle, c’est-à-dire esprit et corps, et par ailleurs, qu’il définit l’essence de l’homme à partir du Désir – d’abord, non-rationnel, puis rationalisé et libéré. Cette rationalisation du Désir doit être à la fois entendue à partir d’une connaissance rationnelle de l’homme, et de ses actions – qu’elles soient libres et réfléchies ou dépendantes de la passion et de la servitude, c’est-à-dire motivées par l’imagination (j'y reviendrai plus loin).</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>4 – Le système de la Nature</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Construire une anthropologie implique une double exigence : se libérer de la superstition et établir un examen rigoureux de la Nature, c’est-à-dire une connaissance adéquate des principes et des lois qui s’appliquent à la nature, sans quoi il est impossible de bâtir une anthropologie. Il est à noter que pour Spinoza, il n’y a qu’une seule nature et, au sein de celle-ci, l’homme ne saurait être un empire dans un empire. Dans cette unité du tout de la réalité, il s’agit de se défaire des concepts d’âme, de faculté et de libre-arbitre, ce qui nous permet de nous soustraire aux préjugés finalistes religieux, et de concevoir une anthropologie appuyée sur un système rationnel et démonstratif solide exprimant les grandes lignes de la structure de la nature.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais avant d’aller plus avant, et d’aborder le problème de la doctrine du corps et de l’esprit, il nous faut prêter attention aux grandes lignes du système spinoziste de la Nature que met en lumière R. Misrahi. C’est-à-dire entrer dans un texte de géométrie établit à partir d’une méthode discursive qui se présente de manière aussi démonstrative que celle des mathématiciens.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Tâchons de nous rappeler : Spinoza entend résoudre un dualisme cartésien piégé par son mécanisme. Voulant créer une anthropologie <em>philosophique</em>, il souhaite rendre compte de toute la réalité. Aussi, commence-t-il par le commencement logique, c’est-à-dire par présenter la substance qui n’est autre que l’Être, substance absolue, inséparable du monde, et <em>rigoureusement</em> immanent. Étant la somme ontologique de ce monde-ci, la substance est auto-suffisante, unique et infinie. Aussi exprime-t-elle que rien en dehors de ce monde n’existe, et pose-t-elle comme réalité à propos d’elle-même, un état d’<em>immanence </em>totale. Pour reprendre l’idée de G. Deleuze, nous dirons derrière ce dernier que « la Nature dite naturan
Marc Alpozzo
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Eléments pour une première lecture : Heidegger (1925-1930)
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2010-05-03:3101558
2010-05-03T09:23:00+02:00
2010-05-03T09:23:00+02:00
La rédaction des Carnets de la philosophie , m'avait demandé...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>La rédaction des <span style="color: #800000;"><em>Carnets de la philosophie</em></span>, m'avait demandé d’esquisser, si j'ose dire, une compréhension partielle de la pensée de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/martin-heidegger/" target="_blank" rel="noopener">Heidegger</a></span> à partir du socle fondamental de son œuvre avant le tournant (<em>Kehre</em>): l’ontologie. C'est ce que je crois avoir fait, même si ce travail demandera de la part du lecteur, une grande attention et un grand soin, pour avancer pas à pas dans cette oeuvre foisonnante. C'est bien sûr une lecture personnelle et partiale, et nul commentaire, aussi brillant qu'il soit ne dispensera personne de se reporter au texte même. Mais c'est un début qui peut être instructif pour le lecteur curieux. Cette longue étude est parue dans le numéro 10 de la revue, en octobre 2009, on pourra s'y reporter. La voici désormais accessible dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/3612668558.jpeg" id="media-983285" alt="" /></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br /><br />§ 1. – La question fondamentale de Heidegger<br /><br /></strong></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1071181" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/621756001.jpg" alt="heidegger,l'angoisse,le tournant,cogito,qu'est-ce que la métaphysique,platon,théétète,descartes,dasein,être et temps,l'homme,ontologie,lévinas,jean greisch" />Nous nous proposons d’esquisser ici une compréhension partielle de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2018/02/02/le-dasein-au-milieu-du-monde-une-experience-de-l-appartenanc-3101493.html" target="_blank" rel="noopener">la pensée de Heidegger</a> </span>à partir du socle fondamental de son œuvre avant le tournant (<em>Kehre</em>): l’ontologie. Tâchons, avant même de commencer, de formuler ce petit rappel : l’œuvre majeure et inachevée de Heidegger <em>Sein und Zeit</em> (= <em>SZ</em>) est parue en 1927. En 1929, sa conférence <em>Was ist Metaphysik ?</em> - <em>Qu’est-ce que la métaphysique ?</em> (= <em>WM</em>), succédant à <em>SZ</em>, représentait de son côté, tel que le précise Jean Greisch, plus « de ce point de vue le départ d’une interrogation nouvelle ». Nous ne travaillons donc que sur la première période de la philosophie de Heidegger, précisément sur cette période « prémétaphysique » qui se « confond » en très grande partie avec « l’ontologie fondamentale<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23_ftn1&h=ATNHwmsFBuVRzAVKEj59H14aHGL_11QU66Snj7Ohhc8-n_rfHJwyA3mDFIxcEHeNT4dqXefhZrj0onSWail3GGGQOeVfuzdA64AA6jXOaVDC751p8lcRoX0IKquHx6NNJOqRi2ap4IEu2WRz7qQ" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy"><span class="">[1]</span></a> » de Heidegger. Il nous faudra alors centrer toute notre analyse sur le <em>Dasein</em> et la recherche de l’existence de l’homme, certainement parce que c’est en majeure partie le débat qui conduit SZ. Aussi, nous en tiendrons-nous naturellement, par fidélité au texte, à cette phase de Heidegger, ce qui disons-le, est déjà en soi, tout un programme.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais l’erreur, ce serait de considérer la pensée de Heidegger comme une anthropologie philosophique. Que vise Heidegger avec <em>SZ</em> ? Posant la question de l’être, c’est-à-dire celle du sens de son concept fondamental, à l’ensemble de la tradition occidentale, il entend poser la question « à neuf ». C’est-à-dire interroger le « sens de l’être » en distinguant le plan ontique de l’étant et le plan ontologique de l’être.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En exergue à son texte majeur, <em>SZ</em>, Heidegger cite un aveu formulé par l’Étranger d’Élée à l’attention de Théétète (Platon, <em>Sophiste</em>, 244a) à propos de l’expression « étant », qu’il dit avoir fait tomber dans l’embarras, alors qu’il pensait autrefois la comprendre. Et commentant cette citation, Heidegger pose comme problème philosophique, que nous, hommes ou philosophes contemporains, ne disposons toujours pas de réponse à la question fondamentale de l’« étant ». Il nous faut donc nous atteler à une double tâche : d’abord « poser la question du sens de l’être », ensuite comprendre le sens de la question, ce qui est d’ailleurs là selon Heidegger, une tâche préalable.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais ce qui est d’autant plus novateur dans cette recherche ontologique « concrète », c’est que cette question de l’être est arrimée à celle du temps. Pour Heidegger en effet, il n’est possible de poser la question de l’être qu’à partir du temps, c’est-à-dire qu’il n’est possible d’élucider cette question qu’à partir d’un étant déterminé, qui peut se penser sous l’horizon du temps et mis en rapport avec un mode déterminé de celui-ci, le <em>présent</em>. Qui plus est, cette question ne peut être élucidée que par un étant qui comprend l’être, c’est-à-dire le seul pour qui « il y a » de l’être, et cet <em>étant</em> est l’homme.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais alors pourquoi ressusciter la question de l’être ? Quel séisme polémique cela va-t-il déclencher au sein de l’ontologie fondamentale ? Et pourquoi repenser l’être de l’homme à partir de la mort, de l’angoisse et des appels de la conscience ?</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>§ 2. Quand la philosophie découvre l’existence</strong></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Ce qui guide les travaux du <em>premier</em> Heidegger, c’est l’être. Et précisément, son escamotage. En fait, c’est parce que la « question de l’être est aujourd’hui tombée dans l’oubli<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23_ftn2&h=ATPgLFoerWWr74PCecfXAXK9wn0mqSVZ8rSf-T4T8Z9La6ROZC96TUd0xIBEUz8XwkPquFj1JtVzeq0qJhKnOT4QuTiJBPQfBrCvYVt0pRNWSNiJmSZoCY_Eaqijz8Ptlu9DSsgh7tXtPvwXcsI" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy"><span class="">[2]</span></a> » qu’il s’agit, selon Heidegger, d’en penser le sens. Mais cette question fondamentale en philosophie, nous dit-il, ne saurait aller sans l’existence elle-même. Voici donc la principale nouveauté. Et cette existence est celle de l’homme. C’est-à-dire celui qui se définit par un certain sens de l’être. Or, désormais, la question de l’être, posée par l’homme, trouve son origine dans l’existence, ce qui représente une fracture avec la tradition philosophique qui, depuis Descartes, se posait cette question à partir d’un <em>sujet</em> centré sur lui-même.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est la raison pour laquelle il nous faut choisir de faire débuter ce texte sur la distinction « sujet-objet » que la problématique heideggérienne tente de faire éclater. Jusqu’à Heidegger, la pensée philosophique avait pour habitude de faire référence aux notions traditionnelles de « sujet » et de « conscience » pour définir l’homme, le seul à pouvoir penser l’être. Or, Heidegger appelle l’homme du nom intraduisible en langue française de <em>Dasein</em>, ou, si nous tentions littéralement : (<em>Da</em>) « là » (<em>Sein</em>) « être » : être-là. Ce terme, qui doit se prendre dans son sens littéral, comme <em>se tenir hors de</em>, <em>se dresser</em>, <em>apparaître</em>, sert désormais à nommer l’essence de cet étant qui, parce qu’il comprend l’être, ne peut être défini autrement que sur le mode de l’existence. Il ne s’agit pourtant pas de comprendre le <em>Dasein</em>, donc l’homme, comme le centre même de la recherche de l’être. En réalité, l’existence est le lieu (<em>Da</em>, là) de sa manifestation. Il convient plutôt de distinguer l’être (<em>Sein</em>) de l’étant ou étantité (<em>Seiendheit</em>) de l’Être en tant que tel (<em>Seyn</em>) et de voir dans l’être la question centrale de la recherche de Heidegger.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais il convient également de comprendre le rôle du temps dans la philosophie de Heidegger. C’est dans l’actualité du <em>cogito</em> que le rapport sujet-objet s’accomplit, et par là, s’insère dans cette trame. Retenons d’emblée un premier point pour comprendre : la copule « et » dans le titre de l’ouvrage <em>Être et temps</em> ne souligne pas l’addition, mais la mise en relation intime de l’être et du temps. Or, précisément, qu’est-ce que le temps pour Heidegger ? Ça n’est pas le temps des horloges, c’est-à-dire le temps vulgaire, divulgué, qui n’est qu’une succession de « maintenant » et qui appartient à la préoccupation quotidienne. C’est à partir de l’action présente, passée ou à venir, donc d’un maintenant ponctuel, que l’on doit comprendre le temps et les autres dimensions temporelles. Le sujet n’est pas un « événement temporel » mais s’insère dans le temps qui est une <em>modalité</em> de son être. Heidegger rend cela possible grâce à ce qu’il appelle l’<em>anticipation de la mort</em> (<em>Vorlaufen</em>), c’est-à-dire littéralement le fait d’aller au-devant d’elle. Aussi, en abandonnant la détermination traditionnelle de l’étant comme étantité et le temps comme suite de « maintenant » ponctuels, lui substituant plutôt une pensée plus originelle de l’être et du temps, nous comprenons alors cette « coappartenance intime ». Il s’agit donc de ramener le temps dans la problématique du sujet et dans son rapport à l’être, contre l’idéalisme et sa tentative de « destruction du temps ». Cette innovation fondamentale dans notre manière de penser le temps et le sujet, amène Heidegger à mener une critique radicale du sujet, au § 25 de <em>SZ.</em><br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est précisément parce que la pensée a créé une dichotomie dans le rapport entre le sujet et la chose que ce problème se pose à Heidegger, rejoignant l’identité fondamentale du sujet, qu’il se propose de clarifier dans son rapport à l’être. Depuis Descartes, la conscience (<em>cogito</em>) a été habituellement conçue comme un regard, c’est-à-dire un pur « voir » tenu à distance des choses qu’il recueille comme s’il en restait libre. Aussi, nous touchons désormais, à la structure la plus élémentaire de la subjectivité, et à sa question fondamentale, qui n’est plus « Qu’est-ce que l’homme ? » mais « <em>Qui</em> est l’homme ? ». Le sujet, ou devrait-on dire plutôt, le <em>Dasein</em>, est l’étant pour lequel il y a des choses qui sont, le seul qui puisse à la fois se rapporter à ce qui est, et éventuellement en parler, et le seul qui puisse dire le mot « être ». Désormais, l’essence de l’homme tient dans sa subjectivité. Ce qui veut dire, qu’au-delà de la mythologie <em>logico-métaphysique</em> du sujet, encore trop présente chez Kant, il s’agit de revenir à la question fondamentale, qui serait la base même de la connaissance du sujet : <em>que veut dire être soi </em>? C’est le problème même de la première partie de <em>SZ</em> : <em>l’ipséité</em>.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Voici la première difficulté du texte : comment penser la relation de connaissance de l’homme à la connaissance de l’être ? Le <em>Dasein</em> est à la fois originellement un « au-dedans » mais également un « au-dehors », et ce recouvrement de l’intériorité et de l’extériorité ne saurait être pris au niveau de la conscience. Or, l’idéalisme reconnaît l’être et la réalité comme n’existant pas en dehors de la conscience. L’exigence idéaliste réduit le monde à une représentation du sujet. Aussi, pour satisfaire cette exigence idéaliste, il faudrait fonder la conscience comme sujet, et l’étant comme objet. C’est-à-dire précisément, la relation sujet-objet qui serait « la forme originelle de la transcendance de l’âme<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23_ftn3&h=ATN5mE47MqEFShIQtRvFQVNc0LBnRYIRzC0zwI_la5MvPi3BK_onIwoFQkPWjTR9q9W5jwt9QyWhWrF9ruZ2xcSJdI0Dhb3OiPJvOUQe3dwf4qcNCsN-8vHov39tOGGIn_V1b_3HhWpSWOPTdnE" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy"><span class="">[3]</span></a>. » Mais l’ontologie ne serait-elle pas noyée dans la théorie de la connaissance, tout comme la connaissance le serait avec l’existence ? Le <em>Dasein</em>, à la fois dedans et dehors, centre et <em>ek-stase</em>, se détermine sous la forme d’un horizon du monde, puis comme Dimension de l’Être. Il nous faut encore voir comment nous sera révélé <em>l’être-dans-le-monde</em> comme Vérité de l’Être, en tant que sont imbriqués l’un dans l’autre, le « dedans » comme lieu d’éclairement du monde et le « dehors » comme la lumière elle-même de l’être.</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071183" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2817029897.jpg" alt="heidegger,l'angoisse,le tournant,cogito,qu'est-ce que la métaphysique,platon,théétète,descartes,dasein,être et temps,l'homme,ontologie,lévinas,jean greisch" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><em>Sein & Zunt</em>, le grand oeuvre de Martin Heidegger, publié en 1927, </span><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">le chef d'oeuvre de la philosophie moderne</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>§ 3. – Le rôle de l’homme dans la philosophie de Heidegger</strong></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La question centrale de la pensée de Heidegger ne concerne pas la connaissance de l’homme, mais de l’être. Le problème ontologique que la philosophie de Heidegger cherche à résoudre se situe dans l’élucidation temporale de l’être. En effet, le sens de l’être ne pourra être déterminé <em>qu’à partir du temps</em>, c’est-à-dire que le temps est la condition de possibilité de compréhension de l’être. Il ne s’agit donc, de poser la question « qui est l’homme ? » que pour parvenir à la question « qu’est-ce qu’être ? ».<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cette question de l’être chez Heidegger repose sur la distinction entre le plan ontique de l’étant, ce qui recouvre tout, les objets et les personnes, voire Dieu lui-même, et le plan ontologique de l’être qui est « le fait que tous ces objets et toutes ces personnes <em>sont</em> », précise Levinas. Or, s’il y a eu un oubli de l’être – ce qui signifie donc que l’être n’a pas toujours été oublié – c’est parce que dans la philosophie jusqu’à Heidegger, la question de l’être a systématiquement glissé vers les étants. Il s’agit donc à présent de répéter la question. Mais comment faire ? Car ça n’est pas aux sciences elles-mêmes qu’il incombe de procéder à cette clarification ontologique. C’est à la philosophie qu’il revient, dans son ambitieuse primauté ontologique et scientifique, d’élaborer les ontologies spécifiques sur lesquelles reposent les sciences de l’étant. « L’être de l’étant est l’« objet » de l’<em>ontologie<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23_ftn4&h=ATMLqX2u1zOXa2rNTNOX5tdwakArTCXSykg-1jX7fcPBfA02kdOTwYQ6Lmf535JPq4-nwfj4V5PWnwZ09uWYfUqBeu3OCElAR28CWI2l8dGRG-LHCaUwcRwbcMc7IX4QL2EavagJaNi1jCxjuzg" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy"><span class=""><strong>[4]</strong></span></a></em> », nous précise Levinas. C’est donc un problème d’ordre métaphysique. Sauf que dans sa « dérive » ontologique, la métaphysique s’est au cours de son histoire, limitée à être une pensée de l’étant en tant qu’étant sans jamais remonter jusqu’à l’être. Aussi, il s’agit à présent selon Heidegger, de procéder à une « destruction de l’histoire de l’ontologie<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23_ftn5&h=ATNTSp1-6CDBGVAN94LT2kFiwkUpEpnrTTXssVfeMN6QPtsEYBrvmY4jiUSuDh5ub29dwbiGIXvIIwrHtpqVTUeYzx6pD_eBTBf5IA8N5ywk_iSHfbVrzP1AS9WH50CyidIxZAfbtUdxVDS26M8" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy"><span class="">[5]</span></a> ». Voilà précisément la tâche à accomplir. Aussi, c’est parce que le <em>Dasein </em>est défini par rapport à l‘être qu’il a, dans la question même du sens de l’être, une primauté par rapport à tous les autres étants. Il faut donc en passer par lui pour élaborer la question. « La compréhension de l’être est la caractéristique et le fait fondamental de l’existence humaine<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23_ftn6&h=ATMRRpF22Bl2kZubmnzgTPHT8M3t38T2KDQ74X9A16ALTsnsGm90qCqca2i36QdeVDQlbSivi-YGgFQSyfoNnTCE6LDfYl2TzhOxVZX8LFrnBiHAoOhLuybLYrhWtIsJtGuz5ekhLlvDTVrxbMI" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy"><span class="">[6]</span></a>. » Qu’est-ce à dire ? Dans l’existence, nous sommes embarqués. Aussi, dans cette aventure, nous avons à être. Cela constitue d’ailleurs notre être même. C’est-à-dire que nous avons à être pour l’être qui, à travers nous, est, et auquel notre existence permet la manifestation. Nous l’avons montré plus haut, c’est la raison pour laquelle Heidegger nomme l’homme <em>Dasein,</em> ce qui dans l’allemand philosophique désigne littéralement <em>existence</em>. Le <em>Dasein</em> étant moins l’homme que le lieu en lequel cet étant qu’est l’homme est ouvert à la révélation du sens de l’être. Dans cette compréhension de l’être, qui est « l’événement fondamental », la destinée entière du <em>Dasein</em> est engagée. C’est même le « drame le l’existence », dit Levinas avec finesse.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Car le <em>Dasein</em> a à être. Il doit répondre de son être, et donc choisir son existence entre diverses façons d’exister. Telle est la « question de l’existence ». En réalité, le <em>Dasein</em> n’a que deux possibilités fondamentales d’exis
Marc Alpozzo
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Socrate et son eudémonisme, sur l'ontologie de Socrate (dialogue entre Socrate et Théodore)
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2010-04-01:3077694
2010-04-01T10:55:00+02:00
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C’est dans une digression entre Socrate et Théodore, au centre du...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>C’est dans une digression entre <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/socrate/" target="_blank" rel="noopener">Socrate</a></span> et Théodore, au centre du <em>Théétète</em> – 173c à 174a – de Platon, et qui va intéresser cette étude, dont le but à peine voilée est de montrer la supériorité de la dialectique socratique sur la séduction par la parole, opérée avec régularité par les médias et hommes politiques d'une époque, la nôtre, dont notre démocratie décadente n'est pas très loin de celle connue par Platon lorsque ce dernier écrivait ses dialogues [1]. Cette longue étude est parue dans le numéro 10, des<span style="color: #800000;"><em> Carnets de la philosophie</em></span>, en janvier 2010. La voici désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/3803361106.jpg" id="media-929327" alt="" /></p><p class="" style="text-align: center;"> </p><p class="" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">THÃODORE</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">« Pas du tout, Socrate ; dépeins-les, au contraire. Comme tu lâas fort bien [173c] dit, nous ne sommes pas, nous qui appartenons à ce chÅur, aux ordres de lâargumentation ; câest, au contraire, lâargumentation qui est à nos ordres et chacun de nos arguments attend pour être mené à son terme notre bon plaisir. Car nous nâavons ni juges, ni spectateurs, comme en ont les poètes, qui nous président, nous censurent et nous commandent.</span></p><p class="" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">SOCRATE</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">XXIV. â Puisque câest ton avis, à ce que je vois, je vais parler des coryphées ; car à quoi bon faire mention des philosophes médiocres ? Des premiers, il faut dire dâabord que, dès leur jeunesse, ils ne connaissent pas quel chemin conduit à [173d] lâagora, ni où se trouvent le tribunal, la salle du conseil ou toute autre salle de réunion publique. Ils nâont ni yeux, ni oreilles pour les lois et les décrets proclamés ou écrits. Quant aux brigues des hétairies qui disputent les charges, aux réunions, aux festins, aux orgies avec accompagnement de joueuses de flûte, ils nâont même pas en songe lâidée dây prendre part. Est-il arrivé quelque bonheur ou quelque malheur à lâEtat ; un particulier a-t-il hérité quelque défaut de ses ancêtres, hommes ou femmes, le philosophe nâen a pas plus connaissance que du nombre des gouttes dâeau [173e] de la mer. Il ne sait même pas quâil ignore tout cela ; car, sâil sâabstient dâen prendre connaissance, ce nâest point par gloriole, câest que réellement son corps seul est présent et séjourne dans la ville, tandis que sa pensée, considérant tout cela avec dédain comme des choses mesquines et sans valeur, promène partout son vol, comme dit Pindare, sondant les abîmes de la terre et mesurant lâétendue de sa surface, poursuivant les astres [174a] par-delà le ciel, scrutant de toute façon toute la nature et chacun des êtres en son entier, sans jamais sâabaisser à ce qui est près de lui.</span></p><p class="" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">THÃODORE</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">Quâentends-tu par là , Socrate ?</span></p><p class="" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt; color: #800000;">SOCRATE</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'courier new', courier, monospace; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;">Lâexemple de Thalès te le fera comprendre, Théodore. Il observait les astres et, comme il avait les yeux au ciel, il tomba dans un puits. Une servante de Thrace, fine et spirituelle, le railla, dit-on, en disant quâil sâévertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel, et quâil ne prenait pas garde à ce qui était devant lui et à ses pieds. La même plaisanterie sâapplique à tous ceux [174b] qui passent leur vie à philosopher. »</span><br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt; color: #800000;"><strong>PLATON â <em>Théétète</em>,</strong> <strong>ΠλάÏÏνοÏ</strong><strong> </strong><strong>ÎεαίÏηÏοÏ</strong><strong>. (ed. John Burnet, 1903, corrigée avec majuscules)</strong></span></p><p class="" style="text-align: justify;"> </p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 18pt; color: #800000;"><strong>1ère partie</strong></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La question qui porte ce texte est celle de la <em>science</em> (<em>lâépistémé</em>). Quâest-ce que la science, ou plus précisément quâest-ce que savoir ? La science trouve-t-elle sa source dans la sensation comme le prétend Théétète[2], ou comme le dit <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/socrate/" target="_blank" rel="noopener">Socrate</a></span>, dans la supériorité dialectique ? Le contexte historique de lâÅuvre est particulièrement important, puisque le dialogue se déroule peu avant la mort de Socrate (142d, 210d). Aux dernières lignes du dialogue, Socrate annonce quâil doit désormais se présenter au Portique du Roi, pour affronter lâaccusation que Mélétos a déposée contre lui. On connaît le procès que Socrate accusera ensuite[3]. Câest également le dernier dialogue avec Socrate, et une manière pour Platon, de prendre congé avec son maître. Néanmoins, la figure de Socrate hante tout le dialogue, et même si ce dernier se déroule en terre platonicienne.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Ãtudiant la question des philosophes et des sages de ce monde, cette digression, que nous nous proposons dâétudier ici, est lâoccasion pour Socrate dâexaminer, une nouvelle fois, la supériorité de la dialectique sur les autres discours, notamment la rhétorique, et la position du philosophe dans la cité.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Si le thème général est celui de lâart de philosopher, le problème soulevé par le texte â au-delà de cette question première inscrite en filigrane en lui : quelle est la distinction entre le rhéteur et le philosophe ? â est celle de la figure même de Socrate. Câest-à -dire à la fois le personnage historique, mais également celui rapporté par Platon, et qui est disputé par Aristophane ou encore Xénophon. Qui est Socrate ?<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Est-ce un personnage idéalisé, ou un témoignage fidèle du Socrate historique ? Ce problème dâhistoire de la philosophie se dessine derrière un questionnement possible du texte de Platon. Quant à lâidée directrice du texte, elle peut être résumée ainsi : le philosophe convertit les hommes à la vertu et améliore la cité et les citoyens, ce qui est le propre même de la mission de Socrate. Aussi, les enjeux sont multiples : nous permettre de comprendre la fonction du discours, mais aussi de concevoir le surgissement dâun philosophe dialecticien, et au-delà , le séisme dâun nouvel eudémonisme.</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Si lâunivers antique ne saurait être étranger à la philosophie, du fait même quâil soit les racines dâune pensée aujourdâhui actuelle, lâessentiel du travail sur les philosophes antiques se fait sur des traductions, et il nous faut tenir compte de ce fait pour expliquer et commenter un auteur. En lâoccurrence, dans ce texte, un certain nombre de concepts prêtent dâune part à lâinterprétation, dâautre part, à un redoublement de lecture.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dans ce dialogue, qui renoue avec les dialogues dits « socratique », nous trouvons, en son milieu, une digression entre Théodore, le professeur de Théétète et interlocuteur temporaire à la place de ce dernier, et Socrate lui-même. Théodore, qui sâexprime dans ce premier mouvement, aborde le sujet du discours (<em>logoi</em>). Quâest-ce qui est dès lors en question ?<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Plus haut, le dialogue a porté sur la définition de la science avec Théétète, et lâart de la maïeutique de Socrate (148e à 165a), mais nous y reviendrons plus loin. La question porte donc sur le discours (<em>logoi</em>) même. Nous savons que Socrate a la réputation dâêtre un philosophe qui intervient avec les armes les plus aiguisées, pour faire taire les discutailleurs les plus célèbres. Il sâest donné une mission : intervenir pour sauver les institutions fondamentales qui méritent dâêtre sauvées. Câest-à -dire sauver la justice contre la valorisation ambiante de lâinjustice[4], sauver la loi contre la désobéissance[5], et plus fondamentalement, sauver le discours contre les discours trompeurs et antilogiques.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Nous retrouvons là , le combat quâont mené Socrate puis Platon contre les sophistes, purs virtuoses du discours, fins connaisseurs des techniques de captation des âmes. Et parce que ces discours sâannulent dans lâantilogie des <em>doubles dits</em>, lâanti-thèse venant annuler la thèse, il sâagit pour Socrate de sauver le discours du naufrage du sens et des valeurs, câest-à -dire de substituer aux <em>logoi</em> qui se contredisent, les <em>logoi</em> qui viennent se porter secours entre eux, afin de sâopposer aux sophistes et dâainsi rendre possible un discours, un <em>logos</em>, un message, et sauver un autre <em>logos</em>, â ce qui lui coûtera évidemment le prix de sa propre vie, à son procès qui se tiendra bientôt. Voilà donc le rôle du philosophe. Aussi, allons-nous trouver ici deux portraits de celui qui sâadonne à la philosophie. Le portrait que nous apporte Théodore, et la caricature du philosophe que nous en donne Socrate. Et si Théodore atteste, derrière Socrate, quâils ne sont pas, Théodore et Socrate, « attachés aux discours comme des serviteurs[6] », il nâest pas du tout certain que Théodore ait la même conception de la philosophie que le maître de Platon.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Essayons de vérifier. Certes, le discours quâil critique ici, est bien sûr, essentiellement rhétorique ou éristique, câest-à -dire un discours qui cherche simplement à persuader. Théodore introduit, par cette réflexion, une pause dans le dialogue quâil menait avec Socrate. Mais par cette tirade, sâaligne-t-il pour autant sur le modèle socratique ? A Athènes, Socrate est connu pour paraître là où sâassemblent les hommes pour leurs affaires ordinaires, que ce soit au marché, sur lâ<em>agora</em>, dans lâappartement dâune courtisane, afin dây porter sa <em>parole</em>. Il est la conscience des Athéniens[7]. Sa méthode est celle de la réfutation (<em>elenchos</em>).<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais de quoi sâagit-il exactement ? Dâune procédure argumentative se déroulant dans le cadre dâun entretien dialectique entre un questionneur et un répondant. En questionnant le répondeur, câest-à -dire en lui soumettant, sous forme de questions, diverses propositions, Socrate peut ainsi réfuter le répondant, et parvenir à ses fins, câest-à -dire lui démontrer quâil tient des propos contradictoires sur un même sujet. Et si Socrate réfute son répondant, ça nâest bien sûr pas pour le plaisir de réfuter. Câest dans lâespoir de rendre son adversaire meilleur. Pourquoi meilleur ?<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Parce que pour Socrate, la vertu consiste en une connaissance. Nous pouvons dès lors comprendre avec plus de perspicacité le terme de <em>discours</em>, rapporté ici par Théodore, et qui tient de la conception que Socrate sâen fait. Quâest-ce à dire ? Ce dernier se dit <em>ignorant</em> (nous verrons plus loin si cette ignorance nâest pas feinte). En questionnant ainsi les autres, puisquâil ne sait rien, il les pousse à révéler, malgré eux, leurs non-savoirs. Or pour Socrate, lâhomme ne pourra être vertueux, et donc heureux, aussi longtemps que son âme nâaura pas été purifiée de ces non-savoirs. Câest précisément le rôle de lâ<em>elenchos</em>. Le discours, nâa pas la même fonction pour Socrate, et les rhéteurs, dont il fera le procès un peu plus bas. Nous venons dâaborder la dialectique (<em>dialectikê</em>) socratique (que nous reverrons plus tard), câest-à -dire le jeu des questions et des réponses qui constituent un entretien oral, et qui définit son technicien comme un « dialecticien ». Câest donc à la fois <em>à travers</em> le discours, la rationalité discursive (le <em>logos</em>), et <em>par le moyen</em> du discours (<em>dia-logou</em>), que la pensée peut atteindre la connaissance de ce que sont les choses. En ce sens, la dialectique est le savoir, la connaissance vraie.<br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1127217" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/303792402.png" alt="socrate,théodore,théétète,platon,le timée,les sophistes,logos,michel narcy,pythagore,héraclite,parménide,françois châtelet,xénophon,les nuées,aristophane,la république de platon,pierre hadot,l'agora,la maïeutique" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Paru dans la revue <em>Spécial Philo</em>, n°1, avr-mai. 2013</span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cependant, Théodore ne fait-il pas plutôt référence à lâ<em>art</em> de la séduction que le discours peut avoir sur les foules. La traduction de Michel Narcy est plus claire : « Nous ne sommes pas aux ordres du discours ». Théodore sous-entend-t-il que les discours des rhéteurs dans les tribunaux, des orateurs sur les scènes de théâtres sont subordonnés à un savoir technique ? Certainement. Est-ce pour autant un savoir ? Apparemment, non, car ce savoir-faire-là enchaîne les hommes qui le tiennent. En ce sens, Théodore nâest pas très loin de Socrate, qui associe la science à la vertu. Câest dâailleurs lâun des fameux « paradoxes socratiques ». Câest-à -dire qui va à lâencontre (<em>para</em>) de lâopinion (<em>doxa</em>) commune.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Pour Socrate, la connaissance du bien et du mal surplombe la connaissance technique. Aussi, la connaissance qui assure le bonheur individuel et collectif nâest pas le savoir technique, qui peut tout au plus garantir la prospérité matérielle (comme câest le cas des sophistes), mais le savoir moral. Il nây a pas de « censure » possible de leurs discours selon Théodore. Enfin, ne dit-il pas là que le public ne saurait « censurer » leurs discours au grès de leur dénégation du vrai, et de leurs caprices ? Mais interrogeons-nous dâabord : qui est Théodore ? Câest le professeur de Théétète. Il est un savant. Câest donc le portrait dâun « philosophe-savant » que Théodore a en tête lorsquâil parle du philosophe. Câest un géomètre. Il se distingue cependant des géomètres de la République en ce quâil dessine au lieu de parler, ou du moins que ses paroles ne sont quâun commentaire à ses dessins. Il est vrai quâavant Socrate, la pensée grecque était plutôt intuitive, inspirée, prophétique et poétique, voire hiératique avec des personnages auréolés dâune dimension quasi-divine comme Thalès, Pythagore, Héraclite, Parménide, ou encore Empédocle, et que Socrate en a fait une pensée logicienne et discursive, profondément critique, et ramenée à une dimension humaine. Pour autant, Platon, en rapportant les discours socratiques, nâen a pas rompu définitivement avec le mythe ni la terminologie des mystères.<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cela dit, Socrate sort des circuits traditionnels, absolument confidentiels, pour apparaître sur lâ<em>agora</em>, et jouer un rôle public dans la cité. Et dans ses <em>logoi sokratikoi</em>, il devient un <em>prosopon</em>, câest-à -dire un interlocuteur, un personnage, un masque, ce qui fait référence au <em>prosopon</em> du théâtre. Cette dimension protreptique des <em>logoi sokratikoi</em> de réveiller chez lâauditeur, la part divine de lââme, le soi occulte, enfoui dans les profondeurs de lâoubli, serait le propre même du<em>logos sôkratikos</em> qui est le don de faire surgir, à partir dâun discours rationnel, un simple<em>logos</em> capable de rendre compte de lui-même, câest-à -dire le divin là où on ne lâattend pas[8].<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Aussi, pouvons-nous éclairer ce moment du texte peut par cette réflexion, très juste de François Châtelet : « Commencer à philosopher, câest, de prime abord, mettre en question non pas seulement le contenu divers des <em>opinions</em> â celles-ci font apparaître si pratiquement leurs contradictions quâelles se ruinent elles-mêmes â mais encore le statut dâune existence qui croit quâ<em>opiner,</em> câest <em>savoir</em> et quâil suffit dâêtre <em>certain</em> pour prétendre à être <em>vrai</em>[9]. » Théodore vante son interlocuteur, ainsi que lui-même, de <em>maîtriser</em> les discours. En ce sens, encore, il nâest pas très loin de Socrate. Nous venons de le voir, avec la réflexion de Châtelet, lâéthique de Socrate est résolument intellectualiste, puisquâelle refuse dâadmettre, contrairement à une opinion largement répandue, quâun homme qui sait ce qui est bien ne puisse néanmoins pas le faire en raison de la force et de lâintensité dâun affect. Socrate nie la possibilité de lâ<em>akrasia</em>, câest-à -dire lâabsence de maîtrise de soi. Aussi, lui qui vise la maîtrise de soi, comment saurait-il accepter dâêtre maîtrisé par ses discours, ce que la foule pourrait, elle, accepter, plus préoccupée dâêtre séduite que renseignée ?<br /><br /></span></p><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il sâagit alors de comprendre que le masque de Socrate nâest donc pas celui du sÃ
Marc Alpozzo
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De la méchanceté (des diverses cruautés et atrocités humaines ensanglantant l’histoire de l’humanité)
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2010-01-11T06:11:00+01:00
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Cet article a été écrit pour une rubrique, que je tenais dans le...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cet article a été écrit pour une rubrique, que je tenais dans le <em><span style="color: #800000;">Magazine des livres</span></em>, qui avait pour titre : La philosophie par gros temps. J'y pars d'un problème, à mon sens majeur : pourquoi l'homme ne peut-il se passer de ses passions tristes, et de son agressivité ? <span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;">Paru dans le site du</span><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> <span style="color: #800000;"><em>Magazine des Livres</em></span><em>, </em></span><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"><em>en j</em>anvier 2010, le voici désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</span></span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/690246607.jpg" id="media-872247" alt="" /></p><div style="text-align: center;"><p style="text-align: right; margin-top: 0.49cm; padding-left: 30px; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 7.3cm;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="font-family: georgia, palatino; text-align: right;">« La civilisation ne saurait se passer des passions, des vices et des cruauté. » Nietzsche, </span><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><em>Humain, trop humain</em> I<span style="text-align: right; text-decoration: underline;"> </span><span style="text-align: right;">; § 477. La guerre indispensable.</span></span></span></p><p style="text-align: right; margin-top: 0.49cm; padding-left: 30px; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 7.3cm;"> </p></div><div style="text-align: justify;"><p style="line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 0.13cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Je crois, qu’en ce qui concerne la méchanceté, la culture occidentale s’est longtemps fondée sur le dogme platonicien pour juger, en conscience, des actes humains : « Nul ne fait le mal volontairement. » Cette froide division du corps et de l’âme, enrôlant de force le premier dans le mauvais rôle du corrupteur corruptible, infesté de passions et de vices, de désirs tyranniques, et la seconde dans celui de la pensée contaminée par les passions et désirs du corps a sûrement floué la donne, créant en chacun, un lot incomparable d’incompréhensions face à la méchanceté d’autrui, mais pis, face à sa propre méchanceté, que longtemps, nous avons vainement cherché à nous masquer, l’enfouissant dans une part ombragée de notre inconscient, comme un vilain garnement tenterait de cacher un vase cassé en glissant les morceaux sous le tapis.</span></p><p style="line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 0.13cm;"> </p><p style="line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 0.13cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;"><strong>Morale kantienne</strong></span></p><p style="line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 0.13cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Le tribunal moral de Kant n’a fait alors qu’enfoncer le clou de notre culpabilité, de notre mauvaise conscience nous aliénant, sans appel, aux remords irréversibles. D’abord notre vieux chinois de Königsberg prétendait dans sa <em>Deuxième critique</em>, que notre conscience morale était notre juge intérieur, une sorte de Dieu omniscient, auquel nous ne pouvions ni mentir ni échapper. L’Enfer est en nous. Il espérait sûrement endiguer notre méchanceté naturelle en nous ligotant ainsi à un tribunal intérieur qui se réunirait sans faute si nous tentions le moindre écart avec le code moral en vigueur.</span></p><p style="line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm; margin-left: 0.13cm;"> </p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Mais Kant, au final, a réussi une chose terrifiante : transformer l’homme en un schizophrène à la fois pêcheur et châtieur. D’où la dureté et l’extrême rigueur de la morale kantienne. La cruauté qu’elle prétendait supprimer en l’homme, surveillant la moindre méchanceté humaine, avec un zèle sans égal, s’est aussitôt transformée en une morale cruelle, prête à persécuter jour et nuit l’agent moral, le condamnant à s’autoréguler en s’infligeant de lui-même la punition, en conscience. Toute mauvaise action doit être, selon le moralisme kantien, accompagnée d’un châtiment en conséquence. Cruel instrument de persécution et de surveillance inventé par le taciturne philosophe allemand pour s’assurer du bon comportement de ses congénères. Aussi derrière l’instrument de torture morale, on discerne surtout cet idéal des lumières : parvenir, un jour, à une paix universelle et perpétuelle entre les hommes. Pour cela, châtier dans le silence intérieur de nos consciences juges et bourreaux, et supprimer la méchanceté humaine à n’importe quel prix.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> </span></p><div style="text-align: center;"><p style="text-align: center;"><img id="media-1083372" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/1575048529.jpg" alt="kant,nietzsche,marquis de sade,spinoza,aristote,platon,rousseau,morale,éthique,georges bataille,zarathoustra,hegel,rainer maria rilke" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Oliver Herring "PATRICK" 2004 Digital C-Print photographs, </span><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">museum board, foam core and polystyrene, 51 x 37 x 37 inches </span><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">with vitrine Promised gift to Blanton Museum by Michael and Jeanne Klein<br /><br /></span></p></div><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;"><strong>Espoir</strong></span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">D’un autre côté, c’est le même Kant, celui de l’impératif catégorique, qui décida, au-delà les diverses cruautés et atrocités humaines ensanglantant l’histoire de l’humanité, de ne point désespérer de l’homme. Comment ? En le dédouanant, au final, de toutes ses mauvaises actions. Pour ce faire, il utilisa l’étrange concept de « l’insociable sociabilité ». Singulière ironie philosophique : on menace et châtie d’un côté, on dédouane et pardonne de l’autre. Les philosophes ont toujours eu ce chic pour se frayer un chemin dans des sentiers toujours plus improbables afin de ne jamais ôter tout espoir à l’homme. Si l’histoire humaine a trouvé un sens et un progrès, c’est par la cruauté que la nature a mise en chacun d’entre nous, et qui s’est littéralement montrée comme le moteur même de l’histoire. Oui ! Mais Kant ne pouvait non plus tout réduire à la cruauté sans quoi il aurait justifié toutes les méchancetés et pis, aurait entièrement dédouané les hommes de leurs actions mauvaises, obligeant ainsi la nature à en endosser la responsabilité ; aussi a-t-il ajouté à la cruauté la singulière sociabilité naturelle des hommes. Ces derniers, trop fragiles et précaires dans l’isolement, seraient enclins à s’associer afin de parvenir à répondre à leur nature profonde faite, avant toute chose, de perfectibilité. Juste avant Hegel, qui s’est très certainement inspiré de la doctrine kantienne pour construire sa thèse de la Raison dans l’histoire, Kant considère la méchanceté naturelle de l’humanité comme le moteur même du progrès dans l’histoire. Guerres, infanticides, pillages, viols, génocides, exterminations de masses, infamies, luttes, jalousies, intrigues sont le propre même du progrès. Si l’homme ne nourrissait pas, tout au fond de lui, une certaine animosité pour ses congénères, s’il n’était pas, peut-être bien malgré lui, tenté de servir en premiers lieux ses intérêts personnels, égoïstement et cruellement, et même au plus grand détriment de tous ses semblables, il n’y aurait jamais eu la moindre avancée humaine dans la nature, et l’homme serait aujourd’hui encore livré à l’état de bête. On est désormais là, très loin de la naïveté platonicienne qui prétendait faire de notre méchanceté, une forme radicale de l’ignorance.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;"><strong>Nier la cruauté</strong></span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Mais ce qui me choque dans toutes ces belles cathédrales philosophiques cherchant à maintenir une espérance en l’avenir de l’humanité, en minimisant d’une part les méchantes actions humaines, en construisant d’autre part de valeureuses doctrines mêlant méchanceté naturelle et progrès, c’est de les voir s'obstiner néanmoins à nier la cruauté même de tout un chacun, l’annihilant à la dévastation par la morale, ou à la justification par le sens de l’histoire.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"> </p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Le tribunal intérieur kantien, malgré la chape de plomb morale qu’il fait peser sur nos actions, n’a jamais endigué la moindre violence humaine. Et toutes ces philosophies morales qui ont cru en finir avec la cruauté naturelle que l’homme porte en lui, sa vie durant, comme s’il s’agissait d’une tumeur bénigne qu’il suffirait de soigner par un traitement drastique, n’a fait que pointer du doigt la terrifiante férocité de chacun, l’extrême ténacité de nos instincts outre le travail minutieux de la culture et de la civilisation.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"> </p><div style="text-align: center;"><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1083373" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/2341254179.jpg" alt="kant,nietzsche,marquis de sade,spinoza,aristote,platon,rousseau,morale,éthique,georges bataille,zarathoustra,hegel,rainer maria rilke" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">FROM GODLY INTERVENTIONS PROJECT (by MONIKA BIELSKYTE)</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Il n’y a donc que peu d’espoir de trouver une quelconque solution chez Platon, Kant ou encore Rousseau qui, lui, avait construit une fiction de méthode, introduisant en philosophie le mythe du « bon sauvage », espérant ainsi dénoncer tout contrat social qui ne concilierait pas, pour l’ensemble des citoyens, liberté et sécurité. Cet espoir va être donc récompensé par la doctrine nietzschéenne.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p></div><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Déjà, commençons par nous rappeler cette juste remarque du poète allemand Rainer Maria Rilke : « tout ange est effrayant. » L’angélisme auquel certaines morales très rigoristes prétendent est sûrement plus terrible et dangereux que la barbarie elle-même. Mais Nietzsche, contre le platonisme naïf, ou la « moraline » kantienne, avance une toute autre thèse. A l’inverse des Kant ou Hegel qui voyaient en la violence le seul salut au progrès dans l’histoire, courant ainsi le risque de justifier indirectement tous les massacres, les totalitarismes, Nietzsche est plus fin et, surtout, plus juste, c’est-à-dire, à mon sens, plus réaliste, plus en phase avec notre véritable nature. L’animal et l’homme ont un but identique : ils luttent pour leur survie. Mais l’un est cruel l’autre pas. L’animal obéit seulement au déterminisme des lois de ses instincts. Il n’est pas cruel. En revanche, l’homme, n’est pas seulement plongé dans la lutte pour la survie. Il est aussi, un homme-animal affamé de cruauté. Ce que je veux dire ici, c’est que l’homme trouve du sens à sa vie dans les méchancetés faites à autrui. Les philosophies de l’histoire qui ont montré que la violence était le moteur direct du progrès humain, ont eu, comme effets secondaires, de nous rendre honteux face à une cruauté somme toute assez naturelle, mais pis, essentielle à la jouissance et la réjouissance de l’homme. Toute la philosophie platonicienne, et les suivantes, ont eu pour seul objectif de chasser l’animal en l’homme, de lui imposer l’ordre des raisons. Mais dans cette opposition radicale entre notre nature d’un côté, et la culture que la civilisation va nous enseigner de l’autre, l’homme se voit contraint, par une raison-servitude/soumission, de renoncer à son être, c’est-à-dire à ses instincts, et, ainsi broyé, de se voir, soudain, honteux de ce besoin de cruauté au plus profond de son être, se mépriser et mépriser la vie, errant comme un fou de Dieu, un aliéné, un malade, un désespéré… Il deviendra l’homme du ressentiment, le moraliste détestant la vie, l’homme domestiqué.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> </span></p><div style="text-align: left;"><span style="font-size: 12pt;"><strong style="font-family: georgia, palatino; font-size: medium; line-height: 150%; text-align: justify;">Recherche du plaisir</strong></span></div><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">J’en entends déjà un grand nombre m’objecter que cette philosophie nietzschéenne d’adolescents dynamiteurs n’est pas humainement tenable. Que le père du Zarathoustra est un perfide immoraliste. Mais il n’y a pas plus une apologie de la cruauté chez Nietzsche qu’il y en avait une chez l’exquis Marquis de Sade. Tous deux avaient seulement compris que l’homme, comme la bête, recherchait le plaisir, et fuyait la douleur. Mais que pour l’homme seulement, les sensations pouvaient s’inverser, voire se confondre : le maso (thématisé par le terrible Sacher-Masoch) pouvait ressentir du plaisir à souffrir, le sadique (thématisé par Sade) du plaisir à faire souffrir. C’est donc à peine un constat, certes cruel pour celui qui l’ignorait, de la méchanceté volontaire des hommes envers leurs semblables, comme sentiment réjouissant, mais surtout, porteur de sens. C’est une « dépense inutile » pour reprendre le terme de Georges Bataille, nécessaire à élever la vie au-dessus des besoins purement biologiques, au même titre que la fête, l’art, le deuil, etc. Et j’aimerais préciser ici, que si Sade, comme Casanova qui, à la fin de sa vie, passa le Pont des soupirs (ayant été l’extrême inverse dans sa manière de donner sens à sa vie, puisqu’il valorisa pour sa part, le désir d’aimer) fut moins embastillé parce que sa littérature était immorale que pour avoir eu le courage d’amener au grand jour, ce qui est l’essence même de l’humain, refoulé à grand renfort de mauvaise conscience, d’instinct de liberté piétiné par la morale, d’entreprise de domestication de l’animal-homme au nom de l’humanisme et du droit à la vie.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;"><strong>Morale <em>vs</em> Ethique</strong></span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">La question serait donc moins pour ou contre Nietzsche et Sade, que comment se sortir de l’alternative radicale domestication/bestialisation du monde. Les oppositions musclées et référencées n’ont, semble-t-il, jamais livrées de bonnes solutions philosophiques. Contre la cruauté du système social, Rousseau évoquait la pitié. A l’état de nature, celle-ci permettait au bon sauvage de trouver en son semblable quelque chose d’identique à lui, qu’il était en mesure d’éprouver grâce à l’amour de soi, ce qui, à l’inverse de l’amour-propre que l’état social valorise, supprime toute méchanceté dans les rapports humains, les éloignant de la jalousie, de l’esprit de compétition, ou encore du désir de dominer son prochain. On sait combien Nietzsche abhorrait cette pitié rousseauiste dans laquelle il ne trouvait, pour sa part, que mépris, et vaste manœuvre de l’homme faible.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino;">Je crois, en ce qui me concerne, que la seule solution possible à la pacification des rapports humains, ça n’est pas tant les grandes manœuvres morales, qui n’ont jamais effrayé personne, encore moins contraint quiconque à la gentillesse et à la bonté avec son prochain. La morale n’est pas coercitive, car elle ne saurait occuper cette fonction. Mais c’est, à mon sens, le recours à l’éthique. Si la cruauté nous procure du plaisir, celui de voir souffrir autrui, il est évident que l’homme ne saurait se suffire de ces plaisirs éphémères et singuliers, entièrement soumis à l’arbitraire de nos sensations. Je suis absolument contre cette convention terminologique qui permet d’interchanger les termes de morale et d’éthique. Alors que la morale vise essentiellement les règles de Bien et de Mal applicables à un moment donné, ce qui manque essentiellement à la morale, prenez par exemple la radicalité fondamentaliste du pharisien, c’est l’amour. Vous noterez que chez Kant, on ne s’applique pas à être moral par amour, mais par devoir. Ce qui est nettement différent. Or, l’éthique renvoie avant tout à l’amour pour soi et autrui. Et en ce sens, l’éthique me parait fondamentalement supérieure. Voire même plus efficace. Platon l’avait déjà pressenti : l’amour conduit au Bien par ascension dialectique, car l’amoureux veut toujours le meilleur, donc le bien, pour son amant.</span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"><strong>CQFD</strong></span></p><p style="page-break-after: avoid; line-height: 150%; margin-top: 0.49cm; margin-bottom: 0.18cm;"><span style="font-family: georgia, palati
Christiane Riedel
http://christiane-riedel.blogspirit.com/about.html
LE REVE, VICTOR HUGO ET PLATON
tag:christiane-riedel.blogspirit.com,2009-01-21:1698998
2009-01-21T11:45:00+01:00
2009-01-21T11:45:00+01:00
...
<p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> <img name="media-307907" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/02/01/936133762.2.jpg" alt="Victor_hugo_Chifflart.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307907" /><img name="media-307908" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/01/00/570697958.JPG" alt="Capturer.JPG" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307908" /> </span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><b><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"><img name="media-307910" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/02/02/1035229242.jpg" alt="Platon.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307910" /></span></span></span></span><span style="mso-spacerun: yes"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></span></b> <span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="mso-spacerun: yes"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"> </p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"> <span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">En ce début d’année, je prends plaisir à vous présenter un discours étrange et splendide sur le rêve. Quoique l’on puisse penser des circonstances où il fut prononcé, chacun s’accordera pour y reconnaître le souffle poétique puissant qui inspira les plus belles pages de Victor Hugo.</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Ardent défenseur de la république, Victor Hugo fut condamné à l’exil en 1851. Il se réfugia sur les îles de Jersey puis Guernesey. Il s’intéressa alors au spiritisme, qui était très à la mode et se consacra à cette étude lors de nombreuses soirées. Plusieurs de ses œuvres en sont directement inspirées.</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Victor Hugo se disait voyant.</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Il pensait que notre esprit dans le rêve, comme après la mort, dépasse les limites du corps physique pour aller « dans l’espace vermeil, lire l’œuvre infinie et l’éternel poème. »</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Je vous présente donc ici le compte rendu qu’il fit d’une séance de spiritisme, dont le sujet inattendu fut le rêve. L’esprit, qui se manifesta ce soir là, se déclara être le grand philosophe grec Platon, qui parla des rêves dans les termes que voici :</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"> </p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="font-family: Times New Roman;"><b><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt">«</span></b> <b><span xml:lang="EN-GB" style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: EN-GB" lang="EN-GB">Victor Hugo</span></b><span xml:lang="EN-GB" style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: EN-GB" lang="EN-GB">. – Salut !<span style="mso-spacerun: yes"> </span></span> <span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt">Parle. Nous t’écoutons.</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="font-family: Times New Roman;"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><strong>Platon.</strong></span> <span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt">– Je viens vous parler du rêve.</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Quand le vivant s’endort, il s’établit directement une communication entre son lit et sa tombe.</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">L’endormi devient le réveillé de l’ombre ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas immobile, il vole dans l’immensité ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><img name="media-307916" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/02/02/1128836778.2.jpg" alt="la croix et la solitude.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307916" /></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> <img name="media-307917" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/02/02/1073154448.2.jpg" alt="Edward-Robert-Hughes 2.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307917" /></span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> <span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="mso-spacerun: yes"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas aveugle, il voit l’infini ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas sourd, il entend dans l’espace ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas muet, il parle dans la mort ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas couché, il est ailé ;</span></span></p> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt;" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas étendu, il est planant ;</span></span><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span><img name="media-307920" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/01/01/1430891081.jpg" alt="f_frankfrazetm_cec1a05.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px;" id="media-307920" /></p> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: left;" class="MsoBodyText"> </p> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: left;" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">il n’est pas tombé, il est ressuscité ;</span></span></p> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: center;" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><img name="media-307921" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/01/02/423159861.jpg" alt="dali-santiago_1182190914.jpg" style="border-width: 0; margin: 0.7em 0;" id="media-307921" /></span><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <div style="TEXT-ALIGN: left"> </div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">l’endormi est l’assaillant de la nuit ;</span></span></div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">tout sommeil fait siège du mystère ;</span></span></div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">les rêves sont les projectiles des étoiles ;</span></span></div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">le jour tu vis, la nuit tu meurs ;</span></span></div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">les millions de soleil percent ton plafond et se mettent à éclairer ta chambre ;</span></span></div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">ta veilleuse est éteinte, un astre s’y allume ;</span></span></div> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">ta lampe toute cette nuit va consumer une des gouttes de la Voie lactée ;</span></span></div> <p><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"><img name="media-307922" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/01/02/267888826.jpg" alt="Voie_lactee03.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307922" /></span></span><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> <img name="media-307925" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/00/01/45589809.JPG" alt="galaxie 1.JPG" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307925" /></span></span></p> <div style="TEXT-ALIGN: left"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><img name="media-307927" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/00/00/502512203.jpg" alt="voie lactée.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-307927" /><span style="mso-spacerun: yes"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></span> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">ô assiégeur de la forteresse obscure ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">mets, ô vivant, cette armure d’ivoire devant le donjon d’ébène et vois ;</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">rêves, venez, tombez sur l’endormi. "</span></span></p> <p align="left" style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt; TEXT-ALIGN: left" class="MsoBodyText"> </p> <div style="text-align: center;"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><img name="media-307928" src="http://christiane-riedel.blogspirit.com/media/00/01/113674765.jpg" alt="ascension_dali.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px;" id="media-307928" /></span></div> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoBodyText"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><strong><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></strong></span><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoBodyText"><span style="font-family: Times New Roman;"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt">Jersey, dimanche 29 avril 1855, à dix heures du soir</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoBodyText"><span style="FONT-WEIGHT: normal; FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Procès verbal d’une séance de table tournante</span></span> <span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">menée par Victor Hugo, avec Platon</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><b><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></b><b><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;"> </span></span></b></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><b><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Illustrations</span></span></b></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Je remercie les artistes dont les tableaux ou les photos m’ont permis d’illustrer mon blog.</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Victor Hugo, portrait de Chifflart, 1868</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Statue présumée de Platon à Delphes</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">La croix et la solitude, du peintre paysagiste américain, Thomas Cole, 19<sup>ème</sup> siècle</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Weary Moon, Edward Robert Hugues, peintre anglais du 19ème siècle</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Birdman de Frazetta, du peintre américain du 20ème siècle : profile.myspace.com</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Santiago, du peintre espagnol Salvator Dali, 20<sup>ème</sup> siècle</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="font-family: Times New Roman;"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt">Voie lactée :</span> <span xml:lang="NL" style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: NL" lang="NL"><a href="http://www.faaq.org/"><span xml:lang="FR" style="mso-ansi-language: FR" lang="FR"><span style="color: #0000ff;">www.faaq.org</span></span></a></span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Voie lactée : fdebricon.club.fr</span></span></p> <p style="MARGIN: 0cm 0cm 0pt" class="MsoNormal"><span style="FONT-SIZE: 9pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt"><span style="font-family: Times New Roman;">Ascension de Salvator Dali, 20<sup>ème</sup> siècle</span></span></p> </div>
hommelibre
http://leshommeslibres.blogspirit.com/about.html
Le beau, le bon, le vrai
tag:leshommeslibres.blogspirit.com,2008-12-22:3296233
2008-12-22T10:29:00+01:00
2008-12-22T10:29:00+01:00
Il y a plusieurs façons d’envisager cette notion de supra-personnel. La...
<a href="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/02/00/2046783020.JPG" target="_blank"><img src="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/02/02/1371673075.JPG" id="media-18521" title="" alt="Platon3.JPG" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" /></a>Il y a plusieurs façons d’envisager cette notion de supra-personnel. La morale, au sens de l’organisation des relations permettant à chaque individu de vivre et se développer librement, en est une. Je ne parle pas ici d’une morale de jugement, mais d’une morale de base. Le fondement pourrait en être: ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. Exemple: si la souffrance t’es insupportable (physique ou psychique), ne fais pas souffrir les autres et en retour ils ne te feront pas souffrir (en principe...).<br /><br />Les religions proposent une approche transcendante, où la notion de Dieu est le référent fondamental. Elles proposent aussi des croyances (jugement dernier, paradis, enfer, vie après la vie) dont aucune n’est vérifiable hors d’une adhésion intellectuelle de principe. Elles proposent aussi un système de punition-récompense dépendant d’une autorité supposée divine, mais en général incarnée par des humains qui s’octroient cette autorité.<br /><br />Le bouddhisme propose une spiritualité sans Dieu. L’éthique personnelle et la pratique de la méditation et du bien en sont les axes centraux. Toutefois il y a bouddhisme et bouddhisme. Celui du Tibet n’est pas très éloigné du catholicisme: très forte hiérarchie, peu d’autonomie individuelle, croyances invérifiables comme la réincarnation, etc. Le bouddhisme Zen propose une méditation assise, pour descendre en soi et tenter de trouver une paix intérieure indépendante des circonstances extérieures. Toutefois, l’humain étant ce qu’il est, on constate aussi l’instauration de hiérarchies dans le Zen, voire de positions politiques plus que discutables pendant la seconde guerre mondiale.<br /><br /><a href="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/02/02/211992863.jpg" target="_blank"><img src="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/01/02/2572720312.jpg" id="media-18522" title="" alt="Platon2.jpg" style="border-width: 0; float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" /></a><br /><strong>Platon</strong><br /><br />Dans la recherche d’une approche de la spiritualité hors religion, le Zen reste toutefois un des choix possibles. Un autre choix cité dans l’article est la démarche platonicienne. Celle-ci ne propose aucun dogme, aucune croyance. Platon n’enseignait rien: il posait des questions afin d’amener son interlocuteur à prendre conscience de ses propres croyances, opinions, et de son ignorance. Il avait fait sienne la devise: “Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux”. Il ne s’agissait pas pour lui d’adhérer à un système extérieur ni de se soumettre à une hiérarchie, mais de passer par l’intérieur, par sa propre conscience.<br /><br />Il proposait aussi de rechercher le Beau, le Bien, le Vrai. Car qui médite sur ces notions et y aligne sa vie développe tant une éthique personnelle qu’une morale relationnelle. Ces notions sont certes discutables, en ce sens qu’elles n’ont pas forcément la même signification pour tous. L’intérêt est d’ailleurs d’en discuter, pour tenter de dégager une pratique de vie personnelle empreinte de respect, de bienveillance, et de sentiments dits “nobles” (ce qui pourrait déjà faire l’objet d’un vaste débat).<br /><br /><a href="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/00/00/2545886388.jpg" target="_blank"><img src="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/01/01/210599069.jpg" id="media-18523" title="" alt="Beau1.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" /></a><br />L’intérêt de redécouvrir Platon est son accessibilité: chacun peut reprendre à son compte ces notions et se questionner, sans obéir à un dogme et sans conversion mutilante ou adhésion quasi-filiale. Il place sa réflexion en-dehors du système punition-récompense, système intégré dans les religions et plaçant le croyant dans une situation morale enfantine.<br /><br />Enfin la démarche de Platon est d’une étonnante modernité. Les notions qu’il propose traversent les temps et les époques, et sont toujours d’actualité. Il me paraît intéressant de redécouvrir Platon afin de travailler sur son autonomie morale individuelle et sur une éthique perçue de l’intérieur, et non imposée de l’extérieur.<br /><br /><br /><a href="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/02/01/2244537900.jpg" target="_blank"><img src="http://leshommeslibres.blogspirit.com/media/01/02/2998786334.jpg" id="media-18524" title="" alt="915TripolyCrèche.jpg" style="border-width: 0; float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" /></a><br />Le Matin d’hier publiait un article sur le <a href="http://www.lematin.ch/tendances/bien/eveiller-enfants-spiritualite-60075" target="_blank">besoin de spiritualité hors religion</a>, en particulier pour des parents souhaitant ouvrir l’esprit de leurs enfants à une dimension supra-personnelle. Le but étant de se passer des hiérarchies, des dogmes et croyances pour éveiller la conscience et la responsabilité individuelles.<br />
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Philosophia perennis : Platon, Spinoza, Descartes, Malebranche, Foucault
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2007-09-20:3101557
2007-09-20T09:13:00+02:00
2007-09-20T09:13:00+02:00
Pour mes lecteurs qui désireraient s'initier à quelques premiers éléments...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Pour mes lecteurs qui désireraient s'initier à quelques premiers éléments de philosophie, je remets ici en ligne, à toute fin utile, cinq chroniques parues dans des magazines aujourd'hui disparus. Ce sont bien sûr, quelques précisions élémentaires, à propos de doctrines fondamentales dans l'histoire des idées. Je vous renvoie, dans le corps du billet, par liens hypertextuels, à des articles, cette fois-ci, plus élaborés, si, à tout hasard, vous souhaitiez prolonger la lecture de ces quelques pistes, demeurant volontairement superficielles. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/2057817893.jpg" id="media-983284" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><img id="media-985229" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/1385582256.jpg" alt="platon,descartes,spinoza,michel foucault" />Comment se porte la République de Platon ?</strong> Dans une époque qui, à tort ou à raison, porte un grand mépris pour la chose publique (<em>Res publica</em> en grec), quoi de plus salvateur qu’un retour à l’un des pères de la philosophie : Platon ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Reprenant, selon le mythe, l’enseignement à la lettre de son maître Socrate, Platon, dont la vocation politique a été durant toute sa vie contrariée, établit un programme politique pour une cité juste, dans son texte <em>La République</em>. Qui n’a d’ailleurs jamais entendu parler du mythe de l’anneau de Gygès, ou de la célèbre allégorie de la caverne ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">L’articulation antique de la morale et du politique, au centre même de ces deux livres de <em>La République</em>, le livre 6 & 7, que la collection <em>Folio+ </em>a l’excellente idée de reprendre et d’agrémenter de commentaire à la fois éclairants et rigoureux, est d’autant plus intéressant à lire de nos jours, que la disjonction entre la morale et le politique est, très probablement, à l’origine de la grande désaffection de l’électorat qui ne saisit toujours pas d’un très bon œil, le visage moderne de la politique depuis Machiavel.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Qu’est-ce qu’une cité juste ? Comment établir et conserver la proportion, la mesure et l’harmonie dans la cité qui est l’ordre même du monde ? La seule réponse pour Platon réside dans l’articulation étroite entre morale et politique. Car, dans sa définition athénienne, la politique n’est autre que la recherche de bonne fin. Et quelle fin véritable, selon Platon, pour la Cité, que la vertu ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">D’où les livres 6 & 7 : l’un traitant à la fois du juste et de l’éducation des dirigeants de la Cité qui, ne pouvant être des hommes aux ambitions personnelles, ou aux intérêts éloignés de ceux du bien public, doivent être éduqués en philosophes. (A lire la très éclairantes analyses de Fulcran Teisserenc sur l’articulation entre justice, philosophie, éducation et dialectique.)</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le très célèbre livre 7 vient alors à point nommé pour faire le tri entre réalité et vérité : erreurs, opinions, illusions et vrai. Que vise à nous faire comprendre Socrate grâce à sa fameuse allégorie de la caverne si ce à cerner que le niveau de connaissance de l’homme suivant qu’il a été ou non éduqué, l’éloignera ou le rapprochera bien entendu du juste. Le juste comme vérité et comme justice. On pourra, dans une traduction mise à jour, suivre le périple d’un prisonnier de la caverne, enchaîné comme ses amis depuis des années, et plongé dans l’ignorance que symbolise la vie dans la caverne, franchir toutes les étapes du savoir en sortant de la caverne et découvrant les choses réelles.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cette distinction entre l’apparence, ce qui se voit et semble être, et l’essence, ce qui est, est une première démonstration des erreurs et illusions que l’ignorance recèle. La montée vers la lumière du soleil, et la redescente dans la caverne, est un enseignement fondamental pour la pensée et la liberté de penser.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comment assurer notre bien et notre liberté si, durant notre si longue histoire, nous persistons à vouloir nous accrocher à nos illusions, nos opinions non vérifiées par un esprit critique neutre et libre, et nos dogmes ?</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br /><img id="media-985230" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/2392493793.2.jpg" alt="platon,descartes,spinoza,michel foucault" />Faut-il douter de tout comme Descartes ?</strong> L’une des phrases les plus célèbres en philosophie est bien celle de Descartes : « <em>Je pense donc je suis</em> ». Extraite de son fameux ouvrage le <em>Discours de la méthode</em>, elle demeure l’une des références fondamentales pour la pensée moderne. Reprise dans ses <em>Méditations métaphysiques</em>, toutes les grandes notions cartésiennes viennent, dans ce texte, soutenir et propulser le cheminement cartésien dans son ambitieuse entreprise d’agrandir son champ du savoir de le soustraire au moindre doute.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La collection <em>Folio+</em> reprend les trois premières méditations de René Descartes, portant sur le cogito, le dualisme entre l’âme et le corps, et la preuve ontologique de l’existence de Dieu.</span></p><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img class="img" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="https://external-cdg2-1.xx.fbcdn.net/safe_image.php?d=AQDt8szAwmt8-Zj7&url=http%3A%2F%2Fmarcalpozzo.blogspirit.com%2Fmedia%2F00%2F01%2F1034981340.jpg&_nc_hash=AQAhuUWKPLdACPX6" /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2016/07/01/descartes-et-le-national-cartesianisme-3076006.html"><span style="color: #800000;">La postérité de Descartes est absolument impressionnante</span></a>. Ayant entrepris d’interroger les conditions de possibilité du savoir et de revisiter tous les savoirs afin d’en tirer des connaissances vraies et indubitables, Descartes est parvenu à introduire en philosophie la première certitude qui se délivre du doute : <em>Cogito ergo sum</em>« je pense donc je suis. » Qu'est-ce à dire ? Dès lors que je pense, et au moment même ou je pense, j’ai en même temps la nécessaire conscience d’exister. Ainsi, l’entreprise philosophique de Descartes consiste essentiellement à se défaire de toutes les croyances reçues, des erreurs ou des savoirs erronés, et permet à la conscience d’acquérir un véritable droit de citer.</span></p><p style="text-align: justify;"><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cette entreprise, philosophique par excellence, a certes connu un échec retentissant en enfermant le sujet pensant dans un solipsisme cruel et certain. Il n’en demeure pas moins pour la pensée de Descartes, qu’elle est à l’origine de nombreuses lectures et relectures et d’interprétations diverses.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il serait même plutôt utile de relire aujourd’hui, la première méditation qui pose le « <em>je pense, j’existe »</em> cartésien, c’est-à-dire l’unique certitude qui résiste au doute, comme l’une des premières certitudes en philosophie, si ce n’est, chez Descartes, la seule, comme preuve indubitable qu’au moment ou je pense je ne saurais en même temps ne pas penser que je suis.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Certes. Si le fait que je n’existe pas n’implique aucune contradiction, la conscience que j’ai d’exister est elle par contre nécessaire. De fait, la conscience se pose comme la condition de possibilité de la remise en question du savoir. Dans cette splendide et première méditation, on découvre alors un Descartes amener la pensée au stade de la conscience même. Pour ce rationaliste français, la pensée <em>est</em> la conscience. Si mon existence en elle-même n’est nullement nécessaire, ne pas exister n’impliquerait en effet aucune contradiction, le fait même que j’existe est parfaitement contingent. Or, la pensée même « je n’existe pas » est parfaitement impensable. Tenter de vous imaginer ne pas être, et aussitôt vous penserez le concept plus que le fait lui-même. Pourtant, si le fait que j’existe est à présent indéniable, hors de doute, ce fait là ne me dit pourtant pas qui je suis. Et si par le <em>cogito,</em> je sais que je suis, cette certitude porte bien sur mon existence mais pas sur mon essence. <em>Je sais que je suis, pas</em> ce que <em>je suis.</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cette base ainsi posée, tout lecteur quelque peu perspicace aura enfin compris la logique des deux autres méditations suivantes. A partir de cette vérité, Descartes pensera les vérités extérieures à soi : Dieu, le monde, le corps, autrui, etc.</span></p><p style="text-align: justify;"><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Aussi, pour les amoureux de la vérité, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fmarcalpozzo.blogspirit.com%2Farchive%2F2008%2F01%2F26%2Fdiagnostic-d-une-crise-du-sens.html&h=ATNV7Pv4jJIfYHL_ecn0L_aGeFe7rD-O8cb-mgLOW9ztU0vh1uZRwyDyez_9ABJeynmyAZ2C6FaQe-2ZDPE8niE7GkTpnIahESJmnZ34LgGJzlGpM_TIny6ZBd6m2SAvNLIlivVV1bEUFLG6mC4" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy">dans un monde englouti qui ne cesse de l’insulter</a></span>, pour les amoureux de l’intelligence, je ne saurais que trop recommander ces trois premières méditations qui donnent et re-donnent un vrai désir de philosopher dans une époque qui ne doute plus de rien.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br />Le Mal selon Spinoza.</strong> Qu’est-ce que le mal ? Dans quelle perspective pouvons-nous entrevoir le mal à partir de Dieu et de la liberté humaine ? Voilà les grandes questions développées dans la très célèbre correspondance qu’eut Spinoza avec Blyenbergh, et qui fut publiée sous le titre <span style="color: #800000;"><em><a style="color: #800000;" href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fmarcalpozzo.blogspirit.com%2Farchive%2F2008%2F08%2F15%2Fhuit-lettres-sur-le-mal-blyenbergh-vs-spinoza.html&h=ATPKT7FjxXcrKKhnpvyg36K2UX2shh_lb2Sx7aDYI9iVj0IOUP7wiczM2nZFOcMsA8OBHwTn-bYkg1mYMWdQL0aCdahvWZ3QHGREanj9MAD3O6PKxY8FVWMSW_FvbIFZr7EhQTOscdFVF5n-u8u_vX_dJTFGKakN" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="async">Lettres sur le mal</a></em></span>.</span></p><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img class="img" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="https://external-cdg2-1.xx.fbcdn.net/safe_image.php?d=AQDKaXYB1IRJKB2X&url=http%3A%2F%2Fmarcalpozzo.blogspirit.com%2Fmedia%2F00%2F01%2F2100347562.jpg&_nc_hash=AQDiKa3G0yoKgivf" /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-985231" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/2894218594.jpg" alt="platon,descartes,spinoza,michel foucault" />Le 26 décembre 1664, Spinoza, auteur du TTP (Traité théologico-politique), reçoit une lettre d’un inconnu. Homme qui se dit « amoureux de la vérité », donc <em>philo</em>-<em>sophe,</em> Guillaume de Blyenbergh, connaissant aussi bien l’œuvre de Descartes que celle de Spinoza, pose cette question qui intéresse directement les travaux de Spinoza : <em>Dieu est-il cause de tout ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cette question philosophique et théologique n’est certes pas nouvelle. Pourtant, essentielle, elle doit être systématiquement posée et reposée pour questionner et problématiser le champ de a liberté humaine. Derrière cette dernière se cache bien entendu la grande question métaphysique de la liberté de l’homme. La volonté humaine est-elle libre ou déterminée ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Lecteurs de génialissime <em>Ethique</em> de Spinoza, il est impossible que vous ayez manqué que la liberté humaine n’est qu’une illusion !</span></p><p style="text-align: justify;"><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Soyons clair : Dieu chez Spinoza <em>EST</em> la nature. C’est-à-dire qu’il n’est autre que le monde même. Et les hommes, en tant que modes de la substance (« Dieu » en langage spinoziste), sont eux, soumis à l’enchaînement naturel des causes. Ils ne font donc pas exception aux lois universelles de la nature. De fait, n’ayant pas conscience des causes qui les déterminent physiquement et psychologiquement, ils se préoccupent plus aisément de satisfaire leurs désirs, grassement ignorants de ce qui les déterminent vraiment. Ils ont bien conscience des fins de leurs actions mais non des causes. D’où l’illusion de liberté. Victimes du préjugé finaliste, ils renoncent à connaître la véritable cause de leurs désirs, et croient à leur liberté comme une évidence incontestable. Cette illusion les conforte dans l’idée qu’ils sont les maîtres. Premier problème : l’homme ne saurait être au sein de la nature comme « un empire dans un empire ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Héritier de la tradition philosophique cartésienne, le Spinoza qui parle dans ces lettres, est un « homme libre » ayant subi un attentat perpétré par un intégriste juif, ayant été excommunié de la synagogue pour athéisme, et ayant refusé une chaire de philosophie à Heidelberg, où enseignera Hegel quelques siècles plus tard ; également grand cartésien, Spinoza s’inscrit dans la veine matérialiste de Descartes tout en amenant une sensible évolution à son propre matérialisme : l’homme est un corps dans le <em>continuum</em> de la nature. Et ainsi, en tant que partie formant le tout de la Nature, est-il seulement libre donc responsable du mal qu’il commet ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Cette seule question donne tout l’intérêt de re-lire à lecture d’un siècle qui succède au siècle de la banalité du mal, de la mort de masse, de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fmarcalpozzo.blogspirit.com%2Farchive%2F2008%2F02%2F06%2Fvoyage-au-bout-de-l-histoire.html&h=ATPbGQ_dHUP7ve55akr1OuImZJ9rlcU-wbsfsN7E-beN7mRuKaWoRx_wegYyMPKC_7cmJGeFiSTWPSKeUw5tRibkdp4kw9_Hb-GlsiklqeeiL_O90P4a1wMq1vMRrGxbJS2ijq8-CGWKUMI813I" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy">l’homme-dieu</a></span>, ces huit lettres. Huit lettres qui essayent d’en découvre avec la question du mal, son origine et sa légitimité ; la nature de la volonté de Dieu ; si l’homme peut-il exercer son libre-arbitre ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il est émouvant par exemple de lire un Blyenbergh qui tentent par tous les moyens de démontrer à un Spinoza qui lui soutint que le mal n’est rien, que cette proposition est parfaitement impossible. Le mal : pêché ? licence ? puissance naturelle qui s’exerce ? Les questions demeureront toutefois ouvertes, d’autant plus que les dernières lettres verront un Spinoza apporter une fin de non recevoir à un Blyenbergh avec lequel il ne s’entend définitivement plus.</span></p><p style="text-align: justify;"><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-985233" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/4154032451.jpg" alt="platon,descartes,spinoza,michel foucault" />On pourrait même s'en tenir à cette terrible question : Puisse le mal être involontairement commis ? Car comme le montrera si brillamment <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fmarcalpozzo.blogspirit.com%2Farchive%2F2008%2F01%2F11%2Fhannah-arendt-et-la-banalite-du-mal.html&h=ATNu9mt_BN5vdS1puj2xl9mqhNxUML23LXbKMaUcuObYkBzMxFqZ499fXOmPQ-bWp0VSSBEgBRJABdKn9Z-ranPEy7x35c4ST6h-vu9YtsH2Z3zLHZXUggCQomUFKVCeH8I9SA93QVXpkIJwzdE" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy">Hannah Arendt dans son <em>Eichmann à Jérusalem</em></a>,</span> dont le judicieux dossier de <strong>Folio+</strong> reprend un extrait, la notion de mal ne suppose pas <em>forcément</em> une volonté de mal. Cette hypothèse métaphysique, largement débattue dans les lettres sur le mal, remet alors sur le devant de la scène philosophique, le grand problème du bien et du mal, dont <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2016/08/23/peut-on-parler-de-la-fin-de-la-metaphysique-note-sur-heidegg-3078540.html">Nietzsche saura, - avec quel génie ! -, dépasser</a></span>…</span></p><div style="text-align: justify;"> </div><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br />Malebranche et la vérité.</strong> Qu’est-ce que la vérité ? Ou plutôt, nous devrions dire : comment parvenir à une vérité universelle et indubitable ?</span></p><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dans la veine de l’école cartésienne, dont Malebranche, en petit cartésien, est l’un des représentants de la pensée, <em>La Recherche de la vérité</em> tente d’expérimenter une méthode philosophique qui permettrait à tous de découvrir une vérité entière, valant pour chacun, et donc indubitable. Une démarche qui pourrait nous paraître aujourd’hui des plus naïves et des plus vaines, depuis le XXème siècle et l’avènement d’une pensée scientifique qui, avec Poincarré, Einstein et Infield entre autres, nous a
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Nietzsche déconstructeur
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2005-10-12:3147193
2005-10-12T20:37:00+02:00
2005-10-12T20:37:00+02:00
Les mauvais lecteurs de Nietzsche disent qu'il est un destructeur. Si...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Les mauvais lecteurs de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/friedrich_nietzsche/" target="_blank" rel="noopener">Nietzsche</a></span> disent qu'il est un destructeur. Si l'on veut adopter un point de vue plus sincère et plus juste on dira de lui qu'il est un déconstructeur. Déconstructeur comme celui qui défait une à une les pièces d'un problème pour les osculter au microscope. Voyons cela de plus près. J'essaye d'en esquisser les grandes lignes pour vous dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/1088295001.jpg" id="media-1084608" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><img id="media-1084611" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/1392809713.jpeg" alt="naissance.jpeg" />La première</strong> s’étend jusqu’aux quatre intempestives, et inclut <em>La naissance de la tragédie</em>, ouvrage dans lequel on retrouve cette ligne directrice très novatrice pour l'époque (1871) qui pose comme principe que les forces originaires de la Grèce, l’apollinien (dieu de la tempérance) et le dionysiaque (dieu du délire et de l’ivresse) ont fusionné et trouvé une synthèse harmonieuse dans la tragédie antique. Mais l’idée forte que nous retrouvons dans ce texte est celle de la mort de la tragédie grecque (ce lieu où par la catharsis de la représentation, la vie est acceptée dans son entière absurdité) au moment où s’amorce la naissance de la philosophie grecque rationnelle, incarnée avant tout par la figure historique qu’est Socrate, le père de la rationalité et de la dialectique, l’homme par qui, selon Nietzsche, la recherche du sens, sens de la vie par exemple, devient pour toute l’humanité un devoir absolu. Il accuse Socrate de condamner la vie au nom de valeurs supérieures.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><strong>La deuxième période</strong> est considérée par Nietzsche lui-même comme son évolution philosophique est nommée selon sa propre formule comme sa « philosophie du matin ». On y trouve quatre ouvrages : <em>Humain, trop humain</em> (I & II), <em>Aurore</em> et <em>Le</em> <em>gai</em> <em>savoir</em>. Cette évolution philosophique dont il parle se caractérise essentiellement par le style choisi, c'est-à-dire l’aphorisme. Et la troisième et dernière jusqu’à son grave accident qui le rendra incapable de recouvrer la santé et de continuer son œuvre. Nietzsche va très vite intégrer à la philosophie deux moyens majeurs d’expression :<strong> l’aphorisme</strong> et <strong>la poésie</strong>. Cette nouvelle manière de penser marque le renversement de la méthode traditionnelle. En effet, à l’idéal de la connaissance, à la découverte du vrai, Nietzsche veut substituer l’interprétation et l’évaluation. Précisément, l’aphorisme est à la fois l’art d’interpréter et la chose à interpréter, le poème, l’art d’évaluer et la chose à évaluer.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Sur le fond, l’unité entre les quatre textes est le combat contre la <strong>décadence</strong>, la <strong>morale</strong> et la <strong>religion</strong>.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Cette période se caractérise également par sa tendance à vouloir revenir aux valeurs vraies, et donc à préconiser un renversement des valeurs. Adoptant une position de rationalité sceptique, en déconstructeur, Nietzsche affiche une volonté passionnée de véracité. Cette démarche est une vraie remise en question des valeurs de son temps, admises dogmatiquement par l’homme religieux et le philosophe traditionnel. Mais il s’agit pour Nietzsche de réfuter toute vérité posée comme telle.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1084613" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/2923513490.jpg" alt="portrait de munch.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Portrait de Nietzsche, Edvard Munch</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il va donc s’attaquer à la <em>signification</em> <em>du</em> <em>langage</em> qu’il accuse de masquer à l’homme l’essence des choses, le contenant dans l’apparence, et le conduisant à construire, c'est-à-dire à inventer un deuxième monde à côté du premier.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il va également s’attaquer à la <em>relativité</em> <em>de</em> <em>la</em> <em>morale</em>, accusant les jugements moraux de n’être pas absolus et intemporels tels qu’on voudrait nous le faire croire, en commençant par les prêtres qui sont à l’origine de la mascarade morale, mais plutôt relatifs à l’histoire et à la société. Nietzsche va même développer la thèse selon laquelle les vertus seraient nées du long exercice de préjugés conventionnels.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il s’agit donc pour Nietzsche de révéler et briser les masques dont s’affuble l’homme vertueux et/ou religieux. Mais il s’attaque également à cette prétention détestable que serait le fondement objectif des valeurs. Les valeurs auxquelles l’homme prétendument vertueux, et religieux croit n’ont rien d’objectif en soi. Ces valeurs sont construites par des théologiens qui ont en tête, par les concepts de libre-arbitre et de responsabilité qui en découle, d’asservir l’humanité en l’obligeant à respecter des valeurs (essentiellement morales) qu’elle n’aurait pas la liberté de refuser, et qui l’obligerait à obéir par crainte du châtiment.</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"><img src="https://unphilosophe.files.wordpress.com/2016/10/nietzsche_manuscrit.jpg?w=610" alt="Manuscrit d'Also sprach Zarathustra" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Manuscrit d’Also sprach Zarathustra</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ainsi on n’aura aucune peine à le noter en s’attaquant la morale, Nietzsche s’attaque par ce biais au christianisme auquel il reproche de jouer un rôle essentiel dans l’amollissement de l’homme. Il estime que le christianisme consiste en des reliques dogmatiques et non crédibles d’un monde de représentations antique et paradoxal, qui plus est d’offrir un au-delà inexistant, auquel nul ne croit plus, et surtout pas Nietzsche qui réfute tout arrière monde, y compris celui qu’il crut lire dans l’œuvre de Platon. Le réquisitoire culmine avec la représentation du fou qui cherche Dieu (cf. <em>Le</em> <em>gai</em> <em>savoir</em>, <em>Ainsi</em> <em>parlait</em> <em>Zarathoustra</em>). Et par là, voilà qu’il peint la vision d’un monde qui, sans horizon, sans haut ni bas, commence à chavirer pour une raison encore ignorée de tous, une raison grave et irréversible : celle de la mort de Dieu.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Cette vision d’un monde sans horizon, sans espoir, sans haut ni bas, et qui progressivement, commence à chavirer, quoi de plus en phase avec notre époque contemporaine, dans laquelle désacralisation et désenchantement sont les maîtres-mot, dans laquelle, les effets pervers de la démocratie ont réduit toutes les têtes à se placer sur le même plan, sans en laisser aucune dépasser, dans laquelle, tout vaut tout, et par ricochet, rien ne vaut plus rien, dans laquelle, l’horizon qui autrefois portait l’espoir pour l’humanité entière de viser une grandeur humaine grâce à l’art, la philosophie, et la religion, laisse place au désespoir car, ne rêvons pas, il n’existe aujourd’hui plus aucune grandeur possible. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1084609" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/110764504.jpg" alt="nietzsche-et-lou_390212.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Nietzsche avec Paul Rée et Lou-Andréa Salomé</span></p>
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Socrate : un philosophe courageux
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2005-10-06:3147214
2005-10-06T10:37:00+02:00
2005-10-06T10:37:00+02:00
J’aimerais rappeler le refus prompt que Socrate opposa en ce qui...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">J’aimerais rappeler le refus prompt que <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/socrate/" target="_blank" rel="noopener">Socrate</a></span> opposa en ce qui concerna la condamnation des généraux qui n'avaient pas recueilli les corps des naufragés à la bataille des Arginases en 406), et en 404, sous la tyrannie des Trente. Sa critique ouverte des exécutions sommaires ordonnées par ces derniers, son refus de participer ne serait-ce qu’à une seule arrestation.</span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/3000244770.jpg" id="media-1084638" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1084643" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/1717788895.jpg" alt="socrate,platon,criton,alcibiade" />Ce courage de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/socrate/" target="_blank" rel="noopener">Socrate</a></span> s'associe à une grande « maîtrise de soi » et ce, en toute circonstance ! Jamais ivre, même après avoir beaucoup bu, Socrate ne s'emporte jamais, supporte avec flegme injures ou critiques, à la grande admiration d'Alcibiade par exemple.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ses disciples louent cette attitude et ce caractère. Sa méthode d'enseignement, qui est la philosophie et la pratique de celle-ci, n'est pas de tout repos. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>L’ironie de Socrate</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Socrate dérange les puissants, instruit les ignorants, dialectise avec tout honnête homme. Les esprits conservateurs verront d’ailleurs d’un très mauvais œil l'incarnation de l'esprit nouveau, qu’ils iront jusqu’à accuser d’athéisme, de corruption de la jeunesse et des vieilles valeurs morales, soulignant combien Socrate constitue un réel danger pour l'ordre social. En 399, Socrate est accusé par Anytos et deux autres hommes d’être : « coupable du crime de ne pas reconnaître les dieux reconnus par l'État et d'introduire des divinités nouvelles (…) de corrompre la jeunesse ». À la suite de procès, Socrate, dont on connait l’ironie corrosive, propose pour sa conduite passée... d'être nourri au Prytanée (honneur suprême !) pour le restant de ses jours, ce qui est pris comme une provocation. Il sera donc condamné à mort.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Socrate dit alors un dernier adieu à ses juges en les laissant sur cette formule ouverte : « Il est temps pour nous de nous quitter, moi vous mourir et vous pour vivre, et seul le dieu sait quel est le pire des châtiment ».</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Enfermé en prison, Socrate n'est pas exécuté immédiatement. Il faut encore que le vaisseau qui part à Délos chaque année porter des offrandes à Apollon soit de retour pour qu’une exécution capitale puisse avoir lieu. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><strong>Être citoyen, c’est accepter les lois de la cité</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Pendant les trente jours de son emprisonnement, Socrate s'entretient avec ses disciples, qui lui proposent en vain un plan d'évasion.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Le jour où il boit la ciguë, il consacre ses derniers moments à dialoguer avec ses amis sur l'immortalité de l'âme : ces propos nous sont rapportés dans le dialogue du Phédon de Platon.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Face à son vieil ami Criton qui le presse de s'évader, Socrate oppose un refus catégorique. Criton, en voulant le convaincre de fuir, se fait l'écho de l'opinion du plus grand nombre : « Pourquoi mourir quand il est si facile de s'échapper ? » Mais Socrate choisit de mourir, parce qu'il est convaincu qu'il est injuste de s'échapper. En faisant intervenir les Lois de la cité dans la prosopopée, c’est une véritable profession de foi de civisme qu’il accomplit. Une profession de foi qui nous parle à nous, lecteurs d'aujourd'hui ! Comment rester insensibles aux affirmations de Socrate, à sa conception loyaliste de l'Etat, qui ne peut effectivement exister sans cette reconnaissance implicite du bien-fondé de ses institutions. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Athènes a abrité, et protégé Socrate. Il en a accepté les droits et les devoirs. Sa sentence est peut-être injuste. Mais ce n’est pas à Socrate de le dire. Car Socrate est citoyen d’Athènes. Il le restera jusque dans sa condamnation. Pas de traîtrise. Pas de désolidarisation du groupe dont il est membre à part entière. Platon fera de sa mort un événement qui ne cesse de nous faire réfléchir. Surtout en ces jours sombres d’insurrection populaire.</span></p>