Last posts on philharmonie2024-03-28T23:08:52+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://starter.blogspirit.com/https://starter.blogspirit.com/fr/explore/posts/tag/philharmonie/atom.xmlmimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlCathédrales sonorestag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-02-11:30876582017-02-11T11:11:21+01:002017-02-11T11:11:21+01:00 S'il y a bien une chose qui tempère mon désamour de la Philharmonie, c'est...
<p>S'il y a bien une chose qui tempère mon désamour de la Philharmonie, c'est son orgue. Là, ça vibre enfin. Pour l'essentiel caché derrière des volets qui pivotent pour libérer le son à sa pleine puissance, il se découvre avec une théâtralité certaine, renforcée dimanche dernier par des éclairages à dominantes orange et violette, qui évoquent autant une atmosphère pop rétro-futuriste que des vitraux d'églises. La sonorité est à cette image : beaucoup moins univoque et solennelle qu'on pourrait l'imaginer. Aux attendues envolées liturgiques se mêlent les glouglous de la <em>Cathédrale engloutie</em>, des caquètements nasillards qui me font mimer deux Daffy Duck avec les mains (sous le nez de Palpatine riant sous cape) et des dizaines d'autres bruits bizarres, dont on peut se faire une idée fantasmagorique au nom des jeux qui composent l'orgue : gemshorn, bourdon, unda maris, eoline, larigot, cromorne, septime, nazard, bombarde… (aux côtés de plus sages violon, quinte, flûte, clarinette, basson, hautbois, contrebasse…)</p><p>À la console (rien que le terme évoque le synthétiseur), Olivier Latry. Serendipity, qui a fait le déplacement exprès depuis la province, nous apprend qu'il s'agit d'une superstar de l'orgue, nommé titulaire à Notre-Dame de Paris à seulement 23 ans. Doublement profane, je fais <em>ah</em>, tandis que Palpatine en bonne groupie mondaine s'empresse d'aller faire signer son programme. Ledit programme mêlait transcriptions et œuvres composées directement pour l'orgue.</p><p><em>La Cathédrale engloutie</em> de Claude Debussy (transcription) : ça glougloute majestueusement.</p><p><em>Sicilienne</em> de Gabriel Fauré (transcription) : je me suis tournée toute surprise vers Palpatine : hé, mais je connais ! Quatre minutes seulement, mais rudement chouette.</p><p>Finale de la <em>Symphonie n° 4</em> de Louis Vierne : les notes s'entrechoquent et les phrases musicales se marchent dessus ; on hésite entre le métro tokyoïte aux heures de pointes et le déluge biblique.</p><p><em>Symphonie gothique</em> de Charles-Marie Widor : ça sonne gothique comme moi danseuse étoile, presque doux après le cataclysme de Vierne.</p><p><em>Prélude et Mort d'Isolde</em> de Richard Wagner (transcription) : ça aurait pu être méga-impressionnant si tous les tuberculeux de la salle n'avaient pas décidé de donner un concert de toux à ce moment-là.</p><p><em>Fantaisie de Fugue sur Ad nos, ad salutarem undam</em> de Franz Liszt : le plus long morceau du programme. En trente minutes, on a le temps de s'installer et de se laisser promener d'une pièce à l'autre : on ne sait jamais trop comment on est arrivé dans la dernière ni comment on a quitté la précédente, si bien qu'on n'est pris ni par surprise ni par l'ennui, c'est tout l'étonnant de la chose. En termes savants, il s'agit d'une œuvre "monothématique" : "cette rigueur de conception confère à l’œuvre une grande unité, et paradoxalement, Liszt en profite pour lâcher la bride de son imagination, dans une sorte de grande improvisation rapsodique" (Isabelle Rouard, note du programme). Particulièrement aimé les moments au creux de la vague sonore. Ça laisse rêver.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlUn château en Hongrietag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-01-30:30870972017-01-30T20:31:21+01:002017-01-30T20:31:21+01:00 Soirée hongroise sans Klari avec l'Ensemble intercontemporain et...
<p style="text-align: right;"><em>Soirée hongroise sans Klari avec l'Ensemble intercontemporain et l'orchestre du conservatoire de Paris</em></p><p>Lorsque la <em>San Francisco Polyphony</em> commence, on a l'impression d'entendre les instruments s'accorder dans la fosse avant un opéra - l'harmonie du chaos, que <strong>Ligeti</strong> compare à "différents objets jetés n'importe comment dans un tiroir ayant lui-même une forme précisément définie : le chaos règne à l'intérieur du tiroir, mais celui-ci est bien proportionné". Cela bruisse et tinte et s'écharpe, comme les breloque du mobile qui avait été installé l'été dernier (ou celui d'avant) dans le jardin des Tuileries (poule ou œuf : d'un coup, je vois tous les micros qui pendent à de longs fils immobiles au-dessus de la scène). Les ambiances sonores se succèdent par métamorphose : l'une est si aiguë que je dois me boucher les oreilles, mais plus tard les notes prennent la forme de bulles qui font éclater une conversation sous scaphandriers, et j'adore, j'ai une case de Tintin ; l'instant d'après, c'est une rumeur de marché ou de place publique dans une langue étrangère, et je vois bruire une foule de chapeaux chinois esquissés par Sempé. (Palpatine, lui, me soupçonne d'avoir été trop biberonnée à <em>Fantasia</em>.)</p><p><em>[Stèle] </em>de <strong>Kurtág</strong> débute par "d'audacieux <em>sol </em>en octaves" (dixit le programme) ; j'imagine que c'est la vague d'O qui commence comme chantée par un chœur et finit en sirène de fin du monde. Passé cela, je ne me souviens que de la main de la harpiste : suspendue doigts écartés contre les cordes, elle projette sur le cadre de l'instrument une ombre de film d'horreur.</p><p>Je dois faire le deuil, je crois, de mon premier <em>Château de Barbe-Bleu</em> de <strong>Bartók</strong>. Sans doute ne me retrouverai-je plus terrorisée-tétanisée-émerveillée, suspendue aux lèvres de Judith pour savoir <em>ce qu'il y a là</em> (ce qui se cache, ce qui se défend, ce qui se joue, ce qui se perd). Mais chaque représentation me fait découvrir un peu plus un peu mieux cet édifice trop sombre que la surprise rendait trop éclatant. À présent que j'en connais les pièces, il peut être re-visité. Samedi soir, le tour du propriétaire était assuré par John Relyea, un Barbe-Bleu si redoutable(ment terrifiant et séduisant) que j'en ai oublié de frémir pour sa Judith Michelle DeYoung : je n'ai vu que son château, <br />sa défiance initiale, crainte agressive, peur de se livrer, <br />sa fierté, aussi immense que ses domaines (comme la musique <em>parcourt</em> à ce moment-là !), <br />sa soif de puissance <br />et d'amour, sa reconnaissance envers Judith qui prend sur elle de faire la lumière sur, de ne pas être effrayée par, <br />et sa tristesse lorsqu'il sait déjà qu'elle ne sera pas capable d'entendre la réponse aux questions qu'elle lui a posées, auxquelles il a tenté par tous les moyens de ne pas répondre, pour l'épargner, mais c'est trop tard : elle a fait entrer tant de lumière qu'elle a mis au jour la nuit qui va l'enfermer. (Cette fois-ci, dans mes délires de mise en scène, j'imagine qu'un immense miroir* vient surplomber la scène pour transformer en astres ces épouses passées, qui auraient commencé à tourner sur elles-mêmes au moment où Barbe-Bleue les aurait nommées, et ne se seraient plus arrêtées ensuite, derviches tourneurs destin de Judith. Lumière noire, tissus phosphorescents.)<br />La beauté naît de la tristesse de Barbe-Bleue, une telle tristesse qu'il a lui, plutôt que ses anciennes épouses, rempli le lac de larmes où les bouts blancs des maillets viennent frissonner, l'un à côté de l'autre, l'un après l'autre, s'éloignant à chaque rebond-réplique de moindre amplitude (le mouvement du percussionniste dessine une vaguelette). Il y avait de quoi frissonner. </p><p>* Le même miroir qu'à la fin de <em>Proust ou les intermittences du cœur</em>.</p><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLa Claire Chazal du violontag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-12-09:30843752016-12-09T21:17:32+01:002016-12-09T21:17:32+01:00 Soirée bookée pour le programme, essentiellement français (minus Mozart)....
<div class="plateau last"><span class="composer">Soirée bookée pour le programme, essentiellement français (minus Mozart). Quand je demande à Palpatine pourquoi il ne l'a pas sélectionnée, il me fait une moue Bordeau Chesnel #NousNAvonsPasLesMêmesValeurs :</span></div><blockquote><div class="plateau last"><em><span class="composer">Non, mais c'est bien, il faut avoir entendu Anne-Sophie Mutter une fois dans sa vie. <br />… <br />Une fois.</span></em></div></blockquote><div class="plateau last"><span class="composer">Je</span><span class="composer"> retente avec @gohu, qui grimace sitôt le nom prononcé. De mieux en mieux. </span></div><div class="plateau last"><span class="composer">Je me plains de la flemme et des garçons auprès de @JoPrincesse qui me secoue aussitôt ; la violoniste l'a fait rêver toute son enfance : obligée j'y vais. </span></div><div class="plateau last"><span class="composer">Faudrait savoir. <br /></span></div><div class="plateau last"> </div><div class="plateau last"><span class="composer">Faudrait savoir, mais voilà, la soirée ne m'avance pas beaucoup. Autant Lambert Orkis, au piano, m'inspire une sympathie naturelle, autant je serais bien en peine de dire si j'apprécie ou non le jeu d'Anne-Sophie Mutter. Sébastien Currier,<em> Clockwork pour violon et piano</em>, puis <em>Sonate pour violon en </em>la<em> majeur</em> de Mozart. J'écoute sans déplaisir, mais sans grand plaisir non plus. Comme pas mal de choses ces derniers temps, j'y suis parce qu'il était prévu que j'y assiste. Je n'attends pas vraiment que cela se passe : je reste consciente à, je fais l'effort de, mais sans trop rien en penser ni ressentir. C'est une persévérance d'habitude : je mime mon moi passé, qui y prenait plaisir, en espérant que cela revienne, que quelque chose se passe, comme pour <em>Bella Figura</em>, pour que s'efface cette morne indifférence. Peur de devenir blasée. Peut-être juste fatiguée. La place que j'occupe n'aide pas : sur le petit nuage noir près de l'orgue, la musique n'enveloppe pas. Dire qu'il faut tendre l'oreille serait sûrement un brin exagéré, et pourtant, il y a quelque chose de cet ordre-là : il faut tendre son attention. <br /></span></div><div class="plateau last"> </div><div class="plateau last"><span class="composer">En me replaçant à l'orchestre, je gagne de nouveaux voisins, absolument charmants. Austères-chic, un accent que j'aurais pensé d'origine vaguement germanique s'ils ne déploraient l'absence de place pour les pieds en anglais. Surtout, ils sont aussi enthousiastes pour le concert que critiques envers la salle, c'est-à-dire très. Je ne sais pas vous, mais la compagnie de personnes qui apprécient un spectacle me le fait presque systématiquement apprécier davantage. Cela tombe bien, c'est aussi la partie du programme que j'attendais, avec deux sonates pour violon et piano, l'une de Maurice Ravel, l'autre de Francis Poulenc. Sur cette dernière, l'écoute imaginative se remet en place : je me retrouve dans un ascenseur qui débouche dans des couloirs aux allures très différente, hôtel ou polar-parking, ascenseur cage en verre aux arrêtes tranchantes, subrepticement colorées dans le mouvement, dans l'obscurité ; un coup de talon aiguille, le verre se brise toile d'araignée, et la vision brise là. Cela ne reprend pas avec l'<em>Introduction et Rondi capriccioso</em> de Camille Saint-Saëns, virtuose mais sur Stradivarius : cela va à tout crincrin*. </span></div><div class="plateau last"><div class="plateau last"> </div><div class="plateau last"><span class="composer">Au final, je n'ai pas compris pourquoi la soupe à la grimace quand on prononce le nom d'Anne-Sophie Mutter auprès des mélomanes de mon âge.</span></div><div class="plateau last"><span class="composer">Mais je n'ai pas non plus compris pourquoi le public en faisait tout un plat.<br /></span></div><div class="plateau last"><span class="composer">Peut-être parce que, contrairement à la question-suggestion de ma voisine, je ne suis pas violoniste, non, non, réponds-je avec un peu trop d'empressement, tant cela me paraît improbable-inatteignable. Je n'ai pas pensé à lui retourner l'interrogation, ni au peu de surprise que j'aurais eu si, lors d'un ballet, on m'avait demandé si j'étais danseuse…</span></div></div><div class="plateau last"> </div><div class="plateau last"><span class="composer">* Le jeu de mot hippique vient sûrement de la traîne de sa longue robe verte de sirène, attachée pile au milieu des deux fesses comme une queue de cheval (je ne reluque généralement pas le postérieur des artistes, mais c'était la vision que j'avais depuis ma place initiale).<br /></span></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlDutilleux dûment dansétag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-10-29:30822072016-10-29T11:33:00+02:002016-10-29T11:33:00+02:00 Après les ciné-concerts, la Philharmonie propose des concerts dansés. Cette...
<p>Après les ciné-concerts, la Philharmonie propose des concerts dansés. Cette programmation hybride, qui exploite l'aspect théâtral de l'espace, est sans doute plus adaptée que la musique seule, laquelle, dans cette prétendue cathédrale, ne me fait toujours pas vibrer. Enfin <a href="https://www.ft.com/content/585d8606-9a9a-11e6-8f9b-70e3cabccfae" target="_blank">adaptée</a>… si vous n'avez pas un siège de côté au niveau de l'arrière-scène, juste au-dessus des danseurs (je n'avais pas vu lors de le commande que le spectacle était dansé). Un replacement au premier rang du premier balcon nous a assuré une vue imprenable – hélas sur un spectacle guère prenant. </p><p><em>Theorically, I am ready to go to anything – once. If it moves, I'm interested; if it moves to music, I'm in love</em>, écrivait Arlene Groce, critique de danse au New Yorker, dont je lis actuellement un recueil. Je n'ai été qu'"intéressée" par le travail de Robert Swinston : à chorégraphier comme Cunningham, il traite la musique de Dutilleux comme si c'était du Cage. La grille rythmique sur laquelle il trace ses figures géométrique aplanit complètement la partition, et lorsque, par hasard ou par miracle, un mouvement colle à la tonalité de l'instant, la répétition assure qu'il tombe à côté à sa reprise. Comme pour Alban Richard, il y avait donc une raison pour laquelle je n'avais jamais entendu parler de Robert Swinston (même si le nom d'Anna Chirescu dans la liste des danseurs me laisse penser que j'ai dû apercevoir son travail dans le documentaire <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/12/05/comme-ils-respirent-3061678.html" target="_blank">Comme ils respirent</a>). </p><p>À la fin des <em>Métaboles</em>, j'étais dépitée et désolée d'avoir incité @phiriboff à récupérer la place de Palpatine. Heureusement, cela s'arrange (un peu) par la suite : on se débarrasse des académiques et les bustes commencent à onduler au lieu de n'être qu'un segment rigide reliant les membres, seuls à avoir le droit de s'articuler. Audace anti-moderne suprême : il y a de l'interaction voire, est-ce bien raisonnable, du contact entre les danseurs, notamment avec le coup classique, mais toujours efficace, du danseur-magnétiseur qui en aimante un autre-marionnette. Cela ne dure pas longtemps, mais fonctionne bien pour le <em>Mystère de l'instant</em>, où l'instant naît de notes comme aimantées, agglomérées en une brève durée avant de se disperser pour qu'un autre instant puisse émerger, sans que la discontinuité (vers la disparition dans le silence) entame la continuité (vers l'éternité du son immuable). Oubliant la danseuse qui se débat à côté de ce paradoxe, je repense à François Jullien : ce qui ouvre du présent, c'est le refus du report. Ce qui ouvre l'instant, ce sont les musiciens ou les pupitres qui sortent du silence pour entrer, débouler (bien plus que les danseurs) dans le jeu, dans l'instant. On y est.</p><p>Robert Swinston n'y est toujours pas, malgré de très bons danseurs. Dans <em>L'Arbre des songes</em>, je dérive vers mes souvenirs de <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/06/03/frankenstein-the-winter-s-tale-3074431.html" target="_blank"><em>The Winter's Tale</em></a> au gré des anticyclones projetés en fond de scène par Patrik André (après la mer, noire, de nuages, comme vue d'avion, échographie d'un monde mouvant). Partagée entre le désir de donner une chance à la danse et celui d'entendre tout le relief de la musique, j'erre entre les musiciens, à peine éclairés par les loupiotes au-dessus des partitions, et la scène qui attire le regard sans réussir à le captiver. Le concert aurait peut-être gagné à n'être pas chorégraphié : au final, on a davantage entendu la danse (en imagination et… lors des réceptions de saut dans des passages <em>piano</em>) que vu la musique…</p><p> </p><blockquote class="twitter-tweet" data-lang="en"><p dir="ltr" lang="fr"><a href="https://twitter.com/philharmonie">@philharmonie</a> avec <a href="https://twitter.com/grignotages">@grignotages</a> <a href="https://twitter.com/hashtag/Dutilleux?src=hash">#Dutilleux</a> <a href="https://t.co/6iIV2F32R9">pic.twitter.com/6iIV2F32R9</a></p>— @phiriboff (@Phiriboff) <a href="https://twitter.com/Phiriboff/status/790641226940878848">October 24, 2016</a></blockquote><script async="" src="//platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script><script async="" src="//platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlPaavo Järvi hüvastitag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-06-27:30758182016-06-27T22:40:27+02:002016-06-27T22:40:27+02:00 Autant, toute nouvelle auditrice de l'Orchestre de Paris, je m'étais sentie...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Autant, toute nouvelle auditrice de l'Orchestre de Paris, je m'étais sentie étrangère aux adieux de Christoph Eschenbach, autant je me sens liée à son successeur : Paavo Järvi, c'est six ans de concert, toute mon initiation musicale, les symphonies apprivoisées dans les forêts estoniennes, les steppes russes au char chostakovitchien, la mer debussienne, les miroitements des pupitres, le violon distingué de l'alto, le basson du contre-basson, le swing des contrebasses, la valse de la baguette, des solistes, des compositeurs… À l'écoute d'autres phalanges internationalement reconnues, je m'aperçois à quel point l'Orchestre de Paris de Paavo Järvi a façonné mes goûts naissants, m'a contaminée de son plaisir évident. Alors forcément, je suis un peu émue, un peu contrariée aussi, un peu <em>chose</em> du départ de mon <span style="font-style: normal;">toon</span> d'orchestre préféré, chef à ressort, à l'élégance un peu surannée du majordome qui danserait la valse comme personne s'il se laissait aller à… mais il s'en tient à son sempiternel sourire discret qui n'en pense, qui n'en danse pas moins, qui à vrai dire lui fait monter le rire aux yeux, comme d'autres le rouge aux joues, regard pétillant de celui qui a encore un bon tour à vous <span style="font-style: normal;">jouer</span><em>.</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-style: normal;">En l'occurrence, le bon tour, c'est de nous faire tomber un Mahler mastodonte au coin de l’œil, enclume toonesque dont on s'extrait en flageolant. </span><em>O Mensch !</em><span style="font-style: normal;"> Il faut la voix sublimissime<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a> de Michelle DeYoung pour sentir à nouveau l'air passer dans nos cages thoraciques reformées (j'ai toujours l'impression de traverser les symphonies de Maher en apnée). Bimm, bamm, bimm, bamm… le temps carillonne, joie ! Bimm, bamm, bimm, bamm… le métronome de nos heures, pour combien de temps encore ? L'angoisse se confond avec la beauté – morceau d'éternité qui ne dure pas : tel le toon en embuscade, Paavo Järvi nous esbaudit d'un coup de cymbales silencieuses, dernier mouvement toujours</span><em> ppp</em><span style="font-style: normal;">. Le spectateur qui venait, garde baissée, assister aux derniers instants d'une belle collaboration repart complètement sonné, un œil en spirale, l'autre en hashtag, aucun pour pleurer. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-style: normal;"> Seule concession lacrymale de la soirée : des yeux essuyés furtivement du dos de la main, dos au public, lorsque l'orchestre se met à jouer une </span><em>Valse lyrique<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a></em><span style="font-style: normal;"> de Sibelius de son propre chef – moment magnifique et terrible où Paavo Järvi est évincé dans le geste même de l'hommage. Parce qu'il l'a comme absorbé, l'orchestre n'a plus besoin de lui. Le conducteur éconduit prend acte de cet acte d'adoration-dévoration ; son bras se soulève et retombe : sommé d'abdiquer la direction, le geste embrasse la danse</span></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym"><br />1 </a>Laissez-moi me prendre pour ParisBroadway le temps d'un adjectif superlatif.<br /><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2 </a>Dixit <a href="http://www.resmusica.com/2016/06/23/mahler-et-paavo-jarvi-lapotheose-des-adieux/" target="_blank">ResMusica</a>. Le titre de cette chroniquette, quant à lui, est une traduction Google-gogole des « adieux » en estonien.</p></div><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlValses et vertigestag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-05-23:30736712016-05-23T22:01:00+02:002016-05-23T22:01:00+02:00 « Le vertige, c'est autre chose que la peur de tomber. C'est la voix...
<p><em>« Le vertige, c'est autre chose que la peur de tomber. C'est la voix du vide au dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi. »</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="RIGHT">Kundera</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans ses cours, Frederic Lazzarelli insiste sur la suspension du mouvement. Après le premier passage, il reprend chaque piqué arabesque ou relevé en quatrième devant pour nous inciter à tenir la position, à prolonger l'équilibre – il étire l'espace des deux mains, mimant une résistance imaginaire, avance le menton vers l'espace conquis : « C'est joli, quand c'est retenu… » Toujours la même nuance de désir et de regret dans la voix – voire d'agacement quand on lui donne l'impression de ne pas essayer : c'est parfois presque, jamais assez, souvent trop ; on glisse de la pause à la pose, qui interrompt le mouvement.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il en va de même avec Ainars Ribikis, qui dirigeait mercredi dernier l'Orchestre national d'Île-de-France dans un programme intitulé « Vertiges » et dédié à la valse : son souci de la suspension crée tantôt des tensions vertigineuses (s'il-vous-plaît, vite, ruons-nous dans ce vide sonore pour l'abolir), tantôt s'annule dans un moment d'absence (tiens, c'est vrai, on jouait à l'instant). Cela tient à presque rien, une attaque, une seconde, une milliseconde… Le chef force le silence comme il force l'admiration : d'une seule baguette, tenir les innombrables longes du quadrige orchestral, quel tour ! Et pourtant, je préfère lorsqu'il renonce à dompter la musique et se borne à tempérer son impétuosité, complice de l'ivresse qui l'entraîne (comme le maître d'un chien, traîné à bout de bras par celui-ci, qui se met à courir).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Cet élan, il est vrai, est plus ou moins présent dans l'écriture même de chaque pièce… et redoublé par l'affect : ce sont sans surprise les musiques sur lesquelles j'ai dansé (ou vu danser) qui me plaisent le plus. Savoir ce qui suit avive la sensation d'attente : on sait ce qui vient, on le désire, on le connaît <em>par cœur </em><span style="font-style: normal;">–</span> <span style="font-style: normal;">i</span>nstants jouissifs où le vertige le cède à la joie… où l'on cède au vertige dans la joie. La houle de la valse de Khatchatourian est ainsi indissociable des sauts de chat dont je l'ai parcourue, et du vertige de la scène suscité par le trou noir de son quatrième mur, obscurité que vous savez remplie de gens dont vous sentez la présence sans pouvoir les distinguer, masse prête à vous soutenir comme à vous écraser d'un désir aussi redoutable qu'attirant, que vous devinez, éblouis, enivrés, par les projecteurs, la musique et la caresse des regards qui vous parcourent (oui, la scène me manque). Nul besoin d'avoir fait de la scène pour retrouver tout cela, condensé, expansé, oxymorisé, dans la musique de Tchaïkovsky…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'intimité développée au contact répété de la musique la précède et la redouble ; il n'y a plus qu'à l'actualiser, à la faire sonner. A contrario, on n'entend généralement pas grand-chose à la première écoute, découverte d'un chemin dont on devine seulement si on voudra ou non le ré-emprunter. Je le voudrai assurément pour <em>La Valse </em>de Maurice Ravel, même si c'est une stupéfiante impasse : la musique recule et s'élance, s'arrête, repart en arrière, non pas sous la peur mais le frisson, la pulsion, le désir ! de se précipiter d'une falaise de toute la puissance de son être, à la rencontre de son anéantissement. (Silence fracassant, couvert par les applaudissements avant même d'avoir été entendu.) Je comprends que ce morceau a été placé en dernier <em>à cette fin </em><span style="font-style: normal;">: </span>la destruction grandiose constitue une meilleure clôture que (et la seule clôture possible à) la boucle infinie du désir. Il n'empêche : Ravel illustre ce que Khatchatourian me fait ressentir, et la valse de ce dernier, plus enivrante, emporte dans ma mémoire le reste du concert, qui s'oublie, plus léger, dans un plaisant souvenir, plus tourbillonnant que vertigineux.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><ul><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Hector Berlioz / Carl Maria von Weber, <em>Invitation à la valse </em></p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Piotr Ilitch Tchaïkovski, <em>Concerto pour violon (extrait du deuxième mouvement) & Méditation</em></p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Fritz Kreisler, <em>Liebsleid</em></p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Piotr Ilitch Tchaïkovski, <em>Deuxième solo du Lac des cygnes & Valse sentimentale</em></p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Jean Sibelius, <em>Valse triste</em></p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Frédéric Chopin / Igor Stravinski, <em>Nocturne op. 32 n°2 & Grande Valse brillante op.18</em></p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Aram Khatchatourian, <em>Valse (extraite de Mascarade)</em></p></li><li><p>Maurice Ravel, <em>La Valse</em></p></li></ul><p style="margin-bottom: 0cm;">Toutes les parties solo de violon étaient interprétées par Alexandra Soumm, mi-<em>girl next door</em>mi-sirène égyptienne des temps modernes, qui joue avec une modestie et un entrain délicieux ! Sa simplicité a failli me la faire oublier ; je peux heureusement compter sur <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2016/05/23/valsons" target="_blank">Palpatine</a> pour réparer cette injustice en insistant sur le fait qu'elle et sa robe dorée ont illuminé la soirée. J'aurais aimé que toute la salle se mette à chanter <a href="https://twitter.com/AlexandraSoumm/status/733294871440723968" target="_blank">lorsque l'orchestre a entamé un « joyeux anniversaire » pour ses 27 ans… </a></p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlWagner es-tu là ?tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-05-14:30728532016-05-14T10:31:00+02:002016-05-14T10:31:00+02:00 Voldemort n'était pas très en forme – oui, je trouve que Christoph...
<p>Voldemort n'était pas très en forme – oui, je trouve que Christoph Eschenbach a des airs de Voldemort et, à en juger par une conversation attrapée au vol dans les escaliers de la Philharmonie, je ne suis pas la seule. Les forces du mal n'étaient pas déchaînées, c'est le moins que l'on puisse dire. Plutôt sous Prozac : le prélude de <em>Tristan et Isolde</em> s'approche mollement de Thanatos en inhibant Éros. Cela s'arrange un peu lorsque Matthias Goerne se met à chanter, mais pas suffisamment pour nous entraîner dans la superbe de la partition maniaco-dépressive. Le baryton enchaîne sur le monologue du hollandais volant : le vaisseau fantôme est là, au milieu d'immenses vagues qui se terminent en rouleaux-bras de fauteuil, prêtes à frapper du poing le navire… qui, du second balcon, ressemble à une maquette malmenée dans la sombre piscine du Titanic – naufrage, clapotis. Le roi Marke hollandais se réincarne en Wotan (la preuve de l'existence de Dieu Goerne, vous dira Palpatine) et me voilà avec l'envie d'écouter <em>La Walkyrie</em>, avec ses abeilles et des lames étrangement scintillantes. Le soufflet des altistes, qui s'activent du coude à l'unisson, ne suffira malheureusement pas à enflammer une braise tout juste ardente.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je tanne Palpatine pour partir à l'entracte, sans succès. Ce qui devait arriver arriva : je me suis ennuyée comme un rat mort pendant la <em>Symphonie n° 2</em> de Brahms. L'apogée a été de somnoler contre l'épaule de Palpatine, son bras passé autour de moi, ses doigts dirigeant sur mes côtelettes. Comme toute apogée, néanmoins, elle a été de courte durée ; j'ai dû me redresser avant qu'il n'ait plus de sang dans le bras. « Il y a tant de mélodies qui volettent ici et là qu'il faut faire attention de ne pas marcher dessus », dixit le programma, citant le compositeur lui-même. J'ai vérifié si je n'avais pas marché dedans, mais rien sous mes semelles ; j'ai carrément dû m'asseoir dessus.</p><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlSelig sind…tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-04-01:30697982016-04-01T17:39:13+02:002016-04-01T17:39:13+02:00 Selig sind… Les premières mesures du Requiem de Brahms sont d'une...
<p><em>Selig sind…</em> Les premières mesures du <em>Requiem</em> de Brahms sont d'une douceur infinie<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a>. Les échos qui naissent de-ci de-là dans le chœur n'ont rien de canons ; ils participent d'un scintillement, continu, délicat, à peine perceptible, comme la lumière qui se reflète sur le haut noir pailleté asymétrique de l'une des choristes. Voilà, c'est foutu, je ne peux plus détester Brahms. Foutu pour foutu, autant apprécier la suite : je m'y emploie en laissant une mini-jubilation monter à coup de timbales – éruption de <em>Blume,</em> pâquerettes éparses – qui n'explosera pas, faute à un en-cas trop léger<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a> et à l'acoustique de la Philharmonie, qui produit un son pur plus admirable qu'émouvant<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc"><sup>3</sup></a>. L'âme s'égare dans la nostalgie de l'au-delà, oubliant de revenir s'incarner, apaisée, ici bas.</p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym"><br />1 </a>On devrait le faire écouter à tous ceux qui, n'ayant jamais entendu d'allemand que dans les films de guerre sur Arte, imaginent que c'est une langue abrupte.<br /><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2 </a>Au milieu des archets… un yaourt géant… et au milieu des demeures de Dieu… un flan coco-chocolat, oh oui, <em>selig sind</em> ceux qui ont mangé un flan coco-chocolat.<br /><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3 </a>Pour le parterre, où je m'étais replacée avec Palpatine. « Tu avais l'impression d'être face à 80 personnes, toi ? ».</p></div><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlRequiem de bonne annéetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-01-15:30644252016-01-15T21:28:30+01:002016-01-15T21:28:30+01:00 Premier concert de l'année et retour à la Philharmonie après deux mois off....
<p>Premier concert de l'année et retour à la Philharmonie après deux mois off. Je ne suis pas vraiment sûre d'avoir entendu le <em>Concerto pour piano n° 19 </em>de Mozart ; j'ai surtout senti la musique se glisser dans mon corps et fluidifier ma pensée, passer à vive allure là où je m'attardais, entraînant des idées cent fois parcourues dans son flux, les faisant jaillir et disparaître sans qu'elles aient plus le temps de faire de nœuds. Reposant.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Cela tombe bien, c'est le sujet. Je ne sais pas si je m'étais jamais fait la réflexion que <em>requiem</em> vient de <em>requies, requietis</em>, le repos en latin. Je mets un temps infini à retrouver ma troisième déclinaison ; quel en est le modèle, déjà ? Grâce au livret récupéré à l'entracte, je fais une heure de petit latin. Six ans après la khâgne, je suis tellement rouillée que même avec du latin <strike>de cuisine</strike> de messe, je me trompe dans les structures grammaticales. Peu importe. Petite joie de rencontrer <em>olim</em> <span style="font-style: normal;">(autrefois) </span>dans l'offertoire : j'adore ce mot, qui semble nicher tout un monde passé dans une olive. Petite moue adressées aux brebis, <em>oves</em>, qui m'auront coûté un point au bac : je les avais confondues avec des moutons, je crois, ou des chèvres, allez savoir. Petit dédain aussi pour la prononciation des <em>c</em> qui se fait à l'italienne (<em>ss </em>et non <em>k</em><span style="font-style: normal;">), alors que les </span><em>v</em><span style="font-style: normal;"> sont bien prononcés comme le </span><em>w</em><span style="font-style: normal;"> de </span><em>what</em><span style="font-style: normal;"> (oui, je suis ignare en signes phonétiques) ; je croyais que cela allait de paire. Petite promenade en terrain passé, en somme. Si l'on ne se soucie pas trop d'avoir perdu en maîtrise, il y a un plaisir certain à retrouver ce que l'on a su. Ou dansé. J'avais oublié que le </span><em>Lacrimosa</em><span style="font-style: normal;"> s'inscrivait dans le </span><em>Requiem</em><span style="font-style: normal;">, mais j'en connais chaque souffle, chaque arabesque (plongée), le bras qui balaye le sol au début, le pied qui s'écarte sur le </span><em>mmm</em><span style="font-style: normal;"> et les bras qui montent en même temps que la demi-pointe sur le </span><em>en</em><span style="font-style: normal;"> d'</span><em>Amen</em><span style="font-style: normal;">. Danser ces pleurs en groupe avait quelque chose de galvanisant, et même de plus fort que le </span><em>Dies irae</em><span style="font-style: normal;">. Repris en bis, celui-ci troque le repos promis contre l'intranquilité. Un peu dommage sachant qu'à la Philharmonie, les chœurs bercent davantage qu'ils ne font trembler. La beauté y est toujours exempte de ce grain de voix, de cette vibration, qui, s'insinuant en vous, vous colle des frissons. Et pourtant, c'était l'Orchestre de Paris… Soupir d'aise ou de résignation, tant pis, je ne trancherai pas. </span></p><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlCiné-concert sine cinétag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-11-23:30608032015-11-23T22:28:34+01:002015-11-23T22:28:34+01:00 Alexandre Desplat ? Le nom ne me disait rien, et pourtant, le programme...
<p>Alexandre Desplat ? Le nom ne me disait rien, et pourtant, le programme me révèle que j'ai vu nombre des films pour lesquels il a composé : sept sur les douze prévus pour la soirée (une bonne moyenne pour la médiocre cinéphile que je suis et, encore plus, que j'ai été). <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2008/07/20/la-jeune-fille-a-la-perle.html" target="_blank">La Jeune Fille à la perle</a>, <em>The Queen</em>, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/01/23/retour-rapide.html" target="_blank">The Ghost Writer</a>, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/07/02/imitation-game-3051129.html" target="_blank">Imitation game</a>, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/04/01/monsieur-gustave-3000180.html" target="_blank">The Grand Budapest Hotel</a>, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/07/26/hp-7-2.html#more" target="_blank">Harry Potter et les reliques de la mort</a>, <em>Le Discours d'un roi</em>… que des bons films. Et pas un dont je puisse chantonner la musique (c'est John Williams qui me vient en tête quand je pense à Harry Potter). Pourtant <em>La Jeune fille à la perle</em> ou <em>The Ghost Writer</em> reposent essentiellement sur une ambiance, lumineuse et sensuelle pour celui-là, dense et tendue pour celui-ci. C'est même ce qui continue à me faire dire que <em>The Ghost Writer</em> est un bon film alors même que je ne me souviens plus du tout des tenants et aboutissants de l'intrigue. Or la musique joue pour beaucoup dans ce que l'on désigne sous le terme vague d'ambiance. Alexandra Desplat doit donc être un bon compositeur de musique de film. Très bon, même. Trop bon, en tous cas, pour être joué en concert : il s'adapte si bien à la spécificité de chaque film que, sans ce film, la musique tombe… oui, désolée… à plat. Pleine de harpe, de célesta et de flûte, elle est du genre à vous faire remarquer les lumières de secours sur les escaliers de la salle, que l'on imaginerait bien s'allumer aléatoirement comme dans l'effort de scruter un ciel étoilé pour y repérer des constellations.</p><p>Cela viendrait-il à l'idée de quelqu'un de présenter une variation de <em>Casse-Noisette</em> sans la musique de Tchaïkovsky ? La dépendance est de cet ordre-là. Les images projetées pour certains extraits soulignent cette dépendance plus qu'elles ne la prennent en compte : il ne s'agit pas, en effet, des passages accompagnés par la musique dans le film, mais de montages qui réussissent l'exploit, outre de comporter moult spoilers, de ne pas coller au rythme (plus d'une fois les images s'arrêtent avant que l'orchestre ait fini – c'est particulièrement dommage pour <em>Godzilla</em>, où l'explosion de cymbales arrive après le champignon nucléaire). Au cas où on aurait encore un doute, voici la preuve que la bande-annonce est tout un art.</p><p>C'est bon, mais bon comme un sandwich : les garnitures ont beau être différentes, après un sandwich jambon-beurre, un sandwich thon-crudités, un sandwich au fromage, un sandwich au saucisson et un sandwich poulet-crudités, tout ce qu'on retient, c'est qu'on a avalé beaucoup de sandwichs et, même si individuellement, ils sont fort bons, on mangerait bien autre chose. Ou rien. Parce qu'il faut bien l'avouer, on est un peu gavé. Mais la prochaine fois, sans faute, au ciné.</p><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlPoint d'orguetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-10-30:30588422015-10-30T12:38:49+01:002015-10-30T12:38:49+01:00 L'orgue, un instrument noble et leste qui invite à la componction ? Si c'est...
<p>L'orgue, un instrument noble et leste qui invite à la componction ? Si c'est aussi l'image que vous vous en faites, je vous invite<a href="http://live.philharmoniedeparis.fr/concert/1041860/orchestre-de-paris.html" target="_blank"> à écouter </a>l'improvisation dans laquelle Thierry Escaich s'est lancé mercredi pour inaugurer l'orgue de la Philharmonie. C'est avant tout une affaire de tuyauterie et, quand on entend les boyaux de Dieu gargouiller, la majesté divine en prend un coup. Du coup, exit la colère divine, place à : un concert de bouilloires dans une navette spatiale, avec locomotive et corne de brume comme artistes invités ; un enterrement sous-marin de petite sirène retrouvée pendue à une branche de corail ; Batman sous les voûtes d'une église ; la silhouette distante des Ménines, démultipliée, dévalant et grimpant les escaliers non-euclidiens d'un jeu vidéo, et de gros ordinateurs IBM des années 1970 en pleine dispute philosophique (ou bien en train de parier au PMU, allez savoir)(à moins que ce ne soient des parties simultanées de tic-tac-toe, d'échec et de bataille navale).</p><p>L'orchestre entre et décide de plutôt jouer à <em>Où est Tamestit ?</em> Sans sans pull ni bonnet rayé rouge et blanc, c'est vachement plus dur qu'avec Charlie. Du coup, Paavo Järvi s'apprête à commencer le concerto pour alto de Jörg Widmann sans altiste solo, quand un choc sourd retentit, suivi d'un bruit de fermeture éclair. On va pouvoir commencer, oui ou non ? Le choc sourd se fait de nouveau entendre et, alors que je me dis que, quand même, c'est un peu fort de café, Antoine Tamestit surgit de derrière les deux harpes. C'était donc lui qui… (coup d’œil au programme)… oui, oui, c'est lui qui fait des percussions <em>sur un Stradivarius</em> ! J'ai à peine le temps de m'en remettre qu'il joue du banjo avec - pizzicati mon œil. Il n'arrête pas de bouger, circule entre les différents pupitres, figurés et littéraux, ilots de musiciens et suppôts de partition. Les sons surgissent d'un peu partout - puis soudain de nulle part. Dans le doute, certains comment à applaudir - ceux qui, comme moi, ont perdu Charlie-Tamestit de vue et n'ont rien vu. A force de jouer à la guitare électrique, ce qui devait arriver arriva : une corde cassa. Le concerto, à peu près aussi concertant que concordant les temps de ce paragraphe, s'interrompt, le chef attend, les mains se portent au menton, le public gronde de murmures : où est Tamestit ? Au bout de quelques instants, il revient, échange quelques mots, de dos, avec le chef et va se placer, tout le monde prêt à reprendre comme si de rien n'était. Sur le signe du chef, la mesure de reprise se répand comme la bonne nouvelle, là, là, on y est... mais l'altiste fait signe de rembobiner : nouveau conciliabule de sourds-muets. Les pages des partitions se tournent de droite à gauche et enfin, au grand <span style="text-decoration: line-through;">dépit</span> soulagement de tous, le concerto reprend et se déroule sans encombre (sinon sans ennui) jusqu'à la fin. Aux saluts, le compositeur serre dans ses bras le soliste, le chef et le violon solo avec une vigueur que l'on réserverait à des compagnons d'arme. Mais à la guerre comme à la guerre ; si Antoine Tamestit ne lui a pas sauvé la vie, il lui a peut-être sauvé la mise, déclenchant des applaudissements qui n'auraient peut-être pas été aussi nourris si le concert s'était déroulé sans anicroche. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela fut laborieux.</p><p>Point d'orgue de cette soirée : la <em>Symphonie n° 3</em> de Camille Saint-Saëns que j'écoutais en concert pour la troisième fois, je crois. Petite pensée pour Joël, qui a dû pas mal se boucher les oreilles en étant à l'arrière-scène. Du second balcon de face, en revanche, le niveau sonore est parfait ; on sent même les vibrations (enfin !). Pourtant, je vibre à peine. Comme anesthésiée esthétiquement depuis le début de la saison, je commence à me demander sérieusement si la fatigue ne me rendrait pas un peu frigide de l'oreille…</p><p style="text-align: right;"> Mit Palpatine, placé à l'étage du dessous, avec qui on a échangé quelques regards synchronisés aux moments-clé (genre l'entrée de Lola, saluée par un cri muet, les mains en porte-voix). Je ne sais pas si je nous trouve adorables ou irrécupérables.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlQuille jazzytag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-06-28:30508482015-06-28T14:34:08+02:002015-06-28T14:34:08+02:00 Pour le dernier concert de la saison, l'Orchestre de Paris a concocté une...
<p>Pour le dernier concert de la saison, l'Orchestre de Paris a concocté une soirée qui ressemble aux derniers cours de l'année à l'école : on est encore là, mais on ne tient plus en place et on s'amuse déjà en se projetant ailleurs. Aux États-Unis, en l'occurrence, même si en partie rêvés à partir de l'Europe et de la Russie. C'est parti pour une thématique jazzy.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Sur les quais, suite symphonique</em> rappelle d'emblée que Bernstein est le compositeur de <em>West Side Story</em> : on sent l'action, le mouvement, de la caméra, presque. Un précipité de percussion : nous voilà cavalant sur les conteneurs entreposés aux abords du port. Un cor : la brume visible de loin en loin sous les lampadaires solitaires. Une mélodie à la flûte : c'est le cœur qui s'emporte. Explosion de percussion : n'y aurait-il pas une rixe ? Coups de cymbales : le héros n'est-il pas héroïque ? On est comme au cinéma. Un peu trop même, puisque l'équipe de Mezzo (ai-je cru comprendre) a endossé le rôle du mangeur de pop-corn, avec des allées et venues à l'arrière du parterre où je m'étais replacée (au premier balcon de côté, tout est déformé) et des messes pas si basses. Dommage.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour <em>Busking, concerto pour trompette, accordéon, banjo et orchestre à cordes</em>, Serendipity et moi sommes rejoints par le percussionniste et deux violonistes de l'orchestre : j'échange un grand sourire avec l'un et partage la perplexité de l'autre. Le concerto de Gruber a quelque chose d'informe, comme si la musique était perpétuellement dilatée dans le soufflet d'un accordéon. Ces étirements sans élasticité m'ont toujours rebutée dans le jazz, que je n'apprécie que sous forme d'influence, <em>jazzy </em>moins big band que cabaret.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Un replacement au balcon permet d'apprécier <em>Rhapsody in blue</em>. L'ami russe, à ma droite, dirige de la main gauche, tandis que Palpatine, à ma gauche, pianote de la main droite sur mon genou. En bas, Fazil Say nous agace de ses rythmes entrechoqués : il ralentit à l'extrême, retarde la suite que l'on connaît, que l'on veut, et lorsqu'on n'en peut plus, ses doigts passent en trombe ; pris de vitesse, on ne voit pas passer les notes désirées, elles nous ont devancés et culbutés en passant, on dégringole avec elles sur les fesses, en riant, jusqu'à la prochaine montée de plaisir. Jouer de notre attente, ça, c'est de la musicalité !</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je me demandais pourquoi l'on ne finissait pas la soirée par Gershwin et puis les <em>Suites pour orchestre de jazz </em>de Chostakovitch sont arrivées. Aux début de la première valse, l'ami russe tend une main flex : « Non, ce n'est pas la bonne. » Les premières mesures sont effectivement trompeuses et il faut attendre la deuxième valse pour que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0N8B0Sf2UPc" target="_blank">le gamin de la CNP</a> se mette à traverser la vie avec son violon. Si l'on en croit cette entrée au répertoire de l'Orchestre de Paris, les <em>Suites pour orchestre de jazz</em> sont aussi connues que rarement jouées en concert. J'espère qu'elles seront souvent reprises, parce que c'est vraiment un énorme plaisir de sentir les cordes ronfler et nous transporter des États-Unis en Russie en deux voyages d'archet. Sans compter qu'il me faudra quelques écoutes supplémentaires pour emboîter le pas au musicien dans la marche, le foxtrot et la polka. Si j'avais été à la place des spectateurs assis <em>par terre</em> au parterre (la Philharmonie a voulu la jouer façon Albert Hall), je n'aurais pas résisté à la tentation de me lever pour danser.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pas de bal mais une révérence pour la violoncelliste Jeanine Tétard, qui part à la retraite (pour l'occasion, le hérisson a échangé sa place avec elle, il me semble, et s'est retrouvé à côté d'une Delphine Biron plus enthousiaste que jamais). C'est avec un gros bouquet de fleurs à ses pieds que la violoncelliste a pour cette fois encore fait corps avec l'orchestre, pour un bis dont je n'ai plus le nom mais que j'ai mis un long moment à arrêter de fredonner.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlChaud au chœurtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-06-21:30503882015-06-21T23:11:00+02:002015-06-21T23:11:00+02:00 Concert du jeudi 18 juin Vadim Repin ayant annulé sa participation au...
<p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Concert du jeudi 18 juin</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Vadim Repin ayant annulé sa participation au <em><strong>Concerto pour violon n° 2</strong></em><strong> de Chostakovitch</strong>, les deux premiers violons de l'Orchestre de Paris se sont retrouvés sur scène en même temps : Roland Daugareil à son poste habituel, Philippe Aïche sur le devant de la scène (je ne sais pas pourquoi, j'aurais imaginé l'inverse). Le manque de grinçant russe se fait sentir – puis peu à peu oublier, avec un deuxième mouvement déjà plus tord-boyaux. C'est curieux, tout de même, cette impression que quelque chose résiste et, que si bon que soit un artiste, s'il n'a pas été élevé dans la culture propre à une œuvre, celle-ci lui restera toujours plus ou moins <em>étrangère.</em> L'universalisme en prend un coup.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Heureusement, il y a la joie, cette joie dont le « pouvoir d'enchantement » rassemble « ce que les mœurs ont cruellement séparé ». Le poème de Schiller est entonné à la fin par quatre chanteurs et repris par le chœur, mais c'est toute <strong>la symphonie de Beethoven</strong> qui est une ode à la joie. La puissance qui s'en dégage en fait quelque chose de bien plus profond qu'une envolée d'allégresse. La joie est grave, ancrée comme la jambe de terre dans un équilibre : plus le danseur l'enfonce dans le sol, plus l'autre jambe peut grimper, allégée, allègre. Les chants, les cris de joie, <em>Freude ! </em>ne sont rien par rapport à la force intérieure qui provoque leur jaillissement<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>. Contrebasses et violoncelles nous font une <em>joie profonde</em>, qu'exaltent le chœur, incroyable, et les solistes, parmi lesquels Matthias Goerne, à l'intervention aussi brève qu'émouvante. <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/06/14/de-dusapin-et-durufle-3049803.html" target="_blank">Brahms</a> et maintenant Beethoven : je vais devoir refaire le tour de mes préjugés musicaux, pour réhabiliter ceux que j'ai trop promptement écarté à l'aune d'un estomac anémié.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"><br />1</a> Et quel rythme ! Les chanteurs du chœur n'ont rien à envier à des chanteurs de rap.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlBeauté de l'apaisementtag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-06-14:30498092015-06-14T14:33:29+02:002015-06-14T14:33:29+02:00 En ouverture, Laurence Equilbey prend le micro pour expliquer que Dvořák a...
<p>En ouverture, Laurence Equilbey prend le micro pour expliquer que Dvořák a composé son <em>Stabat Mater</em> après avoir perdu trois enfants coup sur coup, et souhaiter aux personnes qui auraient connu des tragédies que cette musique puisse leur apporter consolation et réconfort. Dans le confort de ma vie sans problème, l'apaisement est simple quiétude. Résistant à une douce somnolence, je remarque que le rythme de tout un passage épouse la respiration d'une poitrine qui a cessé de hoqueter et laisse désormais les larmes couler paisiblement, deux soupirs répondant à une lente inspiration<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Baignée dans ces pleurs qui ne sont pas les miens puis dans la lumière dorée du final, cuivres et soleil couchant, je me rappelle que je suis heureuse d'être vivante et, plus encore, de l'être parmi ceux qui le sont avec moi. J'ignore si la beauté peut apaiser le chagrin d'un deuil, mais elle console d'être soi-même mortel : du moins cette beauté-là l'aura-t-on vécue, ensemble.</p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"><br />1</a> À moins que ce ne soient deux brèves inspirations répondant à un profond soupir. Le début et la fin reprenant le même rythme, on peut imaginer par le passage de cette respiration-ci à celle-là l'apaisement progressif de la douleur. Dans le programme, cela devient « un mètre ternaire, un rien dansant, qui produit un balancement cyclique, doux et enivrant comme l'écoulement des larmes » (Marianne Frippiat).</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlDandinera bien qui dandinera le derniertag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-06-05:30491042015-06-05T22:38:00+02:002015-06-05T22:38:00+02:00 Concert du mercredi 3 juin Chaque mouvement des Escales d'Ibert nous...
<p style="text-align: right;">Concert du mercredi 3 juin</p><p>Chaque mouvement des <em>Escales</em> d'Ibert nous débarque ailleurs. Mais le programme se trompe : après Rome et Palerme, ce n'est pas la Tunisie, c'est l'Inde. Les premières mesures nous plongent en plein <em>Livre de la jungle</em>. Mais où est Bagheera ? Je cherche la panthère dans l'orchestre, au travers des archets-feuilles de bananiers ; je l'entends ondoyer mais ne parvient pas à la repérer : le clarinettiste n'a pas l'instrument à sa bouche, la flûte est au repos, les cors sont trop graves... et d'un coup, j'aperçois le fourbe hautbois qui, avec son minuscule embout, paraissait éloigné des lèvres du musicien. Bagheera, c'est le hautbois ! Il me semble que Klari avait parlé de chaton qu'on égorge au fond des bois à son propos<sup><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym">1</a></sup>, mais je n'imaginais pas que ce chaton pût devenir un fauve, dans une forêt tropicale. Le hautbois, Bagheera ! Après cela, je ne m'étonne même plus que le chef d'orchestre, débarqué à Valence dans le troisième mouvement, avance pieds et bassin comme un danseur de flamenco.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le précipité transatlantique nous dépose à New York pour le <em>Concerto pour piano en </em>fa<em> majeur</em>. Je ne sais pas si c'est le soliste, Jorge Luis Prats, ou le rythme tenu par le chef d'orchestre, Yutaka Sado, mais je n'ai pas cette irrésistible envie de me dandiner sur mon siège que me déclenche normalement Gershwin. Trop lent ? Ou si rapide que disparaissent les moments de suspension qui vous font sentir des pics vertigineux et vous précipitent aussitôt, quatre à quatre, dans les escaliers de secours des façades new-yorkaises ? Trop rapide ou trop lent ? Je ne parviens même pas à me décider entre les deux extrêmes, qui se rejoignent d'une curieuse manière. Sur le moment, je soupçonne le chef d'avoir dirigé <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/10/15/i-got-rhythm-and-lost-it-3019363.html" target="_blank">le <em>Roméo et Juliette</em> obèse de l'année dernière</a>, à Pleyel ; en réalité, il y a <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/06/22/un-cygne-de-la-main-3009176.html" target="_blank">essoré <em>Le Lac des cygnes</em></a> à grande vitesse !</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les bis que le pianiste nous ressert (<em>juste un fond</em>, indique-t-il du pouce et de l'index) ne m'enivrent pas plus que ça, mais ils rendent le sexy bassoniste fort gai et c'est un plaisir d'observer ses fossettes se creuser, ses doigts<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a> tambouriner sur ses bras croisés, et sa tête partir de droite et de gauche, aspirée vers les sommets.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Est-ce la bassonophilie ? le morceau de gâteau au chocolat préparé par <a href="https://twitter.com/ArianeVillette%20" target="_blank">@ArianeVillette</a>, à l'entracte ? la partition bien connue ? Stravinski n'a eu qu'à tirer les ficelles de <em>Petrouchka</em> pour que je me mette à me dandiner, telle la ballerine mécanique, sur mon nouveau siège (replacée du 10e au 8e rang de parterre, j'ai eu confirmation de ce que l'accoustique-<em>extraaaaooooordinaire</em>-de-la-Philharmonie vaut jusqu'audit 8e rang, au-delà duquel il ne faut plus espérer vibrer – du moins pas au sens propre). Les musiciens, disposés comme dans un amphithéâtre, bien étagés, sont tous visibles, même les vents, et c'est un véritable plaisir de <em>suivre</em> la partition, d'entendre les instruments se répondre sous nos yeux, animant le pantin. J'ai beau connaître le ballet, je me suis laissée surprendre par la fin : comment ça, déjà fini ?<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"><br />1</a> Alors en fait, non, j'ai juste <a href="http://www.klariscope.com/2011/03/francoix-leleux-coe-dijon.html" target="_blank">tout mélangé</a>.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2</a> Ses mains, non mais ses mains ! A la fois puissantes et fines, elles me rendent folles.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlBeauté du lied funestetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-06-04:30489912015-06-04T22:10:00+02:002015-06-04T22:10:00+02:00 Je ne me souviens plus trop de cette Mer -là, déjà lointaine, sinon que mon...
<p>Je ne me souviens plus trop de cette <em>Mer</em>-là, déjà lointaine, sinon que mon voisin de derrière la trouvait un peu inférieure à d'autres écoutes. Si je laisse ma mémoire et mes trous de mémoire seuls juges, peut-être n'était-je pas totalement en désaccord<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>. Je me souviens aussi avoir été moins exaltée qu'Hugo par les <em>Tableaux d'une exposition</em> de Moussorgski : peut-être étais-je seulement un peu fatiguée<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Entre les deux, il y a des lieder de Mahler chantés par Matthias Goerne, que je suis sur le livret emprunté à ma voisine sans chercher à savoir si elle est bilingue, si elle s'en fout ou si elle partage la fascination de <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2015/06/01/Dieu-Lola" target="_blank">Palpatine</a>, qui pourrait écouter le baryton lui chanter le bottin et en être tout aussi ravi. Demeure tout de même une légère différence entre un truc pas gai et des yeux qui disent « Regarde-nous bien, car nous serons bientôt loin<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote3anc" href="#sdfootnote3sym"><sup>3</sup></a> ! » (évidemment que les yeux parlent ; vous n'avez jamais entendu parler de l'éloquence du regard ?) ou un enfant qui meure de faim pendant que sa mère prépare le pain<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote4anc" href="#sdfootnote4sym"><sup>4</sup></a>. Heureusement qu'il y a dans le lot un soldat pour affronter cette thématique funeste à coups de <em>trallali, trallaley, trallalera<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote5anc" href="#sdfootnote5sym"><sup>5</sup></a></em>. Trallalera et le public applaudira.<br /><br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"><br />1</a> Mais nous sommes d'accord : voguer sur du Debussy en compagnie de l'Orchestre de Paris reste un plaisir.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2</a> Jet-laguée depuis San Francisco.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote3sym" href="#sdfootnote3anc">3</a> « Sieh uns nur an, denn bald sind wir dir ferne ! », en allemand dans le texte, extrait de « Nun seh ich wohl, warum so dunkle Flammen », <em>Die Kindertotenlieder</em>.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote4sym" href="#sdfootnote4anc">4</a> « Das irdische Leben », <em>Des Knaben Wunderhorn</em>.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote5sym" href="#sdfootnote5anc">5</a> « Revelge », <em>Des Knaben Wunderhorn</em>.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlCosmopolitisme new-yorkaistag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-04-27:30439062015-04-27T23:05:00+02:002015-04-27T23:05:00+02:00 La Perse, la Russie, Vienne et le Bronx... le New York Philharmonic nous...
<p>La Perse, la Russie, Vienne et le Bronx... le New York Philharmonic nous aura tout fait.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">J'aime beaucoup <strong>Esa-Pekka Salonen</strong> à la direction ; il semblerait que cela soit également le cas à la composition. Pour son <strong><em>Nyx</em></strong>, j'ouvre grand les oreilles comme on ouvre grand les yeux dans le noir. A cause de l'homophonie avec le <em>ptyx</em> de Mallarmé, je me mets à imaginer un <em>aboli bibelot d'inanité sonore</em> posé dans le noir sur le manteau d'une cheminée ; la musique rôde autour, dans la pièce endormie, comme un chat qui se faufile entre des objets qu'il n'est pas censé côtoyer ; quelques notes dégringolent, patatra, et c'est la présence d'un escalier qui est révélée, au fond de la pièce, saturée de présence et d'obscurité au point qu'on se demande qui l'on aurait bien pu réveiller, qui n'aurait pas choisi de veiller pour entendre ce qui allait arriver.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La <strong><em>Shéhérazade</em></strong> de Joyce DiDonato ne m'aurait pas fait tenir 1001 nuits. Passée l' « Asie » initiale, sa diction devient du chinois – ou du persan, si vous préférez. J'ai beau m'être replacée au parterre en contrebande avec Palpatine (tout au fond, certes), sa voix me parvient mais ne me touche pas ; la découverte de cette mezzo-soprano aurait mérité une autre salle. À défaut d'avoir senti son grain de voix, j'aurai été témoin de sa générosité envers le public parisien, qu'elle salue d'un beau <em>Morgen</em> straussien en bis.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Après l'entracte, je me rassois à ma place usurpée et m'en fais déloger à la dernière seconde par son propriétaire légitime. C'est le jeu des chaises musicales : j'ai joué, j'ai perdu. Ce que j'ignorais, c'est que le propriétaire de la place n'était autre que Serendipity, lui-même délogé de celle qu'il avait occupée pour gagner quelques rangées. L'arroseur mélomane arrosé, l'ironie est assez savoureuse, il faut bien l'avouer. Après ces guignoleries qu'on avait bien cherchées, que dire des<strong><em> Valses nobles et sentimentales</em> de Ravel</strong> ? Qu'elles sont aussi dansantes et qu'avec les fesses posées par terre sur l'escalier, ce n'était pas gagné ! (Avec ses mains papillon et ses pas de côté, le chef Alan Gilbert m'a rappelé les variations <em>free movement<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a></em> de mes premières années de danse classique.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;">À quelque chose malheur est bon : replacée en vitesse au huitième rang pendant le précipité, j'apprécie la suite du <strong><em>Chevalier à la rose</em></strong> comme je ne l'aurais pas pu derrière. Enfin, cela vibre ! La musique résonne en moi comme si j'étais la caisse des contrebasses auxquelles je fais face (le frisson lors de leur magnifique <em>ploum ploum</em> !). La musique de Strauss, cet opéra en particulier, m'émeut toujours autant. On croirait entendre le cœur de la Maréchale s'arrêter de battre puis, en l'absence de crise cardiaque, reprendre, entraîné par la valse qui bientôt se suspend à nouveau, la dissonance au bord des lèvres, et reprend inexorablement sa cadence. Étourdie et blessée par les amoureux, la Maréchale n'a plus qu'à s'effacer, dans une dégringolade répétée de vents, qui scintille encore du bonheur auquel elle a contribué et dont elle se voit privée.</p><p>La valse de l'acte I du <strong><em>Lac des cygnes</em></strong> est un délicieux bis à nous offrir. Non seulement la nostalgie de cette valse regorgeant de superbes regrets fait parfaitement écho à celle du <em>Chevalier à la rose</em>, mais le New York Philharmonic, jouant comme un seul homme, tourmenté à souhait, lui donne sa <em>dimension</em> tragique. Pas un instant la balletomane qui sommeille en moi ne regrette pas l'absence de ballet. Elle se met en revanche à danser lorsque l'orchestre américain offre sa spécialité et qu'un mini-jazzband cuivré commence à swinguer. On rit lorsque les musiciens se mettent à la queue-leu-leu et, lorsque le trombone a coulissé pour la dernière fois, on applaudit pour en redemander : le chef, mimant d'une main l'assiette dans laquelle l'autre vient chercher quelques bouchées puis délaissant la fourchette pour porter à sa bouche une main-gobelet, nous fait signe que c'est assez. J'espère qu'ils ont bien ripaillé après nous avoir régalé.<br /> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>C'est une dénomination de la Royal Academy of dancing, entre le <em>classical ballet</em> et la <em>character dance</em> (<a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Royal_Academy_of_Dance" target="_blank">§ Graded syllabus</a> ; j'ai dû obtenir le grade 6 ou 7 avant d'entrer au conservatoire).</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlGouaille gutturaletag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-04-26:30437632015-04-26T12:54:00+02:002015-04-26T12:54:00+02:00 La semaine dernière, l'Orchestre de Paris nous invitait dans le Berlin des...
<p>La semaine dernière, l'Orchestre de Paris nous invitait dans le Berlin des années folles. Wilkommen und bienvenue, welcome... on se croirait dans <em>Cabaret</em>. Heidi, Christina, Mausi, Helga, Betty, Inge... und Ute, aurait-on envie d'ajouter, tant Ute Lemper, micro à la main<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, se fond dans ce décor hollywoodien de bas-fonds berlinois. Sa voix gouailleuse nous emmène dans un road-trip américain où chaque ville représente l'un des sept péchés capitaux. Surprenamment, le livret de Bertolt Brecht ne dépeint pas les péchés comme une tentation à laquelle l'individu tantôt résiste tantôt cède, mais comme une ornière dans laquelle la société le prend et le fait déchoir. Cynisme et naïveté donnent ainsi au ballet de Kurt Weill un ton étrange, étrangement entraînant ; l'adhésion est aussi inéluctable qu'un sourire en coin. J'adore – et goûte la joie goguenarde des mots allemands qui roulent sous la langue comme un gros bonbon et claquent comme une bulle de chewing-gum. </p><p style="margin-bottom: 0cm;">La suite de l'<em>Opéra de quat'sous</em> me plaît <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/02/24/ca-fera-quat-sous-et-mille-mercis-2995642.html" target="_blank">toujours autant</a>, et je découvre avec un égal bonheur l'ouverture de <em>Nouvelles du jour</em>, de Paul Hindemith, ainsi que la <em>Suite dansante</em> d'Eduard Künneke, qui n'usurpe pas son nom. À un moment, le chef, pied droit, épaule droite en avant, abaisse tête et baguette d'un coup, comme un danseur de rap abaisserait l'index. Pour un peu, je me serais attendue à ce qu'il croise les pieds, face volte-face dans un détourné de chaussures cirées, queue-de-pie planante, et finisse dans un éclair sur pointes, genoux pliés, main sur le chapeau qu'il n'a pas, avec un <em>Ouh !</em> à la Mickaël Jackson.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est le genre de soirée que l'on aurait envie de faire continuer indéfiniment, quitte à tourner soi-même la manivelle de l'orgue de barbarie. Comme celui qu'il y a sur scène ne joue pas de manière mécanique, c'est avec plaisir que l'on accueille les prolongations d'Ute Lemper et Thomas Hengelbrock, décidément pas avares en bis !</p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>Heureusement sinon, placée de côté derrière elle, je n'aurais rien entendu. Les deux basses et deux ténors qui l'accompagnaient, pas ou moins sonorisés, étaient par moments difficilement audibles, alors qu'ils avaient l'air d'envoyer sévère.</p></div><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlConcerto pour corstag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-04-13:30428152015-04-13T21:56:00+02:002015-04-13T21:56:00+02:00 La magie de la Philharmonie, c'est de transformer un concerto pour piano en...
<p>La magie de la Philharmonie, c'est de transformer un concerto pour piano en concerto pour cors. Placée au premier rand de côté (impair), au fond de l'orchestre, je n'ai rien soupçonné pendant l'ouverture d'<em>Hamlet</em> de Tchaïkovsky, heureuse d'être prise dans la tempête – en pleine mer du Nord, certes, mais digne des tempêtes méditerranéennes narrées par les Romains. Proche des vents, je me suis même payé le luxe d'observer la clarinette et le hautbois dans leurs parties solo (la mélodie n'a-t-elle pas été reprise quelque part ? J'ai l'impression de l'avoir déjà entendue dans un contexte populaire.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Puis Boris Berezovsky a pris place au piano et... rien. Bien sûr, lorsqu'il est seul à jouer, on l'écoute, on l'entend ; mais dès que l'orchestre se met de la partie, même discrètement, j'observe en vain les mains qui courent sur le piano : elles ont d'autant moins l'air d'enfoncer les touches qu'on ne distingue plus aucun son auquel relier leur chorégraphie virtuose. C'est tout de même dommage ; un concerto pour piano sans piano n'a plus franchement la même physionomie. Je reste néanmoins émue d'avoir assisté à création la mondiale du concerto pour cors n° 1 de Prokofiev.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Comme chacun sait, une création par soirée est grandement suffisant ; aussi me suis-je replacée au premier balcon pour le <em>Concerto pour piano n° 2</em>. Les mains de Boris Berezovsky, quoique dérobées à ma vue (voir ou entendre, il faut choisir), se sont mises à produire des sons. Et quels sons, mes chatons ! Quand le piano déchaîné se tait et que l'orchestre reprend à son compte le crescendo sonore, on croirait voir une immense vague se dresser derrière le pianiste ; le silence du soliste, alors, ne relève plus de l'inaudible mais de l'évidence : c'est l'oeil du cyclone. On frissonne puis, le pressentiment entériné, on se laisse entraîner.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Scriabine vient nous extraire de là avec son <em>Poème de l'extase</em>, étymologiquement parfait : j'ai passé vingt minutes hors de moi-même (<em>moi-même</em> étant l'entité pourvue d'oreilles). Au loin s'agitait une immense feuille métallique, rutilant comme une mer de cuivre et me concernant à peu près autant qu'une planète lointaine où toute vie serait impossible. Les reflets ont cependant fini par m'éblouir et je suis revenue à moi les dernières minutes, pour me faire définitivement sonner par un scribouilli sonore.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlBaptême de Passiontag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-04-05:30420582015-04-05T23:16:00+02:002015-04-05T23:16:00+02:00 J'assistai samedi à ma première Passion de Bach, selon saint Jean ....
<p>J'assistai samedi à ma première <em>Passion</em> de Bach, <span style="font-style: normal;">selon saint Jean</span>. Baptisée au nom...</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">… <strong>du père...</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Notre Père, qui êtes aux cieux, merci d'avoir installé un prompteur dans ceux de la Philharmonie. On a enfin des surtitres. Alléluia ! o/</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">… <strong>du fils...</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Jésus en croix. Que de peines pour en arriver là ! Non, mais le christianisme, quoi ! Religion de mystère, à n'en pas douter. Tu m'étonnes qu'il faille des siècles d’exégèse pour réussir à trouver une quelconque cohérence dans ce bric-à-brac. À plusieurs reprises, je me demande si je n'ai pas piqué du nez, tant on passe du coq à l'âne, des péchés rachetés de manière grandiose à la tunique du Christ qu'on tire à pile ou face parce qu'elle n'a pas de couture (sic), en passant par les bandes enduites de myrrhe pour envelopper le cadavre (un Christ-momie !). Y a-t-il un narrateur à bord ? Et non, Jésus, on ne me la fait pas, pas moyen de répondre à ma question par une autre question, même si, au passage, cela fait réviser la conjugaison de <em>sprechen</em>. Pilate <em>sprach</em>, Jésus <em>antwortete</em>... On dirait ces conversations cancanières où les dialogues sont recréés de toute pièce à base de <em>Alors je lui ai dit</em>... <em>alors il m'a dit</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">En bonne agnostique, je me repens d'être si inculte : il faudrait vraiment que je fasse quelques lectures bibliques, parce que je suis tombée de l'armoire en découvrant que Pilate (que je rencontre plutôt au studio de danse, mea culpa), à plusieurs reprises, est allé dire aux Juifs qu'il ne trouvait aucun crime dans l'homme qu'ils lui avaient amené. La loi des Juifs qui veut la mort de celui qui se désigne comme le fils de Dieu (mais interdit de le tuer, pratique pour ne pas se salir les mains) me fait penser à cette blague sur un homme enfoncé dans les sables mouvants qui refuse l'aide des pompiers parce que Dieu doit lui venir en aide et, une fois au paradis, se lamente auprès de Dieu qu'il ne lui est pas venu en aide : Mais je vous ai envoyé les pompiers ! s'exclame Dieu. Bref, ce n'est pas le tout d'avoir un sauveur ; encore faut-il le reconnaître. Quelque part, je me demande s'il n'est pas plus facile de le tuer pour continuer à espérer sa venue plutôt que de troquer son attente contre celle du jugement dernier. Perso, j'attends Godot.</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">… <strong>et du Saint-Esprit.</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le Saint-Esprit : Bach, donc. Comme le Christ, la musique de Bach porte en elle et la souffrance et son apaisement. Son apaisement, surtout. On dirait un baume. J'aurais pu passer le concert à écouter cette même réplique : <em>Jesus von Nazareth</em>. Bach n'étant pas Glass, le récitatif a évidemment continué, les decrescendos ponctuant chaque verset (on redécouvre alors que la ponctuation est affaire de respiration). Je m'étonne du génie avec lequel certains passages sont <em>illustrés </em><span style="font-style: normal;">: </span>les archets s'abattent sur la contrebasse et l'un des violoncelles lorsque Jésus reçoit des coups de fouet et les pupitres se dispersent lorsque la foule se fait vindicative. Je ne comprends toujours pas, mais Pascal me dirait qu'il est bon d'humilier la raison ; j'entends, et ne peux qu'éprouver la vérité de cette phrase de Cioran : « S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu. » (Ce serait une idée de le lire, un jour, avant ou après la Bible.)</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlWenn du dem Wind...tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-04-03:30419242015-04-03T23:21:00+02:002015-04-03T23:21:00+02:00 Coincé entre un Printemps (de Debussy) plutôt automnal 1 et un Oiseau...
<p>Coincé entre un <em>Printemps</em> (de Debussy) plutôt automnal<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a> et un <em>Oiseau de feu</em> (de Stravinsky) qui a failli y laisser quelques plumes<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a>, <em>Wenn du dem Wind...</em> m'a soufflée. Cette suite composée d'après le dernier opéra de Pascal Dusapin constitue la meilleure bande-annonce<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote3anc" href="#sdfootnote3sym"><sup>3</sup></a> qui soit pour son formidable <em>Penthesilea</em>. <span style="font-style: normal;">Formidable</span> au sens fort du terme : qui inspire la crainte par son éclat. Gong, instrument à cordes frappées probablement sorti du musée juste à côté, vaguement sinoïsant, éclats tenus et déflagrations sonores créent une musique <span style="font-style: normal;">saisissante</span>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Nul besoin de me concentrer : mon attention est <span style="font-style: normal;">retenue prisonnière de cette cage de sons formidables ; j</span>e suis saisie, retenue dans un état de stupeur que j'ai déjà éprouvé quelques-fois... <em>La Ville morte</em>... <em>Le Dialogue des Carmélites</em>... <em>Jeanne d'Arc au bûcher</em>... <em>La Petite Catherine de Heilbronn</em>, aussi. Sans appartenir au même genre artistique, cette pièce a exercé sur moi une fascination du même genre – une fascination qui ressurgit, à la Philharmonie, avec le texte de Kleist. Car <em>Penthesilea</em> n'est l'opéra de Dusapin que depuis peu ; c'est d'abord une pièce de Kleist, un drame dont l'intrigue, résumée dans le programme du concert, ne dit rien de ce qu'il y a d'intrigant, de mystérieux, dans les mots projetés (projectiles) par la formidable Karen Vourc'h (s'il fallait une Amazone, la voilà).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">J'ai beau ne pas tout saisir (et pour cause : c'est moi qui suis saisie), je sens que quelque chose se joue, là. <em>Orage d'acier (…) la voix d'airain de la guerre (…) Sa vue me paralyse, comme si c'était MOI la vaincue, MOI ! (…) Je ferai chuter du ciel cet oiseau splendide – et quand il sera étendu à mes pieds, les ailes brisées, alors… alors… (…) Tout, plutôt que d'être une femme pour laquelle un homme ne s'enflamme pas. (…) L'attirer à moi par ses cheveux de flamme dorés. (…) Le voici – à mes pieds ! Prends-moi</em> –</p><p>Une femme qui fait tout pour vaincre et veut être vaincue (<em>à mes pieds ! Prends-moi</em>). Pascal Dusapin ne cherche pas une synthèse à ce paradoxe ; il affûte l'oxymore, guerrier, amoureux, le laisse éclater en-deçà, au-delà de la raison. C'est... je ne sais pas : je reçois, sans être capable de me souvenir ni a fortiori de comprendre <em>ce qui m'arrive</em>. Il va falloir que je l'écoute à nouveau, en entier : les billets du Thalys sont réservés, la place pour dimanche prochain est achetée ; samedi, je mangerai des gaufres avec Hugo pour me préparer. <br /><br /></p><div id="sdfootnote1"><p><a name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>Debussy voulait peindre « la genèse lente et souffrante des êtres et des choses dans la nature, puis l'épanouissement ascendant et se terminant par une éclatante joie de renaître à une vie nouvelle » (9 février 1887) – « genèse lente et souffrante », tu m'étonnes que ça m'ait paru automnal...<br /><a name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2 </a>Limite de l'Orchestre national des pays de la Loire (que j'aime d'amour pour avoir choisi de jouer un extrait de l'opéra de Pascal Dusapin) ?<br /><a name="sdfootnote3sym" href="#sdfootnote3anc">3 </a>Doute soudain : et si c'était comme ces bande-annonces qui, dévoilant-compilant le film, sont meilleures que lui ? </p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlParis – Dordogne – New-Yorktag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-04-01:30417582015-04-01T23:23:00+02:002015-04-01T23:23:00+02:00 Sur la carte postale de l'Orchestre national de Lyon glissée dans le...
<p>Sur la carte postale de l'Orchestre national de Lyon glissée dans le programme, on voit l'auditorium en enfilade avec deux collines (l'Auvergne et la Bourgogne), une rivière (l'Océan Atlantique) et, tout de suite, sur l'autre rive, une skyline légendée L.A., San Francisco, Detroit et N.Y.C. Voilà le programme en raccourci, sous l'égide d'<em>Un Américain à Paris</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Mais d'abord, Samuel Barber, dont on nous présente la preuve qu'il n'a pas uniquement composé l'<em>Adagio pour cordes</em>. La <em>Toccata festiva pour orgue et orchestre</em> explose comme un vitrail dégoupillé, projetant ses pampilles de pupitres colorés et ses schrapnel d'orgue à l'éclat noir. Je m'attendrais presque à voir surgir de l'orchestre la main tambourinante du Frollo de Roland Petit, si la distance de l'île de la Cité à Boston n'était si audible.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Concerto en sol</em> : les maillots rayés de Jérôme Robbins dansent quelques instants devant mes yeux, mais se dissipent vite sous les assauts de Stefano Bollani au piano, qu'on imaginerait plutôt au bar, une bière à la main, twistant du bassin et des genoux pour faire rire sa blonde. Catogan ébouriffé, jeans et chaussures de bowling : de dos, la ressemblance est frappante, on dirait... mon père ! Seule la chemise rose à motifs vient me rappeler que, non, mon paternel ne m'a pas caché une carrière de pianiste. Au milieu de l'orchestre en noir et blanc, tiré à quatre épingle, ça dépote ; ça swingue, même, et la similitude n'est bientôt plus qu'une part de l'amusement. Une part de l'émotion, cependant, lors du mouvement lent : la manière qu'a le pianiste de pencher sa tête en avant fait surgir le souvenir de cette virée en voiture où mon père, vingt-cinq ans après ma naissance, a découvert que je pouvais avoir de l'humour (à six ans, dès qu'on essayait de me taquiner, je répondais sèchement : <em>je n'ai pas d'humour</em> ; il fallait se le tenir pour dit). On allait chercher Palpatine chez un client, quelque part en Dordogne ; il y avait du monde sur l'itinéraire préconisé par le GPS ; mon père a voulu reprendre l'autoroute, malgré mon scepticisme : je ne me souvenais d'aucune sortie proche. Effectivement, une fois emmanché sur l'autoroute, plus moyen d'en sortir ; au lieu de nous énerver, comme nous aurions dû, nous nous sommes mis à plaisanter en boucle, dans une parodie de nous-même. Sans rien de drôle, on n'en finissait plus de rire, se fichant bien du détour que l'on était en train de faire, le détour devenant même la condition à la poursuite de notre hilarité. Je n'arrivais même pas à avoir mauvaise conscience vis-à-vis de Palpatine qui, peut-être, attendait dans le froid. « Je ne savais pas que tu avais de l'humour. » Et de m'imiter, petite, pincée, <em>j'ai-pas-d'humour</em>. Vexée et flattée tout à la fois, j'en rajoutais ; à chaque spasme de fou rire, la tête de mon père se penchait vers le volant, exactement comme le pianiste sur son instrument. Le souvenir s'est déroulé comme ces séquences de film où, remplacées par la musique, les paroles deviennent des articulations muettes ; peu importe ce qu'elles disent, elles ont été dites et c'est tout ce qui compte, savoir qu'elles ont été prononcées, derrière les vitres d'une voiture, avec le sourire, la vitesse et le souvenir de cet instant-là. <em>Concerto en sol</em>, road-movie périgourdin.</p><p><em>Gaspard de la nuit</em> me ramène un peu plus loin, dans un village pittoresque de Dordogne, un soir de feu d'artifice : un lampadaire à l'ancienne, cage à lumière hexaédrique, diffusait exactement la lumière des poèmes d'Aloysius Bertrand – le genre de lumière à vous faire renommer <em>phalènes</em> les bestioles qui volent autour, pourtant prêtes à vous piquer comme une nuée de moustiques. La musique de Ravel est pleine de ces phalènes, elle aussi (à la harpe, au xylophone...) ; la qualification a beau précieuse, on n'en apprécie pas moins ces effets étranges, familièrement orchestrés. </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Retour à Paris en compagnie d'un Américain qui n'a rien avoir avec le touriste en short que l'on se représente un peu trop facilement. Surprise de découvrir que j'ai dansé sur cette musique – une parodie de shopping-addict dans les grands magasins parisiens –, l'Américain à Paris devient une Américaine à la Samaritaine, au Bon marché, au Printemps, une silhouette de croquis de mode prête à danser le charleston. Mon imagination insiste pour faire porter le chapeau à Emma Stone. Tunique, sautoir en perles et chapeau <em>cloche</em>, c'est <em>magic in the daylight</em> dans les années 1920, talons-fesses et dos cambrés au tournant des grands escaliers en colimaçon.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlRequiem in peacetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-03-28:30413492015-03-28T15:04:00+01:002015-03-28T15:04:00+01:00 Pour accéder au second balcon, on passe sous une petite arche qui, sans même...
<p>Pour accéder au second balcon, on passe sous une petite arche qui, sans même être peinte aux couleurs de l'arc-en-ciel, donne l'impression d'entrer dans le royaume merveilleux des petits poneys – à moins que ce ne soit celui des Télétubbies : contrastant avec la tristounerie ambiante, la dominante jaune fait très pré ensoleillé et, surtout, ça grouille de collégiens. J'en aurais bien passé quelques-uns par-dessus bord, dont les chuchotis ont merveilleusement bien voyagé jusqu'à moi – l'acoustique de la Philharmonie, messieurs dames ! Stéphanie d'Oustrac s'y est parfaitement adaptée : délaissant la place habituellement réservée aux solistes, à côté du chef d'orchestre (le parterre est ravi, mais un tiers de la salle n'a plus la possibilité de l'être), elle s'est mise en retrait de l'orchestre, tangente à son demi-cercle. Et là : lance-flamme vocal pendant les 3 minutes d'<em>Alma grande e nobil core</em>, un pan de sa magnifique robe noire asymétrique en main, comme une danseuse de flamenco, pour mieux se déplacer. Comment dit-on <em>olé</em> en italien ? </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Avant le concert, le téléphone à la main, je fixe toujours l'icône du mode silencieux en répétant comme un mantra : petite note barrée, petite note barrée, petite note barrée... Vous aurez, vous aussi, noté l'ironie de la petite note barrée en concert. Pas de musique ici. Pas de sonnerie de téléphone ou presque, s'il est vrai que les premières mesures de la <em>Symphonie n° 40</em> de Mozart me rappelleront <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/04/29/39-40-41-wolfgang-amadeus-mozart.html#comments" target="_blank">toujours</a> les premiers Nokia. J'avoue que cela ne m'inspire pas grand-chose d'autre, même si je visualise bien sous un ciel orageux quelques marches en pierre, romaines – de Rome ou de l'Antiquité, en pierre véritable ou en carton-pâte, je ne saurais dire, mais perron de noble monument à coup sûr. Je suis vraisemblablement condamnée à toujours rester sur le seuil de cette symphonie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je ne retiendrai pas forcément <em>In Excelsis</em> d'Eric Tanguy, mais le petit dialogue introductif du chef d'orchestre avec le compositeur était une fort bonne idée, même s'il a probablement duré autant de temps que le morceau : 8 minutes, c'est vraiment un <em>morceau</em>, comme un morceau de sucre ou de tarte – une tarte aux <em>forte</em>, sur lesquels le compositeur n'a pas lésiné. À l'entendre parler de tempête, d'étoiles et de thèmes qui reviennent (<em>ça fait tagadagada, tagadagada, vous ne pouvez pas le rater</em>, dit-il avec un <em>tagadagada</em> qui monte, <em>in excelsis</em> oblige, puis un <em>tagadagada</em> qui descend), on s'attendrait presque à une symphonie d'une heure et demie ; je n'aurais pas tenu, je dois l'avouer, même si c'est beaucoup plus sympathique que les flatulences musicales de Grisey, Boulez et compagnie.</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">La raison pour laquelle j'assistais à ce concert, la raison nécessaire et suffisante de ce concert, c'était le <em>Requiem</em> de Maurice Duruflé. Pour la première fois à la Philharmonie, j'ai eu la chair de poule. Et pas la chair d'une poule élevée en batterie, hein. Une chair de poule label rouge, plus proche de l'épilation que de la métaphore. Et la chair de poule, c'est comme l'orgasme : parfois, c'est déjà fini à peine commencé, et parfois, comme c'était le cas, on a le temps de le sentir venir, ça monte et on frissonne des jambes jusqu'à la tête. Le <em>Requiem</em> tout entier est une petite mort : à l'excitation de découvrir la pièce succède la plénitude de son écoute. Pas d'envolée foudroyante ou de choeurs tonitruants : tout comme certains professeurs, dotés d'une autorité naturelle, n'ont pas besoin d'élever la voix pour se faire entendre, Maurice Duruflé n'a pas besoin de multiplier les <em>ff</em> pour faire forte impression. La puissance naît par contraste, un contraste infiniment doux, jamais dual, simple modulation de l'incroyable douceur qui caractérise ce <em>Requiem</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On ferme les yeux, comme caressé par la chaleur d'un soleil printanier. Sa lumière, blanche, blanche au point d'effacer le verger que l'imagination avait commencé à ébaucher, pénètre doucement dans l'église d'où nous parviennent les chants du choeur, colorant la nef, les vitraux et les chanteurs d'une teinte sépia, cependant que les pierres donnent leur texture, calcaire et granuleuse, à un printemps sans âge. Ce <em>Requiem</em> a la mort apaisante. Les yeux clos, je sens un sourire s'étaler sur mon visage – non pas l'action musculaire des commissures qui retiennent de chaque côté les lèvres comme un rideau de théâtre, mais l'inspiration expulsée par le soufflet de la cage thoracique : un sourire-dilatation, comme un corps qui, sachant enfin qu'il devra un jour mourir, rend son premier soupir, contentement d'être encore vivant.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je ne sais pas si, comme m'a dit en riant ma collègue ce jour-là, j'ai perdu toute foi en l'humanité (partie du principe que j'étais, pour réaliser mon tutoriel, que tout ce qui pourrait être mal compris le serait) (l'espoir ne sera en tous cas pas incarné par mon-voisin-à-barbe, qui, <em>scritch</em>, <em>scritch</em>, n'a pas arrêté de la tripoter, <em>scritch</em>, <em>scritch</em>), mais le <em>Requiem</em> de Duruflé me berce de l'illusion qu'il ne serait pas difficile de développer une foi en dieu à l'écoute prolongée d'une si divine musique.</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlUne sirène à la montagnetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-03-21:30407222015-03-21T20:05:00+01:002015-03-21T20:05:00+01:00 L'ouverture de Genoveva connaîtra dans ma mémoire le même sort que l'opéra...
<p>L'ouverture de <em>Genoveva</em> connaîtra dans ma mémoire le même sort que l'opéra dans l'histoire de la musique : Schumann me rentre par une oreille et ressort par l'autre. Je profite surtout de ce temps pour renouer avec Paavo Järvi et faire taire ma rancune d'enfant dédaigné : c'est qu'avec son départ annoncé, j'aurais tendance à moins l'aimer. Je lui en veux un peu, de partir et de me priver, de nous priver, de sa présence dansante et de ses mimiques toonesques. Quel autre chef ouvre ainsi la bouche pour inciter l'instrument à produire le son attendu, espéré, provoqué presque, comme un parent qui donne à manger à son tout jeune enfant, faisant l'avion avec sa fourchette-baguette ? Et (nouveauté) saute sur place en pliant le genou droit, transformant le mouvement de taper du pied en amorce de pas de bourrée, mauvaise humeur conjurée par un entrain plus populaire que ne le laisse entendre la musique ainsi dirigée ? Cher Paavo Järvi, vous avez beau être le chef, je ne vous donne pas l'autorisation de partir. </p><p>Non, je suis désolée, Grieg et Sibelius ne sauraient être une excuse. Grieg serait même une circonstance aggravante : je voudrais l'entendre plus souvent encore et qu'est-ce qui me dit que le prochain directeur musical sera aussi porté sur les compositeurs nordiques ? Pour nous amadouer, le <em>Concerto pour piano en </em><span style="font-style: normal;">la</span><em> mineur</em> était interprété par la sirène Kathia Buniatishvili, à laquelle Palpatine et JoPrincesse ont déjà succombé (cette dernière a été jusqu'à lui conférer le même rang que le sien en la couronnant « princesse callipyge »). Je ne suis pas très attirée par ce type de beauté suave et charnue, qui a tôt fait d'évoquer des fantasmes associés à l'Orient, mais j'ai été charmée par son toucher, surprise que l'on puisse effleurer le clavier avec tant de délicatesse. Les premières notes de ces parenthèses plus intimes sont comme des bulles de champagne inversées, que l'on reçoit avec le même soulagement qu'une douche chaude presque brûlante, pour mieux repartir, ragaillardi, avec tout l'orchestre, heureux comme les petits marteaux qui pétillent sous le couvercle du piano, à mi-chemin entre les boules du Loto et les petits bonhommes blancs de Miyazaki dans la forêt de <em>Princesse Mononoké</em>. </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Nous sommes restés dans la forêt avec la <em>Symphonie n° 2</em> de Sibelius, mais je serais bien en peine de dire laquelle c'était. Je n'ai pas reconnu les grands sapins enneigés dans les branches desquels souffle d'habitude sa musique ; aux couleurs rouges des violoncelles et des contrebasses, j'ai même cru apercevoir le mont Fuji : c'est dire si j'étais un peu perdue dans cette nature changeante au « curieux climat d'éparpillement ». Petit brin d'herbe perdu au milieu des autres, sans conscience de ce qui l'entoure, il a fallu attendre le final pour me sentir appartenir à ce grand tout, orchestré par mon Paavo Järvi boudé-adoré.</p><p> </p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlLa Saint-Valentin interditetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-03-14:30400512015-03-14T23:33:00+01:002015-03-14T23:33:00+01:00 L'Amour interdit un 14 février : on appréciera l'ironie. Il faut être...
<p><em>L'Amour interdit</em> un 14 février : on appréciera l'ironie. Il faut être un peu cynique ou très mélomane pour concocter un tel programme<a name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, qui malmène l'amour par amour de la musique – amour de la musique dans lequel on devine déjà l'amour de l'amour, cette passion toute occidentale. Valse d'Eros-Thanatos à quatre temps.<br /><br /></p><p><em>L'amour est enfant de Bohême</em>, doté d'un sacré esprit de contradiction. Preuve en est : on ne peut s'empêcher d'apprécier <em><strong>La Défense d'aimer</strong></em><strong> de Wagner</strong>, aussi peu wagnérienne soit-elle. Les castagnettes à elles seules font surgir la dangereuse volupté de Carmen, évoquant une fougue aux antipodes de la précision et de la retenue avec laquelle le percussionniste les manie ! <br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>L'amour est romanesque.</em> En tant qu'idée, idéal qui n'est pas de ce monde, l'amour est un parfait moteur narratif – une énergie au moins aussi renouvelable que celle des moulins de <strong>Don Quichotte</strong>, à la poursuite de sa Dulcinée. Le violoncelle solo prête ses cordes sensibles au héros de Cervantès, sans cesse détourné de ses nobles pensées par les embardées du saxophone (?), qu'on jurerait émaner de Sancho. Ces deux registres coexistants disent la difficulté de transposer l'humour romanesque, impliquant la distance, dans une œuvre musicale dont le lyrisme suppose par définition adhésion du sujet au monde qu'il embrasse.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La distance humoristique, <strong>Strauss</strong> ne la place pas entre les notes (l'alternance binaire entre la musique et le silence risquerait par trop de nous éloigner de la musique), mais entre les pupitres. Il n'use pas de dissonance ou de cacophonie ironiques, comme le ferait Chostakovitch ; des pupitres sous la menace incessante de sécessions, tenus ensemble <em>in extremis</em>, voilà sa traduction musicale de l'humour. Pas mal, non ?</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>L'amour est fascination enchanteresse.</em> Et à ce titre, ne peut qu'être un air de flûte composé par <strong>Debussy</strong>. C'est du moins ce dont on jurerait en entendant <em><strong>Pelléas et Mélisande</strong></em>, pour toujours enveloppé dans une vision bleu Wilson (il existe un bleu Wilson comme il existe un bleu Klein).</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>L'amour est amour passionnel de la mort.</em> Le cor retentit comme un immense soupir qui détend tout le corps : la mort d'Isolde est un soulagement. C'est la destination ultime de son amour pour Tristan-Thanatos, de cet amour vécu comme passion.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Des souvenirs de Bill Viola, mon imagination a récupéré la lumière du feu et l'abandon du corps dans l'élément aqueux (le corps d'une Ophélie noyée, dos cambré, poitrine offerte, visage tourné depuis les profondeurs vers la surface lointaine) pour forger l'image du corps flottant d'Isolde et de son thorax qui s'ouvre soudain sur un être de lumière – une lumière aussi puissante que la déflagration sonore qui l'a transpercée. La mort lui a été <em>donnée</em><span style="font-style: normal;"> et Wagner nous l'offre dans un final lumineux.</span></p><p> </p><p><span style="font-style: normal;">Ce sera dit : j'aime l'Orchestre de Paris !</span> <br /><br /></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>Programme parfait pour <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2015/02/23/Lola-valentine" target="_blank">Palpatine</a> et moi qui prenons soin de <em>ne pas</em> la fêter <em>ensemble</em>.</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlZut, flûte et violoncelletag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-03-12:30397732015-03-12T15:10:00+01:002015-03-12T15:10:00+01:00 D'abord, il y a eu cette histoire de bouteille . La faute à la...
<p style="margin-bottom: 0cm;">D'abord, il y a eu <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/03/10/un-peu-sechement-3039703.html" target="_blank">cette histoire de bouteille</a>. La faute à la Philharmonie. Puis un replacement raté. La faute à Palpatine et moi, qui nous sommes fait griller par l'ouvreur (d'après lui, parce que j'avais voulu m'asseoir trop tôt ; d'après moi, parce qu'il a tardé et que nous étions les seuls debout, fort repérables). Maugréant l'un contre l'autre, nous courrons jusqu'à sixième étage alors que les musiciens entrent en scène. L'ouvreuse, fort aimable et pragmatique, nous suggère deux sièges qui ne sont pas les nôtres, mais qui nous éviteront de déranger qui que ce soit. Palpatine s'assoit ; je fais signe au monsieur qui a mis ses affaires sur l'autre place que je souhaite m'y installer : « La place est prise. » Par son manteau, donc. J'en reste littéralement sur le cul : ébahie par ce manque de courtoisie mais dans mon tort, je m'assoie par terre, sur les marches, à côté de l'ouvreuse, qui participera à notre conversation muette de grands yeux étonnés lorsque Palpatine se retournera vers moi, entre deux mouvements. Excédée par tout le monde, moi compris, il me faut un certain temps pour me remettre de cet accès de misanthropie, qui m'empêche d'entendre rien d'autre que ma mauvaise conscience et ma mauvaise humeur. Et m'empêche de rien voir d'autre que l'assez courte queue de cheval de la soliste, qui, dès les premières mesures, voltige en tous sens (surprise de constater que les cheveux sagement tirés en arrière sont la conséquence d'un caractère fougueux – un oxymore capillaire, à tout le moins).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Prendre un point fixe. Je me concentre sur le dos de la violoncelliste. Y a-t-il rien de plus beau qu'un dos en mouvement, où les omoplates respirent comme des ouïes ? Un dos qui plus est magnifiquement décolleté par une robe qu'il a fallu attendre les saluts pour découvrir – dentelle et ceinture d'un jaune délicat, relevant le noir de soirée d'une manière fort élégante et inattendue. Un peu comme le bis que Sol Gabetta avait <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/04/01/comme-un-basson-en-pate-3000193.html#more" target="_blank">déjà </a>donné à Pleyel – mes voisins de devant, comme moi la première fois, se demandent si c'est bien d'elle qu'émane la voix, flottant au-dessus d'un archet tout à la fois baudruche qui se dégonfle, éclat de lumière qui se réfracte sur une stalactite et doigt humecté qui tourne sur le rebord d'un verre en cristal.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Quand, calmée, je me suis aperçue qu'en plus d'avoir une vue plongeante sur la soliste, j'avais de la place pour mes jambes et une vision dégagée de toute barre de sécurité (deux avantages que l'on perd à la Philharmonie dès que l'on a posé ses ischions sur un siège rembourré), j'ai pu commencer à vraiment apprécier le <em>Concerto pour violoncelle</em> de <span>Dvořák</span>. Est-ce d'avoir lu dans le <em>Cadence</em> du mois de mars que Sol Gabetta aspirait désormais « à un son moins crémeux et plus intime, y compris dans un concerto aussi symphonique que celui de <span>Dvořák </span>» ? Le moment que je retiendrai est le pas de deux entre le violoncelle et la flûte traversière, logés dans l'intimité de l'orchestre qui les isole de la salle et pour ainsi dire du reste du concerto, seuls au milieu de tous, à distance l'un de l'autre, la violoncelliste devant, le flûtiste derrière, comme Orphée suivant le dos de son Eurydice. Contrairement à celle-ci, la violoncelliste ne se retourne pas et, de la tristesse de se savoir seul, naît le sourire de se savoir seul à deux – il y a quelqu'un, quelque part, inaccessible mais très proche, qui vous offre la consolation de sa présence. La beauté de la musique n'est peut-être que le soulagement de la tristesse qu'elle exprime.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Après l'entracte, ce sont cors, cordes tendues-ténues et percussions mystérieuses... <em>Ainsi parlait Zarathoustra</em> ; ainsi, éblouie, n'ai-je pas tout entendu. L'esprit de <em>Till l'Espiègle</em> avait déjà du s'emparer de moi, car je me suis surtout amusée à observer l'arrière de l'orchestre : les timbales qui exigent des guili-guili alors que l'on est en public, c'est un peu gênant, tout de même ; les maillets coton-tiges, disposés comme les outils d'un chirurgien prêt à opérer, survolés par une main experte qui hésite une seconde avant de saisir l'instrument plus adapté, que rien, à nos yeux inexercés, ne distingue des autres ; les maillets barbe-à-papa, comme une rangée de pommes d'amour en attente d'être servies ; la cloche, que l'on a une irrépressible envie de sonner, et ce drôle de jouet cliquetant que l'on fait tourner sur sa tige comme un drapeau à l'arrivée d'une course. Et tout cela vibrait, vibrait, sous la main-colibri de Valery Gergiev, qui pourrait se faire engager direct par <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/05/01/montrer-main-blanche.html" target="_blank">Amagatsu</a>. Dernier coup de patte du maître, griffes rétractées : le moelleux d'un tigre en peluche avec le panache d'un félin. (Il paraît que j'ai trop d'imagination.)</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlConcert pour basson, avec cygnes et canetonstag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-03-01:30386522015-03-01T19:19:00+01:002015-03-01T19:19:00+01:00 Parterre, rang A, place 1. Oh my God , je vais être sous l'archet de...
<p>Parterre, rang A, place 1. <em>Oh my God</em>, je vais être sous l'archet de Leonidas Kavakos. Pour ne pas trop déséquilibrer l'univers, ma voisine est du type pénible : elle s'aperçoit une fois le concert commencé qu'il va lui falloir un bonbon pour la gorge, un bonbon Ricola collé à ses semblables au fond d'une boîte <em>qu'il faut secouer</em> après l'avoir extirpée d'une poche <em>zippée</em>. Elle n'attendra évidemment pas le précipité entre les deux pièces de Prokofiev pour sortir sa bouteille d'eau – gazeuse, évidemment, pour le plaisir du petit <em>pschit</em> à l'ouverture. Et si vous croyez qu'endormie, elle est plus silencieuse, que nenni : madame <em>ronfle</em> au premier rang. Cette charmante spectatrice, qui a eu le culot de se plaindre de la gamine que je n'avais même pas remarquée, n'a heureusement pas réussi me gâcher le plaisir.</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Quoi de plus sautillant, aussi, que la <strong><em>Symphonie n° 1</em> de Prokofiev </strong>? Il ne faut pas cinq minutes pour que je me mette à sautiller d'une fesse à l'autre, tandis que mon regard rebondit d'un musicien à l'autre. Ah, enfin, proche des ouïes, on entend à nouveau le grain du son, la vibration de l'air qui frotte sur le bois des instruments et donne à chacun son grain comme autant de grains de voix. Ce n'est pas si mal, la Philharmonie, finalement, il suffit d'être au premier rang.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je suis juste sous le chef d'orchestre, un chef d'orchestre aux airs de patriarche, qui a cette malice que seul l'âge sait donner. Préparant un crescendo chez les violons, il approche lentement son visage du premier violon – quelles noises pourrait-il bien venir lui chercher ? – et sitôt les yeux riants pris en flagrant délit de complicité, balaye tout le pupitre d'un revers de la main. Eh là, on y va ! Cette symphonie, c'est la synthèse improbable de l'élégance et de la toonerie. Je dois réprimer un fou rire lorsque j'entends le basson s'avancer entre les pupitres avec la démarche d'un canard de dessin animé, les grandes palmes oranges dodelinant de part et d'autre comme la tête du bassoniste autour de son anche, droite, gauche, droite, gauche – un métronome ne poufferait pas autrement.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je m'amuse comme une petite folle. On m'a rendu l'ouïe et la vue, on m'a rendu <em>mon</em> Orchestre de Paris, celui que j'ai peuplé de personnages à moitié imaginés : même si le poète de Spitzweg est parti à la retraite et que le hérisson manque à l'appel, Tintin, la laitière et Speedy Gonzales sont là, le premier violon aussi, avec son sourire indélébile et même une nouvelle tête, du côté de mon pupitre préféré, un contrebassiste que j'hésite encore à nommer – Alfred ? Manfred ? Il lui faut un surnom digne de figurer dans un roman d'Arthur Schnitzler, qui dise le visage plein, les mèches vaguement bouclées, la blondeur carrée et l'assurance discrète mais bonhomme de qui joue comme un bon médecin de famille donne une poignée de main – un médecin qui a écouté le patient avec force hochements de tête, a rédigé l'ordonnance la bouche pincée et prend congé d'un sourire bref mais franc.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">De sourire, il n'y en a point sur le visage de Leonidas <strong>Kavakos</strong>, mais c'est avec <span style="text-decoration: line-through;">ses poignées d'</span>amour qu'il nous joue le <strong><em>Concerto pour violon n° 2</em> de Prokofiev</strong>. Si proche du soliste, j'ai l'impression que mon regard pourrait le déranger, alors, comme si j'étais dans le métro, je calcule ma trajectoire, je fixe un point qui ne croisera pas son regard, sa main, tiens, ce n'est pas mal sa main, qui fait faire des trucs incroyables à son archet, sa main, oui, sa main vachement poilue quand même, oh oui, c'est bizarre, je vais regarder l'archet plutôt, oui, l'archet et les cordes, c'est bien, et l'orchestre, aussi, ne l'oublions pas. Immanquablement, je reviens vers le soliste. Je ne voudrais pas le dévisager, ce Droopy du violon, avec ses cheveux longs et sa respiration difficile, mais je le fixe quand même, hypnotisée par le son. Quand la séance d'hypnose prend fin, je suis un peu hébétée et applaudis autant pour remercier le soliste que pour me secouer. C'est qu'il y a un bis à apprécier ! Le Bach de rigueur corrobore les inquiétudes que l'on avait vis-à-vis de la salle : le son résonne dans l'immense vide qu'il ne peut du coup pas sculpter, rendant inaudibles les silences si caractéristiques de Bach. La cathédrale qui étouffe le divin, un comble !</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Mais la Philharmonie sait qu'il faut caresser lapin et souris dans le sens du poil, aussi finit-on par un plongeon dans <strong><em>Le</em> <em>Lac des cygnes</em></strong>. À l'entracte, j'ai récupéré Hugo à côté de moi, sans toutefois réussir à le convaincre de se tenir par les coudes pour faire deux des quatre petits cygnes de la tête. Tant pis si ça marque mal, je marque seule. J'aimerais une lame de fond plus forte encore de cuivres et de percussions pour me laisser me submerger, mais les archets écument, les thèmes déferlent et le sexy bassoniste s'offre, avec ses faux airs de Gaspard Ulliel, comme bouée. Oh, mon canard !</p>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.html(avec humor)tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-03-01:30386182015-03-01T12:09:00+01:002015-03-01T12:09:00+01:00 Perchée en arrière-scène à la hauteur de l'orgue, je me sens à peu près...
<p>Perchée en arrière-scène à la hauteur de l'orgue, je me sens à peu près aussi à l'aise avec la musique que monsieur Jourdain avec la prose. J'ai beau essayer, j'ai beau me pencher, comme mes compagnons de rangée, les coudes sur la balustrade, la suite de Strauss reste hors de ma portée. On dirait que l'orchestre de chambre m'oblige à la garder : j'assiste au <em>Bourgeois gentilhomme</em> comme une commère depuis le balcon de la maison voisine. Le maître de cérémonie vient sur le pas de la porte jeter de la poudre aux yeux, avec un empressement qui le soulève sur demi-pointes, comme un vélo qui, en freinant, soulève sa roue arrière. Bah ! Arrosés de paillettes comme des pigeons de miettes, les violons reprennent de plus belle et, par les fenêtres, je devine l'agitation des laquais, couturiers et maîtres à danse, la valse viennoise ridicule des préparatifs pour une réception à laquelle je ne suis de toutes façons pas conviée. Vos beaux cieux d'amour mourir ne me font pas, belle Philharmonie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La <em>Symphonie n° 4 </em>de Mahler devait être la suite de la 3<sup>e</sup> mais elle est devenue une symphonie à part entière, dont les titres programmatiques ont été effacés, sauf le dernier, parce que c'est quand même la suite de la <em>Symphonie n° 3</em> ; le compositeur n'abandonne pas son style et ses innovations mais il n'en veut pas d'inutiles et les coule dans une forme plus classique que la critique pourra accepter ; le deuxième mouvement est émaillé de pointes d'<em>humor</em> toutes germaniques qui n'ont donc rien de comique ; le troisième mouvement se compose d'une mélodie « divinement joyeuse et profondément triste […] de sorte que vous ne ferez que rire et que pleurer<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a> » ; le quatrième mouvement décrit les saints des cieux sur un mode qui serait burlesque s'il n'était si respectueux, cultivant dans le potager céleste des voix angéliques là où un Rabelais aurait promptement torché une chanson à boire ; et quelque part dans tout cela, il fallait entendre l'ouverture des portes du paradis (loupé – la vie éternelle, c'est mal barré pour la mécréante que je suis) et admirer « le bleu uniforme du ciel » qui continue de briller alors que l'atmosphère s'assombrit. Bref, du pur Mahler ; une chatte n'y retrouverait pas ses petits ; ça rendrait fou Parménide.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Du coup, la notion de l'<em>humor</em>, présentée par le conférencier avant le concert, me paraît hyper adaptée à cette formidable bizarrerie. Jean Paul (non, pas Sartre, il avait la nausée) le décrit comme un « sublime inversé » : c'est le sentiment provoqué par la grandeur du sublime, mais à partir de petites choses, nous explique le conférencier. En fait, c'est un peu plus compliqué que ça ; je l'ai compris en lisant <a href="http://schwellesydney.com/peterbanki/pdf1/humor.pdf" target="_blank">ça</a> :</p><blockquote><p style="margin-bottom: 0cm;">Humor is not sublime poetry, where the finite world loses its limits as the mind occupies itself with ideas that contain a higher purposiveness, but an “inverted sublime” (<em>umgekehrte Erhabene</em>), where the contrast between the finite and the infinite creates an infinity without purposiveness, “a negative infinity”, whose content consists only in the separation or contrast between the two.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="RIGHT">Peter Banki, citant Jean Paul</p></blockquote><p style="margin-bottom: 0cm;">L'individu romantique, fini par son corps, embrasse l'infini par l'esprit, il s'y confond <span style="text-decoration: line-through;">et s'enivre du vertige des montagnes en prenant un air sombre et inspiré</span>. L'<em>humor</em> apparaît lorsque la confrontation avec l'infini renvoie l'individu à sa propre finitude : au lieu de lui inspirer une puissance d'expansion mentale grisante, la grandeur du sublime le terrasse. Finie la communion avec la nature ; l'individu s'est fait casser :</p><blockquote><p style="margin-bottom: 0cm;">However, unlike romantic poetry, humor implies a breach in the subject, where the finite world of the subject’s endeavors is measured against the infinite of the subject’s idea of reason. This causes laughter, a laughter mixed with pain.</p></blockquote><p style="margin-bottom: 0cm;">Voilà pourquoi l'<em>humor</em> ne fait pas rire. Non seulement c'est le pendant du romantisme (et autant je peux être grave fleur bleue, autant je ne suis pas romantique dans l'acception germanique du terme), mais c'est son pendant négatif, qui ne le raille pas joyeusement mais exprime la souffrance de ne pas pouvoir l'embrasser. Le rire, dans ce cas, est la secousse qui vient briser les aspirations du sujet ; c'est le rire de celui qui se voit pleurer, un rire grinçant, grimaçant. Dans la symphonie de Mahler : le ricanement d'un violon accordé un ton trop haut. Qui se marre de ce que Kafka ne m'ait jamais fait rire. Que l'humour tchèque m'ait si longtemps échappé et m'échappe encore. Rira bien qui grimacera le dernier : je crois avoir enfin compris pourquoi je ne comprenais rien à l'humour à l'est du Rhin. <span style="font-style: normal;">Ah ! la belle chose que de savoir quelque chose !</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2015/02/26/ecoute-en-pays-haut">Palpatine</a></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>Mahler <em>himself</em>, cité dans le programme.</p></div>
mimylasourishttp://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/about.htmlGrande messe un peu mortetag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-02-15:30374742015-02-15T23:09:00+01:002015-02-15T23:09:00+01:00 Au premier balcon de la Philharmonie, je retrouve l'esprit des images de...
<p>Au premier balcon de la Philharmonie, je retrouve l'esprit des images de synthèse diffusées pour communiquer sur le lieu, sans l'impression de gigantisme qu'elles donnaient (si ça se trouve, c'est comme Bastille, qui paraît immense vue de la scène et d'une taille plus raisonnable depuis la salle). Avec le plafond du second balcon au-dessus de nous et les volumes vides qui contournent le renfoncement du balcon blanc sur le côté, on se croirait à l'intérieur d'une contrebasse. Du coup, je comprends mieux le choix des couleurs, que je persiste à trouver un peu tristounettes : les bois des instruments ont quelque chose de plus chaleureux ; il n'y a qu'à voir celui de certains violoncelles, qui tire sur le rouge.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le jaune tristounet déteint un peu sur la <em>Grande Messe des morts</em> de Berlioz, alors même qu'un choeur immense emplit l'arrière-scène et que l'Orchestre du Capitole Toulouse est dirigé par un Tugan Sokhiev qui dépote. Contrairement aux solistes de la veille, le choeur s'entend, mais il ne touche pas ; on ne sent pas le grain des voix, ce grain qui d'habitude suffit seul à me mettre en transe. Plus réjouissant sont les cuivres disposés aux quatre coins de la salle (de chaque côté de l'arrière-scène et du premier balcon, où je me trouve heureusement), qui croisent le son comme on croiserait le sabre laser. J'hallucine des diagonales de Willis dans le volume vide au-dessus de l'orchestre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Parmi les plus beaux moments, il y a cette espèce d'effroi blanc, moment où l'horreur se dit dans un murmure du stupéfaction. Passé l'effet saisissant, je remarque que c'est une construction récurrente : comme pour un sauvetage en mer, les femmes d'abord, les hommes ensuite – de la stupeur au tremblement. Sauf qu'on ne tremble pas. Ou, si vous préférez, selon l'expression <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2015/02/10/grande-philharmonie-morte" target="_blank">palpatinienne</a> consacrée, le frissonomètre ne décolle pas. Tout se passe comme si, pour clarifier le son, on l'avait épuré de tout ce qui le rendait vibrant. Aussi étincelante soit-elle, à l'image de ses cuivres formidables, la messe est aussi morte que ceux qu'elle célèbre.</p><p> </p>