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Marc Alpozzo
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L’éthique de la conscience. Note sur Lévinas
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2020-04-24:3149218
2020-04-24T06:14:00+02:00
2020-04-24T06:14:00+02:00
On peut dire que, traditionnellement, dans les autres systèmes...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">On peut dire que, traditionnellement, dans les autres systèmes philosophiques, la morale est déduite d’une ontologie : on définit la nature du sujet et du monde et on en déduit des règles de comportement. Chez <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/emmanuel-levinas/" target="_blank" rel="noopener">Levinas,</a></span> la morale est philosophie première. La morale n’est pas ce qui vient discipliner un sujet préalablement défini ; la subjectivité se définit comme accueil de l’altérité : « le sujet est un hôte », dit le philosophe français, qui reprend et continue la <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/02/23/qu-est-ce-qu-une-crise-3147192.html" target="_blank" rel="noopener">phénoménologie de Husserl</a></span>. La formule est à la fois simple et puissante, tout en gardant les vieux mots de la langue courante, Levinas renouvelle la conception de la subjectivité.</span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/361566534.2.jpg" id="media-1088850" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1088846" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/2595391958.jpg" alt="lévinas.jpg" />On ne doit pas voir la morale comme un contrôle exercé par la raison sur la sensibilité, mais plutôt comme un événement de la sensibilité. La morale n’est pas de l’ordre d’un devoir-être, c’est un fait, un traumatisme, tel que celui que produit la rencontre du visage d’autrui. Chez Levinas, rien ne précède l’éthique, car l’éthique est ce qui est à l’origine même de la philosophie, de l’étonnement philosophique. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Portant sur la relation du sujet à autrui, la philosophie de Levinas essaie de renouveler la pensée de l’intersubjectivité de manière radicale. Pour Levinas, l’éthique est la philosophie première.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est dans son grand œuvre <em>Éthique et Infini</em>, que l’on lit une définition de la morale comme un absolu qui règle l’existence avec une rigueur implacable et désigne la <strong>relation à autrui</strong>, ce qu’il nomme la responsabilité-pour-autrui. La relation à autrui étant asymétrique, on peut dire que la réciprocité des actions ne peut pas être attendue par le sujet, il doit agir sans savoir ce qu’autrui fera, même si le sujet doit y laisser sa vie. Renversant alors la morale de l’autonomie développée par Kant (dont l’autonomie était le point névralgique), la philosophie de Levinas rend la morale impérieuse possible grâce à l’hétéronomie du sujet. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est en faisant un rapide retour sur l’ontologie de Levinas, que l’on pourra comprendre en quoi son éthique met l’homme face à l’« il y a », autrement dit à l’être impersonnel, une sorte de nulle part entre l’être et le néant. Aussi, afin de sortir de l’ « il y a », autrui n’a d’autres choix que de tisser une relation « désintéressée », ce qui fait que l’homme existe pour-autrui.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Cette expérience d’autrui prend la forme du <strong>visage</strong>. Or, le visage, pour Levinas, ne doit pas être compris au sens propre : le visage de l’homme excède toute description possible (couleur des yeux, forme du nez, etc.) Ainsi Levinas décrit le visage comme une misère, une vulnérabilité, un dénuement qui, en soi, sans adjonction de paroles explicites, supplie le sujet.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est par le visage d’Autrui que je suis convoqué à ma <strong>responsabilité</strong>. C’est aussi l’accueil de l’Autre qui est ce qui définit ma subjectivité. Le visage de l’Autre m’investit de responsabilité par sa vulnérabilité même : il parle, il interdit le meurtre, il dit le devoir de responsabilité, qui semble être une assujétion à l’Autre. Dans cette hétéronomie de la responsabilité, ce rapport à Autrui me destitue de ma liberté. Et, quand je fais l’épreuve de cette responsabilité, je suis comme otage dans le face-à-face avec l’Autre : la relation est asymétrique.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est alors que dans cette relation, l’Autre y est d’emblée placé plus haut que Moi, comme ce que je dois en quelque sorte préserver, ce sans quoi je ne puis être. Ce mouvement est et doit demeurer à sens unique, et ne pas s’investir en réciprocité, c’est parce que ce retour à l’origine, retour à Moi, serait retour au Même, et absorberait du même coup l’altérité tant recherchée dans une tautologie du Moi.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">C’est ainsi que le rapport à autrui est la <strong>relation éthique</strong> par excellence. C’est la disproportion entre Autrui et Moi qui constitue la conscience morale. Et c’est en ce sens que l’éthique est philosophie première et peut s’établir ainsi : « si la philosophie consiste à savoir d’une façon critique, c’est-à-dire à rechercher un fondement à sa liberté, à la justifier, elle commence avec la conscience morale où l’Autre se présente comme Autrui et où le mouvement de la thématisation s’inverse. »</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"> </p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">« Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique. C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux! Quand on observe la couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui. La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas. Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense. La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. La plus nue, bien que d'une nudité décente. La plus dénuée aussi : il y a dans le visage une pauvreté essentielle. La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer.»</span></p><p style="text-align: justify;" align="right"><span style="color: windowtext; font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Extrait du texte. Emmanuel LEVINAS, <em>Éthique et Infini</em></span><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">(entretiens de février-mars 1981), VII, 1982.</span></p><p style="text-align: justify;" align="right"> </p></blockquote><p style="text-align: center;"><img id="media-1088848" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/3416967623.jpg" alt="Lévinas, edmund husserl" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: 10pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><em>Totalité et Infini </em>est un essai d'Emmanuel Levinas, <br />paru en 1961, sous-titré « essai sur l'extériorité ». <br /></span></p>
Marc Alpozzo
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Le temps et la mort. Heidegger et Lévinas
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2020-04-13:3149088
2020-04-13T06:00:00+02:00
2020-04-13T06:00:00+02:00
Si l’on fait en permanence l’épreuve de l’existence, en l’éprouvant dans...
<p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Si l’on fait en permanence l’épreuve de l’existence, en l’éprouvant dans notre chair, rien en revanche ne prouve sa nécessité ; menacée par le temps, elle est par là même inséparable de la possibilité de sa fin, et de la <em>possibilité de la mort</em>. Voici donc, pour l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>, une petite réflexion mêlant <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/emmanuel-levinas/" target="_blank" rel="noopener">Levinas</a></span> et <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/martin-heidegger/" target="_blank" rel="noopener">Heidegger</a></span>. </span></strong></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/1640746178.jpg" id="media-1088608" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1088713" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/3578458253.jpg" alt="heidegger,lévinas" />En dessinant une <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2018/01/25/phenomenologie-de-la-mort-note-sur-heidegger-3101489.html" target="_blank" rel="noopener">phénoménologie de la mort</a></span>, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/martin-heidegger/" target="_blank" rel="noopener">Heidegger</a></span> a particulièrement mis en relief ce point. La mort n’est pas ou pas seulement un phénomène biologique pour l’homme. Soulignant une objectivité de la mort, Heidegger montre que c’est par la mort d’autrui que j’acquière cette connaissance de la mort, car celle-ci a lieu dans le monde comme un événement. J’y assiste, je l’éprouve d’une certaine manière. La mort m’apparaît dans sa cruelle vérité.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il est toutefois à noter que Heidegger souligne qu’au moment où j’assiste à la mort d’autrui, je ne meurs pas. C’est « On » qui meurt. On est dans le domaine du « <em>on meurt</em><strong> </strong>». Et si la mort ne nous surprend pas, nous savons qu’elle arrive à chacun et qu’elle arrivera un jour à nous-même, nous savons aussi qu’elle n’aura pas lieu dans l’immédiat.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais à ce « on meurt », Heidegger veut opposer la <em>mort authentique</em>. Celle-ci n’est pas un événement ; elle un rapport que l’homme entretient avec la mort. Voilà pourquoi dans l<span style="color: #ff0000;"><span style="color: #000000;">a</span><a style="color: #ff0000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2018/03/01/elements-pour-une-premiere-lecture-heidegger-1925-1930-3101558.html" target="_blank" rel="noopener"> <span style="color: #800000;">philosophie du maître de Fribourg</span></a> </span>l’<em>être-pour-la-mort </em>est une dimension essentielle de l’homme.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Autrement dit, ma mort n’est pas un événement, car je ne puis en être le témoin. Elle demeure néanmoins au plus haut point <em>ma</em> mort, la <em>mienne</em>. Elle reste ma mort selon Heidegger, car c’est bien la seule chose que je ne peux pas déléguer à l'autre : autrui ne peut se substituer à moi dans ma propre mort. Il ne peut même me seconder.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En 1927, Heidegger publie un ouvrage majeur, l’un des plus importants de toute l’histoire de la philosophie, dont le titre est <em>Être et temps</em>. Son idée majeure : les questions de l’Être et du Temps sont inséparables.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Une autre idée majeure de Heidegger est celle que, depuis les Grecs, l’Être a été compris comme « essence » ou « présence », c’est-à-dire à partir du présent. Mais au fur et à mesure, l’Être a été entièrement figé dans le présent comme une multiplicité de « maintenant » qui se succèdent les uns aux autres.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Enfermé dans l’existence quotidienne, dans l’impersonnalité, dans le <em>on</em> (« on dit que », « on pense que ») l’homme a défini l’être comme <strong>être-présent</strong>. La conséquence : l’homme a manqué à la fois sa propre essence, ce que Heidegger appelle son pouvoir être le plus propre, et l’essence du temps.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais par ailleurs, le <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2018/02/02/le-dasein-au-milieu-du-monde-une-experience-de-l-appartenanc-3101493.html" target="_blank" rel="noopener"><em>Dasein</em></a></span> (mot utilisé par le philosophe allemand pour penser l’essence de l’homme comme <em>existence</em>) est sans cesse en quête de ses possibles, il se soucie toujours de ce qu’il peut être (c’est-à-dire qu’il est lié à son futur). Mais il est tout autant attaché à son passé en permanence, car il est « jeté » dans le monde sans être libre de choisir ce début.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Lié au présent par sa <em>facticité</em>, par le fait brut de son existence, le temps n’est aucunement ce <em>dans</em> quoi vient se situer l’existence de l’homme comme se situe par exemple un cahier dans un tiroir. La temporalité est plutôt une dimension essentielle et inhérente de l’existence. Notons que c’est le Dasein lui-même qui est temporel. Il est donc le lieu de l’unité extatique (extase, sortie hors de soi) du passé, du présent et du futur.</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1088609" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/2295728293.jpg" alt="heidegger7.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Martin Heidegger</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1088677" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/254272230.jpg" alt="heidegger,emmanuel levinas" />Pour le philosophe français <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/emmanuel-levinas/" target="_blank" rel="noopener">Emmanuel Levinas</a></span>, dont la philosophie du visage ne doit pas être négligée, le temps est pensé à partir de la mort. Dans <em>Le Temps et l’Autre</em>, qui sont des cours que Levinas a donné à la Sorbonne et qui ont été publiés peu de temps après, Levinas développe une conception du temps comme <em>transcendance vers l’autre</em>.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La transcendance vers l’autre, nous dit Levinas, n’est pas un acte intentionnel commun, puisque l’altérité de l’Autre le porte au-delà du pouvoir constitutif de la conscience. L’Autre est radicalement autre.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Levinas développe une pensée originale sur le temps à partir de la conception développée par Heidegger dans <em>Être et Temps</em>. C’est aussi grâce au temps que l’on peut considérer comme transcendance vers l’Autre, que l’on va pouvoir penser un dépassement de l’existant de sa solitude, tout en gardant son altérité.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comme moi, mon <em>alter ego</em> n’est pas éternel : il va mourir, et c’est à partir de la mort de l’autre que nous pouvons construire notre réflexion sur le temps. La difficulté qu’il faut alors relever, c’est que, ni le temps ni la mort ne sont des idées objectives ou inhabités, d’où les sentiments d’inquiétude et d’angoisse qu’elles inspirent.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Devant la mort qui sera mystère et non pas nécessairement néant, ne se produit pas l’absorption d’un terme par l’autre. Nous montrerons enfin comment la dualité qui s’annonce dans la mort devient relation avec l’autre et le temps.», écrit Lévinas.</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dans la mort de l’autre, je fais l’expérience de l’anéantissement d’autrui, mais je prends aussi conscience que la mort d’autrui porte un sens qui me dépasse, et que je ne peux limiter au néant ; qui est même tout sauf le néant, et qui est plutôt du côté du mystère.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La compréhension que l’on peut avoir du temps, de la durée du temps, est celle de la durée qui s’avance avec l’être, et lorsque Levinas dit que le sujet advient par la responsabilité, dans le face-à-face avec le visage de l’autre, c’est une responsabilité infinie, au-delà de toute limite. C’est la mort de l’autre qui m’éveille dans la responsabilité sans fin qui est la mienne, je n’en ai jamais fini avec l’autre. Je dois ainsi accepter que la mort de l’autre est mon affaire, mon problème. Et c’est dans ma responsabilité pour autrui, que je trouve l’essence même du sujet. Pour terminer cet exposé, écoutons Levinas nous tendre une proposition qui fonde l’éthique et le temps :</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Je suis responsable de l’autre en tant qu’il est mortel. » (<em>La Mort et le Temps</em>, 47).</span></p><p style="text-align: justify;"> </p></blockquote><p style="text-align: center;"><img id="media-1088610" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/361566534.jpg" alt="levinas.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Emmanuel Levinas (1906-1995)</span></p>
Marc Alpozzo
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Le « Sartre » d’Annie Cohen-Solal ou une conscience critique de son temps
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2020-01-06:3139748
2020-01-06T06:00:00+01:00
2020-01-06T06:00:00+01:00
Publié pour la première fois en 1985, puis une deuxième fois en 1999,...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">Publié pour la première fois en 1985, puis une deuxième fois en 1999, augmenté d’une postface, et désormais d’une préface datant de février 2019, la biographie monumentale d’Annie Cohen-Solal, continuant de nous impressionner encore aujourd’hui, et qui demeure une biographie incontournable, ce texte, trentre-trois ans plus tard, est toujours aussi invraisemblable et remarquable à propos de l’odyssée philosophique d’une sorte d’Etna de la philosophie, d’un volcan littéraire, d’un personnage prédominant et chef de file d’une génération. Cette chronique est parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>. Elle est désormais en accès libre dans l<em>'<span style="color: #800000;">Ouvroir</span></em>. </span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/159765744.jpg" id="media-1070429" alt="" /></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1146942" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/1378108617.jpeg" alt="annie cohen-solal,jean-paul sartre,raymond aron,heidegger,lévinas,paulhan,jean-jacques rousseau,charles schweitzer,anne-marie scweitzer,henri iv,paul nizan,simone de beauvoir,edmund husserl,andré gide,gustave flaubert,mao,sartre" />On doit interroger cette histoire, revenir à ce « grand » écrivain, dont l’importance et le charisme seront sûrement plus retentissants que ne sera son œuvre en elle-même, formidable à certains endroits et sûrement faible à d’autres. Impossible d’écrire à propos de Sartre sans prendre parti. On peut être militant actif, et défendre les combats du philosophe pour le peuple, avec une forme de dévotion sans bornes, mais l’on sait bien que sa révolution fut plus littéraire et médiatique que réelle. On peut se souvenir du <a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/tag/sartre" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #800000;">Sartre</span></a> des causes importantes, de ses <em>Mots</em>, dont la forme classique, traditionnelle, prise sous un certain angle, se marie au récit étonnant d’un Sartre, déjà « intouchable » et « sulfureux ambassadeur » à la fois, et dont le travail d’orfèvre ne peut qu’éblouir. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> <br /></span><strong style="font-family: georgia, palatino, serif;"><span style="font-size: 12pt;">Sartre n’est pas Heidegger</span></strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Dans sa postface, datant de 1999, sa méticuleuse biographe écrivait la chose suivante : « Dès le départ, Sartre se dérobait plus que nul autre à l’entreprise biographique. Son œuvre – foisonnante, protéiforme, inachevée, ouverte – semblait vouloir échapper à toute tentative d’approche globale, et avait suscité une littérature secondaire considérable, savante ou anecdotique mais le plus souvent sectorielle. »</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Ce qui, curieusement, se passe à la mort de Jean-Paul Sartre en avril 1980, c’est le contraste entre sa longue et nécessaire traversée du désert, que je ne crois pas finie aujourd’hui au moment où j’écris ces lignes en juillet 2019, et le phénomène qu’il devient à l’étranger, où il est reconnu comme une référence obligée et incontournable. Alors qu’en France, Sartre a longtemps été un philosophe en danger de mode, au-delà de nos frontières, il est plutôt considéré comme un phénoménologue à part entière, dont la philosophie est sérieuse et demande à ce qu’on s’applique à l’étudier. Ce phénomène d’ostracisme est sûrement dû à ses erreurs politiques, aux critiques provenant surtout de Raymond Aron, qui ont grandement contribué à entacher son image publique, et dont Annie Cohen-Solal parle beaucoup dans ce livre. Mais aussi, je pense, à une philosophie qui n’atteint pas le niveau d’un <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2015/11/05/martin-heidegger-retour-sur-l-ombre-d-une-pensee-3059346.html" target="_blank" rel="noopener">Heidegger</a></span> ou d’un <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/05/07/de-l-intentionnalite-a-la-responsabilite-note-sur-levinas-3149998.html" target="_blank" rel="noopener">Levinas</a></span>, malgré ses qualités indéniables, son grand œuvre <em>L’Être et le néant</em>, dont j’entendais de la part de quelques mauvaises langues à la fac de philo, dire qu’il suffisait de remplacer « néant » par « temps » et on avait Heidegger, alors même que ces personnes n’avaient pas lu Sartre et n’y auraient de toute manière rien compris. On lui reproche à cet ouvrage, <em>L’Être et le néant</em>, de n’avoir pas la <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/03/29/l-emergence-du-dasein-ou-de-l-absence-a-la-presence-dans-etr-3148542.html" target="_blank" rel="noopener">taille philosophique du grand œuvre de Heidegger,</a></span> ou de <em>Totalité et infini</em> d’Emmanuel Levinas. Son grand œuvre, dont il parle ainsi, dans une lettre au Castor, alors qu’il est encore à l’état d’embryon : « Il y aura des passages emmerdants. Mais il commence à y en avoir un ou deux de croustillants, par contre : un sur les trous en général et un autre tout particulièrement sur l’anus et l’amour à l’italienne. Ceci compensera cela... » Cette œuvre qui avait « pris forme dans l’ennui et le froid de la drôle de guerre » commente Annie-Cohen Solal, était une œuvre parfaitement phénoménologique, qui s’intéresse aux phénomènes même, dépouillés de tout autre qualité que leur être propre, et s’intéressant à des formes esthétiques émergentes perçues comme moins nobles, comme le cinéma. Ce « kilo de papier dira Paulhan » sera pourtant un formidable succès durant la guerre, car il pesait un kilo et permettait de mesurer des quantités exactes de fruits et légumes ».<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071103" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/152315644.jpg" alt="annie cohen-solal,jean-paul sartre,raymond aron,heidegger,lévinas,paulhan,jean-jacques rousseau,charles schweitzer,anne-marie scweitzer,henri iv,paul nizan,simone de beauvoir,edmund husserl,andré gide,gustave flaubert,mao" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Les mots de Sartre, paru 1964</span><br /><br /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Sartre aura écrit son autobiographie, pleine de trous, forcément subjective, exposant sa vérité de profil pour reprendre le bon mot de Rousseau à son propos, Simone de Beauvoir a longuement parlé de Sartre dans ses mémoires, et notamment dans la <em>Cérémonie des adieux</em>, mais là encore, en occultant certaines choses. Sartre, incapable de parler de son enfance, ni de son père. Le meurtre du père aura lieu deux fois, la seconde lorsqu’il en niera l’existence, disant qu’il n’avait qu’une mère. Ne pas oublier <em>Les Mots</em>, cette « ode à Anne-Marie, mais une ode pudique et parfois masquée. » Le grand-père Charles Schweitzer aura également compté. Et sa bibliothèque de « plus de mille livres », dont il « passa près de quatre ans à ranger tous ses livres, après le déménagement de Meudon à Paris ». Tous ces livres ont de quoi faire rêver, et même, les moyens de transformer Sartre, puisque « l’enfant lecteur dérapa vite, et devint du même coup un enfant écrivain ».<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070430" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/1115020934.jpg" alt="Sartre (2).jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Sartre, jeune</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">Mais qui est ce Jean-Paul ?</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Une fois adulte, une seule adresse : le 45, rue d’Ulm. Après Henri IV, où il côtoya Paul Nizan, qui l’entrainera dans le monde littéraire, « leurs enfances, d’enfant-adulte, teintées de morbide, leurs précoces boulimies de lecture, leurs ambitions d’écrivain », entre les deux garçons la fraternité règne, « l’adolescent affabulateur », le « fils unique », le génie de la famille entre à Normale sup’, où il y fut « le redoutable instigateur de toutes les revues, de toutes les plaisanteries, de tous les chahuts ». Instigateur de la chute de Lanson, le directeur de l’École Normale, « l’édifice Nitre-Sarzan » se fissurant bientôt sans drame ; les « jeux philosophiques de haut vol » avec Raymond Aron ; ses lectures « à toute allure de plus de trois cents ouvrages par an » ; puis c’est la « rencontre devenue presque mythique » avec Simone de Beauvoir, dit le Castor, s’engageant dans un idylle plus contractuel que passionnel, (« pacte » prosaïque : bail de deux ans, pacte de liberté et possibilité d’infidélités nombreuses, – surtout de la part de Sartre !) formant « un « nous » qui confond(ait) les deux individus en un personnage siamois indiscernable ». </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Coup de foudre pour <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/02/23/qu-est-ce-qu-une-crise-3147192.html" target="_blank" rel="noopener">Husserl</a></span>, dont il découvre, enthousiaste, la phénoménologie. « Sartre découvrait, dans la phénoménologie de Husserl, une démarche intellectuelle dont chaque étape, chaque thème, chaque détour le reportait à la sienne propre », commente sa biographe. S’en suivra le « pèlerinage essentiel » outre-Rhin, la Maison académique de Berlin où le jeune Sartre étudiera l’œuvre de père de la phénoménologie dans le texte, « affamé de Husserl ». On est en 1933, Hitler est le chancelier du IIIe Reich, et durant ce que Sartre appellera ses « vacances berlinoises », il ne prendra jamais conscience de ce qui est en train de se passer autour de lui, et de la gravité extrême de la situation politique de l’Allemagne. D’où vient cet aveuglement ? Annie Cohen-Solal a raison d’insister. Ce serait un défi d’essayer de comprendre comment ce fut possible. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Gallimard refuse son premier roman <em>Melancholia</em>, au retour de Berlin. Difficile passe, pour celui qui n’hésitait pas à dire que, « celui qui n’est pas célèbre à vingt-huit ans doit renoncer pour toujours à la gloire ». Il ne sortira de l’ombre néanmoins qu’à trente-trois.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">« Les années 30, pour tant d’autres âges d’or de la littérature française, seraient son calvaire, son grand trou, sa traversée du désert, ses années de désespoir, de doute d’isolement. » </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Sartre, romancier nouvelliste gagnant sa vie comme professeur de philosophie, fera dire à Gide, questionnant Paulhan : « Qui est ce nouveau Jean-Paul ? »</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070433" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2196130626.jpg" alt="sartre1.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Jean-Paul Sartre vers la fin de sa vie</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;">Le Sartre de la maturité</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><strong><span style="font-size: 12pt;"> </span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Existentialiste de Saint-Germain-des Près, après une « captivité altière », comme la nomme l’auteur, et un <em>journal de la drôle de guerre</em>, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2016/08/31/sartre-ou-la-liberte-angoissante-3078895.html" target="_blank" rel="noopener">auquel il faut ajouter son grand œuvre <em>L’Être et le néant</em></a>,</span> paru en 1943 et où l’« on découvre en ces années-là, un Sartre souterrain que ses contemporains ne peuvent pas connaître, et qui fait médire certains de ceux qui lui reprochent son absentéisme » au lycée Condorcet, où il était toujours professeur de philosophie.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Les années d’après-guerre jusqu’à mai 68, où Sartre est considéré comme un <em>has been</em>, sont décrits avec une rigueur et une minutie par Annie Cohen-Solal plus qu’’éclairant, Sartre multipliera les publications, « entre Flaubert et les Maos ».</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070434" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/810662914.2.jpg" alt="populisme2.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Sartre et la cause du peuple</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Il exista et existera toujours finalement, dans ce Sartre des années d'après-guerre, jusqu’à sa mort, survenue le 15 avril 1980, un saisissant contraste d’ombre et de lumière. Il nous paraît explicite, alors que cette biographie ne cache rien des ambiguïtés que le penseur français laissa derrière lui, en nous quittant, comme s’il « avait délibérément oublié d’éteindre la lumière » avant de partir, que les nombreuses zones obscures, la face cachée de cet homme aux mille destinées, ce penseur incandescent, sacré de son vivant puis crucifié jusqu'avant sa mort, puis depuis déjà 40 ans, il est bien impossible de voir Sartre autrement que dans des contrastes aux interrogations sans nombre. Au moment de refermer ce livre épais, le lecteur ne peut que s’interroger sur l’envers troublant qui gêne dans la stature du héros des lettres et <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/04/09/les-ambiguites-de-la-conscience-sartrienne-3148532.html" target="_blank" rel="noopener">le philosophe phénoménologue</a></span>, tant en ce qui touche à sa moralité qu’à son engagement, aux multiples faces du vieillard, sur le tard aveugle, dont on disait au lendemain de sa mort, qu’on préfèrerait toujours avoir tort avec lui que raison avec Aron. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Aujourd’hui, en 2019, on ne sait plus si l’on ne préfèrerait pas avoir raison avec Raymond Aron tout de même...</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070431" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/671186414.jpg" alt="sartre54.jpg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Quand Sartre et Aron se réconciliaient pour aider les réfugiés (1979)</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #800000; font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>À suivre dans l'Ouvroir : </strong></span></p><p style="text-align: justify;"><a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2013/09/17/l-humanisme-de-sartre-2978158.html"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt; color: #800000;">L’humanisme de Sartre</span></strong></a><br /><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt; color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2008/03/12/le-fardeau-de-la-liberte-note-sur-sartre.html">Le fardeau de la liberté, note sur Sartre</a><br /></span></strong><a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2016/08/31/sartre-ou-la-liberte-angoissante-3078895.html"><span style="color: #800000;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Sartre ou la liberté angoissante</span></strong></span></a><br /><a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2011/11/03/l-angoisse-de-l-homme-libre-ou-l-absence-de-dieu-dans-la-phi.html"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt; color: #800000;">L’angoisse de l’homme libre ou l’absence de Dieu dans la philosophie de Sartre</span></strong></a></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Annie Cohen-Solal, <em>Sartre, 1905-1980</em>, Folio, Gallimard, mars 2019.</span><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><em><span style="font-size: 12pt;"> </span></em></span></strong></p>
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Alain, journal inédit
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2019-03-12:3127867
2019-03-12T07:43:00+01:00
2019-03-12T07:43:00+01:00
Avant même sa parution, le journal inédit du philosophe Alain déclencha...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Avant même sa parution, le journal inédit du philosophe Alain déclencha une profonde polémique, essentiellement due à des propos antisémites, intolérables, insoutenables même, que l’on ne pouvait imaginer de la part du grand humaniste de la première moitié du siècle dernier. La polémique, notamment portée par Michel Onfray dans son essai <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="https://boojum.fr/solstice-d-hiver-alain-juifs-hitler-l-occupation">Solstice d’hiver ; Alain, les Juifs, Hitler et l’Occupation</a>,</span> a failli faire oublier le livre lui-même. Pourtant, la publication de ce journal inédit reste un événement pour les admirateurs du philosophe français, auteur des Propos, dont l’écrivain André Maurois aimait dire que « c’était l’un des plus beaux livres du monde ». Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>, et elle est désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/00/4146724772.jpg" id="media-1071874" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><br /><br /><img id="media-1056730" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/2433960060.gif" alt="alain2.gif" />Philosophe très important de la III<sup>e</sup> République, connu pour ses propos philosophiques sur le bonheur, la politique, penseur de l’entre-deux-guerres, enseignant adulé, ses élèves ou ses disciples l’appelaient « l’homme », républicain radical, antifasciste convaincu, ce philosophe humaniste tint à partir de sa retraite, dès 1937 et, jusqu’à sa mort, survenue en 1951, un journal. De ce journal, nous ignorions tout, et, surtout, ces mots qui résonnent étrangement à nos oreilles aujourd’hui, ces passages que nous ne pouvions pas même imaginer, et, dans lesquels un antisémitisme maladif, irréductible, insurmontable jaillissait.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« <em>Pour moi, j’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le genre de Gaulle l’emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive, c’est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabée</em>. » Voilà donc deux petites phrases que l’on croirait sorties tout droit des pamphlets haineux d’un Céline, signées de cet homme de gauche, écrivain, philosophe, établi et admiré ; derrière « l’homme » s’en cachait donc un second, le contraire du premier, antisémite, penseur d’extrême-droite, collabo. L’étonnement est grand. La surprise terrible. Ce journal, pour des raisons que l’on ignore encore, est sûrement l’un des plus méconnus du XX<sup>e</sup> siècle. Et on aurait tort de penser que c’est une anecdote. La complexité de l’œuvre rejoint désormais la complexité du personnage. Cet écrivain, signant de multiples pseudonymes, « Criton » en hommage à Platon, son nom de famille Chartier, ou Chartier-Alain puis Alain, celui des <em>Propos</em>.<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1069738" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/975514395.jpg" alt="alain,émile chartier,emmanuel blondel" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Émile Chartier, du vrai nom d'Alain</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Qu’est-il donc arrivé à cet homme, moraliste, éducateur, humaniste, antifasciste qui refusa longtemps l’action politique, auteur de plus de cinq mille propos, qu’il publia quotidiennement de 1906 à 1914 ? Penseur phare jusqu’à sa mort, il n’en demeure pas moins étudié aujourd’hui, même si d’autres philosophes au XX<sup>e </sup>siècle ont pris le relais, et jeté Alain presque dans l’ombre de la philosophie contemporaine, comme <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/jean-paul-sartre/" target="_blank" rel="noopener">Sartre</a></span>, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/emmanuel-levinas/" target="_blank" rel="noopener">Levinas</a></span>, <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/07/30/la-societe-occidental-face-au-deuil-3152611.html" target="_blank" rel="noopener">Derrida</a></span>, ou <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/alain-badiou/" target="_blank" rel="noopener">Badiou</a></span> aujourd’hui. Sans être oubliée, l’œuvre d’Alain demeure moins lue, moins commentée, moins citée, et, pourtant, il demeure comme l’écrivain et essayiste qui pensa des thèmes comme la politique, la liberté, l’art, le bonheur, etc. C’est donc à la fin de sa vie, dans ce long hiver, que l’homme, victime d’une sérieuse attaque en 1936 qui lui fit perdre l’usage de ses jambes, et même de ses poignets, ce qui l’immobilisa et l’empêcha d’écrire durant de longues semaines. C’est à ce moment-là, que Marie-Monique Morre-Lambelin place sur son bureau un petit bloc note, où elle lui demande de placer la mention <em>Journal</em>. Immédiatement conquis, Alain y consigne son bonheur de penser ; il réinvente son écriture, n’a de cesse d’écrire au futur ; le <em>Journal</em> devient un laboratoire d’écriture, ouvert à Marie-Monique, mais pas seulement, tout indique que les amis étaient autorisés à le lire aussi.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est donc dans ces moments chaotiques qu’apparaissent des pensées nauséabondes, les propos antisémites, de l’« <em>éloquence extraordinaire et (de la) remarquable sincérité</em> » des propos d’Hitler dans <em>Mein Kempf</em> à propos de la question juive. Comment expliquer ? Peut-on seulement les expliquer ? Le veut-on ? Ni la faiblesse physique à laquelle Alain est désormais exposé, ni même la perte d’une partie de la raison ne peuvent venir au secours des propos d’un homme, qui lutta toute sa vie contre le fascisme ne peuvent excuser, nous permettre de comprendre ces mots malheureux, ignobles, étonnant, que le philosophe assume sans faille. Enfin, sans faille, peut-être pas… Lorsqu’on approfondie sa lecture, on constate qu’il semble lutter contre son antisémitisme, comme il lutte au même moment contre sa maladie. La maladie du corps viendrait-elle rejoindre la maladie de l’âme ? Il écrit :</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« <em>Je voudrais bien, pour ma part être débarrassé de l’antisémitisme, mais je n’y arrive pas</em> », écrit-il. Et plus loin : « <em>En réalité quand je lis avec indignation le mauvais style de Bergson, je n’oublie point qu’il est juif, et en cela je me sens injuste</em>. » Plus loin encore : « <em>Heureusement l’antisémitisme va finir et mettre fin à tous ces exils sinistres. Il est malheureux pour moi que j’aie eu un peu d’indulgence pour cette cruelle folie</em>. » Des propos qui dérangent, mais aussi qui remettent en question les propos de l’éditeur du Journal, prétendant qu’Alain « nous apprend, par son exemple, un art de vivre (et d’écrire, et d’agir) par temps de catastrophe ». Aussi prodigieux que pouvait être son esprit, aussi brillant que pouvaient être la plupart de ses propos, cet honnête homme par ailleurs ne sut jamais se défaire de la bête immonde sommeillant en lui, luttant pourtant, contre la maladie, contre soi, pensant contre lui-même, à peine néanmoins, mais luttant toutefois, sans jamais se défaire de ses démons intérieurs, qui l’emportèrent à la fin de sa vie.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Ce journal a été édité et présenté par Emmanuel Blondel, normalien, agrégé de philosophie et docteur ès lettres.<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1069739" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/786423912.jpg" alt="alain,émile chartier,emmanuel blondel" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Alain (Émile Chartier) à la fin de sa vie</span></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Alain, <em>Journal inédit, 1937-1950</em>, Équateurs, mars 2018.</span></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #800000;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">En ouverture : Alain (1868-1951) - philosophe</span></strong></span></p>
Marc Alpozzo
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Heidegger et la conférence de 29, 2è partie
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2018-03-21:3102749
2018-03-21T07:43:00+01:00
2018-03-21T07:43:00+01:00
Il nous faut donc partir en quête de l’existence du Néant. Projet...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">Il nous faut donc partir en quête de l’existence du Néant. Projet éminemment paradoxal si nous considérons que le Néant, ou le Rien, est ce qui « n’est pas ». <span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Voici la suite de cette longue étude, parue dans le numéro 11, des<em> <span style="color: #800000;">Carnets de la philosophie</span></em>, d'avril 2010.</span></span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/1126006554.jpeg" id="media-985468" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br /><br />Le dépassement de la métaphysique</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1071189" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/2503385019.jpg" alt="heidegger,qu'est-ce que la métaphysique,françois vézin,lévinas,edmund husserl,georges steiner,jean-luc marion,dasein,etienne gilson,maxence caron" />Il nous faut donc partir en quête de l’<em>existence</em> du Néant. Projet éminemment paradoxal si nous considérons que le Néant, ou le Rien, est ce qui « n’est pas ». Or, nous ne pourrons résoudre ce paradoxe philosophique, que si nous identifions le Néant à l’être. Plus précisément, si nous considérons, tel que le dit J.-L. Marion, que « le Rien n’établira sa primauté qu’en précédant la négation, donc la logique ; ce qui ne se peut qu’en se donnant en personne, originairement et intuitivement, donc – selon le « principe de tous les principes » – et en se légitimant en droit. »[1] Certes, le néant n’est pas une chose. Nous venons de le dire, nous ne pouvons parler du Néant, ou du Rien, qu’en l’associant à une « expression d’un sentiment de la vie »[2]. Qu’est-ce à dire ? Cela signifie que nous pouvons faire l’<em>expérience</em> du néant.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Essayons de comprendre. Nous l’avons vu plus haut, si l’on remonte au fondement de la métaphysique, celle-ci nous dit ce qu’est l’étant en tant qu’étant[3]. Certes, la métaphysique « nomme l’Être » mais en réalité, elle ne vise que l’étant en tant qu’étant. Dans son « destin essentiel », elle manque son objet parce que son propre fondement « se dérobe à elle »[4]. Dans son « oubli de l’Être », la métaphysique abandonne l’homme au seul étant, lui ôtant tout espoir de <em>relier</em> l’Être à son essence. Pourtant, aussi longtemps que l’homme sera <em>animal rationale</em>, il demeurera <em>animal metaphysicum</em>[5]. Il s’agit donc de revenir, pour Heidegger, à dire de l’étant ce qu’il est. Mais cela suppose un effort : celui de <em>dépasser</em> la métaphysique. Ou plus précisément, il s’agit de dépasser, tel que le précise E. Gilson, « cette science de l’étant ainsi conçue, et parce qu’en fait c’est ce qu’elle est, qu’il s’agit précisément de dépasser »[6]. Parce que nous essayons de tenir un <em>discours</em> sur l’étant, nous revenons à son propos à une <em>philosophie première</em>, c’est-à-dire à une <em>ontologie</em>. Et c’est précisément parce qu’elle est une <em>ontologie</em>, que nous pouvons nous interroger à propos de la métaphysique. Il s’agit donc de questionner ce qu’est l’objet de la métaphysique pour la <em>surpasser</em> en tant qu’obstacle à la relation de l’Être à l’essence de l’homme[7]. Certes, cette démarche présente deux inconvénients majeurs : le premier, est de faire courir le risque à l’homme, en réussissant à saisir la racine de la métaphysique, de subir un changement d’essence, et le second, c’est le profond brouillard qui enveloppe l’être heideggérien, qui ne trouve jamais le moindre sens précis au mot[8]. Invités à chercher l’être « au-delà de la métaphysique, nous ne savons de quel côté nous tourner ». Pis, « quand le moment est venu de dire ce qu’est l’être, il se tait. »[9]</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>La mondanéité du monde</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Donc, résumons. Qu’en est-il du Néant ? Le Néant peut-il être donné ? Et comment le serait-il ? Avons-nous seulement <em>accès</em> au Néant ?<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/martin-heidegger/" target="_blank" rel="noopener">Heidegger</a></span>, distinguant le Néant <em>imaginé</em> du Néant <em>réel</em>, affirme que nous pouvons faire « une <em>expérience fondamentale du Néant</em> »[10]. Tâchons de comprendre en apportant tout d’abord une première précision : l’étant peut nous être <em>donné</em> en totalité, moins, il faut le préciser, sous forme d’objet de connaissance, que dans une disposition, un sentiment, une tonalité[11]. « La disposition révèle « comment on se sent », « comment on va ». En ce « comment on va » l’être disposé place l’être en son « là ». »[12]L’ouverture de l’être-au-monde, le surgissement des étants, dans leur donation au Dasein, se trouve enfermé dans la dispersion propre à la « préoccupation ». Et pourtant, « bien qu’elle ait ainsi l’apparence de se disperser, la <em>banalité quotidienne</em> n’en assure pas moins toujours la cohérence de l’existant en son ensemble, bien qu’une ombre la dissimule. »[13] Afin de bien embrasser la compréhension de ce moment de la conférence, tâchons d’abord de dire un mot de la « banalité quotidienne » à laquelle Heidegger fait référence ici. Dans son ouvrage majeur, <em>SuZ</em>, Heidegger s’est efforcé de penser la quotidienneté (<em>Alltäglichkeit</em>)[14]. Quel est donc le nœud du problème ? Exister, c’est pour moi faire l’expérience du monde. Exister, c’est vivre dans le « règne des ustensiles », c’est faire l’expérience de ses possibilités, « la possibilité fondamentale d’être-dans-le-monde », c’est faire l’expérience d’une « existence (qui) se devance elle-même »[15]. C’est donc habiter un monde de mes possibilités et de mes potentialités. C’est habiter la <em>familiarité</em>[16] du monde dans laquelle je me rapporte aux choses. C’est faire l’expérience de la banalité, c’est-à-dire vivre au niveau de l’immanence de la quotidienneté, ce qui permet au questionnement philosophique de faire de l’être le problème le plus concret. Nous pouvons donc dire derrière G. Steiner, qui a manifestement raison d’écrire : « le « là » est le monde : le monde concret, positif, réel, quotidien. » Et écoutons-le continuer : « Être humain, c’est être immergé, implanté, enraciné dans la terre, dans la quotidienneté terre-à-terre du monde (« humain » comprend <em>humus</em>, le latin pour la « terre »). »[17]<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le monde de la familiarité, c’est donc le monde du « on-dit »[18], de la curiosité[19] et de l’équivoque[20]. « On-dit, curiosité et équivoque caractérisent les manières qu’à le <em>Dasein</em> d’être quotidiennement son « là », l’ouverture de l’être-au-monde »[21]. Mais alors que le Dasein montre l’extrême prétention de vivre une vie <em>pleine</em> et <em>authentique</em>, ce qui le rassure et le conforte dans l’idée que tout « va bien », « être-jeté » dans le monde, « le Dasein existe factivement. »[21] Qu’est-ce à dire ? Le <em>Dasein</em> vit une existence impropre, précipité dans le tourbillon de la quotidienneté, soumis à l’emprise du <em>On</em>, il a lâché prise avec son être-propre pour se laisser submerger par les <em>vapeurs</em> du monde de la préoccupation quotidienne. Nous pouvons alors parler de déchéance (<em>Verfallen</em>), qui est le mode sur lequel le <em>Dasein</em> est quotidiennement au monde, même si ce terme ne doit en aucune manière être entendu selon une signification négative, ou théologique comme le seraient les termes de « chute » ou de « défaut ». Nous pouvons dès lors parler sans mal d’existence <em>inauthentique</em>.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Aussi, le Dasein est le seul étant capable de se poser la question du sens de l’existence, de la mort, et de la vérité de l’Être. À la fois conscience (<em>Bewusstsein</em>) et conscience de soi (<em>Selbstbewusstein</em>), le chemin que doit entreprendre le <em>Dasein</em> « qui conduit de la métaphysique à l’essence extatico-existentiale de l’homme doit passer par la détermination métaphysique de l’«en-soi » de l’homme »[22]. De fait, il dispose de la possibilité de fuir la déchéance ; une fuite devant le hors-de-chez-soi, à opposer à la fuite dans le chez-soi de la quotidienneté, devant l’inquiétante étrangeté (<em>Unkeimlichkeit</em>) de l’être-au-monde jeté et remis à lui-même. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Curiosité, ennui, equivoque : la déchéance</strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">L’analyse de la déchéance n’est en réalité qu’une « première tentative, encore « locale », de dépasser une vision purement « partielle » du <em>Dasein</em> et d’appréhender l’unité structurelle qui sous-tend les phénomènes du bavardage, de la curiosité et de l’équivoque »[23]. Dans l’existence, nous avançons, sans savoir ce qui nous attend, ni vers quoi l’on va, excepté notre propre mort, que personne ne peut endosser à notre place, et qui est notre <em>seule</em> certitude. « Jetés », nous sommes « livrés »[24]. Nous dirons plutôt que nous sommes « embarqués », avec la nette référence pascalienne que ce terme comporte aujourd’hui. Nous vivons parmi les autres, et comprendre leur présence veut dire pour Heidegger « exister ». Puisque « être-au-monde » signifie littéralement dire dans un langage heideggérien être un « être-avec ». Pourrions-nous aller jusqu’à affirmer avec J. Greich que « l’être-au-monde » est « en lui-même tentateur »[25] ? Il est clairement établi aujourd’hui que les descriptions pénétrantes du maître à propos de la familiarité mettent en scène l’homme jeté parmi les choses du monde et des autres êtres vivants, actualisant et réalisant par-là son propre <em>Dasein </em>comme un « être-avec-autrui » quotidien qui l’empêche de <em>venir à lui-même</em>. « Bien qu’elle ait ainsi l’apparence de se disperser, la <em>banalité quotidienne</em> n’en assure pas moins toujours la cohérence de l’existant dans son ensemble, bien qu’une ombre la dissimule. »[26]<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Soit nous sommes pris dans le mouvement perpétuel du monde, du bavardage, et du quotidien, soit nous sommes tiraillés par l’<em>ennui</em>. « Ennui encore lointain, dans le cas où c’est simplement tel livre, tel spectacle, tel travail ou telle distraction qui nous ennuie ; mais ennui qui éclôt lorsque « l’<em>on</em> s’ennuie ». »[27] Dans la « mondanité-du-monde » nous ne sommes plus nous-mêmes, nous sommes « factices ». Le <em>Dasein</em> est aliéné. Une aliénation sociale au <em>On</em> qu’exprime le terme allemand <em>Man</em> que G. Steiner se propose plutôt de traduire par <em>Ils</em>[28]. Impersonnalité, neutralité, nous nous livrons à une existence sans forme, <em>inauthentique</em>[29]. « Ontologiquement, cela veut dire : tant que le <em>Dasein</em> s’en tient au on-dit, il est coupé en tant qu’être-au-monde des rapports primitifs et véritablement originaux à l’égard du monde, de la coexistence et de l’être-au lui-même. »[30] Cette vie inauthentique correspond à vivre non par nous-mêmes, mais comme « ils » vivent. C’est donc à peine si le <em>Dasein</em> vit. Le « ils » ici, cela n’est ni moi, ni toi, ni nous. C’est un « ils » impersonnel qui retire au <em>Dasein</em> sa singularité, sa responsabilité. Ce qu’il pense, c’est à travers le « ils. Ce qu’il dit, c’est tout autant à travers le « ils ». Et ce qu’il fait également. Nous pouvons donc en conclure que le « ils » fait le <em>Dasein</em>, et en sa qualité de « ils, ça n’est « personne ».<br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1127215" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/520203066.png" alt="heidegger,qu'est-ce que la métaphysique,françois vézin,lévinas,edmund husserl,georges steiner,jean-luc marion,dasein,etienne gilson,maxence caron" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Paru dans la revue <em>Philosophie pratique</em>, n°8, sept-nov. 2011</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Aussi, dans la vie inauthentique, nous avons peur (<em>Furcht</em>). De l’ennui, des opinions des autres, de ne pas être à la hauteur des critères du succès matériel ou psychologique. Cette peur fait partie du flux banal, pré-fabriqué du sentiment collectif. Elle se nourrit et se fuit par les bavardages inconséquents, le flot ininterrompu des banalités, des nouveautés, des clichés, du jargon, de la fausse grandiloquence[31]. Heidegger s’est employé à penser l’agitation du monde en propre. Cet « ennui profond, essaimant comme un brouillard silencieux dans les abîmes de la réalité-humaine »[32] est à rapprocher de la curiosité[33], ou de la joie. En choisissant ces tonalités affectives (<em>Stimmungen</em>) du <em>Dasein</em>, Heidegger entend montrer que l’expérience renouvelée de chacune de ces « situation-affective » (<em>Befindlichkeit</em>) nous permet de lever le voile (<em>Άλήθεία</em>) sur l’étant dans sa totalité[34].<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La conférence de 29 distingue l’ennui qui nous saisit durant un spectacle ou un travail insipide, et l’ennui véritable qui « révèle l’existant dans son ensemble ». Il s’agit donc de bien distinguer, tel que le remarque J.-L. Marion, l’ennui de quelque chose, de s’ennuyer soi-même de soi-même à propos d’une chose, d’un troisième et essentiel ennui : « l’« ennui profond » (qui) met en cause le « soi » en personne : on s’ennuie de soi en soi, en sorte que tout l’étant comme tel entre en suspension. […] Ainsi, par la tonalité de l’ennui, le <em>Dasein</em> accède-t-il à l’étant dans son ensemble comme un phénomène donné en personne, sans réserve ni condition ; l’étant en totalité se donne à voir, précisément parce que l’ennui rend indifférentes les différences qualitatives et quantitatives entre les étants. Le <em>Dasein</em> se trouve donc bien jeté comme tel au milieu de l’étant dans son ensemble. »[35] <br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Néanmoins, Heidegger dans sa conférence nous met en garde : les tonalités-affectives de la joie ou de l’ennui ont beau nous mettre en présence de « l’<em>existant</em> en son <em>ensemble</em>, elles nous dérobent le Néant que nous cherchons »[36]. Est-ce donc une aporie apparaissant dans son raisonnement, ou existe-t-il une tonalité plus fondamentale encore ?<br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071186" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/1978591319.jpg" alt="françois vézin, lévinas, edmund husserl, georges steiner, heidegger,qu'est-ce que la métaphysique, jean-luc marion, dasein, Etienne gilson, maxence caron, " /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Martin Heidegger (Photo: François Fédier)</span></p><p style="text-align: left;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">(<span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2018/03/22/heidegger-et-la-conference-de-29-3eme-partie-3102751.html">Passez à la troisième partie</a></span>)<br /></span><br /><br /><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><em> <span style="color: #800000;">En ouverture :</span></em><br /></strong><span style="color: #800000;"><strong> © Hengki Koentjoro 2008</strong></span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">________________________________________</span></p><div><p class="" style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23sdfootnote1anc&h=ATPmULZDNgKSrUhDUFjGbpIlhrkQgSYhPUHldBx7exgJUOo_JznWyg-p0uymL7wbo0MqOgZIIMBNR6fQw_BIfwcCIhcjR6bJhC89JxcbALcb65fF41OU0HR34k9UgSS-snCWTvLI" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy">1</a> J.-L. Marion, <em>op. cit.</em>, p. 257.</span><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.blogspirit.com%2Fadmin%2Fposts%2F%23sdfootnote2anc&h=ATM7QMil4OTQWpA4Z28Cm7LIMod2uysr0W3A5kt0wtN_yHW7kpNgUm-Pt8vwnIL8_LzOFwN0sKFYSSjBhVJ2BNeCmj3r0IvjesZ6GWzZ4mpx5ujzqcF6ALpXPnKVHI43SSEtEWse" target="_blank" rel="nofollow noopener noreferrer" data-lynx-mode="asynclazy">2</a> C. Tiercelin, « La métaphysique » in <em>Notions de philosophie II</em>, coll. « Folio-Essai », Paris Gallimard, 1995, p. 460.</span><br /><span style
Marc Alpozzo
http://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html
Entre corps et âme, L'immoralisme de Spinoza (Une lecture du travail de Robert Misrahi)
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2011-01-03:1860366
2011-01-03T06:00:00+01:00
2011-01-03T06:00:00+01:00
J'ai croisé plusieurs fois Robert Misrahi, dans des conférences...
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;" align="center"><span style="font-size: 12pt;"><span style="font-family: georgia, palatino;"><strong>J'ai croisé plusieurs fois <span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span style="font-size: 12pt;">Robert Misrahi, dans des conférences et des salons littéraires. J'aime beaucoup ce spécialiste de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/spinoza/" target="_blank" rel="noopener">Spinoza</a></span>, professeur émérite de la Sorbonne, car je suis bien convaincu avec lui que la philosophie de Spinoza consacre un lien étroit entre la liberté et le bonheur, avec pour boussole la joie. Ce rapport au bonheur par la joie déleste la philosophie de tout déterminisme. Mais cette philosophie ne saurait être possible sans une révision complète du rapport entre le corps et l'âme. Contre le dualisme cartésien, Spinoza opère un véritable renversement des rapports entre les deux en les unifiant. Deleuze dans un ouvrage important (<em>Spinoza et le problème de l'expression</em>) parlait de parallélisme entre le corps et l'esprit. Cette question philosophique difficile, reposant à la fois sur une conception ontologique, épistémologique et anthropologique, <span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span style="font-size: 12pt;">Robert Misrahi les porte courageusement dans l'ensemble de son travail, et dans une </span></span></span></span>conception de l’individu chez Spinoza, que l'on retrouve dans un ouvrage, que j'ai commenté dans ce long article, réalisé pour le numéro 9 des <span style="color: #800000;"><em>Carnets de la philosophie.</em></span> Je le rends désormais accessible dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</strong></span></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/1414702725.jpg" id="media-1071277" alt="" /></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: justify;" align="justify"> </p><h1 style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">Introduction : problématique et méthode</span></h1><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1125723" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/3428962142.jpeg" alt="spinoza,gilles deleuze,platon,kant,rené descartes,ferdinand alquié,nicolas malebranche,dualisme cartésien,lévinas,maurice merleau-ponty,jean-paul sartre,jean-pierre changeux,paul ricoeur,robert misrahi" />Quels sont les rapports entre le corps et la conscience ? La dimension de la conscience est-elle séparable de la dimension corporelle ? Comment peut-on entrevoir la problématique de la conscience à partir du statut du corps aujourd’hui ? Ces trois premières questions philosophiques fondamentales quant aux problèmes du rapport entre le corps et l’esprit, viennent précisément questionner la définition de l’homme. Une définition qui pense l’homme de manière dualiste : à la fois un être matériel, proche de l’animal, assujetti à des besoins biologiques, et pourtant apte à les dépasser, sans totalement s’en affranchir néanmoins, donc y résister. Pourquoi ? Parce que l’homme n’est pas seulement un être embarrassé d’un corps ; en produisant des pensées, il est également une conscience qui dispose de la faculté de <em>se penser</em> et de <em>penser ses actions</em>. Déchiré entre ses pulsions et sa raison, l’homme, dans ses actes et ses pensées, fait alors preuve d’une conjonction de deux principes différents et antagonistes. Cette dualité entre le corps et l’esprit, ou les pulsions et la raison, n’a pas manqué de créer un conflit dans la culture occidentale, entre ceux qui font montre d’un véritable mépris pour le corps, qu’ils vilipendent et bannissent, et ceux qui au contraire, défendent le <em>mens sana in corpore sano</em>. Dans son ouvrage <em>Le corps et l’esprit dans la philosophie de Spinoza<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><strong>[1]</strong></a></em>, R. Misrahi interrogeant le statut même du corps et de l’esprit, précise dès les premières lignes que, « la problématique du statut de la conscience se présente aujourd’hui d’une façon riche et paradoxale<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> ». Il est vrai que le débat philosophique à propos du dualisme, qu’il se soit placé sur le terrain ontologique ou déplacé sur le terrain psychologique, existentiel, neuroscientifique, ne nous a pas permis de dépasser le conflit. Aussi, en se fixant comme objectif philosophique de cerner les rapports du corps et de l’esprit dans la philosophie de Spinoza, R. Misrahi se devait, dès son introduction, de repositionner le débat des rapports corps-esprit entre les progrès de la neurobiologie, qui « semblent offrir des éléments pour une connaissance et une maîtrise scientifiques du comportement<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a> », et la philosophie phénoménologique, qui vient faire barrage à des revendications excessives<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Que l’on s’en tienne à l’homme neuronal, selon la formule de J.-P. Changeux<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, ou à la dimension corporelle et charnelle du sujet, comme chez <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/jean-paul-sartre/" target="_blank" rel="noopener">Sartre</a></span>, Merleau-Ponty, Marcel ou encore <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/emmanuel-levinas/" target="_blank" rel="noopener">Levinas</a></span>, c’est-à-dire un corps-sujet, R. Misrahi ne saurait se satisfaire de ces nouvelles tentatives de définition de l’homme, et dernière celle-ci, de la grande question qui se pose en filigrane : <em>comment doit-on vivre ?</em> Certainement parce que le matérialisme neuroscientifique ne parvient toujours pas à clarifier comment la conscience s’inscrit dans le réel, et surtout dans le corps. Or, que l'on prenne les perspectives d’un Marcel ou d’un Levinas, celles-ci « retrouvent vite leur origine spiritualiste<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a> », que l'on prenne les descriptions d’un Sartre, qui demeurent trop abstraites tant dans « l’élucidation des motifs de l’action […] que dans les descriptions du corps vivant<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a> », ou encore les structuralistes, tous auront échoué selon Misrahi, car les actions humaines qu’ils décrivent, sont noyées dans des problèmes linguistiques et grammaticaux.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Aussi, si l’on entend résoudre le problème des relations entre le corps et la conscience, il s’agit alors pour nous de nous recentrer sur le désir et son « rôle central dans l’activité humaine<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a> », nous dit le spécialiste de Spinoza, R. Misrahi. Cette référence au désir, que les sciences humaines – et précisément les psychiatres et psychanalystes – semblent parfaitement circonscrire, pourrait alors nous permettre de mieux poser le problème. D’abord, parce que le statut de l’inconscient – à la fois en tant que langage et en tant qu’au-delà de la conscience – mais encore les pulsions et le statut de la conscience et du corps posent toujours problème dans leurs interactions qui, à ce jour, ne semblent toujours pas clarifiées et précisées de manière satisfaisante, nous nous apercevons alors la question du désir revient alors au centre de l’ancienne problématique de l’âme et du corps qui, nous dit Robert Misrahi, est devenue précisément la problématique <em>du sujet et du désir</em>.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Sur le plan méthodologique, Robert Misrahi entend faire intervenir la philosophie de Spinoza, et précisément sa doctrine de l’homme et du désir, afin de tenter de surmonter les obscurités demeurant, ou encore les contradictions inhérentes aux hypothèses, et « de rendre compte d’une façon originale et claire de la relation corps-esprit<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a> ».</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h2 style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">Chapitre 1 – Le contexte</span></h2><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>1 – Aperçu schématique sur les doctrines traditionnelles</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comment surmonter l’obstacle du <em>dualisme</em> cartésien de l’âme et du corps ? Comment élaborer derrière le dualisme, une doctrine unitaire de l’homme ? Afin de proposer un point de départ important à une réflexion philosophique et anthropologique sur les rapports de l’esprit et du corps, Spinoza doit d’abord établir une critique du <em>dualisme</em> « psychophysique » cartésien, selon les mots de R. Misrahi<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Car, si le cartésianisme permet de libérer la science de l’occultisme et de recours aux forces occultes, il demeure cependant impuissant à résoudre le problème de l’unité humaine. Le mécanisme cartésien établit un monde créé par un Dieu, substance absolue, et constitué par des âmes et par des corps, chacun des deux étant une substance finie et dépendante. Mais cette dépendance ne permet toutefois pas l’unité, car les corps sont exclusivement définis par l’extension et l’étendue qui ne pensent donc pas. Si le mécanisme cartésien permet la formulation mathématique du monde, il rend cependant le corps et la matière totalement étranger à la pensée. Et le <em>cogito,</em> qui est chez Descartes, le critère de vérité, définit l’essence de l’âme, mais ne peut en aucune manière rendre compte de la moindre détermination matérielle ou spatiale. La pensée se trouve en l’âme, et les sensations et perceptions sont d’origine corporelle. De fait, à la question « <em>Qui suis-je ?</em> », Descartes répond que je suis une chose qui pense, « c’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a> ». Mais Descartes, exclue ce qui pourrait empêcher la pensée de se définir de manière intellectualiste, c’est-à-dire l’imagination et la sensation. Le dualisme cartésien est un dualisme radical, qui scinde l’âme et le corps en deux, et enlève à l’âme tout contenu corporelle, et au corps toute possibilité de penser. Ce « dualisme de la pureté<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a> », selon R. Misrahi ne permet cependant pas de rendre compte des rapports entre l’âme et le corps.</span></p><ol style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Misrahi rappelle bien évidemment que Descartes établit la relation entre le corps et l’âme par la « glande pinéale », qui relie ces deux réalités hétérogènes. Ce qui est alors mis en problème, c’est l’<em>action</em> que chaque substance peut exercer sur l’autre. Tandis que le corps est actif, l’âme est passive. La glande pinéale transmettant à l’âme sa quantité de mouvement et sa direction, elle est une « caisse de résonance<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>» qui transmet à l’âme ce qu’elle reçoit du corps.</span></li></ol><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais le problème du <em>dualisme </em>subsiste : la réponse mécaniste n’est pas suffisante pour résoudre le problème qu’il a posé. Pourquoi ? Tenter de concilier un spiritualisme d’un côté qui tâcherait de rendre compte d’un côté du mouvement corporel par la pensée, et un matérialisme de l’autre, voulant rendre compte de la pensée pure par des mouvements corporels pose précisément un problème de méthode. Comment comprendre l’homme par ces deux méthodes qui se confondent ? De plus, cela entraîne un paradoxe, comme le souligne R. Misrahi : « le cartésianisme est conduit à traiter la conscience comme une chose (l’âme est réduite à une épure, comme les corps étendus) et le corps comme une conscience (la glande pinéale est porteuse de décisions)<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a> ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><em> </em></span></p><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>2 – La critique spinoziste du dualisme cartésien</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Nous pouvons retrouver plusieurs critiques formulées par Spinoza à l’encontre du <em>dualisme </em>cartésien :</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">1° D’abord, Spinoza s’étonne devant la doctrine cartésienne de la glande pinéale. Dans la préface de l'<em>Ethique V</em>, il souligne le caractère obscur et confus du concept d’<em>union</em> dès lors que Descartes oppose l’esprit et le corps. Problème auquel s’ajoute l’indétermination de l’union. En effet, il interroge les quantités de mouvement et d’énergie que l’esprit peut transmettre à la glande pinéale. Ce qui s’aggrave d’une <em>modalité d’action</em> de l’esprit sur le corps.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">2° Autre critique, celle concernant la réalité et l’étendue du pouvoir de l’esprit sur ses passions. Comment Descartes peut-il expliquer que nos jugements suffisent à bien orienter et réorienter les mouvements de la glande pinéale ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais au-delà de cette critique, souligne R. Misrahi, ce sont les philosophes de la volonté que Spinoza vise, c’est-à-dire ces philosophes qui prétendent que la volonté est suffisante pour dominer et domestiquer les passions du corps.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Tâchons de comprendre : son propos est double et simultané nous dit R. Misrahi. D’abord, Spinoza entend nous montrer que toutes nos actions sont déterminées et ne sauraient découler du moindre « libre-arbitre ». Il réfute donc toute possibilité d’arbitraire dans nos actions, et pose l’axiome que toutes nos actions ont une raison d’être. Mais cette critique du « libre-arbitre » entraîne alors une seconde exigence : selon Spinoza entendre que l’idée que tous nos actes aient une « cause » entraîne alors nécessairement que l’idée de « volonté » serait un leurre. Il s’agit de comprendre en réalité que l’idée de « volonté » implique nécessairement l’idée de « faculté », que ce soit l’idée de volonté, de juger, etc. Nous devons donc comprendre, nous dit R. Misrahi, que Spinoza entend défendre l’idée que la faculté de vouloir ou de juger est un leurre, parce qu’il n’existe que des « idées singulières ». Cette critique radicale de la volonté laisse le champ libre aux notions de <em>désirs </em>et de <em>conatus </em>qui tiennent une place centrale dans le corpus spinoziste.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Nous ne devons donc plus comprendre l’acte de l’homme comme résultant d’une volonté, c’est-à-dire d’une faculté, mais résultant de volitions qui sont des actes singuliers. De la même manière que nous devons comprendre la <em>raison </em>comme caractérisant l’esprit, lorsque ce dernier forme des idées et pense effectivement et activement des concepts qui sont affirmées dès lors qu’ils sont pensés. De fait, nous devons entendre cet inlassable combat du <em>dualisme</em> comme une réflexion véritable sur l’opposition entendement-imagination et action-passion. Une critique spinoziste qui s’ouvre sur une conception neuve de la morale et une perspective autre de l’existence nous dit R. Misrahi.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>3 – Le propos d’ensemble de la philosophie de Spinoza</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le projet philosophique de Spinoza vise une finalité précise : « une joie permanente et souveraine ». La joie placée au centre de l’expérience avec pour stade ultime la Béatitude, impliquant nécessairement la relation réflexive entre l’homme, et Dieu qui est <em>ce </em>monde, c’est-à-dire la Nature conçue dans toute son infinité. Dans sa visée éthique, le spinozisme recherche la connaissance de ce monde, ce qui permet à l’homme, dans cette relation à Dieu, de trouver joie et liberté. La visée de Spinoza est donc d’ouvrir une voie à la connaissance objective en innovant par rapport à Descartes qui s’en tenait à la seule connaissance de la nature. Spinoza entend élaborer une connaissance de l’homme. C’est la modernité de Spinoza que R. Misrahi ne manque pas de souligner.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais ce que l’on doit également retenir, dans le travail d’élaboration de la relation entre le corps et l’esprit de Spinoza, c’est toute la part anthropologique que cela introduit. Afin d’être précis, tâchons d’éclaircir ce point avant de continuer. La démarche de Spinoza, nous dit R. Misrahi, est anthropologique au sens où elle dessine une véritable « science de l’homme » en analysant la structure de l’homme comme telle, c’est-à-dire esprit et corps, et par ailleurs, qu’il définit l’essence de l’homme à partir du Désir – d’abord, non-rationnel, puis rationalisé et libéré. Cette rationalisation du Désir doit être à la fois entendue à partir d’une connaissance rationnelle de l’homme, et de ses actions – qu’elles soient libres et réfléchies ou dépendantes de la passion et de la servitude, c’est-à-dire motivées par l’imagination (j'y reviendrai plus loin).</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><ul style="text-align: justify;"><li><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><em>4 – Le système de la Nature</em></span></li></ul><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Construire une anthropologie implique une double exigence : se libérer de la superstition et établir un examen rigoureux de la Nature, c’est-à-dire une connaissance adéquate des principes et des lois qui s’appliquent à la nature, sans quoi il est impossible de bâtir une anthropologie. Il est à noter que pour Spinoza, il n’y a qu’une seule nature et, au sein de celle-ci, l’homme ne saurait être un empire dans un empire. Dans cette unité du tout de la réalité, il s’agit de se défaire des concepts d’âme, de faculté et de libre-arbitre, ce qui nous permet de nous soustraire aux préjugés finalistes religieux, et de concevoir une anthropologie appuyée sur un système rationnel et démonstratif solide exprimant les grandes lignes de la structure de la nature.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Mais avant d’aller plus avant, et d’aborder le problème de la doctrine du corps et de l’esprit, il nous faut prêter attention aux grandes lignes du système spinoziste de la Nature que met en lumière R. Misrahi. C’est-à-dire entrer dans un texte de géométrie établit à partir d’une méthode discursive qui se présente de manière aussi démonstrative que celle des mathématiciens.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Tâchons de nous rappeler : Spinoza entend résoudre un dualisme cartésien piégé par son mécanisme. Voulant créer une anthropologie <em>philosophique</em>, il souhaite rendre compte de toute la réalité. Aussi, commence-t-il par le commencement logique, c’est-à-dire par présenter la substance qui n’est autre que l’Être, substance absolue, inséparable du monde, et <em>rigoureusement</em> immanent. Étant la somme ontologique de ce monde-ci, la substance est auto-suffisante, unique et infinie. Aussi exprime-t-elle que rien en dehors de ce monde n’existe, et pose-t-elle comme réalité à propos d’elle-même, un état d’<em>immanence </em>totale. Pour reprendre l’idée de G. Deleuze, nous dirons derrière ce dernier que « la Nature dite naturan
Marc Alpozzo
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Diagnostic d’une crise du sens (Jean-François Mattéi)
tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2008-01-25:1470591
2008-01-25T08:50:00+01:00
2008-01-25T08:50:00+01:00
La notion de « crise » semble aujourd’hui à la mode. Les formules telles...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><strong style="text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia;">La notion de « crise » semble aujourd’hui à la mode. Les formules telles que « crise de l’art », « crise du roman », « crise de société » sont légion. Pas une science, une discipline, une société qui n’ait eu sa crise… Sclérose, immobilisme, moment inéluctable de l’échec d’un système, la notion de « crise » stigmatise ce moment où l’on passe d’un état normal des choses à un moment où l’évolution n’est plus possible. Formule en référence à un état passé idéal, et un état présent dont le sens compris à partir de cet idéal aurait dégénéré… <span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"><strong>Cette recension est parue dans le numéro 5, du<em> <span style="color: #800000;">Magazine des livres</span></em>, en juillet 2007. La voici désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>.</strong></span></span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/776723682.png" id="media-1071322" alt="" /></p><div style="text-align: center;"> </div><div style="text-align: center;"> </div><div style="text-align: justify;"><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: Georgia; font-size: 13pt;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"><img id="media-1070259" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/1071393615.jpg" alt="jean-françois mattéi,crise,sens,nietzsche,kant,hegel,marx,lévinas,habermas,mort de dieu,mort de l'homme,geroges bernanos,holderlin" />« La notion de crise implique une structure de discontinuité qui élève un événement historique au rang de moment inquiétant qui affecte le développement d’un processus humain au point d’en altérer le sens, c’est-à-dire la direction et la signification. »<a style="mso-footnote-id: ftn1;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn1" name="_ftnref1"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[1]</span></span></span></span></a> Dans l’histoire et sa progression, la crise correspondrait ainsi à un moment de bégaiement, un chaos, une rupture dans la progression. En fait, rien de plus problématique que la notion de « crise ». Car qui, depuis Kant, Hegel ou Marx, pourrait encore croire qu’il y a une disjonction exclusive entre « crise » et « progrès » ? Toute la philosophie moderne a porté et pensé la crise comme un progrès dans l’Histoire, dans laquelle, du mal, on a vu sortir un bien. Penser la crise en adéquation avec le progrès, c’était alors prêter à la contradiction une certaine fécondité. Dans toutes les théories de l’histoire qui identifient un moteur inhérent à celle-ci, moteur comme devenir en tant qu’auto-déploiement, le mal et la violence font partie intégrante de l’histoire et de son progrès. Chaque société étant grosse d’une société nouvelle, Marx à la suite de Hegel nous enseignait que l’histoire n’en accouchait pas sans douleur. La violence devenue ainsi la sage-femme de l’histoire font des notions de « crise » et de « progrès » des notions inconciliables.<br /><br /></span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">Cette définition du sens de l’histoire et de sa progression tient tant que l’on attribue aux évènements historiques une intelligibilité toute particulière qui trouverait son éclairage dans la fin de l’histoire et son épanouissement final. La crise (ou les crises) trouve un sens au moment où l’histoire parvient à son terme. Tout l’effort de Hegel d’ailleurs consistait à penser la raison dans l’histoire ou, pour être plus précis, la raison <em>et</em> l’histoire, comme deux notions inséparables. La postmodernité vient toutefois faire trembler les fondements de la théodicée ou de la fin de l’histoire comme idée régulatrice. « Il n’y a plus d’Esprit du monde, ni d’histoire pour nous conduire devant son tribunal. Autrement dit, il n’y a plus de sens du monde », écrit Jean-Luc Nancy<a style="mso-footnote-id: ftn2;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn2" name="_ftnref2"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[2]</span></span></span></span></a>. Et Jean-François Mattéi de commenter : « Il faut renoncer, non seulement au sens, mais à la demande de sens, voire au « renoncement » lui-même qui garderait la nostalgie du sens. […] Les hommes sont <em>(aujourd’hui)</em> livrés à un présent éternel qui ne débouche sur rien. Il reste à vivre dans ce monde désenchanté, privé de Dieu, de transcendance ou d’histoire, privé aussi de justice, sans chercher à le réenchanter pour ne pas succomber aux pièges d’un sens aboli. »<a style="mso-footnote-id: ftn3;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn3" name="_ftnref3"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[3]</span></span></span></span></a></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071089" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/2487886574.jpg" alt="jean-françois mattéi,crise,sens,nietzsche,kant,hegel,marx,lévinas,mort de dieu,mort de l'homme,geroges bernanos,holderlin,jüngen habermas,hans jonas" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">New York, 11 septembre 2001</span></p><div style="text-align: center;"> </div><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">Si jusqu’ici l’articulation entre « crise » et « progrès » se pensait aisément, la postmodernité est venue tout bouleverser : la crise de la science avec l’établissement dont il n’existait aucune source ultime de la connaissance ; crise la philosophie avec ses chemins qui ne mènent nulle part, et la fin de la métaphysique ; crise des religions monothéistes, de l’art, de l’économie, crise de la culture<a style="mso-footnote-id: ftn4;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn4" name="_ftnref4"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[4]</span></span></span></span></a>, tout converge vers un malaise de la modernité voire un effondrement.<br /><br /></span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">À quoi ce malaise tient-il ? D’abord à la perte de la transcendance. Désormais, l’homme postmoderne ne peut aspirer à aucun espoir de grandeur. Perdu dans un monde livré à la barbarie, l’homme est « un être rivé à lui-même, sans ouverture sur autre chose que sa propre impuissance »<a style="mso-footnote-id: ftn5;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn5" name="_ftnref5"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[5]</span></span></span></span></a>. Replié sur lui-même et sa subjectivité impossible, cet homme ne peut plus fonder son moi sur personne d’autre, - et certainement pas Dieu, ayant déserté la scène, - que lui-même. La récusation de l’immanence, la fin de la métaphysique, l’antiplatonisme des Modernes, font de cet homme livré à lui-même, un être qui, dans son ouverture vers autrui, est réduit à la « seule visée de la communication »<a style="mso-footnote-id: ftn6;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn6" name="_ftnref6"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[6]</span></span></span></span></a> ; et même si, à proprement parler, nous pouvons croire en une éthique de la communication, celle-ci semble courir le risque d’ouvrir « sur rien d’autre que sa propre clôture »<a style="mso-footnote-id: ftn7;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn7" name="_ftnref7"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[7]</span></span></span></span></a>.<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071091" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/1191700386.jpg" alt="jean-françois mattéi,crise,sens,nietzsche,kant,hegel,marx,lévinas,mort de dieu,mort de l'homme,geroges bernanos,holderlin,jüngen habermas,hans jonas" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Maurizio Cattelan, La Nona Ora polyester, </span><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">cheveux naturels, <br />accessoires, pierre, moquette. 1999</span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">Autre écueil : le relativisme postmoderne. La postmodernité est problématique en ce sens que « pour se distinguer d’une modernité tributaire de l’exigence de stabilité dans son projet de tirer par la raison l’éternel du transitoire, la postmodernité s’est installée dans la faille du transitoire sans souci de ce vers quoi elle transit, entre la rive abolie de la modernité et la rive absente d’un futur sans avenir.<a style="mso-footnote-id: ftn8;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn8" name="_ftnref8"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[8]</span></span></span></span></a> » Temporalités foudroyées, mémoire n’ayant plus la moindre dimension, pour l’homme postmoderne le tri s’avère à présent impossible, réduisant ainsi son époque au mode de la répétition ou de la dérision. Incapable de penser autre époque que la sienne, l’homme postmoderne est gagné par une pensée faible, molle, dont la déroute n’est dû qu’au déclin ou au renoncement. Exaltant un relativisme généralisé « d’une culture qui a rompu avec ses propres racines »<a style="mso-footnote-id: ftn9;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn9" name="_ftnref9"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[9]</span></span></span></span></a>, la rationalité a quitté toute critique pour en vider son oraison de tout sens, le logos désertant ainsi les territoires de la transcendance. Fin de cette critique « en tant que production de la transcendance »<a style="mso-footnote-id: ftn10;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn10" name="_ftnref10"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[10]</span></span></span></span></a>, cherchant par de multiples outils méthodologiques à dépasser les limites géographiques, linguistiques et culturelles qui limitent inévitablement la critique pour la réduire à une critique ethnocentriste. L’époque moderne, de par la brouille de toutes les frontières, n’est capable de rien d’autre que de produire un dernier credo, le plus vil d’entre eux, celui qui chante que « tout est égal, que tout se vaut et que rien ne saurait l’emporter sur rien »<a style="mso-footnote-id: ftn11;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn11" name="_ftnref11"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[11]</span></span></span></span></a>.<br /><br /></span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">La postmodernité n’étant alors qu’« une méditation sur les ruines de ses propres illusions »<a style="mso-footnote-id: ftn12;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn12" name="_ftnref12"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[12]</span></span></span></span></a> est une pensée en ruine ou une pensée des ruines. Éclatement des pratiques, déclin des religions, effondrement des idéologies, bienvenue dans l’univers technologique, de l’essor de la science, l’industrie et l’économie avec ses impératifs en matière de transformation du monde, et d’émiettement du travail et de la morale auquel elle procède en vue de sa propre survie. « La parcellisation des conduites morales a accompagné la parcellisation des tâches économiques »<a style="mso-footnote-id: ftn13;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn13" name="_ftnref13"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[13]</span></span></span></span></a>. Avec le piétinement de toutes les valeurs, leur nivellement, apparaît un mouvement d’unification des comportements humains qui fera dire à Nietzsche décrivant cela comme un nihilisme passif qu’aux yeux du dernier homme « tout se vaut »<a style="mso-footnote-id: ftn14;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn14" name="_ftnref14"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[14]</span></span></span></span></a>. Soit. Jugeons alors d’un des effets les plus pervers, celui de l’éthique qui, devenue terre de désolation, peine à retrouver la moindre hauteur, la moindre transcendance, et, ce, malgré les efforts de penseurs tels Lévinas, Habermas, ou Jonas qui dessine une belle et prometteuse éthique de la responsabilité. Certes, les paradigmes sont perdus, et « dans la mer de la complexité moderne, après le désenchantement du monde qui nous a privés des compas, des instruments, des routes et des valeurs utilisables, depuis qu’il n’y a plus de havre ou de fin à atteindre, il faut naviguer à vue »<a style="mso-footnote-id: ftn15;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn15" name="_ftnref15"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[15]</span></span></span></span></a>. Mort de Dieu, et, avec elle, mort de l’homme dans son horizon indépassable, le constat nécrologique d’une disparition définitive de tout <em>à-venir,</em> semble s’enraciner.<br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071092" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/00/417208391.jpg" alt="jean-françois mattéi,crise,sens,nietzsche,kant,hegel,marx,lévinas,mort de dieu,mort de l'homme,geroges bernanos,holderlin,jüngen habermas,hans jonas" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Nieztche toujours badass !</span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">« L’étendue de la crise atteint l’idée de vérité, dans sa nécessité théorique, et, par contrecoup, l’idée d’une existence humaine douée de sens, dans son exigence pratique, parce qu’il n’y a plus lieu d’imposer une direction à une humanité éclatée en communautés irréductibles »<a style="mso-footnote-id: ftn16;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn16" name="_ftnref16"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[16]</span></span></span></span></a>, écrit <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2009/10/24/entretien-avec-le-philosophe-jean-francois-mattei.html" target="_blank" rel="noopener">Jean-François Mattéi</a></span> dénonçant le flamboyant nihilisme annoncé par Nietzsche et duquel il nous est encore difficile de nous extraire. Nihilisme athée, nihilisme du dernier homme, celui de l’« à quoi bon », ce fameux démon de notre cœur selon Georges Bernanos. Crise du sens ou crise de l’épuisement du sens, les renoncements du dernier homme vont soudainement bon train : « A quoi bon enfanter pour les unes, à quoi bon aller à l’école pour certains, à quoi bon vivre pour d’autres ? »<a style="mso-footnote-id: ftn17;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn17" name="_ftnref17"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[17]</span></span></span></span></a> La crise est décidément diagnostiquée. Mais peut-on seulement la penser ? Peut-on lui apporter des remèdes ou simplement la subir ? Voilà donc l’objet de toute la question… Dessinant un brillant panorama des trois nihilismes qui attendaient l’humanité à la mort de Dieu, Nietzsche avait également imaginé une sortie, un au-delà du nihilisme. La philosophie non encore éteinte nous propose quelques outils pour faire front à la crise… parmi ceux-ci, un outil essentiel : l’éducation. Car, par l’éducation, l’issue de la crise du sens est possible. L’éducation par sa double fonction, celle de former un homme et de façonner un citoyen, permet surtout de penser ce qui nous menace de comprendre l’histoire. Et par là, « à défaut de changer le monde ou de le transformer, elle nous permet, c’est là le bien commun auquel nous pouvons prétendre, de l’habiter et de le penser. »<a style="mso-footnote-id: ftn18;" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/#_ftn18" name="_ftnref18"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: Georgia;">[18]</span></span></span></span></a> Bien belle sortie signée Jean-François Mattéi et judicieusement inspirée de Hölderlin.</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071093" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/01/2133928004.jpg" alt="jean-françois mattéi,crise,sens,nietzsche,kant,hegel,marx,lévinas,mort de dieu,mort de l'homme,geroges bernanos,holderlin,jüngen habermas,hans jonas" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Avec Jean-François Mattéi, à <em>RCF-Nice</em>, </span><br /><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">pour une émission sur la crise du sens (2008)</span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: right;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: Georgia;">(Texte établi à partir de <em>La crise du Sens</em>, Cecile Defaut, 2006.)</span></strong></p><p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: right;">