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Soirée jeunes chorégraphes à Garnier
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-07-01:3093942
2017-07-01T09:31:43+02:00
2017-07-01T09:31:43+02:00
Sans les retours positifs que j'en ai eu (quoique, de manière fort...
<p>Sans les retours positifs que j'en ai eu (quoique, de manière fort amusante, jamais sur les mêmes pièces), j'aurais probablement manqué la soirée jeunes chorégraphes à l'Opéra de Paris. Autant le dire tout de suite, au risque d'attrister ceux qui n'ont pas attrapé une des quatre dates au vol : cela aurait été franchement dommage. Même si je n'ai pas tout également apprécié, c'était stimulant à voir. </p><p><strong><em>Renaissance</em></strong> est un Millepied signé <strong>Sébastien Bertaud</strong> : la musique et la danse évoluent côte-à-côte dans une indifférence polie. Pas déplaisant, pas inoubliable. Là où cela devient intéressant, c'est que le titre est symptomatique : la période de renouveau à laquelle on aspire (re-naissance) se confond avec le passé (la Renaissance avec une majuscule). La sarco-sainte tradition dont se revendique la maison est bien là, mais on sent davantage son poids que son inspiration. Le passé devient ce point lumineux, tout au fond, dans le foyer de la danse, qui brille davantage à mesure qu'il s'éloigne et qu'on le regarde avec davantage de nostalgie. Devant, sur la scène actuelle, les danseurs tentent d'en capter les derniers reflets, mais ni leurs costumes à paillettes ni le disgracieux sol blanc ne suffisent à en renvoyer l'éclat. Ce serait mentir que de nier le plaisir d'un petit <em>moonwalk</em> entre deux pas classiques, mais cela ne suffit pas à réinventer le passé, tout juste à le faire vivoter. L'impression qui domine, du coup, mais peut-être est-elle intentionnelle (et ce sera là quelque chose à creuser), c'est la nostalgie d'un passé que l'on ne parvient pas à rattraper, sans parvenir non plus à s'en détacher. Impression d'une grandeur passée, et d'être passé à côté. </p><p>Ces réserves ne m'empêchent pas d'adresser un grand merci au chorégraphe : grâce à Sébastien Bertaud, je suis moi aussi devenue de la team Pablo Legasa. Merci pour ce solo, donc, qui m'a fait voir ce que je n'avais pu vu jusque là, et je me demande maintenant comment : le danseur a une souplesse que seules les danseuses, <em>certaines </em>danseuses, semblent avoir, des bras et des doigts en voile de soie, comme les fait oublier Myriam Ould-Braham, un bassin, un torse qui s'installent dans la musique comme dans un espace où il y aurait tout le temps du monde, à sculpter, à habiter tranquillement. Je me suis demandée en le voyant si ce n'était pas ça, l'effet d'engouement que pouvait procurer un Polunin (je ne l'ai jamais vu sur scène). J'attends de le revoir avec plus d'impatience que certaines récentes étoiles…</p><p> </p><p>Les trois pièces suivantes rompent complètement avec le néoclassique brillant de la première : il est frappant de constater, en dépit de styles très divers, la noirceur qui les habite. On aurait tort de traduire trop hâtivement <strong><em>The Little Match Girl Passion</em></strong> par <em>La Petite Fille aux allumettes</em> : c'est une passion, comme il existe des passions du Christ (qui fera d'ailleurs une apparition, électrocuté sans chaise par une guirlande électrique).<strong> Simon Valastro</strong> n'a pas occulté cette dimension lorsqu'il a choisi la musique de David Lang ; il l'investit, et fait monter les chanteurs sur scène pour la faire entendre un peu plus. Leurs litanies extrêmement sobres, a cappella, m'accrochent immédiatement : c'est ça, c'est l'émotion blanche que j'aime tant dans le chant, les phrases sujet verbe complément qui prennent aux tripes dans leur dénuement. Je pense immédiatement à <em>Solaris</em>, à <em>Einstein on the beach</em>, à <a href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/%20http:/grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/05/10/transcendanse-3004614.html" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><em>Borrowed Light</em></a>, surtout, peut-être aussi à cause des longs costumes noirs. Les costumes, les décors… le manteau dont sort, sans qu'on comprenne comment, de la fumée ; la table qui sort et s'enfonce cercueil ; la neige qui tombe partout, jamais là où on l'attend ; les lampes-lucioles… Simon Valastro ne chorégraphie pas seulement, il scénographie avec une maîtrise ahurissante pour offrir un spectacle total comme peuvent en proposer, dans un tout autre style, Akhram Khan ou Russell Mallipant. Il n'y a plus à se demander ce qui relève de la danse, de la musique ou de la mise en scène : tout est là, et instantanément, nous sommes ailleurs.</p><p>On se serait fort bien passé du solo de Marie-Agnès Gillot qui n'apporte rien de plus qu'un nom sur la distribution, mais Eleonora Abbagnato est le <em>cast</em> parfait pour incarner la petite fille, éternelle enfant et vieille déjà d'emprunter le même chemin que sa grand-mère (je le dis depuis des mois qu'on dirait une petite fille, à mesure qu'elle vieillit ; elle trouve là un rôle qui lui va parfaitement et ne souffre pas la nostalgie des belles jeunes filles qu'elle a incarnées chez Roland Petit).</p><p>Le rideau tombe sur des couples en noir qui s'enlacent et dont deux, toujours les mêmes (l'acharnement du sort ne tolère pas la distraction), tombent à chaque fois sous les bras qui n'arrivent pas à temps. Je vois Palpatine très droit, le buste incliné vers l'avant et les avant-bras bien hauts, prêts à applaudir, et ça me fait plaisir de le voir encore plus à fond que moi, après une saison qui confinait au désabusement. (Pour être totalement émerveillée, il m'aurait fallu être au parterre, le nez au l'air, dans la posture de l'enfant qui regarde l'étoile en haut du sapin de Noël - de loin, en hauteur, place qui favorise le recul favorable à la critique, il y a toujours une nuance de <em>look down upon</em>…)</p><p>Curieusement, <em>The Little Match Girl Passion</em>, qui me semble la pièce la plus aboutie de la soirée, n'est pas celle qui emporte le plus d'adhésion… En lisant sur <em><a href="http://www.resmusica.com/2017/06/19/soiree-soiree-bertaudvalastrobouchepaul-a-garnier/" target="_blank" rel="noopener noreferrer">ResMusica</a></em> la chronique de C. (camarade de conservatoire et de prépa), j'en ai compris la raison à cet énoncé surprenamment candide quand on connaît celle qui l'émet : la lecture des surtitres nuit à l'immersion dans la pièce. Cette soirée de jeunes chorégraphes, assez confidentielle, a attiré un public pour l'essentiel strictement balletomane, qui trouve globalement la pièce trop lyrique et théâtrale : pas assez de danse. Je parie qu'avec un public plus éclectique (à Chaillot, par exemple, ou en l'insérant dans une soirée mixte lyrique et chorégraphique à Garnier), la pièce aurait meilleur accueil encore.</p><p> </p><p>Problème partiel d'adéquation au public, encore, avec <strong><em>Undoing World</em>, de Bruno Bouché</strong>, qui aurait en défrisé certains. Franchement, il ne leur faut pas grand-chose : un petit stage au théâtre de la Ville leur ferait le plus grand bien. La pièce évoque le sort des migrants dans un bric-à-brac de trouvailles dont le seul tort est de ne pas vraiment avoir été travaillées de manière convergente. On a l'impression de voir les idées jaillir l'une après l'autre, puis être à leur tour abandonnées par un chorégraphe dilettante par enthousiasme, chaque nouvel engouement balayant le précédent. Ce sont au final des images assez disparates que je garde en mémoire :<br /><br />des poursuites lumineuses qui balayent une foule affolée comme dans une cour de prison, avec des filets de pêche à la place des barbelés ;<br />des petits sauts accroupis à ras de terre comme dans un sacre (Pina, Béjart ?) ;<br />une descente des ombres avec des couvertures de survie dorées hyper lumineuses et bruyantes ;<br />une gigantesque ronde de part et d'autre d'une structure mi-transparente mi-réfléchissante, qui laisse voir le demi-cercle arrière des danseurs tout en surimprimant le reflet du demi-cercle avant qui semble aller en sens inverse (Agathe Poupeney dévoile une nouvelle corde de son arc en passant de la photographie à la scénographie).</p><p>Et puis le pas de deux d'Aurélien Houette et Marion Barbeau, partenariat auquel je n'aurais pas spontanément pensé, mais qui est évident sur scène, chacun de ces deux danseurs superlatifs réfléchissant la puissance de l'autre.</p><p> </p><p><strong>Nicolas Paul</strong> clôturait la soirée avec <strong><em>Sept mètres et demi au-dessus des montagnes</em></strong>, où des danseurs, inlassablement, remontent la scène (<3 Lucie Fenwick). Ils émergeant de la fosse pour disparaître dans les ténèbres de l'arrière-scène, sous un gigantesque panneau vidéo où ces mêmes danseurs se dissolvent peu à peu dans leur reflet, pied dans l'eau puis bustes de carte à jouer tandis que monte le niveau d'une eau complètement noire (comme dans <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/07/08/la-fascination-du-visible-3010639.html" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><em>Under the skin</em></a>). Bill Viola n'a qu'à bien se tenir ! L'ensemble est très intelligent, presque trop : difficile pour le spectateur de s'abandonner. Tout reste non pas scolaire, comme je l'avais cru avec <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/11/29/replique-muette-sans-secousse-2-3.html" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><em>Répliques</em></a>, mais intellectuel. L'émotion, si émotion il y a, c'est la tristesse de voir arriver la noyade des corps filmés sans réussir à s'immerger. Mais peut-être en irait-il tout autrement si la musique n'était pas enregistrée : la nostalgie qui émane des motets de Josquin Desprez prendrait certainement aux tripes avec un orchestre et des chanteurs <em>live</em>…</p><p>L'absence d'orchestre constitue le principal et pour tout dire l'unique regret de cette soirée. Les jeunes chorégraphes, malgré leur talent, sont manifestement priés de se s'estimer heureux : l'académie chorégraphique, qui les a accompagné dans leur cheminement créatif, est supprimée par la nouvelle direction. Quand on voit un tel résultat en si peu de temps, c'est bien dommage. C'était là une fort bonne idée de Benjamin Millepied - on devine d'ailleurs sa patte dans les scénographies élaborées de ses poulains : l'ex-directeur sait indéniablement bien s'entourer pour ses créations, et il n'est pas certain que, sans son exemple, les jeunes chorégraphes se soient autorisé de si belles collaborations et utilisations de la technique.</p>
mimylasouris
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Cunningham / Forsythe
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-04-17:3090946
2017-04-17T11:10:00+02:00
2017-04-17T11:10:00+02:00
Forsythe, ça se mérite. Pour vérifier que vous êtes vraiment motivé, l'Opéra...
<p>Forsythe, ça se mérite. Pour vérifier que vous êtes vraiment motivé, l'Opéra a programmé avant un Cunningham de 48 minutes. Je me suis étranglée en découvrant la durée de la pièce sur le programme : ce que je pensais un "petit" Cunningham constituait la première partie de soirée. Heureusement, grâce à Pink Lady, j'étais très bien installée dans mon fauteuil de premier rang de troisièmes loges. De quoi re-tenter l'affaire cunninghamienne dans de bonnes conditions. Sait-on jamais, c'est peut-être comme les courgettes, cela finira peut-être par passer.</p><p><strong><em>Walkaround time</em></strong> n'est pas si pire pour un <strong>Cunningham</strong> ; je veux dire, y'a des contacts physiques entre les danseurs, <em>come on</em>, trop l'éclate. Sur des bruits de pas dans des graviers, les neuf danseurs évoluent (<em>walk</em>) autour (<em>around</em>) de blocs en plastique transparents sur lesquels sont dessinés divers schémas géométriques. Évidemment, ils sont habillés en couleur uniforme vieillotte de la tête aux pieds (pas d'académique, cela dit, mais collants et justaucorps assorti pour les filles, collants et T-shirt pour les garçons)(comme toujours, c'est la plus gracile qui se coltine le jaune), évidemment il y a des sauts de grenouille avec accent sur la réception (mais aussi en arabesque, c'te nouveauté délirante), évidemment un danseur reste parfois planté en retiré comme un flamand rose, et évidemment tout le monde fait la gueule de mannequins à un défilé de mode. Cunningham, c'est quand même le seul chorégraphe qui vous donne une idée de la tête que peut faire Amélie Johannidès sur son passeport. Compte tenu de ce que cette danseuse est la joie de vivre incarnée, la performance mérite d'être saluée.</p><p>Comme souvent, l'intérêt est réveillé par ce qui excède la chorégraphie : un regard un peu trop vif, un poignet un peu trop souple, le vivant se glisse sous la géométrie, la déborde. Cunningham devait en être conscient, car il insère en plein milieu un intermède où la chorégraphie s'arrête et le mouvement commence : les danseurs prennent leur pause sur scène, avec leurs vêtements d'échauffement, répètent des phrases chorégraphiques plus classiques, des acrobaties plus hip-hop et causent avec le DJ. Parce que la bande-son ne pouvait pas être enregistrée, voyez-vous. Les bruitages doivent être mixés en direct. Je n'ai pas réussi à savoir si la gestuelle du DJ faisait également partie de la chorégraphie ou s'il avait véritablement le groove à balancer des bribes de discours scientifico-poétiques sur une "mécanique célibataire". Dans cet érotique raté de la géométrie, j'entrevois la fascination des pistons, l'hypnose de la mécanique*. Force est d'avouer que mon ennui n'en est pas vraiment - plutôt une suspension de l'attente, de l'attention. J'observe les aléas de la chorégraphie sans en être affectée. Ça ou autre chose, c'est du pareil au même. Peut-être que c'est ici que se joue Cunningham, dans cette méditation sans objet. L'ataraxie chorégraphique ? J'ai du mal cependant à associer cette absence de tension à un idéal artistique. Car enfin, c'est reposant mais cela ne vit pas. Ce n'est pas Pink Lady qui me contredira, sur laquelle l'hypnose a trop bien fonctionné et qui n'a même pas été réveillée par les embardées de la sono.</p><p>Si contradiction il y a, elle viendrait plutôt de la gamine derrière nous, qui nous a aspergées d'un <em>waou</em> dès le premier porté et a répété ensuite à plusieurs reprises <em>la classe</em>. J'ai souri avec attendrissement et un soupçon de condescendance la première fois. Elle l'a redit lorsque les danseurs ont déplacé les blocs en plastique : j'ai vu leur lumière de glaçons ; je me suis souvenue de la fascination exercée par cette œuvre exposée au MoMA, un coffret de glaçons entretenant je ne sais plus quel rapport de légende avec la Taglioni. Encore <em>la classe</em> et <em>trop la classe</em>, alors que je ne voyais rien. Je n'ai pas osé lui demander à l'entracte ce qui lui plaisait tant là-dedans, parce qu'on n'est pas sérieux quand on a sept ans ; c'est con, la réponse à la vie, l'univers et le reste était peut-être juste derrière moi.</p><p><strong><em>Trio</em> de William Forsythe</strong> après l'entracte. On respire, ça respire, le vivant reprend ses droits, même si c'est toujours un peu barré. Éléonore Guérineau, Maxime Thomas et Hugo Vigliotti, en avant-scène, soulèvent leurs T-shirt bariolés et encadrent de leurs doigts des parties de leur corps comme des pointillés découperaient la côte et le jarret de porc. Le geste rappelle à la fois l'enfant qui montre où il s'est fait mal, le chirurgien esthétique qui définit la zone à reprendre et même, dans le cas d'Éléonore Guérineau qui s'agrippe le poignet pour nous exhiber son avant-bras, la diseuse de bonne aventure. Tenez, voyez, regardez. Beaucoup de coude et de genou : il faut que cela s'articule. Les danseurs se cherchent <span style="text-decoration: line-through;">des poux</span>, (s')attrapent et (s')écartent, montre voir ton avant-bras, je te donne ma jambe, l'autre n'en veut pas, la refile au troisième, mais ce n'est pas non plus ce qu'il cherche, ce n'est pas ce qu'il trouve. Éléonore Guérineau est là d'une densité parfaite, terre-à-terre et intense, juste ce qu'il faut pour communiquer l'humour du chorégraphe sans faire rire. Et je me dis que c'est ça, au-delà de toute gestuelle qui fait que Merce Cunningham lasse et que William Forsythe excite : l'humour ou son absence, par-delà le sérieux de la mécanique.</p><p>C'est bien beau, de chorégraphier que la vie n'a aucun sens, mon cher Merce, mais ça l'est bien davantage d'en profiter. Dans <strong><em>Herman Scherman</em></strong>, comme dans <em>Walkaround time</em>, ça déboule de nulle part pour n'aller nulle part, mais on y prend beaucoup plus de plaisir. Alors qu'avec Merce Cunningham, on vise le terme (la position finale en guise de mouvement et du coup… la fin de la pièce), William Forsythe explore l'entre, l'entre deux positions qui s'effacent au profit du déplacement, de l'étirement, du jeu… de la danse quoi ! Facétie pour cinq danseurs, donc. Dont la silhouette élastique et acérée de Sébastien Bertaud. Puis l'on change de cast et de tonalité, avec un superbe pas de deux entre Eléonora Abbagnato et François Alu. La première a perdu de sa superbe, mais peut-être moins de majesté que d'orgueil, finalement, ce qui est réjouissant. Le second, dont je ne suis pas une inconditionnelle, m'a beaucoup plu ici par la densité qu'il manifeste, la place qu'il se taille dans le geste sans le brusquer… c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il revienne torse nu en jupette jaune fluo assortie à sa partenaire (je ne suis pas très péplum). Fin du lyrisme, mais fin en fanfare. Sacré Bill !</p>
mimylasouris
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Gala des écoles de danse
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-04-15:3090870
2017-04-15T13:48:00+02:00
2017-04-15T13:48:00+02:00
Ne soupçonnant pas que le gala des écoles de danse en rassemblerait autant...
<p>Ne soupçonnant pas que le gala des écoles de danse en rassemblerait autant dans un programme aussi varié, je n'avais pas pris de place. Heureusement, à l'instant où j'apprenais qu'il n'y aurait pas de Pass, gala oblige (lol), une spectatrice s'est offerte de me revendre sa seconde place.</p><p>Quoiqu'il fasse la part un peu trop belle à l'Opéra de Paris eut égard à ses invités*, le programme est bien conçu : les extraits très classiques alternent avec d'autres plus modernes, limitant autant que faire se peut la comparaison. Entendons-nous bien : comparer est ce qui fait tout le sel d'une soirée de ce genre, et la motive. Mais il est humain que, dans l'effort de différenciation par lequel on tente de cerner la spécificité artistique de chacun, on soit tenté de placer nos chouchous au sommet d'un hiérarchie qui égare l'appréciation dans le jugement. Aussi, si par mégarde j'émettais des critiques envers les danseurs de cette soirée, je vous serais gré de bien vouloir les rapporter à l'école dont ils procèdent, car mon intention n'est pas de juger de jeunes gens encore en formation, seulement les choix artistiques et pédagogiques que leur prestation semblent manifester. </p><p><strong>L'école de l'Opéra de Paris</strong> a repris le programme de son spectacle et ouvert le bal avec le troisième acte de <em>Raymonda</em>, un choix qui résume somme toute assez bien la gloire et les limites de l'école française : la pompe est là, on est ébahi par les alignements impeccables des tout jeunes danseurs, admiratif de la propreté et du placement des solistes à peine plus âgés, mais… mais on s'ennuie ferme. Non seulement les danseurs sont trop jeunes pour insuffler à ce ballet la dose de sensualité qui le sauve de la gloriole (même si Margaux Gaudy-Talazc ne ménage pas ses paumes dans la variation de la claque), mais la justesse des poses et positions se fait au détriment de la danse, reléguée dans les mouvements de poignets de la soliste, où seul cela respire.</p><p>L'arrivée de la <strong>John Cranko Shchule</strong> rattachée au ballet de <strong>Stuttgart</strong> fait l'effet d'un électro-choc. Torses nus, chaînes argentées lâchement attachées aux pantalons noirs : les punks débarquent au milieu des tutus. Avant même que je vérifie le nom du chorégraphe, cela crie <em>Mopey ! Friedemann Vogel !</em> dans mon esprit.<em> A spell on you</em> est bien une pièce de Marco Goecke ; j'élargis avec lui mon vocabulaire du pioupiou au rapace. Les quatre danseurs maîtrisent tous la gestuelle du chorégraphe, mais celui qui ouvre seul la pièce (Riku Ota ? Navrin Tumbull ?) est proprement électrisant : gestes acérés malgré la rapidité de leur répétition, présence impressionnante. Je me demande soudain ce que je fais à Paris. Forte envie d'émigrer en Allemagne…</p><p>… ou peut-être à Londres, finalement. Accompagnée par Harris Bell, Hang Yu nous offre le plus beau moment de la soirée avec <em>Concerto pas de deux</em> de MacMillan sur la musique de Chostakovitch. J'oublie qu'il s'agit d'élèves, j'oublie mon indulgence, je suis juste subjuguée par la danseuse, suspendue à ses gestes comme on le serait à des lèvres. La chorégraphie se déploie avec son buste qui s'incline et se cambre au-dessus de ses jambes en quatrième, sur pointes, de profil. Éblouissement orange. Le <strong>Royal Ballet</strong> tient là sa future Sarah Lamb.</p><p>La <strong>San Francisco Ballet School</strong> poursuit l'illustration et la défense des danseurs anglo-saxons. Là encore, les danseurs paraissent un peu plus âgés qu'en début de soirée : est-ce ce qui fait la différence ? À l'aise dans le style néoclassique <em>straightforward</em> décomplexé qui constitue le socle de leur répertoire, ils sont prêts à intégrer la compagnie (on a d'ailleurs plus l'impression d'une compagnie junior que d'une école).</p><p>La <strong>Ballettschule des Hamburg Ballett</strong> est clairement un cran en-dessous : la technique est moins raffinée, et les corps, plus adolescents, encore un peu patauds. Mais… mais on s'en fout pas mal, parce que ça danse (<em>Bach suite 2</em>, de Neumeier). À tout prendre, je préfère largement voir danser ces jeunes artistes épanouis que nos danseurs un peu trop proprets pour ne pas paraître guindés. Lors du défilé final, il faut voir leur sourire qui s'élargit lorsque le public, après quelques secondes à se demander pourquoi ces élèves n'ont pas les mêmes corps et les mêmes justaucorps que les autres divisions, les reconnaît soudain et redouble d'applaudissements…</p><p><strong>L'académie Vaganova</strong> rouvre le bal après l'entracte avec le pas de deux du cygne noir (c'est un gala ou bien ?). Je m'attends à voir débarquer une longue liane gracile et un grand dadais. Eleonora Sevenard et Egor Gerashchenko, bardés de muscles, me poussent à vérifier : non, non, ils sont bien de l'académie Vaganova, pas de l'école du Bolchoï. Ils envoient du lourd. Vraiment lourd. Pour tout dire, c'est assez moche. Les pas de liaison n'existent plus, la musicalité est bombardée, les fouettés entrecoupés de tours à la seconde bras en l'air (hop, sans les mains) : la machine de guerre est lancée sur Garnier, détruisant tout cliché de lyrisme éthéré sur son passage. Efficacité soviétique. Y'a pas à dire, les Russes savent se faire applaudir.</p><p>Retour en terres apaisées avec un joli trio <strong>canadien</strong>, dans des extraits de <em>Chalkboard memories</em>, une chorégraphie sans grande spécificité (ou qu'il aurait fallu voir en entier ?). Les artistes en herbe poussent décidément partout.</p><p>Les élèves de la <strong>Royal Danish Ballet School</strong> se font les dignes représentants du style Bournonville, dans un pas de quatre tiré d'<em>Abdallah</em> (jamais entendu parler). Les trois filles, aux lignes plus Opéra de Paris que l'Opéra de Paris, ne sont pas parachutées dans une technique que des muscles étirés au point d'être invisibles rendent impossible ; tout est ici adapté, harmonieux, mesuré (sans pour autant être facile ; la petite batterie, notamment est redoutable). Les pas de liaisons cessent d'être négligeables ; cela danse, délicat. C'est suranné, peut-être, mais plus vivant que notre pompe parisienne, tout en lui étant le plus apparenté (on remarque d'ailleurs la proximité des écoles lors du défilé final : les élèves danois sont les seuls invités à défiler avec les bras à la seconde, comme leurs hôtes). </p><p><strong>L'école de l'Opéra de Paris</strong> ferme le gala qu'elle a ouvert avec <em>The Vertiginous Thrill of Exactitude</em>. C'est évidemment moins piquant que par leurs aînés, mais cela danse, enfin <span style="text-decoration: line-through;">l'honneur est sauf</span>. Je cherche des yeux Bianca Scudamore, louée par le tout-Twitter balletomane, et trouve sans peine la jeune danseuse mi-Ida Viikinkoski mi-Léonore Baulac (la prochaine décennie de l'Opéra sera blonde). Quitte à passer pour une rabat-joie, cependant, je noterai qu'elle ressort d'autant plus que tous semblent avoir été formés pour tenir les rangs. Comme ailleurs, on trouve à l'école de danse de l'Opéra de jeunes artistes prometteurs, mais ils semblent ici avoir moins été formés comme tels qu'être passés à travers les mailles du formatage. Prophétie autoréalisatrice confortant la hiérarchie "naturelle" : parce que les futures étoiles le sont déjà en puissance et émergeront conformément à leur essence, on forme surtout au corps de ballet… s'assurant par là qu'il n'advienne pas de surprise ; seuls les plus pugnaces déjà repérés seront équipés pour monter jusqu'au sommet. Une tout autre impression** émane de la plupart des écoles invitées où, manifestement, on ne naît pas étoile, on le devient. Mais est-ce bien surprenant ? Toute république qu'elle est, notre nation, lorsqu'il est question de ballet, revient à ce qui a fait son berceau : la danse y demeure quelque part de droit divin… Reste à savoir si cela n'est pas quelque peu anachronique dans un "gala des écoles de danse <em>du XXIe siècle</em>". Avec en filigrane, la question de savoir ce qu'est, ce que devient le style français, et comment on préserve un héritage tout en faisant évoluer les mentalités et l'enseignement qui en sont les gardiens… <br /><br /></p><p>* à moins que chaque école rende la pareille et fasse de même ?<br />** impression, parce que cela reste à relativiser : chaque école a probablement (sûrement) envoyé ses artistes les plus prometteurs et (peut-être) gardé ses bataillons de corps de ballet…</p>
mimylasouris
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Des cerises qui valent leur pesant de cacahuètes
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2017-01-07:3085882
2017-01-07T22:15:55+01:00
2017-01-07T22:15:55+01:00
Impressing the Czar revisite l'histoire de la danse classique, paraît-il....
<p><em>Impressing the Czar</em> revisite l'histoire de la danse classique, paraît-il. Cela commence donc à la cour du roi ou du tsar, ou dans un hôtel, on ne sait pas bien, il n'y a plus de cacahuètes, seulement un bric-à-brac doré pour tout indice baroque (tentures-peintures, fauteuil, arc, flèches…). La scène, divisée en deux, comporte une plateforme dorée à carreaux qui évoque de loin l'échiquier du pouvoir. Dans cet espace morcelé, les messieurs portent ou tombent la redingote (marque intemporelle du passé, qui donne toujours beaucoup d'allure, il faut bien l'avouer), les femmes des robes de bal, sauf une, habillée en Kylian-like, sauf deux en assistantes-de-la-Défense, et leurs homologues masculins en cravate, et ceux qui reviennent en scène, là, et Mr Pnut, qui fait <em>peanuts</em> dans son pagne imprimé faune, tous abdominaux dehors, véritable parodie de Roberto Bolle - l'inspiration de la statuaire, sans doute. Mais s'il est Apollon, la mise en scène est certainement dionysiaque : un chaos organisé, où il y a toujours quelque chose à regarder, toujours quelque chose à zapper. Des bribes d'autres chaînes nous parviennent d'ailleurs, conversation téléphonique avec la réception, news d'Obama à Trump, et une histoire de cerises que Mr Pnut voudrait acquérir.</p><p>On retrouve lesdites cerises dans le tableau suivant, dorées comme un fruit des Hespérides, suspendues au milieu, quelque peu surélevées :<em> In the Middle, Somewhat Elevated</em>. À peine les remarque-t-on lorsque la pièce est donnée seule : c'est une petite touche d’espièglerie, voilà tout. Dans <em>Impressing the Czar</em>, le détail devient l'aiguille qui dégonfle comme une baudruche le morceau de bravoure. À moins que ce ne soit l'exécution sommaire des danseurs - et des danseuses, surtout, danse en force et physiques compacts (sauf une, grande). Je m'étais déjà fait la réflexion que la pièce fonctionne mieux avec des physiques longilignes, qui prolongent d'autant plus le mouvement. Mais cela va au-delà, comme le confirme cette danseuse élancée, qui manque étonnamment de souplesse dans le tronc, alors que ses jambes nous assurent que, non, elle n'est pas raide. Il manque à mon goût un chouilla d'élasticité dans le mouvement et la musicalité (les crashs sonores déchirent souvent des gestes déjà entamés ou gâchent la surprise de ceux qui arrivent avec une fraction de retard). Ce n'est pas bien loin, pourtant : il suffit qu'une danseuse sur pointe défie le déséquilibre en ramenant sa jambe au ralenti pour que ça s'électrise. Retour à la terre, fin du frisson. J'avais un meilleur <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/11/04/semper-forsythe-3021177.html" target="_blank">souvenir</a> du Semperoper Ballett Dresden dans cette pièce : il jouait la nonchalance là où le ballet de l'Opéra de Paris joue <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/12/16/je-n-ai-pas-de-titre-mais-je-kiffe-forsythe.html" target="_blank">la provoc</a>, et ça marchait. Là… ça danse, c'est sûr.</p><p>Que faire après avoir mené le ballet à son paroxysme, au bord de la dislocation ? Deux trajectoires possibles. La première est de revenir au classicisme : c'est la position actuelle de Forsythe, qui s'emploie activement à remonter ses anciennes pièces (et quand je dis activement, j'entends qu'il est resté debout derrière moi pendant tout le spectacle, à débriefer en live avec son compère). Le Forsythe de l'époque choisit l'autre option : il continue dans la dislocation et met aux enchères les oripeaux dont il a débarrassé le ballet. On ne sait pas trop à quoi ça rime, pas même la commissaire-priseur prise au dépourvu. Une métaphore, peut-être ? Personne ne répond ; Forsythe surenchérit. Poussé à bout, le ballet n'est plus ? Eh bien, dansez maintenant.</p><p>La danse classique est morte, vive la danse. On revient au cercle primitif, à mi-chemin entre danse de la pluie sioux et débandade disco, le pouvoir dionysiaque amplifié par l'unisson de toute la troupe.<em> Bongo Bongo Nageela.</em> À côté, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/07/11/triple-bill-3076636.html" target="_blank">Blake Works</a>, c'est <em>peanuts</em> : les jupettes et les déhanchements de la création étaient bien sages par rapport à cette bacchanale d'écolières des deux sexes (qu'on croirait sorties de <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/05/19/dah-dah-sko-dah-dah-didou-3005632.html" target="_blank">Dah-dah-sko-dah-dah</a>). Les hommes, travestis, sont peut-être ceux qui s'en donnent le plus à cœur joie, relevant allégrement les jupes qu'ils n'ont pas d'ordinaire : écolières <em>gone mad</em>.</p><p>Et le tsar, dans tout ça ? Probablement comme deux ronds de flan, la mâchoire Tex Avery. Ou alors tout sourire en coin, mi-amusé mi-indulgent.<br />Et vous, quel genre de tsar Forsythe fait-il de vous ?</p>
mimylasouris
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Faire corps de ballet
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-10-09:3081125
2016-10-09T13:47:00+02:00
2016-10-09T13:47:00+02:00
Première tentative. Palpatine est premier dans la file des tarifs réduits ;...
<p>Première tentative. Palpatine est premier dans la file des tarifs réduits ; je suis la première dans la file des Pass jeunes, étrangement confiante : j'aurai un retour. Effectivement, il y a un retour, mais un seul. Je le laisse à Palpatine qui attend depuis quatre heures, et regrette assez rapidement mon geste, non pas tant parce qu'il se retrouve à côté de Tilda Swinton que parce que la place est au deuxième rang de balcon centrée.</p><p>Seconde tentative. Il y a déjà deux Pass jeunes devant moi et une longue file de personnes prêtes à payer cher : c'est mort, je me laisse tomber sur la banquette en velours rouge pour bouloter mes Millie's cookies de consolation… et reste là pour le plaisir de discuter avec ma voisine. Étudiante mélomane-balletomane, A. ressemble étrangement à Bamboo et je reporte spontanément sur celle-là un peu de la sympathie que j'ai pour celle-ci. Dix minutes avant l'heure fatidique, les payeurs comptants sont pourvus et les filles de devant déclarent forfait. Cinq minutes plus tard, nous récupérons deux places côte-à-côte au premier rang de baignoire, et nous y installons comme si nous avions prévu de passer la soirée ensemble. Croyez-le ou non, c'est la première fois que je me retrouve en baignoire à Garnier ; la portion de scène qui nous manque est compensée par la vue dégagée et la proximité avec les danseurs (souvenirs de la loge impératrice). C'est parti pour une belle soirée, qui met à l'honneur le corps de ballet.</p><p> </p><p>Sans une heure préalable de doux ennui balanchinien, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/03/27/soiree-mousseline-et-chaussettes-3069491.html" target="_blank">comme c'était le cas lors de la saison passée</a>, <strong><em>In Creases </em></strong>perd son statut de cerise sur le gâteau (à la génoise) et se trouve relégué au rang d'amuse-gueule. Le changement de distribution n'aide pas : alors que Letizia Galloni faisait sentir une résistance dans son cambré lorsque le groupe avançait sur elle, Hannah O'Neill ploie de bonne grâce et fait fondre toute tension. Du coup, c'est charmant, mais pas bien excitant. La métaphore-sémaphore des <a href="https://lesballetonautes.com/2016/09/30/soiree-douverture-entre-deux-chaises/" target="_blank">Balletonautes</a> se met à prendre toute la place : j'imagine les danseurs avec des drapeaux triangulaires ou des raquettes de ping-pong avionique dans les mains. Circulez, c'est sans danger.</p><p><strong><em>Blake Work I</em></strong> <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/07/11/triple-bill-3076636.html" target="_blank">fonctionne toujours</a>, même si je suis un peu gênée de ce que les chansons affadissent immanquablement la dynamique qu'elles ont pourtant contribué à mettre en place. Cela finit par donner un tour mélancolique à ce qui se donne de prime abord comme jaillissement continuel, sans cesse renouvelé. Du coup, je vois briller d'un tout autre éclat le pas de deux entre Léonore Baulac et François Alu. Le replacement incessant des bras et des mains sur le visage se donne à sentir comme une tendresse qui s'exaspère, mets ta main là, non pas là, aime-moi comme ci, non pas comme ça, sois présent, davantage là, non pas ici… des êtres qui se cherchent dans un souvenir d'intimité, qu'ils ne parviennent pas à recréer, même s'il en reste la beauté, d'un présent passé qui n'est plus mais ne peut pas leur être retiré - et c'est Alu qui fait un pas en arrière pour magnifier celle qui lui a déjà échappée. Ils repartent main dans la main, actant d'un commun accord la distance de leurs corps.</p><p><strong><em>The Seasons' Canon</em></strong>, voilà ce que, comme tout le monde, j'attendais après <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/09/13/premieres-facettes-de-crystal-pite-3079639.html" target="_blank">la séance de travail avec la chorégraphe</a> et les échos dithyrambiques sur sa création. J'ai été un peu surprise de ce qu'on parle de jamais vu ; le travail de Crystal Pite peut faire penser à une myriade d'autres : à certaines chorégraphies masculines de Maurice Béjart (torses nus, pantalons amples), aux moines Shaolin de <em>Signes</em> de Carolyn Carlson (courses et trépignement-transferts du poids du corps), aux passages de Sidi Larbi Cherkaoui dans <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/03/26/iolanta-et-clara-3069467.html" target="_blank"><em>Casse-Noisette</em> </a>(le porté sous la neige), au <em>Sacre du printemps</em> de Pina Bausch (les pulsations telluriques, les groupes massifs et leur dispersion), à <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/03/03/ballet-de-l-opera-de-lyon-au-theatre-de-la-ville-3067835.html" target="_blank"><em>Xylopgraphie</em></a> de Tânia Carvalho (les canons), aux saccades démultipliées d'<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/07/07/danser-la-chute-3076396.html" target="_blank">Ohald Naharin</a>… Pour tout vous dire, les poussées et tirées très <em>Radeau de la méduse</em> m'ont même fait penser à <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/03/31/mass-b-de-beatrice-massin-3069797.html" target="_blank">la dernière création de Béatrice Massin</a>, et je ne trouve pas absurde que le nom d'Akraham Khan ait été prononcé. J'y ajouterais même celui de Russell Maliphant pour une esthétique très théâtre de Chaillot. Cela n'est rien enlever à Crystal Pite que de la situer dans un paysage chorégraphique ; la multitude d'influences assure qu'elle les a fondues dans un style propre, qui n'imite personne. L’abasourdissement de certains est juste un rappel étonnant de ce que le public de cette soirée est avant tout le public de Garnier, habitué à une danse policée, rarement animale.</p><p>J'aime quand c'est viscéral. Je ne pouvais donc pas ne pas aimer la danse organique de Crystal Pite. Que cela doit être galvanisant à danser ! Elle ne chorégraphie pas des pas et des déplacements pour une cinquantaine de danseurs : elle taille dans la masse, comme un sculpteur, modèle et pétrit la glaise des corps, d'un seul grand corps - de ballet. C'est comme si l'on avait donné le corps d'Aurélien Houette au corps de ballet : une chatoyance musculaire, mouvante, émouvante. On voit affleurer, surgir et disparaître des épines dorsales, des arêtes, squelette d'une masse protéiforme. Crystal Pite utilise la puissance de l'unisson et des canons sont jamais céder à la facilité (et l'ennui qui pourrait en résulter) : ceux-ci se décalent subrepticement avant d'être achevés, les vagues déferlant-refluant ; celui-là se disperse sitôt passée la surprise de son émergence, comme lorsque les applaudissements brouillons d'une salle se synchronisent soudain, en plein rappel, en un seul battement assourdissant, pour s'éparpiller quelques minutes ou quelques secondes plus tard, lorsque les artistes saluent à nouveau, individuellement. Coups de têtes secs, comme des spasmes : les corps semblent vouloir s'arracher à une gêne, se déprendre du corps collectif, qui écrase leur individualité tout en leur donnant de la puissance au groupe - violence du Léviathan, qui se traduit par une démonstration de force brute chez les hommes ; par une hiérarchie plus calme mais plus cruelle chez les femmes, Marie-Agnès Gillot en reine des abeilles arachnéennes, finalement supplantée par une Éléonore Guérineau marmoréenne, érigée comme le pic d'un cristaux alors que le Léviathan se laisse engourdir par l'hibernation, dernière saison de Vivaldi (toutes magnifiquement remixées par Max Richter).</p><p>C'est le genre de pièce qui vous laisse sans voix. Trop aimable, <strong><em>(sans titre)</em></strong> se charge d'évacuer les émotions auxquelles on aurait pu être confronté, et je soupçonne pas mal de gens de s'en être pris à Tino Sehgal pour masquer leur soulagement (ceux-là même qui décriront <em>The Seasons' Canon</em> comme "une claque", qu'ils ont esquivée). Pour ma part, même si j'aurais préféré que cela ait lieu avant l'entracte, j'ai trouvé ça fort fun et sautillant, la musique d'Ari Benjamin Meyers me faisant un peu l'effet d'<em>In Creases</em> la saison passée. Tino Sehgal s'est amusé à chorégraphier pour les rideaux des coulisses et les lumières de la salle : depuis la baignoire, je suis idéalement placée pour apprécier ce spectacle son et lumière dans les loges-coursives du paquebot Garnier. Les danseurs rentrent in extremis pour secouer tout le monde dans une transe <em>eighties</em> à la <em>Fame</em> et assurer l'évacuation rapide du public vers le grand escalier où ils se retrouvent à chanter. Voilà comment, à l'Opéra, on coupe court aux standing ovations ; dans la joie et la bonne humeur, tout le monde dehors !</p><p> </p><p>(Question existentielle pour ceux qui ont assisté à la soirée : avez-vous pensé à la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_QzsMlFv9GE" target="_blank">publicité Sanex</a> où le zoom sur l'épiderme faisait apparaître une foule humaine ?)</p>
mimylasouris
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La fabrique des tutus
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-09-24:3080226
2016-09-24T10:32:04+02:00
2016-09-24T10:32:04+02:00
L'atelier costume de l'Opéra de Paris est réparti en deux sites : à...
<p style="margin-bottom: 0cm;">L'atelier costume de l'Opéra de Paris est réparti en deux sites : à Bastille, le lyrique ; à Garnier, le ballet. Autant dire que je suis doublement ravie de me faufiler à l'entrée des artistes de la rue Gluck pour participer à la visite organisée par l'Arop. Elle commence dans l'atelier principal, consacré au flou, i.e. aux tutus et aux robes des filles. La distinction entre flou et tailleur me rappelle <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/08/15/dior-et-moi-3053853.html" target="_blank">ce documentaire</a> sur Dior : on retrouve à l'Opéra la même exigence, les mêmes noms (trainent quelques tutus dessinés par <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/07/10/smarties-et-colonnes-de-buren-3076537.html" target="_blank">Lagerfeld</a>) et… les mêmes boîtes de bonbons que dans la haute couture – Haribo pour la première d'atelier chez Dior, Quality Street à Garnier, reconvertis en boîtes à épingles.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La différence d'espace frappe entre l'atelier flou (spacieux et assez haut de plafond pour y suspendre des tutus sans s'y cogner) et l'atelier tailleurs, un long couloir étroit : je ne sais si cela relève d'une raison pratique (les tutus sont encombrants) ou si cela reflète le prestige rattaché au vêtement emblème du ballet. Encore faut-il voir que le costume ne se limite pas au vêtement : une mezzanine est consacrée à la confection des coiffes, et un autre atelier, plus loin, s'occupe des costumes-décors. On y modèle-sculpte-soude-teinte-bidouille des diadèmes, des masques ou des costumes gigantesques, tels que les jouets <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2016/03/26/iolanta-et-clara-3069467.html" target="_blank">du <em>Casse-Noisette</em> mis en scène par Tcherniakov</a>. On apprend ainsi que la tête de la poupée a été modelée en terre à petite échelle, puis moulée ; le moulage a ensuite été découpé et ses différentes parties agrandies pour fabriquer la tête finale… On sent dans la voix de notre guide que ces costumes n'ont pas été une mince affaire, surtout lorsqu'il ajoute que, pour que les danseurs ne se sentent pas mal là-dessous, il y avait une gourde intégrée !</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Une fois les costumes créés, il faut encore les rassembler avant les productions (dans la centrale costume, lieu mythique aux boiseries défraichies), les mettre dans les loges et aider les danseurs à les enfiler (c'est le rôle des habilleuses), les récupérer à la fin d'une série pour les envoyer à la laverie, au pressing ou les passer à l'ozone entre deux représentations (cela ne lave pas mais détruit les bactéries, donc les odeurs, ce qui est tout de même plus sympathique lorsque les costumes sont partagés entre plusieurs membres du corps de ballet), et les stocker (en dehors de Paris, chez un prestataire). Les reprises ne sont pas non plus de tout repos, car les costumes doivent être rafraîchis, raccommodés et, selon les distributions, certaines pièces refabriquées. Comme les essayages ne peuvent pas durer des heures et des heures, les couturières travaillent avec des mannequins créés par une société spécialisée dans les prothèses, qui a numérisé toute la troupe et identifié une dizaine de morphotypes. Les prototypes étaient trop réalistes, se rappelle notre guide, on était gêné par les omoplates trop saillantes, on n'avait pas besoin de tout ça, de tous ces détails (par la suite aplanis).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Même si on apprend que les tutus plateaux sont composés de 11 couches de tulle tenues ensemble par des bagues (des points assez larges pour y passer le doigt), les gestes et techniques des différents métiers ne sont pas vraiment abordés. Mais rien que la gestion du service laisse entrevoir la quantité de travail à fournir, que l'on n'imaginait pas. « Si on ne s'en rend pas compte, c'est que c'est réussi », se félicite notre guide. On sent la fierté (combien légitime !) d'appartenir à cette maison.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Chaque costume ou presque est l'occasion d'une anecdote à raconter – visite garantie non rabâchée. Dans l'atelier couture, ce sont les robes roses de la valse du lac, au premier acte, qui ont besoin d'être rafraîchies et… rallongées. Les robes sont toujours coupées sur les danseuses pour être toutes à la même distance du sol, peu importe la taille des danseuses. Cette recherche d'harmonie fait que distribution après distributions, les robes raccourcissent ; arrive inévitablement un jour où il faut en refaire le bas…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans la centrale costume, on tombe sur un pourpoint plus sombre que les autres : Benjamin Pech souhaitait une teinte plus sombre, pour affiner la silhouette (le blanc, c'est l'horreur, ajoute-t-il en désignant du menton les piles de tutus blancs qui attendent le défilé). Du coup, ils ont tenté une teinture du costume fini, avec les broderies et tout, sans trop savoir ce que cela allait donner. Finalement, c'est plutôt bien passer, conclut-il avec soulagement. Autre sujet d'inquiétude : les mites. Les costumes sont traités avec des produits anti-mites, mais « quand on en voit passer une, c'est alerte à Malibu ».</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Sur le point de sortir et de faire à nouveau retentir le <em>ding dong </em>qui accueille chaque visiteur à la centrale, on découvre des encoches dans le dos de la sylphide soliste. Elles servent à accrocher le mécanisme qui fait tomber les ailes à la fin du ballet ; aux premières répétitions, nous confie notre guide, c'est toujours l'affolement, cela ne marche jamais…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dernier trip <em>Sylphide</em> dans la salle des costumes-décors. Notre guide soulève un cadre imprimé tartan et nous explique que, si la plupart des costumes tartan sont en lainage tissé, celui d'Effie, qui danse plus que le corps de ballet, est en taffetas et qu'il a donc fallu sérigraphier le motif sur le tissu. Ils se sont ensuite dit que cela ne serait pas plus mal de faire la même chose pour les slips, jusque là en lainage (l'angoisse). Finis les fantasmes, James n'est définitivement pas nu sous son kilt.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Clairement, la visite est plus amusante et émouvante quand les spectacles et les noms des danseurs nous sont familiers. Point <em>people</em> devant les listes de mensurations (taille, tour de taille, mais aussi de tête, avec un vieux document où figure Delphine Moussin) : Lucy Fenwick est de loin la plus grande, mais celle que je pensais immense ne mesure en réalité qu'un centimètre de plus que moi : 179 cm, donc.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il y a une véritable poésie de l'étiquette : partout, les noms des ballets, sur les boîtes des accessoires, sur les étagères des pots de teinture ; les noms des danseurs écrits au feutre et épinglés aux tutus, aux gilets, pré-imprimés sur des étiquettes en papier pour être attachées aux cintres ou sur des rubans pour être cousus à l'intérieur des vêtements, comme lorsque les enfants partent en colonie de vacances.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On cherche nos chouchous, en se retenant de sniffer leurs chemises ; on fait des plans sur la comète des prochaines distributions ; bref, on parcourt ces noms d'autant plus sacrés qu'ils sont ici banalement épinglés sur des étoffes qui ont touché leur peau – autant dire des reliques. Au début, on ne touche à rien, on a peur de déranger, peur d'abîmer. Puis on se rend compte que c'est surtout une peur de profaner ou pire, d’idolâtrer : les danseurs, eux, bougent et suent dans ces costumes ; les effleurer du bout des doigts ou du revers de la main ne les abimera pas. Alors comme des gamins au sortir du berceau, on se met à toucher les différentes matières, le tulle, le tissu vaporeux des jupes des sylphides, les perles dodues sur les manches, le rugueux des tartans, l'étonnante souplesse-rigidité des baleines, rangées par taille et numérotées comme des clés à molette sur l'établi d'un mécanicien… Mais rien n'y fait : les reliques restent sacrées. Et c'est peut-être mieux comme ça – le signe que ça nous fait rêver.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;"><a href="https://storify.com/grignotages/getting-started" target="_blank">Clic clic pour le Storify de la visite.</a></p><p> </p>
mimylasouris
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Triple Bill
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2016-07-11T23:10:04+02:00
2016-07-11T23:10:04+02:00
Étonnant comme la lecture d'une critique peut vous mettre en condition....
<p>Étonnant comme la lecture d'une <a href="https://lesballetonautes.com/2016/07/06/forsythe-a-lopera-danses-a-rebours/" target="_blank">critique</a> peut vous mettre en condition. Lorsque le nuage de mot qui accompagne <em><strong>Of any if and</strong></em> descend des cintres, je <em>vois</em> les ombres des nuages qui courent sur un plan d'eau, <em>j'entends </em>le vent dans cette « frondaison polysémique » – probablement aidée par les murmures des deux récitants. Assis sur des chaises devant leur texte-partition, ces anciens danseurs, créateurs du duo en 1995 (si je n'ai pas lu de travers), n'interagiront pas avec leurs successeurs ; leurs paroles, inintelligibles mais audibles, font entendre les échos d'un passé proche déjà inaccessible. La génération précédente s'est retirée : les deux danseurs ne sont pas seuls en scène, mais il y sont abandonnés, livrés<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1 </sup></a>au bruissement et à l'obscurité qui, en estompant les limites de la scène, en fait un espace sidérant, dont on ne sait s'il est illimité ou confine au néant, sous le ciel bas des mots. <em>Body</em>, <em>texture of</em>, <em>any</em>, ponctués de plaques noires de différentes longueurs, texte à trou qui nous rappelle que l'on doit toujours composer en l'absence de sens, dans l'angoisse d'un vide existentiel, ou égrènement poétique d'un sens qui est tout entier à inventer – le mot esseulé devient alors le battant d'un affichage de gare ou d'aéroport : destination <em>fire </em>!</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Léonore Baulac est bien solaire, présence fougueuse qui se lance à corps perdu et retrouvé dans l'espace vide et la grammaire forsythienne. <em>Of</em>, une épaule, <em>any</em>, retour du bras, <em>if</em>, la hanche s'étire en arabesque, <em>and</em> revient sur le côté, qui serait en seconde si la jambe n'avais conservé la même rotation, sur un plan qu'interdit la technique classique traditionnelle et qu'ouvre l'en-dedans. <em>Of any if and</em>, il n'est là question que d'articulation, corps ou langage c'est tout un, conjonction ou os, les côtes qui affleurent sous le ringrave de la danseuse, presque sans poitrine, partenaire de son partenaire, corps plus que couple, deux êtres qui tentent de s'articuler ensemble pour exister séparément et sortir de l'existence en ayant vécu, en ayant produit un peu de lumière, un peu de beauté, consolation à l'absence de sens ou raison d'être de cette absence – consumation résolue et sans regret de Léonore Baulac, musculature noueuse, presque douloureuse, d'Adrien Couvez. Expérimentation formelle, mon cul ; j'ai envie de chialer. Un truc lointain, enfoui, la scène comprimée par les mots comme une cage thoracique.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le reste de la soirée (heureusement ?) n'avait pas la même densité. <em><strong>Approximate Sonata</strong></em> joue – assez marginalement – sur les codes de la représentation avec une simulation de répétition : les danseurs parlent, piétinent pour s'ajuster dans l'espace, lâchent soudain l'enchaînement pour reprendre à nouveau… mais surtout au début et à la fin de la pièce, que William Forsythe a revue pour l'occasion. J'avais souvenir de quelque chose de plus déstructuré. Mais comme il remonte à plus de onze ans (paléoblogueuse, bonjour), je ne dispose d'aucun compte-rendu pour m'aider à trancher : étais-je simplement moins aguerrie niveau méta ou cette <em>Approximate Sonota</em> est-elle de moins en moins approximative ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Plaisir en tous cas de retrouver Alice Renavand, tout sourire jusqu'aux oreilles. Elle a peut-être le corps le moins « classique » des quatre danseuses, mais le mouvement le plus plaisant – parfaite illustration de cette phrase qui concluait un article de <em>Pointe Magazine</em> ou <em>Dance</em>, je ne le retrouve plus : <em>in the end, it doesn't matter how you look, it matters how you dance</em>. Quel bonheur de se trouver à quelques mètres d'elle… Marie-Agnès Gillot, en revanche, ne me fait plus aucun effet, et je ne sais plus trop quoi penser d'Eleonora Abbagnato : plus elle vieillit, plus elle ressemble à une petite fille et s'éloigne de la jeune femme solaire que j'adorais. Hannah O'Neill, seule non-étoile du groupe, n'est pas la moins lumineuse, et je ne dis pas uniquement cela à cause du pantalon jaune fluo dont elle a – la moins gradée et la mieux gaulée – logiquement écopé.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">La soirée se terminait avec <em><strong>Blake Work I</strong></em>, la toute dernière création du maître contemporain dans une veine classique. Rien de moins qu'un chef d'oeuvre, nous promet-on (chef-d'oeuvre is the new triomphe). Manifestement, cela a fait rire Forsythe lui-même, qui ouvre le bal avec deux lignes de danseurs en tenue d'école (collants-T-shirt uniformes pour les garçons, justaucorps-jupette pour les filles) qui se déhanchent et font des glissades-ronds de bras digne des plus beaux gala de fin d'année. C'est un peu la blague du mec capturé par des cannibales qui a vu ses amis se faire transformer en kayak et qui, comme dernier vœu, demande une fourchette avec laquelle il se lacère le corps : « Regardez ce que j'en fais, de votre peau de kayak ! » Regardez ce que j'en fais, de votre chef d'oeuvre annoncé !</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Passé l'instant de déception-consternation premier degré, ça fait plutôt marrer. Force est de constater que ça marche ; mieux, ça danse. Toute la jeune génération est là, qui aborde la scène de Garnier avec le même sens de l'éclate qu'une piste de danse en boîte. Les garçons se défient dans une <em>battle</em> de petite batterie, et les filles se déhanchent pointe planté à la seconde, au premier rang desquelles Caroline Osmont et Marion Gautier de Charnacé, la team balcon-break dance de la création de Boris Charmatz en début d'année.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Qu'on ne s'y trompe pas : si cette pièce est moins exigeante que les deux autres pour le spectateur, elle l'est tout autant pour les danseurs, embarqués dans une joyeuse débauche pyrotechnique. Oubliez les bouquets feux d'artifice ; ce sont ici des fusées à ras-le-sol (un faible pour l'escarbille-escargot doré, aka le double-tour fini avec un grand battement/rond de jambe) : à l'Opéra de Paris, on parle Forsythe avec l'accent français, petite batterie et ports de bras bien nets, qu'ils soient ronds (en moulinet) ou droits (en quatrième pointée devant). L'habitude aidant, les extensions délirantes sont devenues très convenables, un peu comme la minijupe s'est mise à signifier le sexy sans plus être provocante. Le créateur a fait sa révolution ; il est revenu à son point de départ. La technique classique, qu'il a étirée et triturée dans tous les sens comme un vêtement trop serré, est maintenant parfaitement ajustée, confortable même, voire un peu lâche : et si la seconde peau était une ancienne mue ? Lorsque James Blake chante « I don't live it anymore » (chanson « Put that away »), je ne peux m'empêcher de transposer le propos à William Forsythe : il n'habite plus cette technique classique qu'il revisite comme on revient chez ses parents après avoir emménagé chez soi. On peut y séjourner et en jouer, mais vivre, mais créer dans la durée ? À moins que cela ne soit la liberté ultime du créateur, s'affranchir de la durée pour l'instant : <em>let's dance !</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym"><br />1 </a>C'est un peu l'émotion du <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/08/27/une-souris-a-san-francisco-3054568.html" target="_blank">dîner sur la baie à San Francisco</a>…</em></p>
mimylasouris
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Giselle un jour, Giselle toujours
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-06-26:3075730
2016-06-26T10:08:00+02:00
2016-06-26T10:08:00+02:00
Deuxième rang du balcon. Grâce à Pink Lady, je me retrouve presque au même...
<p>Deuxième rang du balcon. Grâce à Pink Lady, je me retrouve presque au même endroit que pour ma première <em>Giselle</em>, mon premier ballet, il y a… vingt ans ? Les mortes n'ont pas pris une ride, mais l'orchestre des jeunes lauréats du conservatoire est perclus de rhumatismes… Jeunes dans la salle, jeunes dans la fosse – à 10 € la place, on peut bien offrir une nouvelle expérience à des pré-professionnels (pour les représentations suivantes, c'est beaucoup plus discutable).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Amandine Albisson, qui n'est pas franchement portée sur la minauderie, prend le parti de déniaiser sa Giselle. Le problème, c'est que le personnage paraît d'autant plus cruche qu'on lui résiste. La moindre réticence de la danseuse pour son rôle induit une distance qui rend l'identification du spectateur impossible : on voit alors intensément Giselle ne pas voir (qui est Albrecht). Jouée à fond, au contraire, Giselle a la guillerette-attitude communicative ; on voit Albrecht à travers ses yeux, sans plus la voir elle. Si l'amour rend aveugle, ce n'est jamais tant sur son objet que son sujet, qui cesse de faire retour sur lui-même, entièrement absorbé par l'autre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">À la décharge de Giselle, l'Albrecht de Stéphane Bullion n'est pas absorbant pour un sou. Trop grand prince pour danser pleinement pour une paysanne, sans doute. Leur pantomime nécessite déjà les jumelles depuis le balcon ; j'espère que les cinquièmes loges ont été équipées de télescopes. Louper le pas de deux des paysans n'aurait cependant pas été une très grande perte ; j'en connais deux, pas mauvais mais pas rodés, qui se seront fait appeler Arthur (Arthus ?).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Amandine Albisson revient à la raison dans la scène de la folie : la voilà qui épouse Giselle et embrasse son destin, le peigne pendant incongru dans sa chevelure. Sa présence-puissance marmoréenne fait merveille à l'acte II ; elle a par intermittence un je-ne-sais-quoi qui me rappelle Aurélie Dupont et j'entraperçois ce qu'a vu en elle Brigitte Lefèvre en la nommant étoile. Une certaine immobilité, une stature. Elle occupe le rôle plus qu'elle ne l'habite, rivalise avec lui, le force à lui faire place, le détruit pour mieux l'incarner (un peu comme Illyria à la fin d'<em>Angel</em> – bah quoi, surnaturel pour surnaturel…). Elle ne vole pas, elle n'est pas au-dessus : elle est ailleurs. Quelque part dans une trace de tulle blanc. Sa présence est en même temps absence, comme une étoile qu'on verrait encore alors qu'elle a déjà disparu, à plusieurs milliers d'années-lumières de là.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Autant le sous-jeu d'Amandine Albisson s'apparente à celui d'une actrice du cinéma (par opposition à une comédienne de théâtre), autant celui de Stéphane Bullion tient du brouillon – préparatoire au premier acte, fouillis au second. Ce switch on/off (off : je-marque-le-premier-acte / on : je-m'épuise-au-second) m'a rappelé l'argument tel que raconté par les Balletonautes. Et si Albrecht, dragueur mollasson au premier acte, devenait vraiment amoureux au second, justement parce que, l'objet de son amour disparu, le désir découvre le manque dans lequel il s'épanouit ? Il n'y a plus alors à plaider la sincérité ou la goujaterie : Albrecht peut être goujat <em>puis</em> sincère, l'apparente contradiction s'annulant dans la passion, la révélant même, comme désir d'embrasser la mort. Je serais presque reconnaissante à l'étoile de m'avoir révéler la squelette d'un rôle qu'elle n'a pas vraiment incarné, au-delà de la série d'entrechats six escamotée et, avec elle, la supplique désespérée dont elle est l'expression. Son Albrecht est bien mourant, mais de fatigue essentiellement : au spectateur le désespoir…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">… qui ne dure pas longtemps, illuminé par la présence-lueur d'Hannah O'Neill. Sa Myrtha n'est pas le monstre d'autorité que l'on attendait pour mater la force d'Amandine Albisson ; elle est même étrangement gracile : Myrtha O'Neill est d'un autre règne, c'est là son inhumanité. Sa dureté relève d'une indifférence toute minérale ; ses gestes, jamais raides, jamais brusques, restent ceux d'une liane. Elle ferait merveille distribuée aux côtés d'une Giselle moins marmoréenne – dans cette distribution, la reine de Wilis paraît presque plus fragile que la jeune recrue (voire que le corps de ballet, qui répond comme un seul corps mécanique aux suppliques des amoureux).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je ne sais pas si je parviendrai à me lasser de ce ballet, ni à revenir de la beauté de l'apparition des Wilis à l'acte II, sublime partition pour le corps de ballet.</p><p> </p><p>Edit : Audric Bezard, j'ai réussi à oublier Audric Bezard ! Maudit sois-tu Albrecht-Bullion. Team Hilarion !</p>
mimylasouris
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Les applaudissements ne se mangent pas
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-05-12:3072759
2016-05-12T22:12:50+02:00
2016-05-12T22:12:50+02:00
La saison prochaine, le théâtre de la Ville fermera ses portes pour...
<p>La saison prochaine, le théâtre de la Ville fermera ses portes pour rénovation. À voir <em>Les applaudissements ne se mangent pas</em> à l'Opéra, on jurerait pourtant qu'il a déjà commencé à disperser sa programmation hors les murs. Clairement, le public de Garnier n'est pas celui de Maguy Marin – et au prix des places, risque assez peu de le devenir. C'est moins un problème de salle, comme j'ai pu l'entendre, que de politique tarifaire ; la scène de Garnier est parfaite pour accueillir le dispositif scénique d'Ulises Alvarez et Denis Mariotte. La hauteur sous plafond, qu'on ne retrouve pas dans toutes les salles, renforce même l'impression d'oppression en étirant les bandes verticales multicolores qui tapissent les trois côtés de la scène et rappellent un peu le rideau de <em>Rain</em>. La ressemblance avec la pièce d'Anna Teresa de Keersmaeker, cependant, s'arrête là : les danseurs qui s'ébattaient dans la rosée d'une manière fort rafraîchissante pour le spectateur ont été rappelés à l'intérieur et sont rentrés chez Maguy Marin sans avoir pu faire sécher leurs affaires ; cela sentirait presque le métro mouillé.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La joie des grandes rayures bayadère est vite balayée lorsque les bandelettes s'écartent sur le passage des danseurs ; exit les rêves d'ameublement intérieur et leur intimité suggérée, les reflets du plastique rappellent davantage les rideaux à travers lesquels passent les bagages sur les tapis roulant d'aéroport et les chariots à palettes dans les entrepôts de stockage. On est dans un espace public, et non seulement public mais anonyme, froid, aseptisé – hostile, presque.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les danseurs qui écartent les bandes me font tour à tour penser au boucher qui fait circuler les carcasses de bœuf dans un abattoir, au flic qui écarte une porte en s'attendant à y trouver un assassin, et à une silhouette anonyme qui écarte les lamelles d'un store pour épier, traquer. Les danseurs se jaugent en permanence, s'évaluent, s'évitent. Ils mettent du temps à entrer en contact, et ne le restent jamais longtemps ; on dirait des dealers ou des résistants, conscients que chaque seconde constitue un risque supplémentaire d'être pris. Les étreintes, extrêmement rares et brèves, sont du même acabit, comme si, dans ce monde abrupt, la tendresse était répréhensible.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ces étincelles de fraternité ne suffisent pas pour que le feu prenne : retour à l'indifférence. On se passe à côté, on ramasse le corps qui vient de tomber, c'est logistique. La violence, si on peut parler de violence, vient de là : de l'indifférence. On aimerait la voir éclater autrement que comme un abstrait coup de feu, voir les unes et les autres s'empoigner, se déchirer, se malmener. Mais ces accès d'agressivité ne sont jamais haineux : ni fougueux ni durables. Ils surgissent de manière quasi-aléatoire et ne sont jamais dirigés vers une personne en particulier : oppresseurs et opprimés sont interchangeables, sans même faire apparaître une chaîne de reproduction de l'oppression.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La seule chaîne qu'on entrevoit, c'est la chaîne de montage ou la chenille d'un tank lorsque les danseurs se mettent à rouler de cour à jardin – des enfants sans joie ni colline à dévaler, des clandestins qui tentent de passer sans se faire prendre (Aurélien Houette n'a pas de chance ; il se fait tuer à chaque fois). Je pourrais regarder Lucie Fenwick<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a> rouler pendant des heures, son corps chewing-gum comme désossé, la hanche saillante qui entraîne le buste et le bras qui ne quitte le sol qu'in extremis (quand les autres danseurs finissent, dans la vitesse, hauts les mains). J'adore Lucie Fenwick, j'adore sa façon de bouger, son aplomb et sa nonchalance – oxymore aussi insolent qu'excitant. Même si tous les danseurs se donnent à fond, je ne peux pas empêcher mon regard de sauter d'elle à Aurélien Houette et de celui-ci à celle-là.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je ne saurais dire s'ils me font entrer dans l’œuvre ou s'ils me divertissent de sa mécanique implacable comme une administration totalitaire. Car c'est ça, au final, qui constitue la force et la faiblesse de la pièce, j'en prends conscience lorsque… a disparu… une danseuse, dos aux bandelettes, s'est brutalement fait <em>enlever</em>, tirée par des mains que l'on n'a même pas eu le temps de voir, les membres projetés comme un mannequin dans l'explosion d'un crash test. Un pantin disloqué. Je suis soufflée par la violence, sous le <span style="font-style: normal;">coup : </span>de la surprise ! Voilà ce qui manque, peut-être à dessein, ce dont nous prive l'aléatoire totalitaire. De la surprise, de l'imprévu. D'où que j'ai finalement du mal à voir et le danger et la beauté, l'un et l'autre intellectuellement synthétisés, loin des tripes que j'aurais volontiers engagées.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pas d'imposture artistique à avaler, pas d'émotion à digérer : je me suis mis la pièce sous la dent, mais <em>Les applaudissements ne se mangent pas</em> effectivement ne se mange pas. Un coup à avoir la dent dure quand c'est la pièce qui l'était – surtout avec cette bande-son trop forte, que je n'ai pu endurer qu'en me bouchant les oreilles. Je comprends que l'on veuille déranger le spectateur, mais il y a une différence entre l'inconfort et la douleur…</p><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym"><br />1 </a>Je crois que c'est elle (en robe rouge). Une encore plus grande perche m'a mis le doute.</p><p> </p>
mimylasouris
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Soirée mousseline et chaussettes
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-03-27:3069491
2016-03-27T18:58:00+02:00
2016-03-27T18:58:00+02:00
Robbins, le maître, et Ratmansky, l'élève, sont résolument mousseline :...
<p>Robbins, le maître, et Ratmansky, l'élève, sont résolument mousseline : quoiqu'émaillé de discrètes touches d'humour, le mouvement est fluide, continu, poétique. Il tombe bien. Même s'il tombe mieux sur certains que sur d'autres : l'ABT m'avait laissé <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/02/08/abt-sadler-s-without-sadness.html" target="_blank">un souvenir</a> autrement plus incisif de <em>Seven Sonatas</em>. Si Sae Eun Park et Antonio Conforti<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a> se glissent sans difficulté dans le ballet, les quatre autres semblent encore un peu lutter– et pourtant, plutôt que le lyrisme générique de Sae Eun Park, ce sont les inflexions poétiques de Mélanie Hurel que je retiendrai, notamment ce porté comme désynchronisé où la danseuse qui bondit est rattrapée-empêchée par son partenaire, attentif à ne pas laisser s'envoler sa Willis indisciplinée.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Other dances </em>n'est lui aussi que mousseline : mousseline violette pour Ludmilla Pagliero, et mousseline gestuelle pour Mathias Heymann, dont les retombées de sauts, les développés et les ports de bras n'en finissent pas, s'évanouissant les uns dans les autres (et avec eux, les soupirs d'admiration). Comme Sarah L. Kaufman a raison ! Qu'elle est apaisante, cette grâce que l'on oublie souvent au profit de prouesses plus immédiatement admirables…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Restriction de mousseline chez Balanchine : cela vaut autant pour la taille de la jupette que pour la qualité du mouvement, moins lyrique que géométrique – et en cela parfaitement mis en valeur par les jambes-compas de Laura Hecquet. <em>Duo concertant</em> est aride comme Balanchine et Stravinsky savent l'être, la poésie tout entière concentrée dans le halo de lumière final. J'en arrive à la conclusion que je n'aime pas Balanchine – du moins, pas le Balanchine <em>en chaussettes</em>. Aussi incroyable cela semble-t-il, je crois avoir trouvé, avec ce détail vestimentaire, le critère déterminant mon enthousiasme ou mon aversion pour ses ballets : d'un côté, <em>Agon</em>, <em>The Four Temperaments</em>, <em>Duo Concertant</em>, en chaussettes, de l'autre, <em>Jewels</em> ou <em>Theme and variations</em>, en fanfare.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Tout comme il est un pivot dans l'histoire de la danse, Balanchine est le pivot de cette soirée, qu'il fait passer de la mousseline chic à la chaussette choc. Les chaussettes noires d'<em>In creases</em>, assorties au liseré des justaucorps, remportent une victoire incontestable sur les chaussettes blanches balanchiniennes. Non seulement Justin Peck a le bon goût de choisir une musique de Philip Glass (mouvements pour deux pianos, en fond de scène), mais sa chorégraphie dépote grave, complètement jouissive dans son rythme et son traitement du groupe, notamment lorsque celui-ci s'avance dans une formation triangulaire, la pointe dirigée vers Letizia Galloni qui, restée seule au centre, ploie en cambré à mesure que la troupe se rapproche… Sorry, Sarah and your art of grace, la géométrie l'emporte sur la poésie : Justin Peck <em>increases</em> grandement mon enthousiasme pour cette soirée !<br /><br /></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1 </a>Qu'on me le garde à l’œil !</p></div><p> </p>
mimylasouris
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Tombeau pour le ballet
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2016-02-19:3066918
2016-02-19T18:40:00+01:00
2016-02-19T18:40:00+01:00
Les Balletonautes ont une fois de plus l'expression juste : Jérôme...
<p>Les <a href="http://lesballetonautes.com/2016/02/11/vienne-jerome-bel-gentleman-imposteur/" target="_blank">Balletonautes</a> ont une fois de plus l'expression juste : Jérôme Bel n'est pas chorégraphe mais auteur de spectacles sur la danse. <em>Tombe</em> est ainsi un tombeau pour <em>Giselle</em>, comme il existe des tombeaux poétiques pour célébrer une personnalité défunte. La première partie commence, très concrètement, avec la tombe de <em>Giselle</em> et, d'une manière générale le décor et le théâtre que Grégory Gaillard fait visiter à Henda Traore, caissière et baby-sitter de son quartier. Ah oui, j'allais oublier : le <em>concept</em> est de faire monter sur scène des gens qui n'y auraient jamais été – concept, comme il se doit, vite dépassé par l’œuvre. Car dès le deuxième tableau, le spectacle reprend ses droits : les décors ont beau avoir été soulevés à l'instant, découvrant le foyer où s'échauffent quelques danseurs et deux techniciens retournés sur leur chaise pour observer la vision inaccoutumée de la salle en plein spectacle, l'illusion reprend sitôt que la musique d'Adams se fait entendre et qu'Albrecht surgit dans la brume.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Sébastien Bertaud est en tandem avec Sandra Escudé, une magnifique Giselle-Willis en fauteuil roulant. J'avoue être sceptique au concept d'handidanse (déjà avec deux bras, deux jambes et un cerveau normalement câblé, il n'est pas dit qu'on ait une palette technique et artistique suffisante pour émouvoir le spectateur), mais là, cette idée me ravit au plus haut point, ravivant le souvenir de ma première <em>Giselle</em> où j'avais clairement eu l'impression de voire Myrtha montée sur roulette. Là, pas de doute, Giselle <em>glisse</em> au sens propre et se dérobe à toute allure, d'une manière bien plus crédible que lorsqu'elle s'envole à pieds. Lorsqu'elle quitte son fauteuil, ses sautillés unijambijstes sont bien plus intelligents que maladroits, clin d’œil à la traversée des Willis en arabesque. Et puis les ports de bras de cette Giselle, qui soulèvent délicatement les épaisseurs de tulle…</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La dernière partie montre une Giselle moins morte et moins glamour dans sa proximité avec la mort. Benjamin Pech « promène » Sylviane Milley, balletomane de 80 ans bien plus hagarde que Giselle ne le sera jamais dans la scène de la folie. Le danseur marche avec la balletomane. Le danseur marche devant, écarte les bras, et la balletomane le rejoint. Il ne se passe rien que le silence dont on entoure la décrépitude du corps, et des regards où le plaisir d'être égale l'incompréhension de ce qui se passe. Entre le projet de porter Sylviane Milley de son siège à la scène, puis de la scène à son siège (quid de la fosse ?) et la qualité de la vidéo qui nous est projetée (la caméra ne tremble pas et jamais on ne voit le reflet du caméraman dans les miroirs du studio), on peut se demander si la présence sur scène a vraiment été sérieusement envisagée, indépendamment de l'hospitalisation récente de la vieille dame. Quoiqu'il en soit, la vidéo accentue l'effet de cette présence fantomatique, il faut bien le dire dérangeante (et ennuyante, un peu, si l'émotion ne vous prend pas). De là à huer les danseurs aux saluts<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a>… Le chorégraphe, lui, ne s'est pas montré, sauf sur la vidéo où il ne dit rien, ne fait rien, assis sur sa chaise, occupé à <em>regarder</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour parer aux critiques sur le prix des billets au vu de la programmation, j'imagine, s'ensuivait une soirée complète – près de deux heures de danse pour apaiser le bourgeois dérangé. <em>La nuit s'achève</em> possède les mêmes qualités et défauts que toutes les pièces de Benjamin Millepied que j'ai pu voir : c'est fluide, fluide, très fluide… et ça vous glisse entre les doigts. Il y a de belles choses pourtant, notamment la remise en mouvement de portés figés dans la pratique : l'aspi-ballerine par exemple (mais si, je suis sûre que vous voyez la ballerine trainée par son partenaire comme s'il passait l'aspirateur avec ses jambes) est agrémenté de retirés du plus bel effet, oscillant entre la caresse du bout du pied et la volonté de ralentir (c'est très érotique, vous ne trouvez pas ?). J'ai aimé, aussi, être surprise par la danseuse tombée en cambré dans les bras de son partenaire (rien que de très classique jusque là), qui subitement se retourne et ondule, visage vers le sol.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ce qui est dommage, c'est que Benjamin Millepied ne nous laisse guère le temps de voir tout cela ; tout s'enchaîne à la même vitesse, un pas en remplaçant un autre sans entrer en écho avec lui. J'ai face à ses ballets un problème que je n'avais jusque là rencontré que dans l'audition de pièces musicales – jamais de danse : je n'arrive pas à saisir la globalité de la phrase musicale/chorégraphique ; j'écoute mais je n'entends pas / je regarde mais ne voit pas ; rien ne surgit qui m'entraîne à donner une forme à l'ensemble. Il ne m'en reste qu'un plaisir de surface : une fois encore, c'est la scénographie que je retiendrai de cette pièce de Benjamin Millepied, cette grande palissade percée de trois grandes entrées, comme les portes d'un palais atemporel. J'imagine une grande fête d'un autre temps, qui s'achève avec la nuit, et dont les couples, modernes, eux, rentrent moins chez eux que dans leur intimité (j'avoue un faible pour la tenue culotte-grande chemise).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em> Les Variations Goldberg</em> réussissent mieux, je trouve, le mélange entre passé (fantasmé, forcément ; on serait bien en peine de dire de quelle époque au juste sont ces <em>costumes d'époque</em>) et atemporalité (datée, forcément, l'atemporalité des années 2010 n'étant pas la même que celle des années <strike>collants</strike> 1980). Surtout, contrairement à Benjamin Millepied, Jerome Robbins nous donne le temps de voir les formations avant de les recomposer et n'hésite pas à glisser une touche d'humour de temps à autres, là où le lyrisme de Benjamin Millepied ne se départit pas un instant de son sérieux. Un exemple parmi tant d'autres : les haussements d'épaules saccadés sur grand plié seconde, comme un rire d'ogre ou de joyeux ivrogne – par une danseuse fluette en jupette rose<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a> et son partenaire, c'est assez amusant.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Soit qu'ils soient amollis par une danse <em>comme il faut</em>, soit qu'ils sourient discrètement dans l'ombre, les spectateurs ne donnent guère de signe de réaction. Peut-être est-ce un peu long ? J'avoue qu'à genoux sur ma chaise surélevée (parce que ces idiots ont mis DEUX rangs de sièges surélevés), je commençais à avoir mal aux tibias et n'ai pas été très attentive au pas de deux d'Hugo Marchand et Marie-Agnès Gillot (qui détonnait un peu dans le cast). La promenade reste néanmoins fort plaisante, surtout lorsqu'elle est servie par des interprètes qui ont vraiment l'air de se faire plaisir : on remarque facilement le sourire d'Hannah O'Neill et l'éternel entrain de Laurène Lévy, mais mon coup de cœur de la soirée va à Charline Giezendanner, absolument parfaite dans ce registre (ce qui n'est pas le cas de tout le monde : Héloïse Bourdon, pour ne pas la citer, est largement plus à son avantage dans les rôles dramatiques classiques). Pour en finir avec le name-dropping, je citerai Germain Louvet que, sauf erreur de ma part, je voyais pour la première fois dans un rôle de premier plan – et wow, quoi.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Sur quoi la nuit s'achève et le RER disparaît, transformé en citrouille.</p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym"><br />1 </a><span style="font-style: normal;">« </span><em><span style="font-style: normal;">Il y a un décalage énorme entre l’état d’esprit dans lequel nous avons créé ce pas de deux et celui dans lequel il est accueilli par certains, » <a href="http://www.dansercanalhistorique.fr/?q=content/sebastien-bertaud-et-sandra-escude" target="_blank">dixit</a> les interprètes, particulièrement diplomates et peu rancuniers. <br /></span></em></p></div><div id="sdfootnote2"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2 </a>Je dois vieillir un peu, parce qu'après la prise de conscience que les modèles en couverture des magazines féminins sont des gamines maquillées en femme, je me fais la réflexion que ces jupettes enfantines (d)étonnent sur ces corps de femme – encore un indice de ce que la danseuse est considérée comme <em>fille</em> plus que comme femme ?</p></div>
mimylasouris
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Le printemps en plein hiver au Palais Garnier
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-12-13:3062290
2015-12-13T13:04:00+01:00
2015-12-13T13:04:00+01:00
Titre sponsorisé par la COP21 Polyphonia était mieux dansé par le Royal...
<p style="text-align: right;">Titre sponsorisé par la COP21</p><p><em>Polyphonia</em> était mieux dansé <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/04/29/triple-bill-at-covent-garden.html" target="_blank">par le Royal Ballet</a>. Je ne sais pas si c'est le fond de la loge qui crée une distance à la danse et assourdit la musique, mais ce n'est pas aussi incisif que ce que réclame la musique de Ligeti. Quand les accents tombent juste, l'intelligence et l'humour de la chorégraphie transparaissent ; le reste du temps, cela ressemble vaguement à <em>Agon</em> et compagnie. Laura Hecquet confirme sa pertinence dans le répertoire néo-balanchinien, tandis qu'à l'ordre bout du spectre interprétatif Sae Eun Park, toujours charmante, produit un contresens fleuri (autant recouvrir de Liberty le meuble d'un designer nordique minimaliste).</p><p><em>À l'adresse de ceux qui, comme moi, se sont demandé pendant toute la séquence où ils avaient déjà entendu l'avant-dernière musique : </em>Eyes Wide Shut<em>.</em></p><p> </p><p>Je me félicite de m'être replacée pour <em>Alea Sands</em>, sans quoi je n'en aurais pas vu la meilleure partie : les lumières du plafond qui s'allument et s'éteignent de manière aléatoire, dans des grésillements de feu d'artifice. J'adore les feux d'artifice. Et de m'être fait piéger, comme tout le monde, en croyant à un dysfonctionnement. J'en rigole toute seule. La suite me rappelle à l'austérité : musique de Pierre Boulez, costumes plus laids qu'amusants, et mouvements dont on se demande <em>mais pourquoi ?</em> Pas de quoi rigoler. Sauf peut-être pour l'espèce de comète-spermatozoïde qui tourne en boucle en fond de scène, maigre mais heureuse distraction. Wayne McGregor est manifestement talentueux malgré lui – lorsqu'il l'est. Depuis le génial <em>Genus</em> et <em>Chroma</em>, l'alignement des planètes n'est plus ce qu'il a été et, sans atteindre la pénibilité de <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/04/29/triple-bill-at-covent-garden.html" target="_blank">Carbone Life</a>, <em>Alea Sands</em> s'enfonce dans les sables mouvants de mouvements aléatoires sans heureux hasard. Toutes mes excuses aux interprètes qui ne ménagent pas leur peine (Léonore Baulac s'y plonge farouchement – forcément une interprète aussi malléable et volontaire, ça plait au pygmalion Benjamin Millepied).</p><p> </p><p>La préparation du plateau pour <em>Le Sacre du printemps </em>est en soi un spectacle : six bennes de terre sont renversées et étalées par une armée de techniciens casque sur les oreilles et pelle à la main. Le contraste offert par ces hommes qui travaillent la terre en chemise noire est assez sexy, et prépare aux torses nus des danseurs. La horde sauvage est menée par Karl Paquette et Aurélien Houette (qui a même de la terre sur le crâne) : je défaille – et remarque un troisième larron également fascinant dans son genre. Vincent Cordier, enchantée. Ou plutôt <em>ravie </em>: c'est lui qui saisit l'élue, de crainte et de ses bras puissamment immobiles.</p><p>Ce <em>Sacre du printemps</em> est un sacre de la virilité. S'y déchaîne la part la plus souterraine de la sexualité, celle que l'on masque à coup de sexe ludique et hygiénique. La terre renvoie l'humain à ses racines, qui l'enserrent un peu plus à mesure qu'il se débat ; elle remonte le long des mollets, macule les robes pâles de celles qui fuient leur propre pulsion de mort et révèle la beauté des corps. Celles qui sont jolies, chez Pina Bausch, partent pour ainsi dire avec un handicap : il faut plus de temps pour défaire cette joliesse policée, pour que la beauté des tripes prenne le dessus sur celle des traits. Charlotte Ranson n'en est que plus remarquable ; vu l'avidité avec laquelle elle semble devancer sa propre perte, je n'ai aucun mal à l'imaginer en Élue (en revanche, j'y vois mal Letizia Galloni, qui est pourtant la seule non-étoile a avoir le rôle…).</p><p>Le grondement de la musique s'élève, les femmes se battent les flancs de manière de plus en plus violentes, les cheveux s'échappent toujours plus nombreux des queues de cheval, la terre remonte toujours plus haut sur les corps, le souffle et les regards toujours plus courts et hagards, faisant monter une terreur sourde et diffuse chez le spectateur. C'est en tous cas ce qui s'était passé pour moi <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/12/09/sacree-soiree-composite.html" target="_blank">la première fois</a>. Cette fois-ci, la promesse de la catharsis et peut-être aussi l'excitation d'être replacée au premier rang font que je suis d'emblée dans la jubilation. Je vois la terreur d'Alice Renavand en Élue, mais je ne la ressens pas, je jubile – à la limite du sadisme, comme si j'étais le printemps auquel on la sacrifiait. Je touche du doigt l'incompréhensible joie populaire qu'il pouvait y avoir lors des exécutions publiques – c'est un spectacle. Je me réjouis de la mise à mort, mise à nue de l'Élue, cette nudité qu'un sein essaye vainement de cacher ; la nudité du corps n'est pas grand chose par rapport à l'intériorité de l'être, qui meurt ici de s'extérioriser ainsi, sous le regard de tous.</p><p>L'émotion me prend après-coup, au moment des saluts. Danseurs et danseuses se tiennent par la taille et l'on sent que ce n'est pas seulement pour obéir au réglage des saluts ; au moment où la ligne se brise pour repartir vers les coulisses, ils continuent pour certains de se tenir ainsi, sortant deux par deux : ils se soutiennent mutuellement. Eleonora Abbagnato a l'air d'une petite fille, Alice Renavand met plusieurs rappels à retrouver un sourire qui semble encore douloureux, et la danseuse qui me fait face, à l’extrémité côté cour, se retient manifestement de pleurer, retenue par Karl Paquette comme par un grand frère bienveillant. Ils sont beaux, tous, dans leur fragilité.</p>
mimylasouris
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La voie humaine
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-12-07:3061857
2015-12-07T22:30:49+01:00
2015-12-07T22:30:49+01:00
Les cinquièmes loges, pas le septième ciel Je testais pour la première...
<p><strong><br />Les cinquièmes loges, pas le septième ciel </strong></p><p>Je testais pour la première et probablement la dernière fois les cinquièmes loges, où nous étions seuls, Palpatine et moi – pas seulement dans notre loge : dans tout l'étage. Pas de moquette, des câbles mal scotchés sur lesquels je manque de déchirer mes collants... on a l'impression d'assister à l'opéra en contrebande depuis un placard. C'est amusant quelques minutes, mais vite épuisant : la seule manière de lire en partie les surtitres est d'avoir la tête allongée sur la rambarde – à genoux par terre, donc. J'ai tenu pendant le Bartók en me disant qu'ensuite, cela chanterait en français dans le texte, mais la diction de Barbara Hannigan, sans être mauvaise, n'est pas assez claire pour pouvoir se passer de surtitres. Au Cocteau, j'en avais plein le dos. Heureusement que Palpatine était là pour me le faire passer.</p><p><strong><br />Double bill, double peine</strong></p><p><a href="http://blogsv2.qobuz.com/andre-tubeuf/2015/11/24/le-chateau-de-barbe-bleue-de-bartok-et-lavoixhumaine-de-poulenc/" target="_blank">D'autres</a> l'ont déjà dit mieux que moi, mais je plussoie : enchaîner un opéra lourdement chargé d'un point de vue symbolique avec une pièce prosaïque, presque anecdotique, est une aberration : la seconde paraît bien fade, après avoir privé le premier de la résonance dont il avait besoin.</p><p><strong><br />Warlikowski, il a tout compris</strong></p><p>La mise en scène n'est pas affreuse, n'est pas mauvaise, mais c'est presque pire : elle est médiocre. Habillée d'une robe verte criarde, Judith est transformée en séductrice un peu âgée, un peu vulgaire à continuellement se jeter sur Barbe-Bleu – ce qui, tout en étant juste, émousse la violence psychologique du cheminement : tout est trop vite montré, sans laisser de place à l'ambiguïté ni même créer un contraste entre ce qui se passe et ce qui se dit, la frontière étant trop marquée entre les protagonistes à l'avant-scène et les salles ouvertes derrière. Quant à la <em>Voix humaine</em>, c'est téléphoné : Warlikowki essaye de prolonger le symbolisme en faisant trainer un mec sanguinolant dans les décombres du château de Barbe-Bleu, mais ce meurtre symbolique dramatise une histoire dont le drame est justement d'être anecdotique. C'est la légèreté de l'amant qui part pour une autre maîtresse qui est insoutenable. C'est d'attendre au bout de fil qu'il raccroche, qu'il coupe la ligne et acte ainsi la rupture. Alors le meurtre symbolique de l'amant, forcément, ça plombe un peu l'opéra-conversation téléphonique sans pour autant lui donner du poids : les cris de la dame en deviennent même un peu ridicules (alors qu'ils devraient probablement être ridicules <em>et</em> pathétiques, au sens noble du terme). Mais voilà, coupure de la conversation téléphonique = fin de la relation = disparition de l'être aimé = mort symbolique = mec sanguinolant. Alors Warlikowski, c'est cool de voir que t'as tout compris, hein, mais c'est pas cool de nous le balancer comme ça de but en blanc. Ce n'est pas qu'on se sentirait vexé de voir nos capacités d'interprétations à ce point sous-estimées, mais presque. Sans rancune, bisous.</p><p><strong><br />Barbe-Bleue</strong></p><p>Je râle mais belle trouvaille que les panneaux qui sortent du mur/coulisse et glissent, l'un après l'autre, découvrant les salles ouvertes par Judith. Et toujours ce cheminement symbolique-psychologique extraordinairement juste :</p><ol><li><p>Salle de torture, <em>barrière pour dissuader l'autre d'approcher</em>. Salle de torture <em>avec baignoire</em>. Le petit Warlikowski aurait-il un jour glissé dans son bain, entraînant un traumatisme durable qu'il lui faut expulser sur toutes les scènes d'opéra ?</p></li><li><p>Salle d'armes, à couteaux tirés : Barbe-Bleue fait le porc-épique autant qu'il peut. <em>Il s'agit d'être repoussant – pour ne pas risquer d'être touché.</em></p></li><li><p>Salle au trésor version vitrine de chez Cartier. Frémissement de Judith. <em>La richesse de l'autre se dévoile sous ses yeux : comment ne pas y voir sa curiosité cautionnée ?</em> Et pourtant... Les colliers n'ont jamais tant ressemblé à des laisses quand Barbe-Bleue lui passe la corde perlée au cou. (NB : penser à vérifier s'il y a déjà eu des versions SM de cet opéra.)</p></li><li><p>Jardin, <em>on respire enfin</em>. Judith oublie que<em> pénétrer dans le jardin secret de l'autre, c'est risquer de marcher sur ses plate-bandes. </em>Heureusement, même chez Warlikowki, les jardins ont encore des fleurs. Et c'est joli. (Quand même, je suis un peu déçue ; on aurait pu avoir un champ de robinets.)</p></li><li><p>Royaume.<em> L'autre recèle des espaces que l'on découvre de plus en plus vastes et que l'on a, partant, toujours envie d'explorer plus avant. </em>Mon royaume pour… une télé. On aurait pu avoir Internet pour faire fenêtre sur le monde, mais non, une télé. Diffusant certes des images de (La Belle et) la Bête. De Cocteau. Qui a rédigé le livret de <em>La Voix humaine</em>. C'est bon, vous l'avez ?</p></li><li><p>Lac de larmes. <em>C'est le risque, lorsque la curiosité part en roue libre ; on n'est jamais certain de ne pas tomber sur quelque chose qui pourrait nous ébranler – voire que l'on pourrait ne pas supporter. Cette salle-ci existe, je le sais, mais si celui qui a failli s'y noyer décide qu'elle doit rester fermée, qu'elle le reste. </em>Les larmes ont dû sécher, parce que je ne me rappelle plus de ce qu'il y avait entre les panneaux transparents…</p></li><li><p>L'horreur de découvrir les trois ex-femmes… <strike>dans d'affreuses robes</strike> vivantes. Ce sont elles qui ont amassé les trésors de Barbe-Bleu, arrosé ses fleurs, agrandi son royaume ; elles qui ont fait de Barbe-Bleu celui qu'il est. Sans elles, son château est noir, aussi nu que l'appartement de Ted dans <em>How I met your mother</em> quand Robin lui demande de se débarrasser des cadeaux de ses ex – tout ou presque venaient d'elles. Le Styx de larmes franchi, Judith est perdue, remisée aux côtés de ces autres femmes qu'elle pensait, qu'elle espérait, mortes et enterrées, quand elles étaient tout au plus enfouies dans le cœur de Barbe-Bleue. Quelle idée d'ouvrir cette porte, Judith. <em>Quand je l'ai vue entrouverte, je me suis empressée de m'y adosser pour la fermer et, appuyant de toutes mes forces pour qu'elle le reste, je prie pour ne pas m'être trompée sur son sens d'ouverture et y basculer. Même si cela rend la personne plus belle d'être capable de tant d'amour pour d'autres, de ne pas les avoir transformées en fantômes, il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir à défaut de savoir vivre avec. Ne pas demander de preuve, ne pas demander les clés, quand on a déjà suffisamment d'espace où vivre à deux en étant heureux. La vérité n'est pas la clarté, c'est l'aveuglement de poursuivre alors qu'il n'y a pas de lieu. </em><font face="Times New Roman, serif"><em>Œ</em></font><em>dipe ne nous en avait-il pas averti de ses yeux crevés ?</em></p><p><em>Sans doute faisais-je et fais-je probablement encore partie des gens désignés par </em>La Voix humaine<em> : </em>« Pour les gens, on s'aime ou se déteste. Les ruptures sont des ruptures. Ils regardent vite. Tu ne leur feras jamais comprendre… »<em> (À Warlikowski, c'est sûr, puisque chez lui, un homme qui rompt est un homme mort.) J'ai trouvé ça bizarre la première fois que je l'ai entendu, mais peut-être n'y a-t-il pas plus de rupture que de cadavres dans le château de Barbe-Bleue, que c'est simplement un désir d'amenuiser la réalité. </em>« <span lang="en-US">Écoute, chéri, puisque vous serez à Marseille après-demain soir, je voudrais... enfin j’aimerais... j’aimerais que tu ne descendes pas à l’hôtel où nous descendons d’habitude... Tu n’es pas fâché ?... Parce que les choses que je n’imagine pas n’existent pas, ou bien, elles existent dans une espèce de lieu très vague et qui fait moins de mal... » </span><span lang="en-US"><em>Une pièce que l'on tient fermée au fond d'un château, par exemple.</em></span></p></li></ol><p><strong><br />Atelier mise en scène </strong></p><p>Un peu déçue que la mise en scène ne me replonge pas dans les délices de la terreur éprouvée lors de ma <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/10/14/le-formidable-chateau-de-barbe-bleue-et-de-bartok.html" target="_blank">découverte de l'oeuvre</a>, j'ai commencé à me demander comment je m'y prendrais si je devais imaginer une mise en scène de cet opéra. Ce n'est pas commode, il faut bien l'avouer. Ce qui présente deux avantages : être un peu plus clément avec Warli (mais pas trop, parce que c'est quand même son métier), et s'occuper. Est-ce qu'on met des portes ou pas ? La notion de seuil est belle, tout de même. Et dans quel sens placer quelle porte : une porte que Judith pousse, c'est une résistance de Barbe-Bleue qu'elle enfonce ; une porte qu'elle tire, c'est une découverte qu'elle a souhaité de toutes ses forces et qui l'éloigne de Barbe-Bleue – un découverte <em>repoussante</em>, qu'après moult réflexions, j'aurais tendance à préférer pour la dernière salle plutôt que pour la première. Et les salles ? Je brode sur les salles à roulette que j'ai devant le nez en les plaçant mentalement perpendiculairement à la scène, de jardin à cour, comme on lit de gauche à droite. Il faut que Judith y passe. Qu'elle traverse la deuxième et en ressorte avec une arme, une arme avec laquelle elle menace Barbe-Bleue. Peut-être même qu'on pourrait brièvement voir la tête de Jochanaan-Barbe-Bleu sur un plateau, histoire que Judith se révèle comme Judith devant un Barbe-Bleu de peur – à distance, côté cour, espérant et craignant tout à la fois l'avancée de Judith. À mesure que Judith avance dans les salles suivantes, le trésor, le jardin, le royaume, il faudrait que la lumière augmente<span lang="en-US"> peu à peu, comme le soleil qui se lève, et atteigne midi au-dessus du lac de larmes. À l'ouverture de la dernière salle, la lumière devient aveuglante, perçant pourquoi pas en plein estomac l'immense silhouette d'un homme. Simultanément, dans un dernier élan pour se rapprocher de Barbe-Bleu, Judith trop avide le dépasse (et, tandis qu'elle est enfin parvenue côté cour, Barbe-Bleu se retrouve côté jardin – sur une passerelle, peut-être, à cause de <a title="J'avais déjà cité le passage en question à la fin de ma chroniquette…" href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/10/14/le-formidable-chateau-de-barbe-bleue-et-de-bartok.html" target="_blank">Nietzsche</a>). À mesure que les femmes s'éloignent, la lumière reflue, jusqu'à la quasi-obscurité lorsque vient le tour de Judith. Son corps a déjà disparu ; ne reste plus que sa voix, humaine, trop humaine. </span> </p>
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Soirée De Keersmaeker
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-10-25:3058486
2015-10-25T14:02:00+01:00
2015-10-25T14:02:00+01:00
Les soirées jeunes de l'Opéra me font sentir de moins en moins jeune....
<p>Les soirées jeunes de l'Opéra me font sentir de moins en moins jeune. L'année prochaine, je ne pourrai plus y prétendre. Palpatine, déjà, n'aura pas pu y goûter. Et sa présence manque. Devant <em>Quatuor n° 4</em>, je ne peux pas m'empêcher d'imaginer ce qu'il en aurait dit, quelque chose comme : c'est du théâtre de la Ville, avec des filles en plus joli. Cette propension à tout apprécier, à tout <em>évaluer</em> en termes de beauté plastique m'épuise, et pourtant, je ne cesse à mon tour d'y céder. Peut-être la pièce incite-t-elle à la facilité, jolie, elle aussi, comme ses interprètes. Les quatre jeunes femmes, parce qu'attifées comme les petites filles qu'elles savent qu'elles ne sont plus, me font un instant penser aux trois petites Euménides de Giraudoux, dans <em>Électre</em>, mais il n'y a pas de malaise : la séduction est consciente, mais innocente. A l'exception d'un haut différencié, vague concession à la personnalité de chacune (ou plutôt mime de cette différenciation), toutes sont vêtues de la même manière : socquettes sur jambes nues et jupes qui tournent jusqu'à la verticale, jusqu'aux grandes culottes blanches, exhibées dans des poiriers avortés, mains au sol et ruades de pieds. On sourit de ce French cancan d'écolières, qu'on imaginerait plutôt jouer à la marelle à cloche-pied. Cela marche toujours, mais justement parce que cela marche toujours, ça ne danse pas assez. L'attention se met à vaciller tandis qu'oscillent les corps, tapant des pieds dans les airs, comme Fred Astaire, comme les cloches d'une église. On s'ennuie <em>joliment</em>.<br /><br /><em>(++ Camille de Bellefon, cheveux au carré, danse au taquet)<br /><br /></em></p><blockquote class="instagram-media" style="background: #FFF; border: 0; border-radius: 3px; box-shadow: 0 0 1px 0 rgba(0,0,0,0.5),0 1px 10px 0 rgba(0,0,0,0.15); margin: 1px; max-width: 658px; padding: 0; width: calc(100% - 2px);" data-instgrm-version="5"><div style="padding: 8px;"><div style="background: #F8F8F8; line-height: 0; margin-top: 40px; padding: 33.287037037% 0; text-align: center; width: 100%;"> </div><p style="color: #c9c8cd; font-family: Arial,sans-serif; font-size: 14px; line-height: 17px; margin-bottom: 0; margin-top: 8px; overflow: hidden; padding: 8px 0 7px; text-align: center; text-overflow: ellipsis; white-space: nowrap;"><a style="color: #c9c8cd; font-family: Arial,sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-weight: normal; line-height: 17px; text-decoration: none;" href="https://instagram.com/p/9JCjtANacO/" target="_blank">Une photo publiée par Ballet de l Opera de Paris (@balletoperadeparis)</a> le 22 Oct. 2015 à 6h17 PDT</p></div></blockquote><script type="text/javascript" src="http://platform.instagram.com/en_US/embeds.js" defer="defer"></script><p><em> </em></p><p>Après que les filles nous ont montré leur culotte, c'est au tour de garçons de tomber la veste (on aurait bien voulu ajouter : la chemise, mais c'est seulement au profit d'un maillot de corps). Les corps, eux, ne tombent pas ; ils se jettent à terre, roulent et se relèvent en vitesse, avec une dextérité à faire passer pour rouillé un agent secret s'étant jeté d'un train en marche. Parce que la jubilation nécessite le désordre, ils n'arrêtent pas de se croiser ; on dirait des notes de musique brouillonnes, des noires et des croches griffonnées à toute vitesse : <em>Die grosse Fuge</em>, une page manuscrite de Beethoven faite ballet. <br /><br /><em>(++ Hugo Vigliotti, qui danse aussi grand qu'il est petit)</em></p><p><em> </em></p><p>La dernière pièce, <em>Verklärte Nacht</em>, possède quelque chose que les deux autres n'ont pas : une scénographie. Les raies de lumière qui percent entre d'immenses troncs de bouleaux, redoublés par des hommes de dos, immobiles, créent d'entrée une image très esthétique. Nous sommes dans une forêt hantée par des hommes-tronc et des femmes bauschiennes, aux robes dépareillées, qui répètent encore et encore ce même geste de genoux qui flanchent et s'ouvrent dans l'évocation d'une chute - curieux mélange de faiblesse et de sexualité, que l'on retrouve lorsque les femmes sautent au cou des hommes, cuisses autour de leur tête, comme pour s'en protéger, dans un élan de repli. On s'agrippe à ces couples oniriques, et on voudrait que les portés, emportant les feuilles, les robes et les cheveux, nous emportent sur leur passage. Mais je dois être, comme mes yeux, trop lourde de sommeil et je reste là, sur mon fauteuil de balcon, à ne pas prendre l'air.<br /><br /><em>(++ Awa Joannais, jolie présence qui semble tout droit sortie du </em>Parc<em> avec sa grande chemise blanche...)</em></p><blockquote class="instagram-media" style="border: 0px; border-radius: 3px; box-shadow: rgba(0, 0, 0, 0.498039) 0px 0px 1px 0px, rgba(0, 0, 0, 0.14902) 0px 1px 10px 0px; margin: 1px; max-width: 658px; padding: 0px; width: calc(100% - 2px); background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;" data-instgrm-version="5"><div style="padding: 8px;"><div style="background: #F8F8F8; line-height: 0; margin-top: 40px; padding: 61.6666666667% 0; text-align: center; width: 100%;"> </div><p style="color: #c9c8cd; font-family: Arial,sans-serif; font-size: 14px; line-height: 17px; margin-bottom: 0; margin-top: 8px; overflow: hidden; padding: 8px 0 7px; text-align: center; text-overflow: ellipsis; white-space: nowrap;"><a style="color: #c9c8cd; text-decoration: none;" href="https://instagram.com/p/9HgXjGy5Li/" target="_blank">Une photo publiée par Hugo C. (@_gohu)</a> le 21 Oct. 2015 à 15h59 PDT</p></div></blockquote>
mimylasouris
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Triple bill et variations
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-09-28:3056757
2015-09-28T22:40:00+02:00
2015-09-28T22:40:00+02:00
Je ne sais trop quoi penser de Clear, loud, bright, forward , à part que...
<p>Je ne sais trop quoi penser de <em><strong>Clear, loud, bright, forward</strong></em>, à part que les costumes irisés à écailles d'Iris Van Herpen et les plafonniers façon entrepôts, qui font basculer les lumières, nous plongent dans une atmosphère sous-marine esthétiquement réussie, où les ombres immenses évoquent aussi bien de grandes algues que des silhouettes vaguement menaçantes (les plafonniers me rappellent la scène de l'interrogatoire dans l'adaptation du <em>Procès</em> de Kafka par Orson Wells). Après, pour ce qui est de distinguer les sirènes (que le justaucorps attaché derrière le cou met plus ou moins en valeur) sur le mouvements des ondins (en bleu, presque fondus dans l'absence de décor), c'est une autre histoire. <strong>Benjamin Millepied </strong>pratique un art du contrepoint fort difficile à suivre avec toutes ses formation asymétriques et simultanées, sans cesse au bord de la dissolution – d'autant plus difficile à suivre que les danseurs ne sont pas toujours ensemble (deux synchro et un en décalé, c'est trop pour faire un canon et trop peu pour un ensemble). On ne peut pas vraiment leur en vouloir : non seulement c'est une avant-première, mais le rapport du chorégraphe à la musique est loin d'être évident. Suite à mes critiques<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, JoPrincesse m'a assuré qu'il était musical et, étant donné son expérience musicale et l'absence de la mienne, je suis bien obligée de la croire (et d'abandonner ma condamnation péremptoire qui, quelque part, m'arrangeait bien en me fournissant une position tranchée). Je persiste à penser, cependant, que même si la chorégraphie de Benjamin Millepied tombe juste sur la musique, elle n'a pas cette qualité que j'associe à la musicalité et qui est de jouer avec la musique, en étirant ou contractant le mouvement à la limite de l'arythmie. Il y a bien sûr un rythme indéniable et quelques moments d'adages qui calment le jeu, mais cela manque à mon goût d'accélérations et de ralentis, qualités du mouvement qui l'impriment dans la rétine du spectateur et le lui font ressentir. Il y a de très chouettes trouvailles (un bondage de bras autour de Marion Barbeau et, mon préféré, un poisson inversé où, au lieu de tomber dans le filet de son partenaire, Léonore Baulac plonge et remonte tel un saumon dans ses bras<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a>), mais justement, il y en a trop pour voir quoi que ce soit. Je me demande si Benjamin Millepied ne souffrirait pas du syndrome du jeune chorégraphe sur-enthousiaste, découvert avec <em>Asphodel Meadows</em> de Liam Scarlett, qui consiste à mettre à chaque fois toutes ses idées dans le même ballet. C'est d'autant plus frappant que le Robbins qui suit est très épuré.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'esthétique d'<em><strong>Opus 19 / The Dreamer</strong></em>m'a rappelé le <em>Violon Concerto</em> de Balanchine (1972) et le <em>Concerto en sol</em> de <strong>Jerome Robbin</strong>s (1975) – peut-être parce que ma connaissance de ces chorégraphes est assez limitée, mais aussi en partie parce qu'il y a un air d'époque – une brise, pourrait-on dire tant le ballet est planant. Ennuyant, dixit Melendili. Sans la création qui l'a précédé, j'aurais probablement été du même avis. Dans le contexte de cette triple bill, cependant, cela a été une bouffée d'air frais – et l'occasion de vérifier que non, décidément, je ne déteste plus Mathieu Ganio, qui patine bien avec le temps. Son duo avec Amandine Albisson fonctionne d'autant mieux que la jeune étoile n'est pas du genre à attendre que son partenaire la mette en valeur pour s'imposer. Il y a chez elle une vague réminiscence d'Aurélie Dupont, qui me fait penser qu'elle devrait me plaire. Je ne sais pas si vous avez déjà remarqué, mais on retrouve facilement des « types » de danseuses et l'on pourrait s'amuser ainsi à recréer la galaxie Noureev : à côté d'Amandine Albisson / Aurélie Dupont, nous aurions Héloïse Bourdon / Elisabeth Platel (le port de tête !) et Laura Hecquet / Agnès Letestu (implacable).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Laura Hecquet apparaît tout sourire dans <em><strong>Thème et variations</strong></em>. Il suffisait de lui offrir un ballet affreusement technique pour qu'elle s'épanouisse. Évidemment, il ne faut pas rêver, elle ravale et rallume régulièrement ce sourire-tout-beau-tout-neuf dans un pincement de lèvres, au point que, ne la connaissant pas, Melendili ne la trouve <em>pas très souriante,</em> alors qu'elle a probablement davantage souri pendant ces vingt-cinq minutes de <strong>Balanchine</strong> que dans toute sa carrière réunie. Mais après tout, faut-il sourire pour rayonner ? Le diamant n'étincelle-t-il pas en raison même de sa dureté ? En effet, <em>Thème et variations</em> convoque immédiatement en moi le souvenir du dernier mouvement des <em>Joyaux</em>. C'est le même « oh ! » à l'ouverture du rideau, suivi de la même salve d'applaudissements de joie enfantine, alors que personne sur scène n'a encore bougé – la guirlande argentée suspendue en hauteur a simplement été remplacée par deux lustres (petite pensée pour les Balletonautes : on nous a épargné le décor kitschouille). Je suis un peu effrayée au début par la pompe déployée (et les tutus un brin criards), mais on se laisse rapidement entraîner par la rutilance de l'ensemble, qui s'apprécie comme un feu d'artifice. La question des équilibres ne se pose même pas pour Laura Hecquet : on a l'impression qu'elle pourrait continuer indéfiniment à développer ses jambes d'acier, seulement soutenue par ses voisines de guirlandes, elles-mêmes sur pointes. Promenades arabesques, grands ronds de jambes, grands battements : comme Myrtha et toutes les reines qui peuplent le ballet, elle règne sur son royaume et ses sujets n'ont de cesse de se jeter à genoux devant le couple royal qu'elle forme avec Josua Hoffalt (en quatrième, tout de même, on sait se tenir à la cour). Sous le coup de cette démonstration de puissance, j'en oublie de chercher toutes les références aux ballets de Petipa <a href="http://lesballetonautes.com/2015/09/21/theme-et-variations-lenchantement-bleu-et-or-du-petit-balanchivadze/" target="_blank">doctement pointées par les Balletonautes</a>. La seule qui me saute aux yeux, ce sont les quatre petits cygnes ou plutôt les trois petits cygnes plus Héloïse Bourdon, que l'on verrait davantage dans le quatuor suivant<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote3anc" href="#sdfootnote3sym"><sup>3</sup></a>. Il y a un côté très <em>l'art pour l'art</em> dans ces clins d'oeil adressés au balletomanes, et je ne parviens pas à savoir si c'est l'indice d'un sommet artistique ou d'un chant du cygne. Le propre de l'apothéose est sans doute de tenir un peu des deux : peu importe que Dieu soit mort, c'est divin – c'est l’apparat du pouvoir dans toute sa violence et sa nudité de tutus rigides. Quelque part, le raffinement autoréférentiel est une manière de se voiler la face, de ne pas être ébloui par la force des corps, du corps de ballet : lorsqu'il attaque en grand battements lors du final, c'est une armée que l'on voit avancer. Pas de doute, le ballet de l'Opéra est sur le pied de guerre.</p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"><br />1</a> Je ne suis <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2015/09/13/sketchy-quiet-dull-hopefully-not-backward-3055695.html" target="_blank">pas la seule</a> à être allée chercher du côté des antonymes. « Confused, noisy, dull, inert » pour <a href="https://twitter.com/amelie_sc/status/647714504915165184" target="_blank">@amelie_sc</a>, « Tamed, Soft, Quiet » pour <a href="https://twitter.com/dansomanie/status/647493080719978496%20" target="_blank">@dansomanie</a>... Bientôt un dictionnaire des antonymes.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2</a> Tant qu'on est dans le <em>name-dropping</em> : cela fait du bien de voir Letizia Galloni sur le devant de la scène.<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote3sym" href="#sdfootnote3anc">3</a> Après la création de Boris Charmatz, on se rend compte qu'il n'est pas très difficile d'être classé parmi les grands cygnes : les danseuses ne sont pas bien grandes, dans l'ensemble !</p></div>
mimylasouris
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Manon mais non
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2015-07-01:3051075
2015-07-01T22:14:12+02:00
2015-07-01T22:14:12+02:00
À danser Manon comme si c'était Giselle , Laëtitia Pujol m'a mis le...
<p>À danser <em>Manon</em> comme si c'était <em>Giselle</em>, Laëtitia Pujol m'a mis le doute : ma lecture du roman de l'abbé Prévost remontait-elle tant que ma mémoire ait pu substituer une rouée à la jeune fille dont s'éprend Des Grieux ? Il me semblait que tout l'intérêt du roman était justement qu'on ne savait jamais très bien si Manon était la jeune fille au cœur pur (jouée par les circonstances mais) aimée par Des Grieux ou la jeune femme (attendrie et flattée par Des Grieux mais) avide de richesses, dont MG faisait sa maîtresse. Cette dualité, construite par le double récit de Des Grieux (homme de passion) rapporté par l'abbé (homme de morale), fait de Manon un personnage ambiguë, mi-amante à encenser dans une histoire d'amour, mi-courtisane à réprouver dans une parabole.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'interprétation de Laëtitia Pujol donne une telle cohérence au personnage qu'elle l'évince, le réécrit. Ce n'est plus Manon, c'est Giselle, une jeune fille fraîche et ignorante qui s'éprend aussi facilement de Des Grieux que de ce qui brille – une girouette tout ce qu'il y a de plus innocente. Si cela fonctionne plutôt bien lors de la rencontre avec Des Grieux (après tout, on la menait au couvent...) et qu'on y trouve quelques pépites de pudeur (lorsque Des Grieux l'attrape par le cou, son corps se raidit, comme paralysé par une première bouffée d'érotisme, et c'est ainsi que Des Grieux l'allonge sur le sol), cela ôte du piquant le reste du temps, notamment chez Madame (où Allister, ayant pris du grade à l'entracte, déclenche un crêpage de chignons entre deux filles qui se l'arrachent). À donner cohérence à un personnage qui en manque cruellement, l'interprétation de Laëtitia Pujol est <em>trop intelligente</em>. Son personnage sincère évacue le soupçon et le frisson qu'entretenait la Manon d'Aurélie Dupont<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, dont on ne savait jamais si elle était plus maîtresse des hommes ou d'elle-même.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Au final, près de deux mois plus tard (oui, bon), le souvenir le plus vivace que j'ai de cette soirée est Aurélien Houette en geôlier aussi électrisant que débectant. Par la simple résistance de ses gestes, la scène où il plie Manon à son désir se charge d'une tension érotique quasi-pornographique : mise à distance, l'empathie qui écoeure excite, dans un mélange d'égale attraction et répulsion. Moralité : même en perruque, Aurélien Houette peut me faire fantasmer.</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">(Avis contraire chez <a href="http://lesballetonautes.com/2015/04/24/manon-un-subreptice-instant-de-purete/" target="_blank">les balletonautes</a>.)</p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1</a> Il y a un bail, oui.</p></div>
mimylasouris
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Le cas Opéra à l'étude
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-10-12:3019009
2014-10-12T15:55:00+02:00
2014-10-12T15:55:00+02:00
Aucun souvenir d' Études . À mesure que le ballet progresse, cette absence...
<p>Aucun souvenir d'<em>Études</em>. À mesure que le ballet progresse, cette absence de souvenirs me semble de plus en plus étrange... Je vois bien les silhouettes à la barre sur fond bleu mais le pas de trois des étoiles ne me dit rien, pas plus que le cancan des petits battements, où seules les jambes sont éclairées. Je finis par comprendre que je n'ai jamais vu ces fameuses silhouettes qu'en images et que je les ai animées avec mes souvenirs de Suite en blanc, autre ballet dont la seule vocation est de célébrer... le ballet (et les balletomanes sont bien gardés). Mais là où Serge Lifar produit un méta-ballet où les alignements exaltent la puissance du corps<a name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>, l'hommage d'Harald Lander est un tombeau, d'où sort une Willis sans âme. L'ensemble vire pourtant moins à la gymnastique qu'au cirque, comme l'a fait remarquer Palpatine à la sortie, qui aurait bien mis un monsieur Loyal avec un cerceau pour faire la circulation des fauves lors des diagonales de grands jetés. Il est vrai qu'<em>Études</em> m'a fait l'effet clown : un sourire sans joie, reflété par une Dorothée Gilbert complètement crispée, alors même que sa technique solide et ses équilibres légers ne devraient pas lui donner l'occasion de s'inquiéter. D'une manière générale, plus c'est simple, pire c'est : le comble de la crispation est atteint lors du grand plié inaugural, alors que ce pas, premier exercice à la barre, redevient une bagatelle à chaque difficulté technique qu'il prépare. L'exercice de style atteint ses limites, la pureté du mouvement tendant à sa disparition. Heureusement que les garçons étaient là pour oublier pas et positions dans la danse – non pas à la manière de Karl Paquette, qui en oublie de tendre les pieds, mais à celle de Josua Hoffalt ou mieux encore, d'Axel Ibot et Allister Madin qui détendent l'atmosphère en ne donnant pas l'impression de jouer leur carrière.</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">X, Y, untel, unetelle... <em>Études</em> met en évidence la tendance qu'a l'Opéra de Paris à exacerber le travers balletomane du <em>name-dropping</em>. Parce que la mayonnaise peine de plus en plus à prendre, on ne déguste plus une œuvre bien (com)prise, on se félicite de la qualité de ses ingrédients/interprètes. Voyez la formidable Lydie Vareilhes dans son justaucorps moutarde ! Vous pourrez mettre qui vous voulez dans le rôle de l'œuf, il manquera toujours le tour de main pour qu'il y ait émulsion. Impair et <em>Pas./Parts</em>. Nourri mais pas régalé, on s'amuse en prenant des chouchous par demi-douzaine : il y a celui qu'on découvre (Alexandre Gasse), celui à qui l'on pardonne tout (Karl Paquette), ceux qu'on sait sans hormones (Axel Ibot et Allister Madin, qui ne sont pas mon genre mais que j'adore) ou encore celui qu'on hésite à retirer de la boîte (Audric Bezard) parce qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Et voilà comment la balletomane, qui ne jure que par les cygnes, finit par glousser comme une poule.</p><p> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1 </a>Le chorégraphe s'y connaît : c'est lui qui a instauré le défilé <a href="http://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00959/defile-du-corps-de-ballet-de-l-opera-de-paris-selon-lifar.html" target="_blank">en s'inspirant des parades militaires soviétiques... </a>Pas certaine de l'effet dissuasif du "<a href="https://twitter.com/elendae/status/518484487018397696" target="_blank">régiment de flamands roses</a>" d'<em>Études</em>. ^^</p></div>
mimylasouris
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De la musique après toute chose
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-05-21:3005906
2014-05-21T21:52:00+02:00
2014-05-21T21:52:00+02:00
Deux ans après avoir découvert Orphée et Eurydice de Gluck/Pina Bausch,...
<p><a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/02/11/orphee-et-hors-de-prix.html" target="_blank">Deux ans après avoir découvert <em>Orphée et Eurydice</em></a> de Gluck/Pina Bausch, rien n'a changé : le Tanzoper est toujours supérieur au Tanztheater, Muriel Zusperreguy est toujours rayonnante, le combo tablier-minishort me fait toujours apprécier ces messieurs et les robes de deuil translucides de ces dames seins nus émoustillent toujours autant Palpatine. Tout a changé : Alice Renavand a laissé la place à une Marie-Agnès Gillot qui ne m'émeut plus beaucoup, le manque de maturité de Florian Magnenet provoque des visions de Saint-Sébastien en couche culotte et Gluck a pris le dessus sur Pina Bausch<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"><sup>1</sup></a>. Les errances des danseurs ne m'absorbent plus tout entière, je les laisse errer, c'est la vie, et mon regard se met lui aussi à errer, dans la salle, remplie de petits bâtonnets sagement alignés ; dans la fosse, entre la flûte un peu épaisse presque sous moi et plus loin, qui me fait face, la contrebasse lancinante ; et au milieu, dans ce grand vide empli de musique qu'est une salle en plein spectacle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Avec une loge et des feuilles d'acanthe devant nous, Palpatine et moi sommes un peu comme Orphée et Eurydice, la main devant l'œil ; à Garnier, avec une place à 45 € (par l'Arop ; 70 € au tarif normal), il ne faut pas espérer voir plus des deux tiers de la scène. Il n'y a pas longtemps encore, cela m'aurait terriblement frustrée. Je ne sais pas si c'est mon goût ou moi qui mûrit, si je deviens un peu plus patiente, ou plus résignée, si je me suis « opératisée » ou si c'est simplement à mettre sur le compte d'un désintérêt pour le couple de solistes, mais la danse m'est apparue comme une mise en scène agréable sans être indispensable. J'ai laissé les danseurs à leurs errances pour m'emplir de cette musique qui soulage. On ne sait pas exactement de quoi au juste<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"><sup>2</sup></a>, mais elle soulage. Serait-ce une vertu de la musique baroque que d'exprimer la peine pour la faire disparaître dans un soupir ? On se met à respirer, l'âme étirée, et la salle entière, obscure et sereine, devient notre cage thoracique. Moi aussi, finalement, je me serais bien mise à danser.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc">1</a> Cela les défriserait de mettre un prompteur avec des surtitres, à l'Opéra, d'ailleurs ?<br /><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc">2</a> Si je n'étais pas si jeune, je dirais peut-être qu'elle soulage de la vie quotidienne, lente, aveugle et vaine comme la remontée d'Orphée et d'Eurydice. </p></div>
mimylasouris
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Le fail de mademoiselle Julie à entrer dans la légende
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-04-07:3001095
2014-04-07T22:45:00+02:00
2014-04-07T22:45:00+02:00
Une petite chroniquette avant d'oublier avoir assisté à Fall river legend...
<p>Une petite chroniquette avant d'oublier avoir assisté à <em>Fall river legend</em> et <em>Mademoiselle Julie</em>. Le ballet d'Agnes de Mille a donné vie à la seule image que j'en avais : une danseuse en robe verte, cramponnée à une charpente. La montée de la folie dans un univers de rigueur protestante est un thème qui a de quoi me fasciner, passé l'instant de surprise en voyant le prêtre, pasteur donc, conter fleurette à l'héroïne. Cela a été un plaisir de revoir Alice Renavand en tant qu'étoile – toujours aussi expressive, même et surtout avec une hache entre les mains.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>Mademoiselle Julie</em>, ballet de Birgit Cullberg au nom joliment désuet, qui augurait fort bien en répétition, s'est révélé assez décevant. On prend plaisir à voir Nicolas Leriche s'amuser et s'encanailler dans le rôle d'un laquais qui ne résiste pas aux avances de sa maîtresse, et à regarder les gambettes d'Aurélie Dupont s'agiter lascivement (pour faire oublier l'affreux tutu-cravache qui lui faisait limite des poteaux – c'est dire la réussite du costume) mais on s'ennuie assez rapidement et on ne comprend pas grand-chose au dénouement. C'était beaucoup plus amusant sous-titré par Ana Laguna, qui rendait limpide la danse de Ninon Raux – belle découverte quand j'étais surtout venue à la répétition attirée par la présence d'Audric Bezard (toujours aussi canon malgré ses nouveaux biscotos gonflés, il s'est révélé assez cool raoul, naturel(lement beau gosse)).</p>
mimylasouris
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Sans trop d'illusions
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2014-01-14:2991300
2014-01-14T18:06:13+01:00
2014-01-14T18:06:13+01:00
C'est sans trop me faire d'illusions que je suis allée voir le ballet de...
<p>C'est sans trop me faire d'illusions que je suis allée voir le ballet de Ratmansky proposé par le Bolchoï, y voyant plutôt l'occasion de profiter d'une soirée de gala sans trop de me soucier des places forcément moins bonnes qui vont avec. Pour ceux qui, nonobstant <em>Psyché</em>, ont voulu y croire, voici la liste des illusions qu'ils y ont probablement perdues.</p><p><br /> <img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/illusions_perdues-Damir_Yusupov_zps47bfa541.jpg" alt="Classe de danse à la Degas" width="90%" border="0" /></p><p style="font-size: 85%; text-align: center;">Photo de Damie Yusupov<br />Ambiance à la <em>Petite Danseuse de Degas </em>ou classe façon Bournonville, cela augurait pourtant plutôt bien.<br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;"><em>Illusions perdues</em> est l'adaptation du roman de Balzac.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je suis heureuse de n'avoir pas lu le roman de Balzac, dont le ballet de Ratmansky est l'adaptation – à ceci près que Lucien n'est plus poète mais chorégraphe, que ce n'est plus sa protectrice qui l'abandonne mais lui qui largue Carolie, sa jeunette amoureuse, pour une certaine Florine qui n'est plus actrice mais danseuse. Il s'agit au final plus d'une thématique que d'une adaptation mais, comme le titre était cool, on prend l'option <em>d'après le livret de Vladimir Dmitriev inspiré du roman éponyme d'Honoré de Balzac –</em> un vrai téléphone arabe.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;">C'est un ballet narratif tout ce qu'il y a de plus classique.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Deux actes, des pointes, des ensembles et des duos, <em>Illusions perdues</em> a tout du ballet classique, si l'on exclut les divertissements royaux et les pas de deux traditionnels avec adages, variations et coda – ce qui n'est absolument pas un problème quand on s'appelle John Neumeier ou <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/04/30/alice-s-adventures-in-wonderland-well-done.html" target="_blank">Christopher Wheeldon</a> – et... si l'on retire du terme <em>classique</em> l'autorité donnée au fil du temps pour ne conserver que la reprise d'une tradition. Le ballet de Ratmansky a beau être de technique classique, il ne risque pas d'en devenir un.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;">C'est poussiéreux.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On ne dit pas <em>poussiéreux</em>, on dit <em>d'aspect vieilli</em>. De fait, cela convient parfaitement aux décors qui rappellent en sépia l'aspiration à une certaine élégance. Un peu moins aux costumes qui n'ont ni le charme des anciens ni l'esthétique épurée des modernes : à quoi ressemble le ruban vert qui tombe devant les jambes des sylphides ? Et le carnaval des animaux lors de la fête, soudain <em>revival</em> des masques de <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/10/03/phedre-psyche-pffff.html" target="_blank"><em>Psyché </em></a>?</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;">On peut « voir la musique et écouter la danse ».</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Balanchine aurait fait une syncope. La balletomane, qui sort d'une cure de<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2014/01/05/la-belle-au-bois-dormant-2990343.html" target="_blank"> <em>Belle au bois dormant</em></a> illustrant parfaitement l'esprit d'« un pas sur chaque note » cher à Noureev, y échappe de justesse. Non mais vraiment : Alexeï Ratmansky avait-il la musique lorsqu'il a chorégraphié ? Parce que ce n'est pas flagrant. La musique est là en fond sonore, comme au cours de pilates où elle sert à faire passer les exercices. Le chorégraphe semble seulement avoir demandé à ce qu'on rajoute des tintements de triangle sur certains sauts pour faire illusion. Peine perdue.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/David-Hallberg-Illusions-perdues_by-Laurent-Philippe_zps7978445b.jpg" alt="David-Hallberg-Illusions-perdues_by-Laurent-Philippe" border="0" /></p><p style="font-size: 85%; text-align: center;">David Hallberg, par Laurent Philippe</p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;">C'est dramatique.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">De l'action, il y en a, un peu. De là à dire que cela engendre de véritables tensions propres à émouvoir le spectateur... David Hallberg, qui me semble être au Bolchoï ce qu'Edward Watson est au Royal Ballet, ne ménage pourtant pas ses efforts pour donner de l'épaisseur à son personnage. À chacune de ses entrées, on se prend à rêver d'un drame à la<em> Dame aux camélias </em>mais, à chacune de ses sorties, force est de constater qu'on devra pour cela attendre de le voir en Armand. Il forme un superbe couple avec Evgenia Obraztsova, vive et comédienne, loin du lyrisme habituel de certaines ballerines russes, si parfait qu'il m'endort. On a du mal à comprendre que Lucien la délaisse pour Ekaterina Krysanova, malgré ses cheveux oranges et ses fouettés endiablés sur une table. Les contrastes, sûrement. <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/en-scene/illusions-perdues-par-le-ballet-du-bolchoi-evgenia-obraztsova-et-david-hallberg/" target="_blank">Amélie</a> dressait d'ailleurs un parallèle fort pertinent avec Marie Taglioni, la sylphide angélique, et Fanny Essler, la diablesse sexy.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;">La mise en abyme, c'est ultime.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Surtout quand vous en faites un élément de comique, comme dans<em> Le Lac des cygnes</em> de Matthew Bourne, ou que cela donne de la profondeur à l'histoire, comme dans <em>La Dame aux Camélias</em>, où le pas de deux de Manon et Des Grieux préfigure le destin de Marguerite. La scène des gitans au second acte, où l'on a vu des allusions pêle-mêle <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/en-scene/illusions-perdues-par-le-ballet-du-bolchoi-evgenia-obraztsova-et-david-hallberg/#comments" target="_blank">à <em>Paquita</em>, <em>Marco Spada</em> ou <em>Don Quichotte</em></a>, n'est pas assez caricaturale pour être comique et à peine assez stéréotypée pour se distinguer de la chorégraphie hors théâtre dans le théâtre, renforçant l'impression que l'ensemble est bien falot. Le parallèle du premier acte entre Lucien et James est plus réussi. Déjà, le dispositif scénique ne se contente pas de rétrécir la scène en posant une seconde rampe au sol : il nous place dans l'envers du décor, dos aux danseurs, comme si nous étions derrière le rideau de scène. Les limites entre les deux scènes peuvent alors s'estomper dans une évocation poétique où Lucien emboîte les pas de James (Artem Ovcharenko, à qui la jupette va divinement bien et que je kidnapperais volontiers avec David Hallberg) et ses aspirations contradictoires entre Coralie-sylphide et Florine-Effie. Le parallèle fonctionne si bien que je me demande pourquoi Alexeï Ratmansky n'a pas tout simplement proposé sa propre version de <em>La Sylphide</em> – en rajoutant au besoin <em>Illusions perdues</em> comme sous-titre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Mais les illusions ne sont pas des erreurs et la perception qui est en à l'origine, si déformée soit-elle, persiste : on dira donc que l'on a assisté à un ballet narratif classique au charme désuet et à la musique pas terrible, sauvé par ses interprètes. Enfin... entre deux séances de <a href="http://www.gettyimages.fr/Search/Search.aspx?EventId=461895145&EditorialProduct=Entertainment" target="_blank"><em>who's who</em></a>, où la fashion police a fait la chasse aux petits fours (mention spéciale aux mini-pommes d'amour en robe rouge, parsemées d'éclats de noisettes, qui se sont révélées être des billes de foie gras). Le prix de la plus belle robe de la soirée est décerné à <a href="http://www.gettyimages.fr/detail/photo-d'actualit%C3%A9/president-of-the-gala-ulla-parker-attends-arop-photo-dactualit%C3%A9/461586789" target="_blank">Ulla Parker</a>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> <span style="font-size: 11px;"> </span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">À lire aussi : <a href="http://www.impressionsdanse.com/2014/01/illusions-perdues-alexei-ratmansky-paris.html" target="_blank">Impressions danse</a></p>
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Les jardiniers du Parc
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-12-17:2988270
2013-12-17T11:19:00+01:00
2013-12-17T11:19:00+01:00
Les jardiniers, gardiens de l'amour Quatre jardiniers ouvrent, ferment et...
<h2>Les jardiniers, gardiens de l'amour</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">Quatre jardiniers ouvrent, ferment et encadrent chaque épisode-bosquet du <em>Parc</em> de Preljocaj. Ce sont les gardiens de l'amour, qui est toujours une histoire et qu'il faut savoir entretenir, faisant surgir ici l'allée dans laquelle les amants s'engagent, brisant là la narration pour vous tendre une fleur épanouie dans l'abandon amoureux, débarrassée de ses épines, qu'en respirant on n'image pas un jour faner. Les jardiniers cultivent une certaine <em>idée</em> de l'amour, dont la forme la plus achevée est certainement le mythe du séducteur qui, pris à son propre piège, finit par tomber amoureux – idéal qui traîne chez toutes les romantiques prêtes à prendre leur numéro pour figurer dans l'inventaire amoureux des Don Juan et Casanova, dans un pari insensé pour en être le dernier. Notez que les sexes sont réversibles dans ce jeu de rôle : le couple du <em>Parc</em> donne ainsi à imaginer le destin de la marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont si leur amour-propre ne les avaient pas entraîné à nouer d'autres liaisons dangereuses – c'est, du moins, la vision que j'en avais gardé, depuis ma découverte du ballet. Mais entre Laetitia Pujol, qui envisage le rôle façon Cécile de Volanges<a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><sup>1</sup>, et Aurélie Dupont qui l'a dansé avec une résistance toute Madame de Tourvel, je commence à en douter. Il y a même dans cette résistance une certaine raideur, qui me fait entrevoir pourquoi Preljocaj cite la princesse de Clèves parmi ses sources d'inspiration.</p><blockquote><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px; font-size: 90%;">Petit aparté pour rappel : le sens du devoir et la morale inflexible de la princesse de Clèves n'en font pas un exemple mais un monstre de vertu. Elle se donne sûrement bonne conscience en s'interdisant de tromper son mari mais se montre avec lui d'une incroyable cruauté en lui confessant n'aimer que M. de Nemours, auquel elle ne se livrera de toutes façons jamais. N'importe qui de moins moralisant et plus sensé aurait fait un choix, prenant soit son pied avec l'amant, soit son mal en patience avec le mari qui, à défaut du peu de désir qu'il inspire, fait tout ce qu'il peut pour se rendre aimable – la tendresse aurait fini par s'installer et le mari se serait contenté de se substitut d'amour pourvu qu'on lui ait tu que c'en était un. Merci donc de choisir un autre modèle littéraire pour la femme craintive de se livrer à l'amour : il aurait fallu que la jeune fille n'érige pas sa pudeur en morale pour que son souvenir l'emporte sur celui de la vieille fille aigrie. La transparence de la princesse, pseudo-vertu et véritable morale de la frustration en ce qu'elle place toujours une vitre entre elle et l'objet de son désir, m'exaspère autant que le style de madame de La Fayette, ce fin glacis censé donner du brillant à l'ensemble.<br />Je ne reconnais qu'un mérite à <em>La Princesse de Clèves</em> : m'avoir, en la fuyant, fait choisir l'option philo en khâgne. Fin de l'aparté.</p></blockquote><p style="margin-bottom: 0cm; text-indent: 0px;">Les jardiniers, qui ont le devoir de faire triompher l'amour, veillent à ce que l'héroïne ne connaisse pas le même destin que la princesse de Clèves – la manipulant, au besoin, dans ses rêves. Mais ce fantôme de la princesse est fort utile pour perçoir plus nettement l'opposition entre le sérieux de l'amour et l'éternel jeu de la séduction. Serait-ce une caractéristique féminine que de prendre l'amour très (trop ?) au sérieux, par opposition à une conception masculine beaucoup plus légère de la chose ? Cette question m'était déjà venue à l'esprit à la fin de <a href="http://blogs.lexpress.fr/mon-cinema/2013/06/24/before-midnight/" target="_blank"><em>Before Midnight</em></a> lorsque Jesse fait semblant de rencontrer Céline et de la séduire pour la première fois après qu'elle l'a pressé d'avouer une infidélité pour laquelle il y avait prescription : Céline, qui aimerait se savoir aimée pour de bon, est agacée par ce jeu, lequel est pourtant un formidable moyen pour chacun de mettre à distance la personne qu'il a été au moment où il a souffert ou fait souffrir l'autre. Le jeu est à la fois la dérobade exaspérante d'un éternel adolescent et la sagesse d'un homme qui sait que l'on n'est jamais fidèle à soi-même ; le sérieux, le rêve puéril de qui exige des preuves quand l'amour relève de la foi et la reconnaissance de l'autre, la volonté d'avoir avec lui un rapport libre et franc.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le jeu : le libertin joueur qui folâtre avec une muse courtement vêtue derrière un tronc d'arbre et revient, tout sourire, ne pensant pas à mal, vers celle qui lui plaît et qu'il n'a pas encore séduite ; le sérieux : le visage grave de celle qui se tient debout, face à celui dont elle ne sait s'il va ou non se tenir près d'elle encore longtemps – le nouveau visage d'Aurélie Dupont, impassible, presque dur. Il faut attendre les saluts pour voir l'étoile sourire : aucun amusement, aucun jeu durant tout le spectacle, elle campe sur son statut comme la princesse de Clèves sur sa morale. Plus défiante encore que son personnage, l'artiste ne s'abandonne plus, tandis que Nicolas Leriche embrasse tous les rôles qui se présentent à lui, joue tant et si bien qu'il semble rajeunir à chaque fois que je le vois.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">À eux deux, ils illustrent bien les deux voies opposées que peut prendre la fin d'une étoile, naine blanche ou supernova. Alors que nombre de balletomanes ont trouvé Aurélie Dupont froide (comme crispée à l'idée que la fin de son parcours à l'Opéra puisse signifier la fin de sa carrière), Nicolas Leriche rayonne comme jamais (comme si la perspective d'une fin d'étape le libérait – un enfant à l'approche des grandes vacances – et qu'il ne se souciait que d'en profiter). On rencontre rarement la joie à l'état pur : différente de l'enthousiasme et la bonne humeur, la joie a quelque chose du divin. Avec Bach et <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2006/04/11/que-ma-joie-demeure.html" target="_blank"><em>Que ma joie demeure</em></a>, chorégraphie de Béatrice Massin sur la musique de Bach, encore, Nicolas Leriche est, je crois, le seul interprète qui me l'ait jamais fait ressentir. Je sais qu'à sa soirée d'adieu, je n'aurai pas envie de crier <em>bravo</em> mais <em>merci </em>(le plus proche équivalent d'un <em>je t'aime</em> que l'on puisse adresser à quelqu'un que l'on ne connaît pas).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">Les jardiniers, gardiens de mes fantasmes</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">Les jardiniers sont au <em>Parc</em> ce que les dieux grecs sont à la tragédie : le destin en marche, à coups de pistons et de roues dentées. C'est la mécanique des corps, du désir, les rouages qui font fonctionner la mythologie de l'amour. C'est une danse autre, moins lyrique, plus excitante – un contraste saisissant, l'altérité que l'on rencontre de plein fouet. C'est ce qui nous permet de rêver à une relation fusionnelle sans nous y perdre et de faire naître l'infinie tendresse à l'œuvre dans le pas de deux final. Les jardiniers sont, littéralement, ceux qui <em>font</em> l'amour.</p><p> </p><h2 style="margin-bottom: 0cm;">Les jardiniers, gardiens du ballet</h2><p style="margin-bottom: 0cm;">En même temps qu'il cultivent une certaine idée romanesque de l'amour, où le je(u) mène nécessairement à l'autre, les jardiniers se font aussi les gardiens de l'histoire du ballet. Comme un jardin, de saison en saison, d'année en année, le ballet n'est jamais exactement ce qu'il a été et reste pourtant semblable à l'idée de celui qui l'a dessiné. Les jardiniers observent ce tracé et circonscrivent ce qui est susceptible de prendre comme bouture dans le ballet classique, pour le renouveler sans l'altérer. Les expérimentations d'un <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/09/09/le-funambule-cherche-l-equilibre-entre-genet-et-preljocaj.html" target="_blank"><em>Funambule</em></a> ne prendraient pas, par exemple ; Preljocaj ne les fait pas entrer à l'Opéra, où la danse des jardiniers est la plus contemporaine qui puisse être donnée à l'Opéra sans aucun risque de rejet (il y a évidemment eu des pièces plus radicales mais pas à ma connaissance de plus radicales qui aient connu un tel succès). Avec ces jardiniers pousse tout un tas de productions néoclassiques : le décor étoilé ne vous fait-il pas penser à <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/05/08/robbins-a-la-derobee.html" target="_blank"><em>In the night</em></a> ? Les manipulations aériennes de l'héroïne par les jardiniers à <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/12/09/sacree-soiree-composite.html" target="_blank"><em>O Złożony / O Composite</em></a> ? N'entendez-vous pas dans le parc des jeunes filles qui s'évanouissent les ombres furtives des moines de <em>Signes </em>? De Carolyn Carlson, je retrouve aussi l'égyptien dans les mouvements mécaniques des jardiniers, comme si le ballet était une grande horlogerie, qui revient toujours en arrière pour indiquer l'avancée du temps.</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/12/14/flirts-dans-l-herbe-et-les-bois" target="_blank">Palpatine</a></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>1 <a href="http://www.lefigaro.fr/musique/2013/12/11/03006-20131211ARTFIG00443--le-parc-et-les-nuits-le-meilleur-et-le-pire-de-preljocaj.php" target="_blank">« l'héroïne est une ingénue pudique qui découvre l'amour et s'y donne »</a></p></div>
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Concours du corps de ballet de l'Opéra, rideau
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-11-14:2984533
2013-11-14T16:14:00+01:00
2013-11-14T16:14:00+01:00
Concours et bonne marche de la maison Chance pour les jeunes, risque...
<p><strong>Concours et bonne marche de la maison</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Chance pour les jeunes, risque d'injustice pour les plus expérimentés, le concours est une institution contestable, à l'image de cette note sur 10, « donnée par la Régie de la Danse et basée sur l'assiduité et la conscience professionnelle au cours de l'année écoulée », qui accompagne celle sur 20 du concours proprement dit et peut autant être un moyen de rattraper un danseur qui s'est manqué ce jour-là que de discriminer à la (trop grande) gueule du client.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Cependant, on oublie souvent, en critiquant cette formule, qu'une nomination discrétionnaire, comme c'est le cas pour les étoiles, n'est pas plus garante de justice et de légitimité. À ce niveau, le concours a au moins le mérite d'une relative exposition – sinon au public, du moins à la presse. Quelle autre solution pourrait-on imaginer ? Un vote du public, qui ne tiendrait pas compte de ce que l'on a besoin d'un premier danseur qui soit assez grand pour être le partenaire de telle étoile, que cette danseuse-ci se blesse régulièrement et n'est pas le choix le plus solide pour occuper une place centrale dans le corps de ballet, etc., etc. ? Tout choix est nécessairement excluant et parfois, lorsqu'on est face à un groupe d'artistes tous plus talentueux les uns que les autres, la seule bonne décision possible est d'en prendre une (c'est pour ça qu'une seule coryphée a été nommée *<em>cough</em>, <em>cough</em>*). Les injustices qui ont (eu) pour nom Emmanuel Thibault, Mathilde Froustey ou Sarah Kora Dayanova sont mises en avant par le concours mais prennent probablement leur origine ailleurs, dans leurs relations avec la direction et la perception qu'en ont leur hiérarchie. Attendons de voir ce que donnera le changement de règne côté management et ressources humaines.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">(Remuant tout ça, je me prends à rêver d'une journée de gala <em>ouverte au public</em>, où chaque danseur, quel que soit son grade, pourrait présenter la variation de son choix, sans être sanctionné par la décision d'un jury.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Le <em>who's who</em> des balletomanes anonymes</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><strong><br /></strong></p><table style="margin-left: auto; margin-right: auto; width: 80%;" border="solid 1px black" cellspacing="0px"><tbody><tr><td width="50%" height="22px"> Impressions danse</td><td width="25%"><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://www.impressionsdanse.com/2013/11/concours-du-ballet-de-lopera-2013-1e.html" target="_blank">♂</a></p></td><td width="25%"><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://www.impressionsdanse.com/2013/11/concours-ballet-opera-2013-femmes.html" target="_blank">♀</a></p></td></tr><tr><td height="22px"> Danses avec la plume</td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/%20http:/www.dansesaveclaplume.com/a-la-barre/concours-interne-de-promotion-2013-du-ballet-de-lopera-de-paris-resultats-des-danseurs/" target="_blank">♂</a></p></td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/a-la-barre/concours-interne-de-promotion-2013-du-ballet-de-lopera-de-paris-resultats-des-danseuses/" target="_blank">♀</a></p></td></tr><tr><td height="22px"> Le Petit Rat</td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://www.leschroniquesdunpetitratparisien.com/concours-interne-onp-2013-hommes/" target="_blank">♂</a></p></td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://www.leschroniquesdunpetitratparisien.com/concours-interne-onp-2013-femmes/" target="_blank">♀</a></p></td></tr><tr><td height="22px"> À petits pas</td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://blogapetitspas.fr/2013/11/concours-de-promotion-du-corps-de-ballet-de-lopera-de-paris-messieurs/" target="_blank">♂</a></p></td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://blogapetitspas.fr/2013/11/concours-de-promotion-ballet-de-lopera-de-paris-dames/" target="_blank">♀</a></p></td></tr><tr><td height="22px"> Danse-Opéra</td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://danse-opera.over-blog.com/article-concours-de-promotion-2013-les-gar-ons-120989250.html" target="_blank">♂</a></p></td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://danse-opera.over-blog.com/article-concours-de-promo-2013-les-filles-121039696.html" target="_blank">♀</a></p></td></tr><tr><td height="22px"> Une saison à l'Opéra</td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://saisonalopera.blogspot.fr/2013/11/concours-de-promotion-2013-cote-garcons.html" target="_blank">♂</a></p></td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://saisonalopera.blogspot.fr/2013/11/concours-de-promotion-du-ballet-de.html" target="_blank">♀</a></p></td></tr><tr><td height="22px"> Palpatine</td><td><p> </p></td><td><p style="text-align: left; vertical-align: middle;"> <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/11/12/galop-de-danseuses" target="_blank">♀</a></p></td></tr></tbody></table><p><br />Lire aussi <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/en-coulisse/le-concours-interne-de-promotion-comme-si-vous-y-etiez/" target="_blank">le déroulé d'un concours type</a>, minute par minute, comme si vous y étiez d'Amélie, ainsi que son <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/en-coulisse/concours-interne-de-promotion-2013-les-prix-officieux/" target="_blank">palmarès personnel</a>.</p>
mimylasouris
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Concours du corps de ballet de l'Opéra, acte III
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2013-11-14T15:11:00+01:00
2013-11-14T15:11:00+01:00
Concours de circonstances Les variations libres, c'est la cour de...
<p><strong>Concours de circonstances</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les variations libres, c'est la cour de récréation du blogueur, qui peut s'amuser à faire quelques statistiques, analyser les tactiques des danseurs et dégager les tendances de la saison. L'origine de la vague Lifar reste incertaine mais celle de Robbins peut être rapprochée de l'arrivée de Benjamin Millepied. Entre lèche et provoc', Axel Ibot et Florimond Lorieux reprennent ainsi la variation du danseur en brun, qu'avait dansée Millepied lors de la venue du New York City Ballet il y a quelques années. Gonflé... mais payant pour le premier qui a rendu la chose un peu piquante, quand le romantique Benji m'avait laissée plus ou moins indifférente. Ninon Raux n'a pas eu froid aux yeux non plus en choisissant une chorégraphie de John Neumeier, présent dans le jury. Pas mal du tout, même si je préfère quand cette variation unisexe est dansée par un homme.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">D'autres ne s'attaquent pas au jury mais à la classe supérieure. Présenter en variation libre la variation imposée du niveau du dessus et la réussir mieux que pas mal d'entre eux, c'est le passeport assuré pour la promotion – et la voie choisie par Germain Louvet. Forcément, en sens inverse, ça fait mal, surtout quand il s'agit de deux variations librement choisies : dur pour Sabrina Mallem, dont l'Esméralda est moins incisive que celle de Fanny Gorse.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les lois du concours sont multiples, comme vous pouvez le constater, mais il y en a une qui prévaut plus que les autres : toutes seront transgressées à un moment ou un autre, pour le pire (classements aberrants) ou pour le meilleur. En l'occurrence, le meilleur prend la forme de deux <em>outsiders</em>, peu attendus mais très remarqués : dans <em>Donzetti – pas de deux</em>, Fabien Révillion nous offre un feu d'artifice du genre <em>wow</em> et le Twyla Tharp endiablé de Lydie Vareilhes est une belle surprise. La balletomane anonyme a des idées arrêtées sur chaque danseur ou presque mais elle aime bien se faire surprendre, parfois, surtout quand la surprise est virtuose.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Nulle balletomane anonyme n'est parfaite cependant et, pour se distraire un peu de la litanie des variations imposées, elle compte les accessoires (2 éventails, une paire de castagnettes et 3 paniers, au cas où vous vous demanderiez) et invente des micro-lois type : plus tu es grande (avec un long buste), plus tu as de chance de choisir du Forsythe, et plus tu es petite, plus tu as de chance de faire la princesse. J'ai aussi noté dans un coin de ma tête qu'il fallait signaler à Palpatine le costume de Pierre-Arthur Raveau dans Marco Spada, vieillot mais très sexy (l'effet uniforme + col haut, certainement). Heureusement qu'il a été nommé, cela me facilite la tâche.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Délibérations</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le balletomaniaquerie bat son plein lorsque les résultats ont été proclamés et que la balletomane anonyme peut faire le différentiel de son classement personnel (aussi appelé pronostics) et du classement officiel. Habitués que nous somme depuis quelques années à ce que les deux n'aient rien à voir, la surprise de ce concours a été le <strong>consensus sur les nominations des hommes</strong>. Sébastien Bertaud a enfin été nommé et Alu, désormais étoilable, est accueilli par des applaudissements à la sortie des artistes (le futur directeur, déjà maître des lieux, s'est penché à la fenêtre pour voir d'où provenait le désordre). Seul regret concernant les hommes : l'oubli systématique par les balletomanes d'Allister Madin, toujours là pour assurer le show, avec beaucoup de bonne humeur et d'humour.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Pour ce qui est des femmes, c'est une autre paire de manche</strong>. Chez les <strong>quadrilles</strong>, on s'en sort encore : Léonore Baulac et Hannah O'Neill étaient dans le top 5 de tout le monde, même sans connaître au préalable l'existence de la seconde. Elle a été une Gamzatti royale et l'une des seules à ne pas développer ses tours en-dedans à la fin (redoutable) de la variation imposée. J'ai beaucoup aimé Emma d'Humières, encore un peu jeune, mais ultra-choupie en Kitri qui se défonce au point d'en oublier ses castagnettes, et j'ai été agréablement surprise par L.D., très à l'aise dans l'imposée comme dans sa Manon, où l'on sent qu'elle a de la bouteille. Mais sans <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/11/22/concours-du-corps-de-ballet-de-l-opera-les-dames-d-abord-2-3.html" target="_blank">la liberté de blâmer</a>, il n'est point d'éloge flatteur, ni donc de référencement élogieux – oui, j'ai cinq ans, je m'entraîne pour assister aux spectacles jeune public de l'Orchestre de Paris.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les <strong>coryphées</strong> nous rapprochent du scandale : par manque de consensus dans le jury, un seul poste a été pourvu sur les deux de libres – très intelligent d'augmenter l'embouteillage quand on voit le nombre de talents qui sont stockés dans cette classe. La nomination de Sae Eun Park me laisse perplexe : sa variation imposée, très délicate et musicale (au point que j'ai eu l'impression d'assister à une autre variation), l'affirme sans conteste comme une très belle danseuse classique, qui prend admirablement la lumière (parce qu'elle sait la capter) mais j'ai des doutes sur ses qualités d'interprète lorsqu'elle danse du Robbins comme elle danserait du Petipa. Les quatre tours qu'elle fait les doigts dans le nez dans sa variation des <em>Four seasons</em> ne masquent pas sa totale absence de style, que possède en revanche Letizia Galloni, à qui l'on a fait payer bien cher une malheureuse sortie en coulisses.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le scandale éclate chez les <strong>sujets</strong>, non pas à propos de la nomination d'Amandine Albisson, qui fera sûrement une belle soliste, mais du non-classement de Sarah Kora Dayanova. Son Ombre était dramatique à souhait, planant comme le danger, menaçante (quand celle de Laura Hecquet semblait presque perdue, furtive, et celle de Caroline Robert plus sournoise) – l'interprétation d'une véritable artiste, en somme.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le chocolat chaud n'aura pas été de trop pour débriefer tout ça !</p>
mimylasouris
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Concours du corps de ballet de l'Opéra, acte I
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2013-11-14T14:24:00+01:00
2013-11-14T14:24:00+01:00
Les places sont chères Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas au sens...
<p><strong>Les places sont chères</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas au sens propre. Si les places sont chères, pour les spectateurs comme pour les danseurs, qui entrent en compétition alors que peu de postes sont à pourvoir, c'est qu'on n'y entre que sur invitation. La chasse à l'invitation se prépare bien en amont ou, comme cela a été mon cas, totalement à l'arrache : <a href="https://twitter.com/corpsetgraphies" target="_blank">@corpsetgraphies</a> m'a proposé sa place la veille au soir pour la journée des garçons. Pour celle des filles, cela s'est fait encore davantage à la dernière minute : le matin même, dans la ligne 14, j'ai griffonné cherche une place sur mon carnet, en épaississant les lettres pour qu'on ne puisse pas louper la supplique de la balletomane anonyme, et je l'ai brandi sur les marches du Palais Garnier (du côté ensoleillé, faut quand même pas déconner) jusqu'à ce qu'une dame se fasse Père Noël, en distribuant quatre ou cinq places d'un coup.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><br /></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>En prendre bonne note</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">- <em>Tu ne crois pas que c'est une quadrille ? </em>demandé-je en indiquant une fille du menton dans la loge d'à côté. <em>Elle a une tête de danseuse...</em> Réflexion idiote : 90 % de la salle fait de la danse (les 10 % restants étant les papas des danseurs). La seule manière de reconnaître une balletomane anonyme dans le lot, c'est de voir si elle annote son programme ou gribouille frénétiquement dans un petit carnet à chaque variation.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">C'est très drôle de jouer au jury, ma fibre de correctrice jubile. Mais au bout de quelques temps, on commence à ne pas trouver ça très sympa de noter que untel ne tend pas ses pointes ou que tel autre a achoppé à la fin de sa variation, très bien dansée par ailleurs. Du coup, le petit carnet se trouve bientôt couvert d'annotations du genre « Oui mon général ! » (Germain Louvet), « Chemise flottante, du panache ! » (Hugo Marchand), « Roméo fatigue vite mais je veux bien faire Juliette » (Antonio Conforti), « Si la Linea était un beau gosse » (Grégory Dominiak) ou « Prestance et sexytude » (Axel Ibot). Cela dégénère avec une multitude de<em> oui</em>, avec capitales et/ou points d'exclamations : « OUI ! », « Oui ! Encore ! » ; et ça finit avec des petits cœurs partout.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Du coup, il y a quelques occasions qui peuvent vous empêcher de prendre des notes (outre le stylo bic qui n'a pas écrit pour une coryphée, ce dont je ne me suis pas aperçue dans le noir). Malgré une notation enthousiaste à base de ++, +++, Fabienne n'a pas eu le cœur de rouvrir son carnet alors que Letizia Galloni s'est installée dans la loge pour voir la suite du concours, toute triste d'avoir fini sa variation en coulisses. Et quand, à peine assise pour les sujets hommes, la femme magnifique qui s'avère être la maman d'Axel Ibot vous prend à partie devant son fils : « Elle était bien sa variation, hein ? », vous bredouillez un truc en pensant à ce que vous avez noté et décidez de faire travailler votre mémoire pour le reste de la journée. </p>
mimylasouris
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In darkness, silence and frustrated elation
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2013-11-11T23:00:44+01:00
2013-11-11T23:00:44+01:00
Darkness is hiding black horses , Saburo Teshigawara On m'avait...
<p><em><strong>Darkness is hiding black horses</strong></em><strong>, Saburo Teshigawara</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">On m'avait annoncé l'ennui. Je ne sais pas si c'est l'entreprise palpatinienne d'initiation à la culture nippone qui commence à faire effet ou le résultat de mon esprit de contradiction, mais le fait est : je ne me suis pas barbée. C'est pour moi une petite victoire personnelle que de ne plus associe la lenteur à l'ennui. Certes, le style du chorégraphe n'est pas très expansif et les costumes ressemblent à du <em>Comme des garçons</em> tailladé au canif (ou à des lambeaux de costumes d'Halloween, dans une vision plus anglo-saxonne). Il n'empêche, la scénographie cultive le mystère avec ses mini-geysers de fumée et le mouvement fascine par son déploiement continu : on suit du regard Aurélie Dupont qui lève la paume de la main comme si elle venait de la découvrir, Nicolas Leriche qui part en vrille au petit trot, et l'on s'en laisse distraire furtivement par Jérémie Bélingard qui passe plié en deux, en coup de vent, avant que le couple ne surgisse au sein du duo. Les trajectoires restent distinctes dans le trio : un passage quasi-robotique fait garder à chacun ses distances et, lorsque les danseurs sont ensuite aspirés par une même spirale, leurs gestes s'esquivent plus qu'ils ne s'embrassent.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><strong>Glacial Decoy</strong></em><strong>, Trisha Brown</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Toi qui connais Trisha Brown, tu as aimé celui-ci ? me demande-t-on à l'entracte. <em>Toi qui connais</em> : je connais si bien Trisha Brown que j'ai confondu <em>Glacial Decoy</em> avec <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/10/10/trisha-brown.html" target="_blank"><em>Opal Loop/Cloud Installation #72503</em></a><em><span style="font-style: normal;">, également sans musique – je n'avais donc jamais vu cette pièce (et ne l'ai pas vue entièrement, grâce à l'architecture de Garnier). </span></em><em>Tu as aimé ?</em><em><span style="font-style: normal;"> Oui, les va-et-vient des coulisses à la scène me bercent. Au duo central de Sévérine Westermann et Caroline Bance (que j'aime décidément beaucoup) s'agrègent de temps à autres Christelle Granier, Claire Gandolfi et Gwenaëlle Vauthier. Leurs apparitions et disparitions rythment la pièce, qui ne le serait autrement que par le ronronnement du vidéoprojecteur et le bruit caractéristique du changement des diapositives. La respiration des danseuses et le souffle qui fait gonfler leurs robes transparentes et plissées font surgir de ce ressac régulier un mouvement curieusement libre et spontané, comme désintéressé. On peut selon son inclination dormir ou rêver, bercé, apaisé (ennuyé ?).</span></em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><strong>Doux mensonges</strong></em><strong>, Jiří Kylián</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><span style="font-style: normal;"> Alors que les vidéos de ses chorégraphies me font rêver, j'ai peu vu de </span></em>Kylián<em><span style="font-style: normal;">. Donner </span></em><em>Doux mensonges</em><em><span style="font-style: normal;"> à Garnier n'a pas franchement amélioré cet état de fait. Tout repose sur un jeu de trappes, qui tantôt propulsent sur scène tantôt avalent en sous-sol danseurs et chanteurs, une caméra étant censée suivre et retransmettre leurs évolutions sous la scène (voilà le dispositif narratif d'où le mensonge peut naître). Répartition des trappes oblige, les chanteurs se trouvent utiliser celle qui se trouve côté jardin, tandis que les danseurs empruntent celle qui se trouve côté cour – de notre côté, à Palpatine et moi, qui devons donc nous contenter d'apprécier à l'écran la beauté d'Ève Grinsztajn et le T-shirt noir délicieusement transparent d'Alessio Carbone. Ironie que de ne jamais mieux voir un danseur que lorsqu'il ne se trouve pas sur scène. </span></em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><span style="font-style: normal;"> On rit carrément jaune lorsqu'on a un billet à 47 euros, certes payé moitié moins grâce à l'abonnement jeune Arop mais qui n'offre même pas un spectacle à la hauteur de cette moitié. Soyons cohérent : soit on programme des pièces qui n'utilisent le fond et les bords de la scène que de manière marginale de manière à offrir à la majorité de la salle un spectacle complet, soit on adapte la grille tarifaire ! Sur les trois pièces de la soirée, deux sont respectivement au tiers et à moitié visible par la moitié de la salle (un tiers de </span></em><em>Glacial Decoy</em><em><span style="font-style: normal;">, que l'on reconstitue par défaut par symétrie asynchrone ; la moitié de </span></em><em>Doux mensonge</em><em><span style="font-style: normal;"> et en l'occurrence, pour le côté cour, la quasi-totalité de la danse). Dans ces conditions, ma place ne vaut guère plus de 10 euros. Heureusement que le choeur des Arts florissants était là pour apaiser les âmes : chants grégoriens et madrigaux </span></em><em>a capella</em><em><span style="font-style: normal;"> m'ont empêchée de savoir si les larmes naissantes étaient de frustration ou de joie.</span></em></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/11/10/Teshig/Bro/Kyl" target="_blank">Palpatine</a>.</p>
mimylasouris
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Adieux et camélias
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-10-19:2981750
2013-10-19T18:04:00+02:00
2013-10-19T18:04:00+02:00
Et si c'était par la fin que tout commençait ? Agnès Letestu...
<p><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/adieux-Letestu-1_zps6a1cf698.jpg" alt="Agnès, seule en scène" width="95%" border="0" /></p><p> </p><p>Et si c'était par la fin que tout commençait ? Agnès Letestu est seule en scène. Seule. Un rideau de paillettes tombe devant elle sans discontinuer, s'amassant en un petit tas glissant qu'il est de plus en plus dangereux de traverser - les pointes y laissent des sillons comme des larmes sur un visage très maquillé. Des bouquets s'écrasent comme des accidentés de la route ; l'un dérape et fait voler les confettis à terre, bientôt rejoint par une gerbe de roses qui s'éparpillent comme des mikados après le bref instant de panache du lancer. Le corps de ballet et les solistes de la soirée reviennent saluer et la laissent à nouveau seule. Elle salue, une fois, deux fois, plusieurs fois et fait signe aux autres en coulisses de la rejoindre. On veut la laisser savourer son triomphe, personne ne vient. Elle insiste en sachant déjà que c'est peine perdue. Dans ce signe de modestie de l'étoile qui ne veut pas accaparer les applaudissements, il y a pourtant ce soir quelque chose du : <em>ne me laissez pas toute seule</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les paillettes continuent de tomber, les applaudissements de ne pas faiblir et je ne peux pas m'empêcher de penser à ce film où les habitants d'un village qui ont trouvé la source d'une eau de jouvence et qui, pour ne pas être découverts, ont convenus d'en finir le jour de leur centenaire : ce jour-là, une grande fête est organisée, au terme de laquelle l'ami le plus proche veille à sa noyade dans la fontaine de la place publique, en lui maintenant la tête sous l'eau jusqu'à ce qu'il ait cessé de respirer. Je ne sais pas pourquoi ce film m'a autant marquée – l'horreur de connaître la date de sa mort, sûrement, et la révélation de la part de tristesse que contient toute fête. Un danseur n'atteint pas le siècle sur scène. À l'opéra, c'est 42 ans. Et l'on continue à vivre ensuite – à danser, même, souvent. Il n'empêche que c'est une fête bien triste, malgré le défilé des amis, professeurs, mentor, partenaires.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/adieux-Letestu-2_zpsdc142ff9.jpg" alt="Corps de ballet et solistes derrière le couple principal et bouquets de fleurs sur le devant de la scène" width="95%" border="0" /></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center; font-size: 12px;">Derrière, en Manon, Eve Grinsztajn, magnifique en Manon <br />(Léonore Baulac a aussi été très remarquée en courtisane). </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le balletomane repère, énumère : Aurélie Dupont, Ghislaine Thesmar, celui-là-je-ne-le-connais-pas... José Martinez est là, aussi, revenu pour repartir une seconde fois, plus sec et fin que jamais avec son jean serré et ses petites lunettes carrées. Son partenaire à la ville et à la scène pendant des années... c'est beau qu'il soit là, à la prendre dans ses bras, avant que le directeur de l'Orchestre de Paris, en compagnie duquel on la voit à Pleyel quasiment à chaque représentation, ne vienne à son tour lui donner un baiser furtif – celui qu'elle a aimé et l'amoureux, tous deux présents.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><img src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/adieux-Letestu-3_zps33fa1585.jpg" alt="Agnès Letestu et José Martinez" width="95%" border="0" /></p><p style="margin-bottom: 0cm; font-size: 12px; text-align: center;">Agnès Letestu et José Martinez. (Et sur le côté, un photographe qui n'a visiblement pas été briefé sur le côté du rideau auquel il devait se coller...)<br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">On se sent un peu indiscret – bien plus que lorsqu'on observe à la dérobée à Pleyel une de ces jolies robes courtes dont elle a le secret – mais c'est aussi une manière de dire au public que c'est avec lui aussi qu'elle a partagé une partie de sa vie. Celle de ses personnages, qui ne lui ressemblent pas (et c'est tant mieux) sauf peut-être un peu ce soir-là dans l'imagination de la spectatrice que je suis, prompte à entremêler le destin de la dame aux camélias, morte avant même le début de la représentation, avec celle de l'étoile, qui fait ses adieux à l'Opéra et que je crois parfois voir quand je vois Marguerite. De fait, je ne sais si son interprétation a donné le ton à la soirée ou si les adieux lui ont donné une tournure un peu particulière, bien différente en tous cas de celle d'Aurélie Dupont que j'avais pu voir.</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">* * *</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: left;">La Marguerite d'Agnès Letestu n'est plus tant une courtisane qui s'éprend d'un homme plus que sa profession ne le permet, qu'une femme mûre qui sait sa position sociale, sait qu'elle déclinera un jour ou l'autre et qui, dans son effort continue pour la maintenir, s'autorise un moment de répit aux côté d'un jeune homme dont les élans l'attendrissent. Lorsqu'elle se laisse entraîner à la campagne, cheveux flottants, son sourire ressemble à un soulagement – comme une malade reconnaissante d'une rémission qu'elle sait pourtant éphémère : c'est une idylle, qu'elle sait utopique.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ou uchronique : l'instant présent parait toujours à contretemps, vécu comme un souvenir au moment même où il a lieu. L'interprétation d'Agnès Letestu m'a pour la première fois fait entendre dans la partie de campagne le même décalage qu'il y a entre l'histoire de Manon et sa représentation comme spectacle. Ce qui m'avait semblé ne devoir être attribué qu'au théâtre dans le théâtre (les applaudissements du public de danseurs qui ont lieu en musique afin de ne pas se recouper avec ceux de la salle) est en réalité un effet du processus narratif, qui déroule toute l'histoire depuis la mort de l'héroïne, d'emblée présentée au spectateur par la disparition de ses biens lors d'une vente aux enchères. Si les danses de la partie de campagne sont plus enjouées que la musique, que Marguerite, c'est parce que la temporalité est celle du souvenir – lequel n'exclue nullement la souffrance. Elle ne passe pas avec le moment présent, toujours aussi vive à la remémoration, peut-être plus encore de connaître l'issue des événements qui l'ont fait naître. Il en va ainsi de la visite du père, qu'Armand apprend à la fin de l'histoire : le déchirement a déjà eu lieu et, lorsque Marguerite le danse, la douleur est tout entière dans la résignation.</p><p>Marguerite donne vie à une histoire déjà achevée, dansée pour en clore le souvenir. Agnès danse ce rôle pour que s'achève sa carrière et ce redoublement finit de boucler le ballet sans que j'y prenne plus part. J'observe tout le troisième acte les épaules de la courtisane tuberculeuse se voûter, ces épaules que j'ai tant de fois eu envie de saisir des deux mains pour les redresser, dans d'autres rôles, où l'on ne se penchait pas sur son passé.</p><p><img style="float: left; margin-right: 13px;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/gants_zpsf9b1d2b9.jpg" alt="" width="25%" border="0" />Je ne suis plus vraiment là à admirer Agnès, je suis au fond d'une loge tendue de velours rouge, telle que Marguerite en a peut-être utilisé, loin de l'une comme de l'autre. Je sens la tenture élimée contre laquelle je m'appuie, la chaleur de cet espace intime qui nous sépare de la salle où se trouve tout le public, la distance qu'il y a à l'autre. L'obscurité de la loge m'apparaît un peu plus, en même temps que les profils et les têtes qui s'y dessinent ; le public frappe dans ses mains depuis une éternité, j'en suis presque lassée. Il n'y a plus qu'une immense tristesse. Même pas pour l'étoile qui part, que j'ai pourtant appréciée. Une tristesse vide – comme le vide de la salle au-dessus du public, celui de la scène autour de l'étoile ou celui de la loge que l'on finit par quitter. Les mikados que j'ai fait un détour pour acheter, afin de pallier au manque de porte-cigarette de ma tenue Audrey Hepburn, ne me font même plus rire ; je les grignote mécaniquement et les morceaux que je récupère tout au fond du paquet font des tâches de chocolat sur mes longs gants noirs de soirée.</p>
mimylasouris
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En finir avec l'idéal
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-07-23:2972595
2013-07-23T22:55:00+02:00
2013-07-23T22:55:00+02:00
Jusqu'à ce que je la rencontre à la sortie des artistes, Mathilde Froustey...
<p>Jusqu'à ce que je la rencontre à la sortie des artistes, Mathilde Froustey était pour moi une fille techniquement brillante mais qui choisissait la facilité en minaudant. Les rôles de séductrices et de chipie, qui lui conviennent fort bien, ont fini par l'enfermer dans un stéréotype qui s'est peu à peu confondue avec son image de danseuse – à tel point que j'ai été fort surprise, en parlant avec elle, de découvrir qu'elle tenait plutôt du titi parisien. Son départ arrive à point nommé : j'espère qu'on lui confiera beaucoup de rôles à rebours de sa personnalité présumée. Toujours est-il qu'avant de partir, Mathilde a organisé une soirée où elle a convié famille, amis et spectateurs. À notre petit groupe de balletomanes plus trop anonymes mais toujours frémissant d'avoir vent des coulisses, elle racontait, avec son franc-parler habituel, celui qui m'avait tant surpris la première fois, à quel point <em>La Sylphide</em> la gavait : beaucoup de petits pas contraignants, très fatigants, qui ne rendent au final pas grand-chose.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ca, c'est dit. Et c'est assez vrai. Pour le côté danseurs (vu le cauchemar que représente pour moi la petite batterie, je n'ai pas grand mal à imaginer) comme pour celui des spectateurs. On s'ennuie un peu – c'est-à-dire quand on n'essaye pas de retenir un fou rire parce que la sylphide Froustey, perdue dans le corps de ballet, vient de faire un port de bras tellement appuyé que les ballets Trockadéro pourraient la réclamer comme artiste invité pour le <em>Grand Pas de quatre</em>. Buste en avant, tête de côté, couronne tassée, poignets cassés, tout y était, avec ce soupçon de foutage de gueule que je trouve vraiment délicieux et qui, avec cette propension au minaudage qu'on lui a reproché tout en ayant contribué à l'accentuer (ne cherchez pas la logique, ça s'appelle de la jalousie), lui a probablement coûté son ascension<span style="font-size: xx-small;"><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><sup>1</sup></span>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le reste du temps, quand on ne rit pas sous cape grâce à Mathilde ou à cause des effets spéciaux à grosses ficelles, on se demande à quoi rime cet idéal d'authenticité. Une leçon de style, nous assène-t-on de toutes part. De style français, ajoute l'inconscient patriote – que cela ne dérange pas autre mesure qu'il soit surtout maîtrisé par une Russe. À cet égard, la distribution participe à la reconstitution historique : c'est la Russie qui a conservé notre patrimoine chorégraphique, au point de le faire sien. Nos sylphides locales, d'aussi bonne volonté soient-elles, n'ont pas la légèreté d'Evguenia Obraztsova. Même sans ce lyrisme russe dont la perfection finit par me décrocher la mâchoire, l'étoile clairement n'appartient aux constellations qu'on a l'habitude de voir. Ce décalage, que je ne m'explique pas tout à fait<span style="font-size: xx-small;"><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote2anc" href="#sdfootnote2sym"></a><sup>2</sup> </span>mais que j'observe à chaque fois qu'une étoile russe est invitée à se produire avec le corps de ballet de l'Opéra (qui paraît presque lourd, à côté, alors que bon, hein...), ce décalage tombe ici à pic, surtout pendant le premier acte où la sylphide s'aventure dans la gravité, parmi les êtres humains qui n'ont de légers que les mœurs. Ancrés dans le sol, ils accentuent l'impression de (dé)collage : la danseuse pourvue de petites ailes n'entretient pour ainsi dire aucune relation avec le reste de la troupe, comme si les écoles étaient trop éloignées pour se parler ; même sur le devant de la scène, elle reste à part, croise les autres sans qu'il y ait vraiment d'échange. C'est bien la sylphide, irréelle, qui semble ne pas exister. Elle est belle, elle est légère, elle est précise, elle est là et elle n'est pas là.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/La-Sylphide_Mathias-Heymann_Evgenia-Obraztsova_zps974e5c9e.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/La-Sylphide_Mathias-Heymann_Evgenia-Obraztsova_zps974e5c9e.jpg" alt="La-Sylphide_Mathias-Heymann_Evgenia-Obraztsova par Anne Deniau" width="90%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Anne Deniau, comme à son habitude, capte tout un pan du ballet en une photo (un peu tronquée, j'ai l'impression) : au-delà de la <em>pose</em>, répliquée par le corps de ballet, on voit James prêt à embrasser-capturer la sylphide en l'entourant de sa couronne, tout obnubilé qu'il est par cette charmante créature, qui se laisse adorer sans s'en soucier.</span></p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Hanté par cette Arlésienne écossaise, James commence à ne plus savoir où donner de la tête : la brume légère, qui file entre les doigts, ou les tartans lourds de tissu et de promesses ? On ne peut pas en vouloir à James de courir après la sylphide vu comme sa fiancée, Effie, est fagotée. Non mais sans rire, ils sont affreux, ces tartans bavarois – rouges et <em>bleus</em>, parce que le vert porte la poisse sur scène. En revanche, ils sont emblématiques de l'entreprise de Pierre Lacotte : inventer la tradition. Celle du tartan serait en effet historiquement fort récente : si on trouve déjà ce tissu au <span style="font-variant: small-caps; font-size: small;">xvi</span><span style="font-size: xx-small;"><sup>e</sup></span> ou <span style="font-variant: small-caps; font-size: small;">xvii</span><span style="font-size: xx-small;"><sup>e </sup></span>siècle et qu'il varie selon les régions et les fabricants, ce n'est qu'au<span style="font-variant: small-caps; font-size: small;"> xix</span><span style="font-size: xx-small;"><sup>e </sup></span>siècle qu'il devient un signe distinctif entre les clans. Remontant en 1971 un ballet de 1832 à partir de notes de l'époque, Pierre Lacotte fait quelque chose de similaire : il créé à partir de ce qui appartient à l'histoire et la recréé ce faisant. Il y a quelque chose qui m'échappe dans ce vrai faux (un bon filon, à en croire la liste des ballets oubliés et remontés) : pourquoi ne fait-on pas revivre l'esprit du ballet sans en ressusciter les mortes, fussent-elles amoureuses ? Pourquoi ne pas créer quelque chose de radicalement nouveau, comme on le fait autour des ballets russes ? Pourquoi s'acharne-t-on à reconstituer le ballet comme on reconstitue une scène de crime ? La réponse que l'on donne sans se poser de question revient d'elle-même : le style.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On a en France une passion pour le style – l'art et la manière. C'est mon professeur d'histoire de khâgne, dans les marges des cours duquel se trouve, au crayon à papier, la référence à Hobsbawm et à l'invention de la tradition, qui a soulevé ce point : en Estonie, par exemple (c'était son exemple favori), on n'étudie pas du tout la littérature de la même façon : ce n'est pas le style qui importe mais la mise en intrigue, la manière de raconter une histoire. Sur le coup, en bons khâgneux prêts à disserter du style en khôlle de philo, on s'est offusqué ; cela n'était pas <em>la bonne manière</em> de voir les choses. Après un cours sur la mise en intrigue du récit, un peu à l'américaine, et quelques années de désintox, je commence à penser que le style importe mais ne devrait pas susciter une telle crispation – y compris dans le poignet et la cheville des sylphides, dont l'élan est sans cesse arrêté dans une orfèvrerie de petite batterie précieuse. On ne devrait jamais voir le style, seulement le percevoir : pas de petite batterie mais une palpitation fragile, pas de doigt sous le menton mais un effleurement pensif, pas d'arabesque basse mais une respiration ample – pas un morceau de l'histoire de la technique du ballet mais un ballet qui fait vivre une histoire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Heymann et son ballon sont magnifiques, Obraztsova est incroyable d'<em>y croire</em> d'un bout à l'autre mais, hormis les grandes chaussettes et les kilts des garçons (dites, les féministes, quand est-ce que vous mettez les garçons à la jupe ? Sur les danseurs, cela peut être très émoustillant : cette cuisse qui se découvre dans un entrechat battu...), il n'y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le dilemme de James ne me tourmente pas, le sort de la sylphide ne m'émeut pas. Même, je suis plutôt heureuse que James précipite involontairement sa mort en lui coupant les ailes : on va pouvoir en finir avec cet idéal fantôme. Celui qui empêche les danseurs de l'Opéra, élevés dans le culte de cette maison, idéale, d'en partir lorsqu'elle ne leur convient plus, comme celui qui pousse le chorégraphe à créer une œuvre qui n'a d'intérêt qu'historique. Il faut espérer qu'une fois l'image du passé mis en boîte<span style="font-size: xx-small;"><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote3anc" href="#sdfootnote3sym"></a><sup>3</sup></span>, on va pouvoir l'oublier et travailler les corps plus que les documents historiques. Tu vas voir, James, une fille en chair et os, c'est génial.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="RIGHT">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/06/28/luciole-malicieuse" target="_blank">Palpatine</a></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="RIGHT"> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><span style="font-size: x-small;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>1 Je me souviens de ce concours de promotion où elle semblait narguer le jury avec ses équilibres sûrs et interminables alors que cela avait accroché pour toutes les autres – je radote mais c'était vraiment délicieux. </span></p></div><div id="sdfootnote2"><p class="sdfootnote"><span style="font-size: x-small;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote2sym" href="#sdfootnote2anc"></a>2 Je pensais qu'il s'agissait du lyrisme à la russe, mais Obraztsova contrarie cette explication. Peut-être s'agit-il seulement de la différence de style entre l'école française, qui met l'accent sur le bas de jambe, et l'école russe, qui a des ports de bras à se damner.</span><span style="font-size: 11px;"> </span></p></div><div id="sdfootnote3"><p class="sdfootnote"><span style="font-size: x-small;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote3sym" href="#sdfootnote3anc"></a>3 Il existe un film avec Ghislaine Thesmar et Michaël Denard, qui ajoute la coupe de cheveux au kilt. C'était le seul contact que j'avais eu avec le ballet avant d'aller le voir à Garnier.</span></p></div>
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Oiseau, faunes et squelettes
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-06-09:2967345
2013-06-09T21:32:00+02:00
2013-06-09T21:32:00+02:00
Soirée Béjart – Nijinski – Robbins – Cherkaoui – Jalet : vous parlez...
<p>Soirée Béjart – Nijinski – Robbins – Cherkaoui – Jalet : vous parlez d'un titre ! On n'est jamais certain de tous parler du même spectacle : tu as vu le Cherkaoui ? le Boléro ? les faunes ? On pourrait parler du spectre des ballets russes mais les squelettes du Boléro posent un os. En revanche, aucun problème pour jouer à saute-mouton : Robbins → le faune ← Nijinsky → les ballets russes ← <em>L'Oiseau de feu</em> de Béjart → <em>Boléro</em> ← Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Drôle d'oiseau que celui de Maurice Béjart</strong>, sans plumes ni seins. Florian Magnenet fait de son mieux pour s'envoler, à grand renfort d'arabesques et de sauts appliqués, mais ça ne décolle pas. Je crois qu'il souffre du syndrome du beau gosse, dont est également atteint Audric Bézard dans une moindre mesure : il laisse à la beauté de son corps et de son visage le soin de manifester sa présence scénique. Du coup, le corps de ballet pète beaucoup plus le feu que l'oiseau éponyme, notamment Amandine Albisson qui, pendant un quart de seconde (c'est déjà pas mal), m'a fait penser à la soliste de Boris Eifman et François Alu, qui vous fait frissonner rien qu'en se relevant bras et jambes écartés. Les pliés de leur petit groupe, qui amorcent la pulsation du ballet, sont bien plus palpitants que l'apparition finale d'une nuée d'oiseaux de feu rangés en ordre de bataille et menés par l'Oiseau Phénix, devant un lever de <span style="text-decoration: line-through;">drapeau nippon</span> soleil... sauf lorsque <strong>Mathias Heymann</strong> et Allister Madin renaissent des cendres de Florian Magnenet et Jérémy-Loup Quer. Là, il y a du muscle, de la détente, de l'envol en fouettées arabesques, des attitudes renversées, un buste mobile comme une aile. On n'a aucun doute : ce danseur en académique rouge est le point laser qui voletait sur les rideaux de scène ; l'oiseau empaillé tombé bec à terre, queue en l'air, est en réalité un animal palpitant, blessé, à l'aile brisée ; le tandem qu'il forme avec le phénix, sur son dos, relève moins d'un couple chimérique que d'une chimère mythologique. Allister Madin et Heymann Heymann, en cambré bassin contre bassin : ce sera mon image de fin.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Deuxième fois que je vois <strong><em>L'Après-midi d'un faune</em></strong>, deuxième fois qu'il est interprété par <strong>Nicolas Leriche</strong>. Personne d'autre, à l'Opéra, n'a cette maturité du geste qui alourdit les muscles, les rend lents et puissants comme ceux d'un fauve tranquille, et en même temps, cet air rayonnant, presque juvénile. Pointer les deux mains vers la gorge d'Eve Grinsztajn suffit à la faire ployer lentement, à déclencher cette résistance qui ne veut pas être vaincue mais éprouvée.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Lorsque je l'ai revu dansé par Jérémie Bélingard, j'ai guetté cet instant extraordinaire de détente où le faune repose sa tête en se détournant du public et du plaisir qu'il vient de goûter : l'animal ne la tournait plus pour s'endormir, sans plus d'attention pour la salle qui disparaît sitôt les paupières tombées.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Interprétation du nom vs de l'adjectif : l'un fait l'animal, l'autre est animal – et reste un homme, beaucoup plus troublant.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Enchaîner un second <em>Prélude à l'Après-midi d'un faune</em> devait être un peu bizarre pour l'orchestre, encore que Fab et Joël aient remarqué que la musique Debussy n'était pas jouée au même tempo d'une fois sur l'autre. Je n'y avais pas fait attention mais je veux bien croire les deux matheux : autant la version de Nijinsky est ancrée dans le sol, fût-il élevé par un rocher ; autant celle de <strong>Robbins</strong>, déployée dans une voilure blanche devant un cyclo bleu, rappelle que le compositeur de l'<em>Après-midi d'un faune</em> est d'abord celui de <em>La Mer</em>.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">À l'heure de la sieste, un danseur allongé par terre développe la jambe en quatrième devant, flexant et tendant lentement le pied. On hésite entre l'éveil musculaire d'un corps un peu endolori et la nonchalance d'un échauffement un brin narcissique. Face au miroir que lui offre le public, il s'observe, sans que l'on sache s'il s'admire ou rectifie une position. L'arrivée d'une danseuse, nouant sa jupette comme un peignoir au sortir du bain, ne met pas fin à ce jeu de reflets, au contraire. Elle cherche d'emblée le sien et se mire, de même, au gré d'une barre elliptique, où plié, dégagé seconde et grand développé servent surtout à s'assurer de la perfection du corps, bien plus qu'à le travailler. <strong>C'est seulement une fois que chacun s'est contemplé, qu'il s'est reconnu dans ce corps désirable, que la rencontre peut avoir lieu – par le truchement du miroir, toujours.</strong> Car ce n'est pas d'abord l'autre qu'on remarque mais le regard qu'il pose sur nous, par lequel il confirme qu'existe bien l'image que nous avons de nous. La danseuse ne se retourne pas lorsque le danseur vient se placer derrière elle pour la première fois : elle fait confiance au miroir pour se lancer dans un pas de deux qui va, petit à petit, mêler amour de soi et désir de l'autre, tandis que chacun se met à chercher non plus son propre reflet mais celui de l'autre, auquel il s'assortit, avec lequel il découvre former un couple.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">On sent cela en détail, à la manière qu'ont Eleonora Abbagnato et Hervé Moreau de ne communiquer qu'à travers le miroir invisible du public et de la salle de répétition. Hervé Moreau est parfait : il observe une position, passe derrière sa partenaire pour la faire légèrement pivoter, regarde ce que donne leur nouvel agencement, admiratif sûrement mais avec toujours ce qu'il faut de narcissisme pour ne pas s'effacer. Eleonora Abbagnato ne le dose pas aussi bien, ajoutant à sa présence solaire naturelle un soupçon d'auto-complaisance qui m'inquiète un peu car je ne suis pas certaine de pouvoir entièrement l'attribuer à son personnage (le passage dans des émissions TV aurait-il une influence délétère sur les danseurs ?).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'interprétation de Myriam Ould-Braham, tout aussi sensuelle, est toute autre. Chez elle, l'amour de soi n'est pas une certitude narcissique, plutôt une découverte incertaine et fascinante. Il faut la voir remettre ses cheveux derrière sa nuque, écarter leur rideau pour découvrir, mi-attirée mi-effrayée, son reflet de femme dans le miroir et le regard d'homme qui le fixe, qui <em>la</em> fixe, elle la jeune fille simplement venue au studio pour travailler. Mathias Heymann se montre un peu trop prévenant : en couvant sa partenaire du regard sans passer par le miroir, il annule la tension entre proximité des corps et distance des regards, perdant en érotisme ce qu'il gagne en complicité.<br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Bolero-Cherkaoui-photo-Poupenay_zpsc74b13fa.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Bolero-Cherkaoui-photo-Poupenay_zpsc74b13fa.jpg" alt=" photo Bolero-Cherkaoui-photo-Poupenay_zpsc74b13fa.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Si la création de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet a été au cœur des conversations, c'est surtout pour cette question : que peut bien offrir un <strong><em>Boléro</em></strong> après celui de Béjart ? La seule autre version que j'en ai vue, de Thierry Malandain, m'avait surprise par la compréhension musicale qu'elle laissait voir : la répétition indéfinie du thème musical, associée chez Béjart à une pulsion sauvage, sexuelle, allant crescendo, devenait motif d'enfermement, des parois de verre rétrécissant peu à peu l'espace dévolu aux danseurs jusqu'à ce que la tension provoquée par l'exiguïté parvienne à son comble et entraîne une explosion/implosion du groupe.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>La version de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet est plus surprenante encore en ce qu'elle ne prend pas appui sur ce martèlement si caractéristique, qui rythme toute la pièce de sa pulsation, mais sur la mélodie qui plane au-dessus.</strong> Alors que Béjart prenait à bras le corps la pulsion de mort, Cherkaoui/Jalet montrent ce qui la camoufle et la dévoile, l'accompagne et la rend si désirable que l'on s'y dirige irrémédiablement. Ce sont les soutanes noires dont on se défait pour des robes translucides, que l'on retire pour se retrouver en académique de chair et d'os – femmes en soutane, hommes en robe, squelette en commun : les costumes de Riccardo Tisci sont particulièrement bien trouvés, annulant les genres à mesure que les danseurs se mettent à nu, jusqu'à n'être plus que des corps pris dans le tourbillon enjôleur et planant de la mort en mouvement.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Plus de cercle (Béjart) qui se referme (Malandain) mais <strong>une spirale indéfinie, étourdissante, enivrante : tours, déboulés, manèges déstructurés, torsions du corps, chutes spiralées, roulades au sol, portés tourbillonnants...</strong> J'espère pour les danseurs qu'ils ne répétaient pas juste après le déjeuner et je me demande encore comment l'on peut danser en tournant un quart d'heure durant sans avoir le tournis et sans avoir été coaché par un derviche tourneur. Peut-être est-ce la raison de cette unique distribution fort étoilée pour une danse d'ensemble ; les étoiles sont habituées aux révolutions. Ou peut-être que cela ne tourne pas autant qu'on le croit, l'effet étant renforcé par les lumières d'Urs Schonebaum, qui projettent au sol des cercles grésillants ne cessant de se décomposer et se recomposer en spirales de toutes tailles, à toutes vitesses. L'immense miroir incliné au-dessus de la scène réverbère cette chorégraphie lumineuse, enfermant le spectateur dans l'hypnose. Même celui de l'amphithéâtre, même celui des loges : enfin une scénographie compatible avec un théâtre à l'italienne ! Peut-être même plus adaptée aux hauteurs qu'au parterre, d'où l'on ne devait voir les lumières que dans le miroir. Que Marina Abramovič en soit remerciée.</p><p> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/bolero-Cherkaoui-Poupenay_zpsfada1718.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/bolero-Cherkaoui-Poupenay_zpsfada1718.jpg" alt=" photo bolero-Cherkaoui par A. Poupenay" width="90%" border="0" /></a></p><p> </p><p>Deux bonnes soirées, au final, en compagnie de FabParisien, avec qui l'on a comparé nos affinités respectives pour la danse, le théâtre et le ballet, puis de la Pythie, fin prête sur les ports de bras des nymphes (et tope là à l'annonce du remplacement surprise dans l'Oiseau de feu), et <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/06/08/Bejart/Nijinski/Robbins/CherkaouiJalet" target="_blank">Palpatine</a>.</p>
mimylasouris
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Le palais Garnier en pain d'épices
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-05-09:2963085
2013-05-09T12:22:00+02:00
2013-05-09T12:22:00+02:00
Lorsqu'on donne un opéra de Wagner ou de n'importe quel autre compositeur du...
<p>Lorsqu'on donne un opéra de Wagner ou de n'importe quel autre compositeur du même acabit, l'Opéra sait que les places seront vendues et les mélomanes s'habituent à se voir ponctuellement infliger des mises en scène insipides voire franchement laides (<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/10/03/wozzeck-horen-oder-sehen.html" target="_blank"><em>Wozzeck</em></a>, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2013/04/01/bapteme-wagnerien.html" target="_blank"><em>Siegfried</em></a>). En revanche, il semblerait que lorsque l'on programme des compositeurs considérés à tort ou à raison comme secondaires, moins connus ou pour les plus jeunes (<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/06/27/l-opera-de-renarde.html" target="_blank"><em>La Petite Renarde rusée</em></a>, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/tag/l'enfant+et+les+sortil%C3%A8ges" target="_blank"><em>L'Enfant et les Sortilèges</em></a>, <em>Hänsel et Gretel</em>), la mise en scène revienne au centre des préoccupations pour divertir le grand public, évidemment incapable de n'apprécier que la seule la grande musique. Si faire partie grand public permet d'éviter les délires conceptuels de quelques démetteurs en scène et profiter d'un spectacle complet, alors il n'y a pas de problème, je suis prête à endurer le mépris des élites intellectuelles, je fais partie du grand public.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">J'aime être surprise par une manœuvre de machinerie, fascinée par les lumières, émerveillée par des décors impressionnants et garder à l'esprit des images fortes qui s'impriment dans la mémoire jusqu'à faire partie de l'imaginaire de l'opéra. Mieux encore : j'aime qu'on me fasse voir ce que je n'avais pas entendu dans la musique – le <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2012/10/01/capriccio.html" target="_blank"><em>Capriccio</em></a> de Carsen est un sommet, dans le genre. Dans un tout autre registre, <em>Hänsel et Gretel</em> fait partie de ces soirées où les yeux n'ont pas à jalouser les oreilles, ravies par la partition très riche mais jamais lourde d'<strong>Humperdinck</strong> (comme un bon gâteau, en fait). On y retrouve les trois ingrédients d'une mise en scène réussie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/hansel3tableaux_zps13490eb6.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/hansel3tableaux_zps13490eb6.jpg" alt=" photo hansel 3 tableaux.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><br /></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Un dispositif ingénieux : la maison de poupée</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">En éclatant l'espace, Mariame Clément (mise en scène) et Julia Hansen (décors) ont donné une dynamique à une mise en scène par ailleurs relativement statique. L'espace scénique est utilisé dans toute sa hauteur, divisé en quatre pièces qui fonctionnent de manière symétrique : le séjour est à l'étage et la chambre des enfants, en bas, mais le fantastique apparaît plus volontiers côté cour tandis que le côté jardin conserve le principe de réalité. Plus volontiers car, comme dans tout conte qui se respecte, rêve et réalité ne sont pas hermétiques : le rêve éveillé fait tout aussi peur qu'émerveille la réalité fantasmée. Au milieu de ces deux espaces qui se répondent, la forêt joue le rôle du miroir : il faut, comme une épreuve, la traverser pour affronter ses peurs et ses désirs.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le seul problème de cette mise en scène n'est pas à chercher du côté de la scène mais de la salle – à l'italienne : les trois quarts de la salle manquent cruellement de visibilité, le centre et l'avant-scène étant rarement utilisés. Avec un Pass jeune au parterre, c'est en revanche très efficace. Le dédoublement de l'espace permet en outre de doubler les chanteuses (Hänsel est interprété par une femme) par des enfants. Chacun dans sa boîte à chaussure géante, le ridicule de l'infantilisation est évité. Conscients de leur rôle, les enfants sont d'ailleurs sérieux comme des enfants qui jouent, aussi sérieux donc – et touchants – que les chanteuses, qui semblent retrouver les chamailleries de leur enfance.<br /> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/user/mimylasouris/media/hansel3tableaux_zps13490eb6.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/hansel_gretel_gateau_zpsbab43045.jpg" alt=" photo hansel_gretel_gateau.jpg" width="90%" border="0" /></a></p><p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Des visuels marquants : l'imaginaire au pouvoir</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-size: 11px;">Imaginez un peu : la chambre devient une forêt sitôt que l'on a décoré ses murs de sapins et le-monstre-du-placard (ma cousine avait un monstre-sous-le-bureau) fait surgir sa grosse patte velue de sous le lit.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Envoyés dans ladite forêt cueillir des fraises par une mère fatiguée de leurs singeries (les fraises poussent sur les sapins, enfin, c'est évident), le frère et la sœur tombent sur un gâteau géant – le même auquel on leur avait interdit de toucher, en plus grand, en beaucoup plus grand, en maison de sorcière, laquelle apparaît alors que les enfants se sont mis à grignoter son toit (et il y avait apparemment de la vraie chantilly dont les chanteuses se sont léché les doigts – je les aurais bien rejointe pour grignoter un bout, en ma qualité de souris). Imaginez un peu vous promener sur un gros gâteau avec des couches aux couleurs radioactives, telles que vous les dessiniez enfant. N'est-ce pas le rêve ? Et le cauchemar (de Ron) : l'araignée géante, dans la pièce où la sorcière a enfermé Hänsel jusqu'à ce qu'il soit mature (le doigt, hum, est-ce vraiment un doigt qu'elle tâte ?).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Quelques scènes suffisent à faire ressortir la dimension sexuelle des contes : j'ai trouvé particulièrement réussis ces vêtements suspendus dans tout l'espace du séjour, comme figés au moment où les parents les ont fait voler à travers la pièce – contrepoint à la myriade de ballons multicolores...</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><br /></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Une lecture intelligente : psychanalyse des contes de fées</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Lorsqu'on a un père vendeur de balai, il n'est pas très difficile d'imaginer la (belle) mère en sorcière qui aime à le chevaucher – quitte à envoyer les enfants dans la forêt pour avoir la paix. Bien que la sorcière soit identifiée par les parents comme une tierce personne (la sorcière d’Ilsenstein, interprétée par une autre chanteuse), c'est donc sous les traits de la mère qu'elle apparaît. Le chemisier et la longue jupe sages sont rapidement abandonnés au profit d'une robe à paillettes pour une scène style music-hall où c'est clair : la sexy sorcière est prête à dévorer les enfants de son appétit de cougar. Surtout Hänsel, évidemment, Gretel n'ayant le droit de goûter à rien, seulement de servir les plats. Heureusement, les enfants, plus en âge de manger du pain d'épice que d'en devenir aux yeux des autres, laissent la sorcière de consumer de désir en la poussant dans le four, tellement heureux de ce qu'on lui a fourré qu'il explose dans une pluie de paillettes. Sauvés de la petite mort, Hänsel et Gretel peuvent retourner grandir, fêter leur anniversaire et dévorer le gâteau auquel ils ont maintenant droit.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Autant vous dire que, ne m'étant jamais retournée sur ce conte, je n'y avais jamais vu cette dimension-là. Je suis sûre d'ailleurs que les enfants présents dans la salle ne l'ont pas vue non plus : elle n'est pas assez cachée pour qu'on puisse l'y déceler. L'effacement des frontières entre le réel rêvé et la réalité fantasmée que présente ce double niveau de lecture a en outre l'avantage de dissiper les incohérences du livret : la famille vit dans un intérieur bourgeois, où les attend un gros gâteau, et les enfants souffrent de la faim ? Ils sont gourmands et contrariés par les interdits des adultes. La gentille (belle) mère est méchante ? Elle a oublié quelques instants d'être mère pour avoir voulu être femme. Le merveilleux ? Les enfants étaient au lit. Et il n'y a pas à dire, cet opéra était un beau rêve.</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2013/04/20/opera-en-pain-d-epices" target="_blank">Palpatine</a>.</p>
mimylasouris
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Un nain et deux sales mômes
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2013-01-25:2947402
2013-01-25T18:31:16+01:00
2013-01-25T18:31:16+01:00
Le Nain et L'Enfant et les sortilèges : deux sales mômes......
<p><em style="font-size: 11px;">Le Nain</em><span style="font-size: 11px;"> et </span><em style="font-size: 11px;">L'Enfant et les sortilèges</em><span style="font-size: 11px;"> :</span></p><ul><li><span style="font-size: 11px;">deux sales mômes...</span></li><li><span style="font-size: 11px;">… qui grimpent sur les pianos.<br /> </span></li></ul><p style="margin-bottom: 0cm;">En sept moins cinq <em>Nain</em>s, il y a eu à voir et à manger :</p><ul><li><span style="font-size: 11px;">des asperges géantes et un ventilateur-ailes de libellules pour décor ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">une sale môme qui se prend pour une infante ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">le suspens de savoir comment le nain qu'elle traumatise va être représenté ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">le système de harnais auquel est attaché la marionnette manipulée par le chanteur ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">de mystérieux sacs jaunes trimballés par les choristes ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">les bottes de ville érigées sur scène en uniforme ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">la démonstration que l'opéra n'est pas moins dangereux que le ballet ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">la réactivité de l'équipe qui a dégainé les béquilles : les blessures sont devenues la routine ces derniers temps ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">le fauteuil roulant dans lequel la chanteuse est reparue le lendemain ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">son aisance qui a fait dupé les absents de la veille et leur a fait croire à un parti-pris de mise en scène.<br /> </span></li></ul><p style="margin-bottom: 0cm;">Je n'ai pas compris :</p><ul><li><span style="font-size: 11px;">le quart du texte allemand mais avec </span><em style="font-size: 11px;">Geschenke</em><span style="font-size: 11px;">, </span><em style="font-size: 11px;">spielen</em><span style="font-size: 11px;">, </span><em style="font-size: 11px;">Zwerg</em><span style="font-size: 11px;"> (écrit sur le rideau de scène – antisèche) et </span><em style="font-size: 11px;">Prinz</em><span style="font-size: 11px;">, on comprend que la gamine pourrie gâtée qui grimpe sur le tabouret pour écraser davantage encore de sa prétendue grandeur le nain, offert comme énième cadeau d'anniversaire, se paye sa tête ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">le quart du texte allemand et la confrontation du nain et de l'infâme infante a été cruellement longue ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">le pourquoi des asperges mais c'était beau, surtout sur fond orange ou violet.</span></li></ul><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Dans <em>L'Enfant et les sortilèges</em>, à part tout, j'ai adoré :</p><ul><li><span style="font-size: 11px;">les décors d'objets démesurés qui font penser à </span><em style="font-size: 11px;">Alice au pays des merveilles</em><span style="font-size: 11px;"> ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">la tasse ébréchée, l'horloge défoncée ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">la super sale môme qui veut manger tous les gâteaux et tirer la queue des chats (</span><em style="font-size: 11px;">Toute ressemblance...</em><span style="font-size: 11px;">) ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">les sauts et gambades de la soliste, petit gabarit espiègle, les cheveux frisottant au carré ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">sa voix merveilleusement limpide et articulée, enfantine et fascinante ;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">des </span><em style="font-size: 11px;">miaous</em><span style="font-size: 11px;"> plus vrais que les coassements de </span><em style="font-size: 11px;">Platée </em><span style="font-size: 11px;">;</span></li><li><span style="font-size: 11px;">la mise en scène fantas(ti)que et mouvante qui m'a ensorcelée.</span></li></ul>
mimylasouris
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Je n'ai pas de titre mais je kiffe Forsythe
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-12-16:2941390
2012-12-16T22:23:39+01:00
2012-12-16T22:23:39+01:00
In the middle, somewhat elevated : une paire de cerises dorées,...
<p><strong><em>In the middle, somewhat elevated</em></strong> : une paire de cerises dorées, éclat métallique que je n'avais jamais vu sur les vidéos. Dessous : my piece of cake. Des pas précis, arrêtés nets, enchaînés à toute vitesse, brusquement relâchés sur un accès de nonchalance et aussitôt repris sous un angle improbable, hanche en avant ou attitude décalée. Avec leur justaucorps bleu canard et les collants noirs qui dessinent un slip plus foncé par-dessus, les danseuses s'attaquent à des équilibres qu'il ne s'agit pas de retenir mais de repousser, pour les désaxer et étirer toujours davantage le déséquilibre. Les suspensions et les arrêts brusques n'entravent jamais la vitesse de l'ensemble, lui donnent au contraire un relief saisissant. Les déhanchés n'en sont que plus sensuels, tout comme les torses ondulants, répercussions brèves et intenses des coups portés par les jambes. Dès que le mouvement menace de s'alanguir, il est contrecarré par un geste rapide qui entraîne le corps dans une nouvelle direction. Il n'y a pas plus sexy que cet oxymore dansé, aussi extrême dans sa force que dans sa suavité. A ce point, la virtuosité devient insolente : on vous défie de ne pas être séduit. Je ne résiste pas deux secondes : ce mélange d'autorité et d'indifférence me fait toujours de l'effet. Sans compter que les a-coups de la musique nous précipitent dans la bataille : on se baisse d'un épaulement pour éviter une jambe, on contracte les abdos pour retarder un déséquilibre et on donne un coup de tête pour arrêter un tour. Explosion, chuintement et claquement assourdissant, la puissance de suggestion du train n'a jamais été aussi violente que dans ces éclats sonores, triturés électroniquement au même rythme que les corps des danseurs.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ces derniers s'éclatent. Côté garçons, je renie sans scrupule Audric Bezard pour Axel Ibot, qui déménage. Le style convient particulièrement bien à Laurène Lévy dont l'immense buste amplifie le mouvement et ses secousses à merveille. Il ne convient en revanche pas du tout aux danseuses que j'ai pu voir dans une seconde distribution : les petits modèles mettent à profit leur centre de gravité plus bas pour foncer comme des bolides et camper des équilibres inébranlables ; c'est techniquement irréprochable mais on perd tout ce qui fait la saveur de la chose, à savoir l'avant-goût du danger. Seule l'incertitude donne cette assurance désinvolte, si sexy, à ceux qui se risquent dans d'improbables déséquilibres. Terreur et pas de pitié pour le spectateur qui doit continuer de frémir après avoir sursauté au crash sonore de l'ouverture.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le souvenir émerveillé que j'avais d'<strong><em>O Zlozony / o composite</em></strong> est resté un souvenir : Aurélie Dupont, alors stellaire, a comme perdu une partie de son aura et l'étoile, réduite à sa matière, est devenue dure comme la pierre. J'espère qu'elle ne nous couve pas une naine blanche... Entourée d'une part par Jérémie Bélingard, son compagnon à la ville, et Nicolas Leriche, son partenaire de scène, elle me donne l'impression de conclure un moment de sa vie de danseuse et d'interdire toute nostalgie au spectateur. L'émotion ne ressurgit que lorsque les deux hommes se retrouvent seuls en scène, allongés par terre, tournant lentement autour de leur axe – planètes foetales qui accomplissent paisiblement leur révolution, sous les chuchotements d'astres lointains comme le souvenir d'une berceuse.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Isabelle Ciaravola, comme en apesanteur, me fait retrouver en partie la sensation de sérénité et d'émerveillement que j'avais eue la première fois – même si Jérémie Bélingard, les pieds sur terre, ne semble toujours pas appartenir à la même galaxie que ses deux partenaires ; même si j'étais venue pour voir Muriel Zusperreguy, que j'imagine très bien dans ce rôle après sa Lune simple et sensuelle dans <em>Caligula</em> (si l'Opéra pouvait arrêter de changer les distributions à la dernière minute sans prévenir, ça serait sympa).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em>In the middle</em> m'a enthousiasmé au possible ; <strong><em>Woundwork 1</em></strong> m'a émue. Découverte préméditée dans un cas, totalement insoupçonné dans l'autre. La jupette rose, un brin étrange sur Isabelle Ciaravola (1re distribution) et Marie-Agnès Gillot (2nde distribution), dont les bustes sont un peu plus larges, mais parfaitement assortie par son asymétrie au chignon banane d'Eleonora Abbagnato est bien la seule chose qui ne soit pas totalement harmonieuse. Les deux couples, qui ne s'alignent qu'au tout début et à la toute fin, évoluent chacun à leur rythme, chacun avec leur grammaire, forgée dans l'intimité d'une relation que j'imagine nourrie par des années d'écoute et d'entente. C'est d'une grande beauté ; d'une grande tristesse, aussi. Comme si une telle maturité artistique ne pouvait être qu'éphémère. Je regrette soudain de penser qu'il seront la prochaine génération à devoir quitter la scène. Qu'on nomme Eleonora Abbagnato avant qu'elle ne s'éloigne à nouveau ! L'Opéra manque cruellement d'une blonde solaire dans ses constellations et elle est tellement belle en scène... Je n'ai pas réussi à détacher les yeux du couple qu'elle formait avec Nicolas Le Riche.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Deux visionnages n'ont pas été de trop pour apprécier tout le foisonnement de <strong><em>Pas./Parts</em></strong> : des pas en veux-tu en voilà et des morceaux qui enchaînent en laissant les danseurs finir au son d'une nouvelle musique les mouvements auxquels les avait entraînés la précédente – décalage qui rappelle le flottement d'une piste de danse lorsque le DJ passe d'une chanson à l'autre. Justaucorps bicolores en recto-verso, T-shirts fushia ou noirs à paillettes, la couleur se trouve aussi dans les éclairages, froids ou chauds selon que retentit une sirène de paquebot ou qu'est chuchoté, on a peine à y croire, un <em>chachacha</em>, bientôt confirmé par un rythme endiablé. Une grande fête pour terminer la soirée.</p>
mimylasouris
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Sous champi ou sous sédatif, une chance sur deux
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-12-02:2938856
2012-12-02T13:57:00+01:00
2012-12-02T13:57:00+01:00
Depuis que Marie-Agnès Gillot fait les plateaux télé et les pages beauté...
<p>Depuis que Marie-Agnès Gillot fait les plateaux télé et les pages beauté people des magazines féminins, elle a troqué son statut d'étoile pour celui de star. La grande bringue qui dénotait parmi les autres danseuses, y allant parfois comme une bourrine, ça me parlait ; la grande gueule qui veut à tout prix qu'on la regarde, ça me baratine. Les apparences ne sont pas toujours trompeuses ; parfois, il n'y a juste rien derrière, seulement de belles couleurs. Pour ça, on n'en manque pas : du rose, du mauve, de l'orange (!!), du jaune, et fluo avec ça. Débauche de couleurs mais aussi de formes dans un passage qui tombe comme une groseille dans la soupe : boules façon pompons de caniche ou grappe de colère, bâtonnets à mi-chemin entre la baguette et le kayak (ou un sex toy de compét') et cônes style sapin synthétique déboulent sur scène et en repartent en emportant définitivement l'humour qu'ils avaient introduit. Place à la danse, la vraie, que l'on doit voir sans idée préconçue, sans chercher d'histoire, juste ressentir. Je veux bien qu'on abandonne le ballet narratif. Je veux bien me laisser aller à la sensation. Mais en l'absence de fil directeur, cela glisse sur moi comme les danseurs sur scène.</p><p> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/gillot_2.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/gillot_2.jpg" alt="Des sapins dansants" width="60%" border="0" /></a></p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Sous-apparence-1.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Sous-apparence-1.jpg" alt="" width="60%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Nuage noir pour <a href="http://www.leschroniquesdunpetitratparisien.com/soiree-gillot-cunningham/" target="_blank">le Petit Rat</a>, grosse myrtille de la pub Oasis pour <a href="http://lalogedaymeric.over-blog.com/article-sous-apparence-un-jour-ou-deux-creation-et-retour-d-un-piece-112049091.html" target="_blank">Aymeric</a>, avec derrière un chamallow pour le patient et persifleur <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/11/07/trop-de-couleurs-puis-trop-de-gris" target="_blank">Palpatine</a>.</span></p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/sous-apparence_truc_rose.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/sous-apparence_truc_rose.jpg" alt="Le truc rose" width="60%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Abeille pour le Petit Rat, banane rose géante pour Pink Lady, cigare pour <a href="http://1enviedailleurs.com/2012/11/06/gillot-cunningham-peut-vraiment-mieux-faire/" target="_blank">Une envie d'ailleurs</a>.<br />Et pour vous ? N'hésitez pas à exercer votre interprétation critique et à partager les fruits de votre imagination en commentaires... (Y compris pour le rocher/bunker/morceau de Toblerone du décor.)</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les glissades des danseurs qui s'élancent pour de grandes traversées en dérapages plus ou moins contrôlés sont pourtant des trouvailles, qui prolongent le travail des pointes en « pied cassé ». Plutôt que de lancer les hommes dans une imitation de la technique féminine en leur mettant des pointes aux pieds, Marie-Agnès Gillot a lancé tout le monde sur un terrain peu exploré – et glissant, donc. Il n'y a guère que dans <em>Giselle</em>, en effet, que l'on trouve un morceau de bravoure de ce genre : la diagonale de la variation du premier acte est une suite de ronds de jambe sautés sur pointe. Cela implique de rentrer son cou-de-pied (pratique quand on n'en a pas, ou peu, comme c'est souvent le cas des hommes) et de crisper légèrement la cheville pour tenir sur le bord du plateau du chausson – un peu comme les carres en patinage. Et les danseurs – et les danseuses – patinent : certains s'y lancent avec entrain mais d'autres, moins casse-cou, semblent surtout angoissés à l'idée de se blesser , si bien que le spectateur, crispé, se met lui aussi à prier pour qu'aucune chute ne survienne. Peut-être n'a-t-on pas choisi les bons danseurs : ils n'ont pas franchement l'air de s'éclater, même dans des passages sans danger où la technique sur « pied cassé » sert surtout à se relever et à tenir en équilibre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il s'en dégage une impression de statisme, maqué à grand renfort de ports de bras. On les voit bien émanant du corps sculptural et anguleux de Marie-Agnès Gillot ; sur de plus petits modèles, c'esr un peu plat. Or le style d'un chorégraphe, c'est ce qu'il reste lorsqu'il a transmis à d'autres, d'autres corps, les mouvements qui lui viennent naturellement. Voir un chorégraphe danser ses propres pièces, c'est souvent voir l'origine du mouvement, comme inscrit dans son corps – quelque chose d'évident, de limpide. Parfois c'est encore plus beau sur les interprètes (c'est le cas de Preljocaj, par exemple) et l'on ne peut plus douter de la valeur chorégraphique des mouvements. Mais parfois, au contraire, ils perdent de leur intensité sitôt que chorégraphe et interprète ne font plus un, et l'adaptation devient synonyme de déperdition. Marie-Agnès Gillot a visiblement créé à partir d'elle (les radiographies de sa colonne vertébrale sont là pour vous le rappelez si jamais vous faisiez mine d'oublier) mais aussi pour elle – elle là, ça se gâte.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Même le choix des solistes sonne faux (comme la modestie de l'apprentie chorégraphe) : Chaillet semble là pour faire la promotion du spectacle auprès du grand public, qui connaît sa belle gueule de mannequin, et Alice Renavand, la caution chorégraphique, car pas une création contemporaine ne se fait sans elle. Niveau affinité, on repassera. Seule Laëtitia Pujol, assez inattendue dans ce registre, semble s'y amuser.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Sous-apparence-2.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Sous-apparence-2.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Que reste-t-il au final de ces apparences ? Un clip. Qui met en scène des hommes sexy à souhait avec leur casquette militaire et leur torse serré de cordages, qui, sur les femmes, deviennent un instrument de <em>bondage</em>. Pointes pour les hommes, cordages pour les femmes : érotiserait-on un sexe en lui attribuant ce qui appartient à l'autre ? Mais ce serait beaucoup dire, car en fait d'érotisme, il n'y a dans ce ballet que ce que l'on projette à partir des costumes : pas grand risque d'être ému par la danse, lisse et aseptisée comme les gants de vaisselle dont on a affublé Vincent Chaillet. <em>Sous apparences</em> n'est pas assez modeste pour être drôle et n'a pas le talent que réclame l'arrogance, malgré de bonnes idées. Voire à cause de ces bonnes idées : mais Marie-Agnès, ce n'est pas avec idées que l'on chorégraphe, c'est avec des gestes.</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"> * * *</p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Après le divertissement superficiel vient l'ennui profond : Cunningham ou l'intellect aride. La Pythie m'a raconté être partie au bout de cinq minutes. Pourtant <em>Un jour sur deux</em> est hyper dansant pour un Cunningham : je veux dire, les danseurs se touchent, quoi ! Y'a du contact ! De là à ce qu'il soit humain, faudrait pas pousser non plus, mais il y a des apparences de pas de deux, de l'interaction, avec un partenaire-contrepoids. Et des académique que même il en existe des bien plus moches. Surtout, les danseurs de l'Opéra de Paris présentent un avantage formidable pour le béotien ès Cunningham : ils ont la technique sans en avoir le style. Ce qui signifie qu'ils ne font pas tous tout le temps la gueule. Et même, de temps à autre, une intention, répréhensible car déjà trop lyrique en soi, anime un port de bras autrement raide comme la justice, encouragement discret pour le spectateur. On ne sait pas trop pourquoi on est là, semble-t-il dire, mais on y est et on y va, jusqu'au bout, même si c'est aride. <span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">É</span>milie Cozette, libérée de savoir pourquoi tel ou tel geste, est en revanche comme un poisson dans l'eau. Je laisse les Balletonautes en tirer les conclusions qui s'imposent.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/herve-moreau-et-emilie-cozette-dans-un-jour-ou_2_julien_benhamou.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/th_herve-moreau-et-emilie-cozette-dans-un-jour-ou_2_julien_benhamou.jpg" alt="" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Emilie Cozette et Hervé Moreau, par Julien Benhamou.</span> <br /><span style="font-size: x-small;">La preuve qu'il y a contact.</span> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Il faut se résigner : c'est la seule manière de traverser le ballet. Alors peut-être, à force de laisser vos yeux suivre la ligne d'une jambe, perdre le buste auquel elle était raccordée et enregistrer la présence d'un nouvel académique, vous atteindrez cette attention flottante qui vide peu à peu la pensée de sa réflexivité pour la concentrer sur le mouvement insignifiant et perpétuel de la scène. Insignifiant, parce tout geste est proscrit, pour que jamais l'interprétation critique ne se mette en mouvement. Perpétuel, parce qu'à force de mouvements, on atteint une sorte d'immobilité – cela bouge juste assez pour que l'attention flotte sans jamais être attirée par quoi que ce soit. J'imagine que c'est ce qu'on appelle la méditation. C'est à la fois extrêmement reposant (on s'approche asymptotiquement de ne penser à rien ; on fait le vide sans, heureusement, jamais y parvenir totalement) et totalement épuisant (on ne peut pas rester concentré indéfiniment). Pas certaine que ce soit mon truc mais, quoiqu'il en soit, c'est une expérience que je vous laisse méditer. </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/media/Un-jour-ou-deux_ensemble_3-copie-1.jpg.html" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Un-jour-ou-deux_ensemble_3-copie-1.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">LA position du ballet.</span><br /><span style="font-size: x-small;">Quelques instants plus tôt ou plus tard, promenade arabesque générale synchro (coïncidence cagienne ?) avec un brouhaha d'hélicoptères.</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><br /></span></p><p style="text-align: right;"><span style="text-align: center;"> </span></p><table style="margin-left: auto; margin-right: auto; border-style: solid; border-width: 1px; border-color: black; padding: 5px; text-align: center;" cellspacing="0px"><tbody style="border-style: normal; border-color: black; border-width: 1px;"><tr style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;" width="4%">Sélection</td><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;" width="49%"><strong>...WTF</strong></td><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;" width="49%"><strong>...délicieuse(ment) méchant</strong></td></tr><tr style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><p><strong><br /></strong><strong>S<br />O<br /></strong><strong>U<br /></strong><strong>S</strong></p><p><strong><br />A<br />P<br />P<br />A<br />R<br />E<br />N<br />C<br />E<br />S<br /><em><br /></em></strong></p></td><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><p> </p><p style="text-align: left;">« L’émotion traduite dans les corps est impressionnante : on pense autant à Balanchine qu’à Béjart. »</p><p style="text-align: left;">Dans la catégorie je balance deux noms pour faire genre je m'y connais, celle-là est assez géniale. Recalé en histoire de la danse.</p><p style="text-align: right;"><a href="http://www.lejdd.fr/Culture/Spectacle/Actualite/Opera-Marie-Agnes-Gillot-met-les-garcons-sur-les-pointes-572753" target="_blank">Le JDD</a></p><p style="text-align: right;"> </p><p style="text-align: left;">« Marie-Agnès Gillot/Merce Cunningham à Garnier : épure et austérité »<br />De l'épure, donc. </p><p style="text-align: left;"><span style="text-align: right;">« </span>Les danseurs qui ont eu 3 mois pour appréhender les pointes, glissent vaillamment sur un lino brillant avec une rapidité de mouvement et de déplacement qui évoquent Cunningham. <span style="text-align: right;">» Toute transition n'est pas bonne à prendre. Recalé en histoire de la danse.</span></p><p style="text-align: right;"><a href="http://www.francetv.fr/culturebox/marie-agnes-gillotmerce-cunningham-a-garnier-epure-et-austerite-123761" target="_blank">Culturebox</a></p><p style="text-align: right;"><a href="http://www.francetv.fr/culturebox/marie-agnes-gillotmerce-cunningham-a-garnier-epure-et-austerite-123761" target="_blank"> </a></p></td><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><br /><p> </p><p style="text-align: left;">« Colourful minimalism meets the Village People »</p><p style="text-align: right;"><a href="http://www.ft.com/cms/s/2/78d2c11c-241a-11e2-94d0-00144feabdc0.html#axzz2B7JpSWd0" target="_blank">Laura Cappelle</a></p><p style="text-align: right;"> </p><p style="text-align: right;"><span style="text-align: left;">« </span>palette "Smarties" d'un côté ; sobriété gris métal de l'autre<span style="text-align: left;"> »</span><span style="text-align: left;"> </span></p><p style="text-align: right;"><span style="text-align: left;">« </span><span style="text-align: left;">[les danseurs sont] lancés comme des boules de bowling </span><span style="text-align: left;">»</span></p><p style="text-align: right;"><a href="http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/11/07/marie-agnes-gillot-merce-cunningham-vlan-et-re-vlan_1785291_3246.html" target="_blank"><em><span style="text-align: left;">Le Monde</span></em></a></p></td></tr><tr style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><p><strong><em><br /></em></strong></p><p><strong><em><br /></em>U<br />N<br /><br /></strong><strong>J<br /></strong><strong>O<br /></strong><strong>U<br /></strong><strong>R<br /><br />O<br /></strong><strong>U<br /><br />D<br /></strong><strong>E<br /></strong><strong>U<br /></strong><strong>X </strong></p></td><td style="border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><p style="text-align: left;">« Bien que réduite de vingt minutes, cette pièce aujourd’hui de 67 minutes a du mal à séduire les hommes et les femmes pressés de l’époque twitter. Mais il faudra bien un jour comprendre que redonner du temps au temps est essentiel à notre vie. » </p><p style="text-align: right;"><a style="text-align: right;" href="http://www.lejdd.fr/Culture/Spectacle/Actualite/Opera-Marie-Agnes-Gillot-met-les-garcons-sur-les-pointes-572753" target="_blank">Le JDD</a> </p></td><td style="text-align: left; border-style: solid; border-color: black; border-width: 1px; padding: 5px;"><p><span style="text-align: left;">« Émilie Cozette danse sa partition comme ces soprano étrangères qui articulent parfaitement un texte qu’elles ne comprennent pas. »</span></p><p>« Sylvie Guillem aurait dit jadis à un journaliste : "J’ai appris à apprécier le plafond de Chagall à l’Opéra en assistant aux ballets de Merce Cunningham." »</p><p style="text-align: right;"><a style="text-align: right;" href="http://lesballetonautes.com/2012/10/31/le-plafond-de-lopera-garnier/" target="_blank">Les Balletonautes</a><span style="text-align: right;">, qui commettraient des crimes parfaits tant ils excellent dans la critique assassine.</span></p><p style="text-align: right;"> </p><p style="text-align: left;"><a href="http://www.impressionsdanse.com/2012/11/cinquante-nuances-de-cunningham.html" target="_blank"><em>Fifty shades of Cunnningham</em></a> : le meilleur article écrit sur <em>Un jour sur deux</em>, et le seul qui vous le fera peut-être aimer. Avec le mode d'emploi de <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/tag/marie-agnes%20gillot" target="_blank">Danses avec la plume</a> pour "apprendre à se déconcentrer".</p><p style="text-align: left;"> </p></td></tr></tbody></table>
mimylasouris
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Kitri killeuse
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-11-17:2936223
2012-11-17T14:38:50+01:00
2012-11-17T14:38:50+01:00
Ravie d'avoir une place pour la pré-générale de Don Quichotte , je le suis...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Ravie d'avoir une place pour la pré-générale de <em>Don Quichotte</em>, je le suis plus encore lorsque je vois apparaître Mathilde Froustey sur scène. Je la voyais bien dans le rôle. Difficile en effet de ne pas la voir : elle qui n'est déjà pas du genre à se faire prier en temps normal a carrément bouffé du lion. Sa pantomime a beau être bon enfant (parfait lorsqu'on sait que la soirée leur est réservée), le premier qui emmerde Kitri, elle le décapite d'un développé. Même un fétichiste renoncerait alors à se trouver dans ses chaussons... Au-delà de la fatigue physique, qui rend plus épuisant de contrôler sa force que de la laisser déborder (il faut être en forme pour pouvoir s'économiser), cette débauche d'énergie révèle le besoin qu'à Mathilde Froustey, survoltée-révoltée, de se défouler. Il faut dire que le résultat du concours de promotion ne se justifierait que par une nomination extraordinaire, en vertu du précédent établi par celle de Mathieu Ganio alors qu'il était encore sujet.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Un peu trop rapide, un peu trop brusque... c'est le trop-plein qui s'évacue. Tant pis pour le tour à la seconde du dernier acte ; il peut bien être sacrifié si c'est pour ensuite aborder l'ensemble des représentations avec davantage de sérénité. Car une fois que les corps se sont échauffés et que les esprits se sont apaisés, les personnages se dessinent : Pierre-Arthur Raveau, découverte miamesque, donne une classe certaine à la fougue de Basilio, tandis que Kitri est tour à tour séduisante (mouvements un peu plus lents, qui donnent le temps à la sensualité de s'exhaler), piquante (les fameux équilibres de la miss, qui flirtent avec la musicalité et semblent toujours vous narguer) et espiègle (la Coppélia-attitude, avec les pieds flex et le buste désarticulé qu'elle se fait brinquebaler de son amoureux à son prétentieux prétendant).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Du reste de la distribution, on retiendra Laura Hecquet en danseuse de rue (entre ça et <em>Cappricio</em>, elle fait beaucoup <em>la</em> danseuse, en ce moment – il faut dire qu'avec le profil qu'elle a...), un peu raide au premier acte mais bien plus voluptueuse au troisième ; Héloïse Bourdon en reine des Dryades, qui suit l'exemple de Mathilde pour faciliter le travail des photographes avec un magnifique équilibre attitude (en prenant des chaussons moins bruyants ou en ne forçant pas les glissades vers l'écart, ce sera parfait), et le chef des gitans dont je ne connais pas le nom et dont je veux connaître l'identité et plus vite que ça ! Il supplante en sexytude le toréador qui, malheureusement pour moi, rayonne de gay-itude (ou d'application, je ne sais pas, après tout) jusqu'au premier balcon, alors que celui du Bolchoï m'avait laissée dans un état proche de la pâmoison.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Et c'est là que le bât blesse : lorsque <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/05/16/comme-au-feu-d-artifice.html" target="_blank">le souvenir des Russes ressurgit</a>. Certes, il ne s'agit que d'un filage et les danseurs sont probablement fatigués par les répétitions sans être galvanisés par une salle comble, mais les ensembles, parfaitement au point, manquent pourtant de mordant. Sans aller jusqu'à la fougue slave, on attend plus d'ardeur, de sémillant ; il faut non seulement y aller mais se laisser aller : ce ballet n'a d'intérêt que s'il est drôle et affriolant, que si le corps de ballet est aussi crâneur que les toréadors (pas en vert sapin de Noël, par pitié) et aussi aguicheur que Kitri. Je veux que l'on m'agace, que diable ! – comme le toréador agace le taureau. L'opéra s'est peut-être un peu trop appliqué à nous faire voir rouge en programmant <em>Don Quichotte</em> un an seulement après le passage du Bolchoï. À voir. </p>
mimylasouris
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AROP lyrique
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-11-17:2936203
2012-11-17T10:56:59+01:00
2012-11-17T10:56:59+01:00
Il est peut-être un peu étrange d'assister à la remise d'un prix lorsqu'on...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Il est peut-être un peu étrange d'assister à la remise d'un prix lorsqu'on n'a jamais entendu la chanteuse qui le reçoit, mais le récital qui suivait était une bonne occasion pour continuer ma découverte de l'opéra. Quand on laisse les chanteurs choisirent leur morceau, cela donne, sous des airs de parenté (vous me mettrez trois Mozart, trois Rossini, deux Massenet et deux Tchaïkovsky), un joli florilège.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Sans prompteur ni connaissance des opéras dont ils sont extraits, je me retrouve un peu dans la position du spectateur qui verrait la variation du premier acte de <em>Giselle</em> en gala pour la première fois et ne saurait pas que les ports de bras ponctuant chaque pirouette saluent respectueusement la cour (bras droit) et amoureusement Albrecht (bras gauche). Si vous ajoutez à cet hors-contexte une fâcheuse envie d'aller aux toilettes, vous obtenez un moyen infaillible de savoir si tel ou tel chanteur vous émeut. Certains m'ont fait totalement oublier que quelques minutes plus tôt, je comptais discrètement le nombre de sièges qui me séparaient du couloir...</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Andriy Gnatiuk</strong>, entré sur scène avec un air supérieur, m'a donné une furieuse envie de découvrir <em>Le Barbier de Séville</em> dès qu'il s'est mis à articuler avec des mines impayables (sourcil de hibou et regard perçant du petit rigolo qui joue de son apparence de premier de la classe) une sorte de rap d'opéra.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Tiago Matos </strong>qui, à cause de son choix, avait mon attention avant même d'ouvrir la bouche (et celle du petit rat, mais peut-être pas pour les mêmes raisons), m'a replongée dans <em>La Ville </em>laissée pour <em>morte</em> il y a deux-trois ans : <em>Mein Sehnen, mein Wähnen, es träumt sich zurück...</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em> </em>En se métamorphosant en Mimi, <strong>Andreea Soare</strong> a repris un air du seul autre opéra de la soirée auquel j'avais déjà assisté. Alors que cet extrait de <em>La Bohème</em> avec une voix toute ronde est accueilli par moult quintes de toux, Palpatine conclut : « C'était tellement bon qu'ils sont devenus tuberculeux. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Impressionnante aussi (quoique peut-être pas aussi émouvante) : Olga Seliverstova, à qui l'on a manifestement oublié de dire qu'il n'y avait personne à l'amphithéâtre et aucun orchestre à couvrir. L'accompagnement se fait en effet par quatre pianistes qui se relaient, en évitant autant que possible de mélanger les genres. D'ailleurs, on saluera les femmes d'un côté, les hommes de l'autre – la seule rencontre étant celle d'Onéguine et de Tatiana. Celle-ci est interprétée par la reine de la soirée, à savoir <strong>Ilona Krywicka</strong>, *évidemment* polonaise (Polish tends to be my new Czech). J'ai néanmoins préféré l'air de <em>La Vierge</em> par lequel elle a ouvert la soirée, où s'entendait davantage cette espèce de sensualité tout en rondeur...</p><p style="margin-bottom: 0cm;">N'oublions pas la pianiste Alissa Zoubritski, avec ses mains délicatement dansantes et la plus belle robe de la soirée (en voyant défiler toutes ces robes bustier en drapés souvent plus rideaux que grecs, j'ai pensé avec un pincement au cœur à toutes ces magnifiques robes de soirée Paule Ka, que l'on ne voit jamais...). Côté vestimentaire, c'est Palpatine qui assure le spectacle avec son haut de forme – très pratique pour se retrouver quand on n'a plus de portable ou quand on a besoin d'énoncer ses coordonnées géographiques : « Tu ne me vois pas ? Je suis à côté d'un monsieur avec un chapeau claque. » Palpatine de s'étrangler. Rien de tel qu'un délicieux jus de fraise pour faire glisser et finir la soirée en beauté et bonne compagnie – makis et rires compris. Seul regret : pourquoi n'y a-t-il pas pareil gala pour la remise des prix de la danse ?</p>
mimylasouris
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The Rake's Progress
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-11-04:2934121
2012-11-04T12:19:00+01:00
2012-11-04T12:19:00+01:00
Habituellement, l'héritage miracle d'un obscur oncle intervient sur la fin,...
<p>Habituellement, l'héritage miracle d'un obscur oncle intervient sur la fin, lorsque les amants ont été surpris ensemble au lit et qu'il faut trouver une condition au jeune homme désargenté pour pouvoir le marier. Dans <em>The Rake's Progress</em>, il survient dès le début alors que Tom et Anne profitent des mœurs de leur époque<span style="font-size: x-small;"><sup>*</sup></span> pour batifoler sans convoler, sous le toit même du futur beau-père. De Molière à Stravinski, la providence est devenue hasardeuse, ouvrant au danger plus qu'elle en écarte. L'homme venu annoncer au jeune homme fainéant que jamais il n'aura à travailler le précipite dans le désœuvrement.</p><p><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/library/" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/rakes-progress-py.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Sous prétexte de faire fructifier l'héritage, il l'entraîne à la ville. Pour quitter la chambre lumineuse où les rideaux volaient sous l'action des ventilateurs et laissaient entrer « des parfums et des sons d'allégresse » d'une nature printanière, Tom emprunte une petite échelle dont il descend un à un les degrés – la descente a commencé. Il laisse derrière lui cette chambre qui apparaît déjà comme un souvenir, encadré et inatteignable, et se laisse initier au plaisir – ou à ce qui est communément admis pour tel, Tom ne semblant pas en prendre outre mesure. Élève docile et désœuvré, il sombre peu à peu dans la débauche mais, ce qui est curieux, beaucoup moins par goût que par faiblesse. Au milieu des prostituées, il pense encore à Anne, l'aime et en souffre, sans pour autant songer à la retrouver.<br /> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/library/" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/the-rake-s-progress-de-strasvinsky-rehabilite-par-olivier-py-Lisse.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Nick Shadow fait de lui ce qu'il veut et lorsqu'il lui fait miroiter une invention miraculeuse qui change les pierres en pain, Tom s'illusionne davantage encore qu'il n'escroque les ouvriers. Cette machine d'alchimiste soi-disant chrétien, Olivier Py la figure sous forme d'une roue dont les rayons sont des néons : hypnotisé par ce qui brille facticement, Tom ne voit pas que la roue tourne et que sa chance est en train de le perdre.<br /> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/library/" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Photo_474.jpg" alt="Photobucket" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Déçu par la nature qu'il rend responsable de sa mécompréhension des plaisirs et de la nature humaine, il prend son contrepied sur le conseil vicié de Nick et décide de s'enticher de ce qu'elle a produit de plus laid. Baba, femme à barbe et bête de foire, lui apparaît comme le remède au plaisir, qui lui-même devait l'être à l'amour. C'est alors une débauche, non plus des sens, mais de grotesque et d'acrobaties. Jongleurs, musclors, nains, danseuses de revue emplumées grouillent sur scène et font alors ressortir le parti-pris d'Olivier Py de ne pas avoir représenté la débauche à demi-mot. Au-delà de la provocation qu'il y a à exhiber porte-jarretelles et nudité bandée à des spectateurs très convenables, le bordel qui se tient sur la scène du palais Garnier trouble autant les habitudes de l'amateur d'opéra que les sens de Tom. Le premier, distrait par ce qui s'agite sous ses yeux, peine à se concentrer et à écouter, tout comme le second a du mal à entendre la voix de la raison ou même celle, avec un <em>e</em>, de la nature.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/library/" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Rake3-JMLisse.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Esclave d'une liberté qu'il a voulue et qui, en l'absence de liens, ressemble davantage à une errance, Tom ne peut plus croire à sa bonne fortune. Les dettes se soldent par une vente aux enchères ; après les bêtes de foire, c'est tout un bestiaire de sculptures qui est exhibé devant un public curieux et contempteur : boa, autruche et un for-mi-dable pingouin (le mien est tout fier de se faire épousseter par procuration par une soubrette).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Froid. La descente aux enfers se finit sans feu ni flamme – à la rue. Corps exténué, Tom s'est perdu et avec lui, la raison. L'homme qu'Anne, sainte Anne, récupère n'est plus ni lui-même ni le même : elle peut lui pardonner mais lui ne peut pas se racheter. Elle veille sur ce vieux fou comme sur l'enfant qu'il lui a fait avant de la quitter, jusqu'à ce qu'elle comprenne que la Vénus qu'il aime n'est pas plus elle qu'il n'est Adonis : il n'a jamais eu le cœur de l'aimer autrement que comme un idéal regretté. La force lumineuse d'Anne (Anne Trulove) n'a pas réussi à sauver Tom de son ombre, Shadow méphistophélique – seulement à la préserver de son amour. L'épilogue rit jaune : sans dieu, pas de morale à l'histoire quand ses protagonistes en ont été dépourvus.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.beta.photobucket.com/user/mimylasouris/library/" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/the-rake-s-progress-de-strasvinsky-rehabilite-par-olivier-py.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Le vrai héros de l'histoire, c'est Nick, i.e. Gidon Saks, formidable voix <em>et</em> acteur.</span><br /> </p><p style="text-align: right;">Vu en compagnie de <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/10/25/le-non-retour-du-beau-fils-prodigue" target="_blank">Palpatine</a>.<br /> </p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote"><span style="font-size: x-small;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="#sdfootnote1anc"></a>* Seulement, oups, l'action est censée se dérouler au XVIII<sup>e</sup> siècle. Pourtant, je trouvais l'ambivalence du progrès (du débauché ou non) très ancrée dans le XX<sup>e</sup>... </span></p></div>
mimylasouris
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Soirée Balanchine
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-10-05:2928862
2012-10-05T14:51:00+02:00
2012-10-05T14:51:00+02:00
Jusqu'à présent, mon parti-pris d'improvisation fonctionne plutôt...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Jusqu'à présent, mon parti-pris d'improvisation fonctionne plutôt bien : après les invitations et le Pass, je récupère la place d'Elendae pour la soirée Balanchine. Perchée sur mon siège de bar installé en fond de loge, je vois beaucoup mieux que je ne l'aurais cru.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><em><br /></em></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>Sérénade</em></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le souvenir de ce ballet laissé par le NYCB lors de sa venue à Paris rend pleinement justice aux intentions du chorégraphe, qui s'est inspiré du ballet romantique (à l'origine, les costumes étaient bleu pâle) mais aussi de danses guerrières. Or, il ne reste plus grand chose de celles-ci dans les Willis éthérées de l'Opéra de Paris. Les formations savantes et inventives se plient et se déplient docilement, sans que l'on soupçonne la fougue qui doit ressusciter les mortes amoureuses. Seule <strong>Mathilde Froustey</strong> possède la dynamique nécessaire pour tirer le ballet de l'ennui vers lequel le tire une interprétation à la Émeraudes. Il ne s'agit pas de grand chose : un port de bras déployé plus lentement, avec un léger retard sur le corps de ballet, tandis que les jambes ont déjà amorcé un autre pas, donne l'impression que le mouvement s'enroule sur lui-même ; un saut attaqué un demi-temps plus tôt paraît incomparablement plus incisif, au point que je me demande si le final de <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/05/08/robbins-a-la-derobee.html" target="_blank"><em>The Concert</em></a> ne serait pas au moins autant une parodie de <em>Sérénade</em> que de <em>Giselle</em>. À cette musicalité évidente s'ajoute une compréhension fine de la dualité de ce ballet ; j'en vois la preuve dans ce temps de flèche conquérant, immédiatement suivi d'un cambré qui en dissipe l'agressivité – une agressivité évanescente, voilà tout.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Quant à Eleonora Abbagnato, c'est davantage le souvenir de sa présence solaire que son pas de deux qui me donne du plaisir à la retrouver – même si cela s'arrange lorsque les cheveux lâchés infléchissent le ballet vers davantage d'abandon. L'onirisme de <em>Sérénade</em> vient bien de ce que ce sont des Willis en chair et en os.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Srnade_Froustey-1.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Srnade_Froustey-1.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Mathilde Froustey par @IkAubert</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>Agon</em></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">T-shirt blanc et collants noirs pour les hommes aux pieds de Mickey Mouse ; justaucorps noir et collants blancs pour les femmes à la taille très marquée. Attitudes décalées et pieds flex, ces derniers s'agitent comme des notes de musique sur une partition – des croches, de toute évidence. Le flegme de <strong>Karl Paquette</strong> fait merveille dans les suites de pas très rythmées, tandis que <strong>Myriam Ould-Braham</strong> replendit plus sûrement que si elle avait une rivière de rubis sur la poitrine, grâce à l'écrin d'équilibres manipulés par ses partenaires. À l'assurance de la technique s'est ajoutée celle de l'étoile. Quant aux deux autres membres de la constellation, il faudra que j'apprenne à les apprécier, même si Mathieu Ganio m'agace de moins en moins et que Ludmila Pagliero a fait preuve d'une technique impressionnante qu'on ne peut lui enlever.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Agon_Ould-Braham.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Agon_Ould-Braham.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small; text-align: center;">Myriam Ould-Braham par @IkAubert</span> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em><br /></em></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>Le Fils prodigue</em></strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le désamour général pour ce ballet, comparé à <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/10/03/phedre-psyche-pffff.html" target="_blank"><em>Phèdre</em></a>, m'avait rendue méfiante, mais il n'a de commun avec la pièce de Lifar que l'inspiration mythologique des costumes – en aucun cas l'esthétique de la pose qui la rapprochait du théâtre. <em>Le Fils prodigue</em> me fait davantage penser au genre naïf du <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/11/06/le-petit-cheval-bossu.html" target="_blank"><em>Petit Cheval bossu</em></a> : compères avec jarres et trompette, père-patriarche à grande barbe, jeunes sœurs à voiles et fils en jupette, tous mi-russes mi-helléniques. Une fois le fils aventureux ayant sauté par-dessus la clôture, celle-ci est retournée et se transforme en table de taverne. Une chenille de bonshommes aux crânes chauves et aux pas martelés en grande seconde pliée l'alpague avec ses deux compères et l'attire dans les filets (des jambes) de la courtisane.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Avec sa coiffe entre mitre et couronne égyptienne, son nombril-croissant de lune, ses jambes-toiles d'araignées et sa cape rouge mi-royale mi-infamante qui couvre tantôt ses épaules tantôt son impudeur, enroulée comme un drap autour de ses cuisses, la courtisane est à la fois divine et prostituée. C'est éclatant lorsqu'<strong>Agnès Letestu</strong> se campe une jambe écartée, la pointe fichée dans le sol, et fait jaillir de sa coiffe une main aux doigts écartés – sensuelle et hiératique. Elle séduit évidemment le jeune homme qu'elle a tôt fait de dépouiller avec la complicité des bonshommes -bestioles qui traversent la scène dos à dos, comme si les androgynes de Platon avaient hérité des deux visages de Janus.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Détroussé et misérable, le jeune homme souffre le martyre, adossé à la clôture-table érigée comme la colonne de Saint Sébastien. Jusque-là bondissant, <strong>Emmanuel Thibault</strong> rampe et traine le calvaire de son personnage jusqu'au bercail, où il se hisse jusqu'au pardon de son père avec la maigre force qui lui reste dans les bras. Image finale : le fils prodigue dans les bras de son père, enveloppé d'un revers de cape de sa bienveillance miséricordieuse. </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Le_Fils_Prodigue_Thibault_Letestu.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Le_Fils_Prodigue_Thibault_Letestu.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Emmanuel Thibault et Agnès Letestu <span style="text-align: center;">par @IkAubert<br />[Agnès Letestu ne sait pas sourire, <br />mais les rôles impérieux lui conviennent fort bien.] </span></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><span style="text-align: center;"><br /></span></span></p><p style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><span style="text-align: center;">Avec de nombreuses miss balletomanes, dont j'attends le compte-rendu, et <a href="http://lalogedaymeric.over-blog.com/article-balanchine-second-round-much-better-110875653.html" target="_blank">Aymeric</a>.</span></span></p>
mimylasouris
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Capriccio, la foi en l'humour
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-10-01:2928003
2012-10-01T10:22:00+02:00
2012-10-01T10:22:00+02:00
Le premier Pass de l'année m'aura permis de voir Capriccio , de Strauss,...
<p>Le premier Pass de l'année m'aura permis de voir <em>Capriccio</em>, de Strauss, avec les surtitres, ce qui fait tout de même une sacrée différence pour un opéra à la dispute si subtile. <em>Ton oder Wort</em>, musique ou paroles, le compositeur et le poète défendent chacun la suprématie de leur art. Mais comme l'on ne saurait débattre sur scène de pures théories et comme le sens est inséparable d'une certaine sensualité, ce duel prend la forme d'une rivalité amoureuse : il s'agit de séduire la comtesse qui les invite, ainsi qu'un metteur en scène et une fameuse actrice, pour préparer son anniversaire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La déclaration du poète prend d'abord la forme d'un poème dramatique, récité par l'actrice et le frère de la comtesse, critique qui se rêve comédien, puis d'une déclamation-déclaration susurrée à l'oreille de la principale intéressée, ce qui lui fait quelque peu douter de la sincérité des sentiments exprimés, qui ne devraient pas supporter la publicité. Jamais deux sans trois, le poème est mis en musique par le compositeur et touche enfin la comtesse, qui ne sait cependant si elle doit en attribuer le mérite au poète, qui a fourni la base de l'œuvre, ou au compositeur qui a fait résonner les mots de manière à ce que la comtesse en entende l'intention.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le metteur en scène entend couper court à cette version musicale de la poule ou l'œuf, qui ne se pense qu'au niveau du <em>lied</em>, en attirant l'attention sur la dramaturgie. Mais à ses maquettes de décors et ses ingénieuses machineries, l'assistance oppose l'inconsistance des livrets qui lui permettent de faire apparaître des dieux <em>ex machina</em>, bergers, nymphes et créatures fantastiques à l'appui. Sa défense prend la forme d'un couple de chanteurs italiens qu'il invite à se produire – l'occasion d'un duo parodique hilarant où les solistes, peu soucieux de la mort de leur personnage, ne cherchent qu'à se faire valoir au détriment de leur partenaire. Décalage de ton et de sujet, on ne se reconnaît pas dans ces opéras italiens ; la toge romaine enfilée par-dessus les vêtements souligne la non-réfutation de la critique, tandis que le petit sac à main dont ne se départit pas la chanteuse fait de ce genre de représentation un spectacle typiquement bourgeois (même petit sac à main ridicule dans la parodie du grand pas de deux – c'est un accessoire efficace). Cela fait mouche et, bourgeois gentilhomme flatté, le public applaudit chaudement le duo alors même que la dispute chantée reprend avant l’acmé, comme pour les désamorcer. Moquez-vous de nous, pourvu que vous parliez de nous.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'opéra italien n'apparaît pas qu'à cette seule occasion : il est présent en filigrane dès le début, dans le débat entre la <em>parole</em> et la <em>musica</em>, posant au passage la question de savoir dans quelle langue l'opéra doit être chanté. Les citations sont nombreuses, de Rameau à Puccini et j'en manque sûrement encore la moitié. Maîtrise de la composition et sens de l'histoire et de l'humour vont de paire, la musique étant tour à tour orchestration de l'opéra et citation à l'intérieur de l'opéra ; les musiciens sortent alors de la fosse pour se retrouver sur scène, sextuor en répétition ou pianiste. La mise en abyme du livret et de la musique est renforcée par celle de la mise en scène, d'une intelligence délectable.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">La scène est dès le début identifiée comme telle : la comtesse, qui assiste aux répétitions, est en effet dans la salle, parmi les spectateurs. Lorsqu'elle monte sur scène pour rejoindre son salon, celui-ci redevient scène, à la marge duquel le critique, sa sœur et le metteur en scène n'hésitent pas à planter leurs chaises, tournant le dos au public pour mieux s'y substituer. Même lorsque sonne l'heure de prendre le chocolat et que le salon reprend ses droits sur la scène improvisée, le dédale des fauteuils est parcouru par une jeune danseuse, divertissement duquel les personnages cherchent à se détourner pour reprendre leur différend, alors même que cela aurait dû le suspendre. La surenchère cornélienne vire à la cacophonie : trop de dispute théorique tue l'opéra, il faut reprendre l'histoire – mais d'abord faire taire les argumentaires. On renvoie chacun chez soi, rideau. Sort alors de sa cachette un vieux souffleur, myope comme la taupe qui lui donne son nom, pour un intermède rideau baissé, qui me rappelle le lamento du jardinier, dans l'<em>Électre</em> de Giraudoux. Hors de l'histoire, hors des histoires que suscite la dispute théorique, on souffle un temps dans l'espace-temps ménagé par le souffleur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les invités et le souffleur partis, l'histoire peut reprendre sans abyme, mais le rideau se lève... sur un autre rideau de scène, à l'identique. Impossible de les distinguer, le monde est un théâtre, et la scène, très vivante. Le metteur en scène (Robert Carsen, pas le personnage) nous le souffle : le personnage ne s'avance plus avec sa personnification, mais la métaphore tient toujours. Hésitation prolongée de la comtesse entre le compositeur et le poète, entre le son et le sens... Prolongée, car une question extérieure à l'opéra (car faisant retour sur cet art) ne peut se résoudre à l'intérieur de l'opéra (et son histoire) sans le mettre en péril. Le choix est impossible pour la comtesse et impertinent pour le spectateur qui vient d'assister à la brillante démonstration de l'équilibre entre les deux : la question de la primauté de la <em>parole</em> ou de la <em>musica</em> ne peut être résolue, car elle ne vaut plus, bien que sa métaphore reste en place à travers les personnages qui l'ont posée.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Opra-national-de-Paris-E-Mahoudeau.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Opra-national-de-Paris-E-Mahoudeau.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">[Photo d'Éric Mahoudeau]</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">S'abymer dans la contemplation...</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><br /></span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Pour sortir de l'opposition entre thèse et antithèse, il faut sortir de l'opéra particulier qui l'a posée : les décors disparaissent, la scène redevient scène, avec ses coulisses et ses machinistes, la comtesse, Michaela Kaune à qui l'on apporte un verre d'eau, et le petit foyer, dont les décors étaient une réplique, retrouve sa place au fond de la scène, dans son enfilade. Cette déconstruction n'a rien de la destruction : c'est une apothéose. Les murs s'effacent en même temps que le dilemme de l'opéra et l'on sort de l'impasse sans avoir eu à choisir. Le dépassement de l'opéra (par l'opéra) est une révélation – que l'on ne comprend pas mais que l'on l'entend : la comtesse a beau énoncer ses doutes, la musique la contre-dit et nous annonce que la synthèse a déjà eu lieu. L'hésitation prolongée entre son et sens reste en suspension ; la comtesse, à la robe bleu nuit pailletée, semble flotter dans le ciel.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=capriccio_EricMahoudeau.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/capriccio_EricMahoudeau.jpg" alt="" width="80%" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small; text-align: center;">[Photo d'Éric Mahoudeau]</span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: x-small; text-align: center;"><br /></span></p><p style="margin-bottom: 0cm;">Ne reste plus à la fin que la danseuse, tout au fond, à la barre du petit foyer : ni les paroles ni la musique ne prévaut, ce qui vaut est le mouvement de l'un à l'autre, des paroles à la musique et de la musique aux paroles. On passe aussi du couple des notes et paroles à celui de la musique et de la danse, comme si, de la poésie à la musique et de l'opéra à la danse, il y avait toujours un art pour en englober un autre. Mais ça, c'est peut-être moi qui choisis de le voir...</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Pour prolonger le délice de l'hésitation :<br />le <a href="http://www.opera-guide.ch/opera.php?uilang=en&id=363#libretto" target="_blank">livret</a> de l'opéra, <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/09/24/un-dernier-Capriccio" target="_blank">Palpatine</a>, qui l'a vu avec moi une seconde fois, <a href="http://lalogedaymeric.over-blog.com/article-capriccio-a-garnier-en-dix-points-110717499.html" target="_blank">Aymeric</a>... </p>
mimylasouris
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Capriccio, en allemand dans le texte
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-09-09:2923744
2012-09-09T11:12:00+02:00
2012-09-09T11:12:00+02:00
Cette année, j'ai pris peu de places de spectacles, donc je saute sur les...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Cette année, j'ai pris peu de places de spectacles, donc je saute sur les occasions. La séance de travail de <em>Capriccio</em> en était une belle, surtout qu'elle ressemblait fort à un filage. J'aime l'ambiance du théâtre en pleine journée, avec ses lumières nocturnes, les tables de répétition installées sur les fauteuils – depuis un certain temps déjà, en témoignent lampes, ordinateurs et papiers posés dessus –, les allées et venues des machinistes – et de tout un tas de personnes dont on ne connaît pas bien le rôle, sinon qu'elles concourent à orchestrer les répétitions... et les loges que l'on ouvre l'une après l'autre rien que pour nous, où l'on peut étaler ses affaires et se coller contre les parois en velours rouge, faire la grimace dans le miroir et espionner le couloir en remettant en place la petite voilette du gros œil de bœuf. Mieux qu'une chambre, une loge à soi, où le spectateur se prépare, au même titre que l'artiste, qu'il baille, <em>gelangweilt</em>, ou ne tienne pas en place sur son siège, <em>voll Ungeduld</em> – le trac du spectateur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Je surprends des mots, comme des bribes de conversation, et je crois pouvoir suivre sans prompteur, mais le secret de l'opéra est bien gardé. Les chanteurs en T-shirt ou en abyme vocalisent naturellement leur dispute artistique et savante ; ils ne s'entendent pas mais se comprennent – tout le contraire de la souris ex-germanophone que je suis. C'est un dîner de grandes personnes où l'on commence à somnoler sur fond de sujets sérieux. Quand soudain, une annonce retentit : « Schokolade ! » Le dessert est servi, finie la sieste suite au bol de riz surmonté d'oignons, d'escalope de porc panée et d'omelette, le divertissement dansé à une seule danseuse constitue une excellente promenade digestive. Ragaillardie, j'écoute mieux, même si je n'y entends toujours rien – jusqu'à la fin, épiphanie énigmatique, où la chanteuse s'avance en robe de bal tandis que la salle recule jusqu'au petit foyer. L'opéra de Strauss s'est développé, la danseuse, dernière colonne, le retient un dernier instant à la barre avant que le rideau tombe et que le jour se fasse : il faut que je reçoive mon Pass jeune avant la fin des représentations. </p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">Mit <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/09/08/pre-rentree-operatique" target="_blank">Palpatine</a>.</p>
mimylasouris
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J'étais là...
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-07-11:2914006
2012-07-11T13:59:00+02:00
2012-07-11T13:59:00+02:00
La souris se fait abeille pour butiner quelques souvenirs avant qu'ils ne...
<p>La souris se fait abeille pour butiner quelques souvenirs avant qu'ils ne soient fânés. <br /><br /><strong></strong></p><p><strong>L'exposition Berenice Abbott au Jeu de Paume</strong></p><p><strong><br /></strong></p><p><strong></strong><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=seventh-avenue-looking-south-from-35th-street-dec-5-1935berenice-abbott-nypl.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/seventh-avenue-looking-south-from-35th-street-dec-5-1935berenice-abbott-nypl.jpg" alt="" width="346" height="444" border="0" /></a></p><p> </p><p>En revenant de l'exposition, je soupçonnais très fortement que la photographie encadrée offerte par Melendili et les autres l'année dernière fût de Berenice Abbott : la grande avenue new-yorkaise où les voitures et le soleil semblent couler entre les <em>buildings</em> a tout des perspectives monumentales de cette Atget de la grosse pomme. <em>Changing New-York</em> a beau avoir été commandé par l'administration américaine dans une visée documentaire, le projet fait émerger des lignes graphiques puissantes ; ce sont les bâtiments plus encore que les habitants qui animent la ville - vide et vivante à la fois. On découvre aussi des photographies scientifiques qui confinent à l'art abstrait.</p><p> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Abbott_19.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Abbott_19.jpg" alt="" width="202" height="242" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Celle-ci me fait penser au jeu du soltaire, lorsqu'on a terminé la partie et que les paquets de cartes rebondissent en cascade.</span><br /><br /></p><p>Mais dans l'ensemble, on reste un peu sur sa faim : les perspectives monumentales auraient mérité des tirages plus grands ; on reste en plan. J'ai presque été davantage fascinée par la sagesse qui émane du documentaire biographique diffusé à des spectateurs entassés et contorsionnés : loin d'être angoissée par le temps qu'elle pourrait chercher à rattrapper par la mémoire de la photographie, la vieille dame photographe sourit de son oeuvre ; elle semble avoir trouvé comment, elle sait vivre.<br /><br /></p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Flatiron-building.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Flatiron-building.jpg" alt="Photobucket" border="0" /></a></p><p> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Canyon-New-York.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Canyon-New-York.jpg" alt="Photobucket" width="321" height="403" border="0" /></a></p><p> </p><p> </p><p><strong><em>Roméo et Juliette</em> de Sasha Waltz</strong></p><p>Interdiction de dire quoi que ce soit de cette séance de travail sur internet. Comme si l'on ne savait pas faire la différence entre une répétition et une représentation rodée, entre des petites failles qui nous rendent les artistes plus humains, et l'éventuelle faillite d'un spectacle. Comme si cela ne leur faisait pas de la pub que l'on en parle. Pour la peine, je n'ai rien dit du spectacle ; maintenant que le ballet/opéra a disparu de l'affiche depuis belle lurette, je veux bien m'en souvenir.</p><p>Depuis le premier balcon, sans jumelles, je ne reconnais pas Roméo : vu ses lignes et son ballon, cela ne peut guère être, par déduction, que Mathieu Ganio, mais il ne m'agace pas un seul instant, donc cela ne peut pas être lui. Et pour cause : il s'agit d'Hervé Moreau. Je n'aurais pas pu le reconnaître pour la simple et bonne raison que c'est la première fois que je le vois danser. Soudain, je comprends mieux pourquoi on en a tellement parlé. Classe, vraiment. Et Aurélie Dupont, forcément.<br /><br /></p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Romeo_LaurentPhilippe-1.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Romeo_LaurentPhilippe-1.jpg" alt="" width="342" height="227" border="0" /></a><br /><span style="font-size: x-small;">Hop, que ça saute. </span><br /><span style="font-size: x-small;">Photo de Laurent Philippe, à retrouver dans le <a href="http://www.operadeparis.fr/actualites/diaporama-romeo-et-juliette" target="_blank">diaporama</a> de l'Opéra.<br /><br /></span></p><p>Devant l'abstraction de ce ballet en noir et blanc, j'oublie Roméo, j'oublie Juliette. Jusqu'à la scène du bal : le tableau des mini-tutus dorés qui se lèvent au rythme des petits coups de cul mutins s'est inscrit dans ma mémoire comme un coup de triangle au milieu d'une symphonie. Le repas aussi : alors que tous les convives sont alignés et se baffrent de mets qu'ils sont seuls à voir, Juliette transgresse les conventions (théâtrales comme sociales) et s'avance dans l'espace de la table pour faire face à Roméo. Etonnant comme l'abolition de ce meuble imaginaire est plus onirique que le rêve même.<br /><br /></p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Romeo_et_Juliette_BerndUhlig.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Romeo_et_Juliette_BerndUhlig.jpg" alt="Photobucket" width="367" height="244" border="0" /></a><br /><span style="font-size: x-small;">Photo de Bernard Uhlig</span></p><p>Puis l'histoire s'efface à nouveau. Un coulée d'encre sur la panneau quasi vertical de la scène en reprend l'écriture. C'est l'encre de la lettre, du sang et de larmes qui en découleront. Les assauts répétés de Roméo avec l'obstination du ressac contre les rochers sont extrêmement poignants, et plus encore ses chutes infinies, bonheur qui lui glisse des mains, espoir qui crisse et dégringole, dans le silence du vide à venir.<br /><br /></p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Romeo_LaurentPhilippe.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Romeo_LaurentPhilippe.jpg" alt="Photobucket" width="363" height="241" border="0" /></a><span style="font-size: x-small;"><br />Photo de Laurent Philippe</span></p><p>Enfin, cette image du couple dans un cercueil lumineux (des galets pour un lit de rivière comme lit de mort), qui éclipse dans la mémoire les derniers choeurs des familles. C'est une image que ma mémoire a incorporé après-coup, car un petit souci technique a ressuscité notre Juliette, qui s'est allongée à côté de la fosse : où Shakespeare rejoint les stoïciens, et la faillibilité, l'humour ; il faut s'entraîner à bien mourir.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Romeo_et_Juliette_BerndUhlig_couple.jpg" target="_blank"><br /><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/Romeo_et_Juliette_BerndUhlig_couple.jpg" alt="" width="363" height="242" border="0" /></a><span style="font-size: x-small;"><br />Photo de Bernard Uhlig</span></p>
mimylasouris
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Manon, de la vieille histoire ?
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-06-17:2907468
2012-06-17T23:48:09+02:00
2012-06-17T23:48:09+02:00
Le ballet de Kenneth MacMillan est la preuve la plus évidente du retard que...
<p>Le ballet de Kenneth MacMillan est la preuve la plus évidente du retard que j'ai accumulé dans mes chroniquettes. Cela serait gênant si j'essayais de soutenir que la position phare du ballet est l'attitude (ah ! ces tours attitude en dehors sur jambe pliée des gueux qui débarquent dans un tourbillon de loques) ou si j'entreprenais une comparaison avec <em>La Dame aux camélias</em> pour essayer de voir ce qui rend les portés plus fluides encore. Mais ce qui m'a frappée, et qui me frappe toujours deux mois après, c'est le renversement de la perspective. </p><p>Dans <em>L'Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut</em>, l'abbé Prévost rapporte le récit du premier : le cadre des mémoires, qui donne une caution morale aux aventures du chevalier, laisse rapidement la place au roman, et Des Grieux prend en charge la narration à la première personne. Ma lecture remonte à quelques années, mais dans mon souvenir, Manon est une fille charmante et impossible, frivole et joyeuse, une fille légère, une girouette qui sans cesse se tourne vers de nouveaux amants, attirée comme une pie par la richesse, mais à qui on ne saurait en vouloir, car on ne la voit qu'à travers le regard amoureux de son amant, à qui elle lui fait du mal sans penser à mal. On compatit avec ce pauvre hère qui s'est entiché de celle qu'il ne fallait pas, et qui n'y peut mais -- la passion dans tout ce qu'elle a de plus passif, qui invite aux folies et en fait subir les conséquences à ceux qu'elle entraîne ; la passion tout aussi délètère et enivrante que l'alcool, comme est là pour nous rappeler en contrepoint le frère de Manon. </p><p> Le ballet raconte la même histoire, et pourtant il dit tout autre chose. Il n'y a pas sur scène de point de vue autre que celui du spectateur : l'empathie va à l'interprète qui la suscite. Et Josua Hoffalt ne fait pas le poids face à Aurélie Dupont. Il se recroqueville sous la souffrance et elle rayonne. Si vous ajoutez à cela Aurélien Houette en Monsieur G. M., dont la perruque et les vêtements d'époque révèlent une puissance de séduction totalement insoupçonnée - de ma part, du moins - il devient évident que vous sentez, ressentez, riez et souffrez avec Manon.</p><p>Le deuxième acte est un joyau : elle s'impose comme une reine au milieu du bordel. Toutes les filles vantent leurs charmes et vous ne voyez qu'elle, rayonnante de présence et de bijoux, parfaitement dans son élément, de luxe et de volupté. Tout comme Aurélie Dupont, qui retient l'attention en retenant ses gestes, Monsieur G. M. est outrageusement <em>attirant</em> : il ne danse pas, bouge à peine, et attire à lui tous les regards que Manon n'a pas déjà absorbés. L'incroyable présence des deux danseurs se traduit en tension sensuelle, sexuelle, même, sans que le moindre geste ait été déplacé.</p><p>Après une telle intensité, on a du mal, tout étourdi que l'on est, à comprendre l'amour que Manon porte à Des Grieux, un amour dont on ne sait d'où il sort et dont on sait très bien où il va les mener -- à leur perte. Elle n'est plus sereine, se laisse emporter dans un tourbillon de portés enflammés, n'est plus maîtresse de la situation, seulement celle de Des Grieux. Avec ses riches amants, Manon est une reine ; avec Des Grieux, elle est elle-même, n'est plus qu'elle-même, une tautologie agitée par la passion. Leur amour ne rime à rien et n'existe que par la souffrance qu'ils s'infligent l'un l'autre : indifférence blessante, jalousie possessive, indifférence libératrice, jalousie récupératrice... à tel point que l'on se demande si Manon n'est pas allée chercher là sa perte, devançant celle de sa jeunesse et de sa beauté qui seules lui assurent sa liberté de courtisane. Le bracelet que le geôlier lui passe aux poignets à la fin, alors qu'elle s'est exilée avec Des Grieux en Amérique, révèlerait alors la nature de celui, en tout point semblable, que lui avait offert Monsieur G. M. : des menottes en diamants pour une demoiselle dans une prison dorée.</p><p>C'est une vérité étincelante, et pourtant, sous prétexte qu'elle concorde trop bien avec l'idéal chrétien de l'abbé Prévost, on ne veut pas l'admettre. Aurélie Dupont est trop entière pour qu'on n'en veuille pas à Des Grieux d'avoir arraché Manon à son univers, de ne pas lui avoir laissé les illusions qui lui restaient (et les nôtres par la même occasion). Manon meurt d'être devenue elle-même à l'écart de tout ce qui la définissait ; comme une fleur qu'il aurait cueillie, elle se fâne peu après lui avoir appartenu. </p><p>De ce gâchis ressort le drame : non pas celui d'un homme qui s'est laissé entraîner par une jolie écervelée, dont la mort serait une juste punition divine, mais celui de deux libertés incompatibles. Manon et Des Grieux ne sont pas Roméo et Juliette ; ce qui entrave leur amour n'est pas d'abord la société, même s'il s'y inscrit. C'est un désaccord plus profond, qui touche à la façon dont chacun entend sa liberté : pour Manon, elle est absence de lien et abondance de biens, libre circulation d'un homme à l'autre pour surtout ne manquer de rien ; pour Des Grieux, elle est autonomie, libre choix de liens qu'il tient cependant à nouer. L'amour, pour lui, c'est enfin s'autoriser à s'attacher, à nouer une relation de toute la force de son affection ; pour elle, à ne rien se promettre, à ne pas se faire de cadeau (qui signifient l'attente d'une contrepartie chez ses amants réguliers).</p><p>Cela peut surprendre, lorsque la tradition a établi la figure de l'homme volage et de la femme éplorée. Ici, c'est Des Grieux qui se fige dans une grande quatrième fendue suppliante, et Manon qui semble à tout instant prête à s'envoler vers d'autres horizons aux draps froissés. C'est d'ailleurs ce renversement qui lui prête un parfum envoûtant de liberté : c'est parce qu'elle se comporte comme un homme dans un monde où la femme n'a aucun droit qu'elle semble si libre... libre d'évoluer en maison close ou de se perdre dans la rédemption que ce monde lui impose. Mais ce renversement met surtout en lumière cette chose toute bête, tragique et banale : l'incompatibilité entre deux personnes qui s'aiment. Que ce soit l'homme ou la femme volage, l'homme ou la femme fidèle, il semblerait qu'on choisisse toujours celui ou celle qui nous fera des histoires (d'amour), qui nous tiendra vivants en nous faisant doucement souffrir. Que l'un renonce à lui-même et c'est la fin -- Manon meurt ; qu'aucun ne renonce, et chacun souffre, et aime -- équilibre nécessairement précaire.</p><p>Tout cela se condense en une scène de plus en plus nette dans mon souvenir à mesure que le reste s'efface : une traversée où Manon agite le bracelet de Monsieur G. M. sous le nez du chevalier, qu'elle fait reculer, un piqué après l'autre, repoussant à chaque pas l'épaule de celui qui se renfrogne. Elle le bouscule et il bat en brèche, ébranlé par son air badin autant que par le bracelet. Faisant mine de plaisanter, elle ravale sa souffrance au rang de bouderie. Le désaccord profond est refoulé, l'entente un instant sauvergardée, encore fragilisée. </p>
mimylasouris
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Gathering at my apartment
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-04-02:2860675
2012-04-02T16:54:00+02:00
2012-04-02T16:54:00+02:00
Mardi, chou blanc. Vendredi, chou blanc. Samedi, enfin, c'est ravioli,...
<p>Mardi, chou blanc. Vendredi, chou blanc. Samedi, enfin, c'est ravioli, j'obtiens in extremis un Pass. Grâce soit rendue à mon guichetier préféré, qui n'a pas trop encouragé les trois touristes en lice pour le plein tarif à espérer un troisième retour, et pendant qu'elles se concertaient pour savoir s'il fallait ou non se désolidariser, nous a lancé : "Les filles, c'est le moment de prier !" Exaucées, donc. Je sautille sur place, tandis que ma voisine de Pass ne se départit pas de sa beauté sereine.</p><p><strong><em><br /></em></strong></p><p><strong><em>Dances at a gathering</em>, un morceau de poésie en apesanteur</strong>. D'humeur béate, j'en ai plus profité encore que lorsque je l'avais vu dansé par le <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2008/10/24/prise-de-la-bastille-par-le-new-york-city-ballet.html" target="_blank">New York City Ballet</a>. Robbins a chorégraphié un paradoxe : <strong>des variations d'une rapidité incroyable qui virevoltent jusqu'à la plénitude et métamorphosent la vivacité en douceur</strong>.</p><p>Josua Hoffalt ouvre le bal, nouvelle étoile qu'on commence à distinguer dans le ciel ensoleillé de la pièce ; premiers éclats d'humour, élégamment émoussés. Le printemps arrive avec le sourire jonquille de Muriel Zusperreguy, accompagnée d'une jeune pousse, Pierre-Arthur Raveau. Petite feinte à gauche, je bourgeonne à droite... ce jeu a la fraîcheur d'une femme qui ne fait pas l'enfant. Et voilà le moment venu de voir la vie en Aurélie Dupont, cueillie par un Karl Paquette violettement sexy. Ah, ces sauts tranquilles... il danse grand, comme d'autres voient grand. Forcément, les équilibres de sa partenaire font merveille et renforcent encore cette impression d'apesanteur - tout comme les portés, peu ou prou renversants, poupe ou proue renversées. Là-dedans, Agnès Letestu intervient comme une grande herbe folle, la tête recourbée par le vent. Eve Grinsztajn, impeccable, implacable, serait une digitale. Un peu sévère, un peu austère, illuminée par ses cheveux rouges, je ne l'ai pas reconnue de suite, <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/07/04/on-ira-tous-au-paradis.html" target="_blank">Garance</a>. Encore un peu de bleu (Mélanie Hurel et Christophe Duquenne) et de brique (Alessio Carbone), et la <em>garden party</em> peut commencer, avec ses couples sans cesse recomposés. Final tranquille comme une sieste digestive : les bras de toutes les couleurs font éclore les couronnes et retomber cette valse de pétales éparpillés.</p><p> </p><p><em><strong>Appartement</strong></em><strong> transforme la grande maison en une coloc' de Shadoks</strong>. Salle de bain, salon, cuisine... le tour de propriétaire nous montre que, chez Ek, toutes les pièces sont allumées. Vincent Chaillet, dans un costume pyjama à boutons-pustules, affalé sur un fauteuil en pilou pilou et éclaboussé de lumière cathodique, lorgne vers la télé d'une manière qui n'a rien à envier à <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/La_Linea_%28TV_series%29" target="_blank">La Linea</a> ou aux triplettes de Belleville. Encore plus réjouissant que la toilette au bidet de Marie-Agnès Gillot, mais moins barré que le pas de deux enfumé plus qu'enflammé de Clairemarie Osta et Jérémie Bélingard, au terme duquel ce ne sont pas les carottes mais le bébé qui est cuit : manière radicale pour le couple d'accoucher de ses petites guerres intestines. J'ai ri, interloquée de retrouver une de ces petites horreures mitonnées par mon inconscient censuré (car, oui, j'ai déjà rêvé accoucher au-dessus de la porte ouverte d'un four, mais paradoxalement, c'était moins cauchermardesque qu'un autre rêve d'accouchement "normal" - d'où vous pouvez mesurer la force de mon désir de<em> ne pas</em> avoir d'enfant).</p><p>D'une pièce à l'autre, le couloir est toujours plein de gens gueulant. Tandis qu'Audric Bezard, en veste turquoise, pommettes effilées, cheveux décoiffés et mâchoire démantibulée par les cris, parle à mes hormones de balletomane primitive, Jérémie Bélingard a une version plus moyenâgeuse de l'homme des cavernes, avec son pantalon marron boudiné de rayures horizontales et des yeux exorbités. Excellent ! Le prince ne me fait ni chaud ni froid, mais le gueux bouffon me plaît infiniment plus. Au milieu de cette mauvaise troupe, meilleure qu'une bonne blague, il y a aussi Nicolas Leriche, toujours viril dans une côte de maille allégée jusqu'au tulle transparent et teinte en rose fuschia. Dans son duo avec Alice Renavand, l'émotion est à fleur d'humour. J'adore le moment où, recroquevillée sur le dos, elle le bloque avec ses pieds et où il lui débarbouille la figure à coup de caresses (<a href="http://syltren.blogspot.fr/2012/04/dances-at-gathering-appartement.html" target="_blank">cf. la dernière photo</a>). Et celui où il vient nicher sa tête sous ses côtes (juste déposée, là où, dans <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/03/29/le-parc-d-angelin-preljocaj.html" target="_blank"><em>Le Parc</em></a>, Aurélie se laissait tomber contre Manuel comme un coup de bélier) et où, à peine touchée, le bonheur ruisselle comme un pommeau de douche sur sa tête renversée.</p><p><em>Appartement</em>, c'est aussi la pièce après laquelle vous ne regarderez plus jamais votre aspirateur comme avant. Parce qu'on peut danser la gigue irlandaise avec un aspirateur-polochon. Et invectiver comme des harengères le groupe de rock en fond de scène parce qu'il déménage*. Définitivement à part. <br /><br /></p><p><span style="font-size: x-small;">* Au final, c'est Laure Muret qui part, avec quelques larmes et un énorme bouquet. Elle fait tellement jeunette que j'ai cru qu'il s'agissait de son anniversaire et non de son départ à la retraite.</span></p>
mimylasouris
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Orphée et hors de prix
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-02-11:2584629
2012-02-11T17:29:00+01:00
2012-02-11T17:29:00+01:00
Pour une critique des prix, lire le premier paragraphe. Pour une critique...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Pour une critique des prix, lire le premier paragraphe.<br />Pour une critique des danseurs, lire le deuxième paragraphe.<br />Pour une critique du spectacle, lire les trois derniers paragraphes.<br />Mes élucubrations sont au milieu.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">L'<em>Orphée et Eurydice</em> qui passe en ce moment à Garnier est signé à la fois par Gluck et Pina Bausch. Deux signatures prestigieuses, c'est deux fois plus de garanties monnayables. Dans sa grande mansuétude, l'Opéra n'additionne pas tout à fait le prix d'une place d'opéra et d'une place de ballet (l'opéra se veut démocratique, voyons) ; ça ne va pas plus haut que 180 €. Remarquez, tant qu'il y a des Japonais et des Russes pour acheter (aucun Pass mercredi soir), ils auraient tort de s'en priver. Surtout qu'avec seulement trois chanteuses solistes en plus du chœur et des décors sobres, on doit être loin des frais faramineux de certaines productions d'opéra – même avec le corps de ballet sur scène. J'espère au moins qu'ils douillent sévère en droits d'auteur. Je râle, je râle mais les pigeons que nous sommes, Palpatine et moi, sommes allés nous percher au troisième rang de la loge coincée entre le poulailler et les stalles. 25 € en lieu et place des 12 habituels mais au moins, on voit tout la scène. C'est-à-dire si l'on se tient debout pendant deux heures. Sans bouger, parce que le parquet craque au moindre transfert de poids. Outre la séance de gainage gratuite, cette place offrait tout de même deux avantages.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">D'abord, c'est un test infaillible pour savoir si un danseur passe la rampe parce qu'il faut passer la rampe et grimper quatre étages. Alice Renavand passe jusqu'aux quatrièmes loges. Surtout dans son dernier solo en robe rouge où ses grands ronds de jambes éclatent et en jettent jusque-là. </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=orpheeteurydiceclaurentphilippe.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/th_orpheeteurydiceclaurentphilippe.jpg" alt="Photobucket" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: xx-small;">© Laurent Philippe</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><br />Vous me direz, Alice Renavand, on le savait déjà. En revanche, je peux vous dire que Charlotte Ranson n'est pas jolie. A cette distance-là, sans jumelles, un joli minois ne sauve plus rien et elle n'en a absolument pas besoin pour être un Amour. Virevoltant, qui joue du coude, mutin. La robe claire dans la maison endeuillé de Bernarda ne faisait pas tout, elle n'a pas besoin de contraste pour être lumineuse. Jusqu'aux quatrièmes loges. Forcément, Audric Bezard, en tablier de boucher-Cerbère, me tape dans l'œil sans que je puisse savoir si sa carrure et mes hormones sont seules en cause. Le test est plus sûr mais moins favorable à Nicolas Paul, qui s'en sort avec une mention passable. A relativiser peut-être à cause du second « avantage » de ma place.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Si j'ai tendance à regarder de haut un ballet lorsque je suis installée à l'amphithéâtre, ce n'est peut-être pas en effet parce que je suis haut mais parce que je suis mal. Mon professeur de danse avait dit cette chose curieuse, qu'on l'on pouvait avoir des courbatures le lendemain d'un très bon spectacle. Il ne s'agit pas d'avoir été mal assis (à ce compte, tous les spectacles seraient bons vus de l'amphithéâtre) mais d'avoir assisté à une pièce dont l'intensité était telle que le spectateur est entré musculairement en empathie avec les danseurs. C'est moins absurde qu'il y paraît si, comme moi, vous vous surprenez parfois à faire sur votre siège de micro-mouvements violents et involontaires. Cela m'explique en tous cas pourquoi je reste de marbre quand je suis obligée de me statufier dans une position inconfortable (ah, les pieds qui ne touchent par terre que sur demi-pointe à l'amphi...) : contractés pour tenir la position, mes muscles tétanisés sont incapables de se contracter en écho aux mouvements des danseurs. Il faut être détendu pour que cette télépathie musculaire fonctionne.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">A partir du moment où j'en ai eu l'intuition, j'ai essayé d'y remédier en contractant sciemment tel ou tel muscle, de manière à mimer les évolutions du soliste. Même en ne faisant que de très légers mouvements (laissez-moi fantasmer et croire que j'ai réussi à faire appel à mes muscles profonds), l'exercice est périlleux et implique d'avoir de préférence un parquet et un voisin qui ne craquent pas. Je remercie donc Palpatine – de m'avoir supportée, peut-être, mais surtout de n'avoir cessé de tournicoter son buste avec la régularité irritante d'un métronome : c'est d'abord pour cesser de percevoir ses mouvements toujours identiques et donc rarement en phase avec ce qui se jouait que je me suis décidée à bouger. Si cela a marché ? Je crois bien, la dernière partie m'a davantage touchée (à moins que ce ne soit le soulagement anticipé de n'avoir plus qu'une demie-heure à tenir debout ; je ne savais pas encore à l'entracte qu'un cocktail pour jeunes Aropeux m'achèverait sans rémission).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Tout de même... du premier acte, je garderai le souvenir du corps de ballet féminin endeuillé, magnifiquement vivant sous des robes noires transparentes (les bandes noires qui cachaient ou soulignaient les seins selon les modèles ont mis Palpatine en émoi, forcément, mais la danse ainsi incarnée était déjà émouvante en elle-même). Et la figure hiératique, pâle comme la mort et lumineuse comme une promesse de vie, de la mariée défunte qui trônait cependant aux Enfers.<br /> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=OrpheMaartenVandenAbeele.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/th_OrpheMaartenVandenAbeele.jpg" alt="Photobucket" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size: xx-small;">© Maarten Vanden Abeele</span><br /> [Seconde déséquilibrée, ouverte d'un côté sur demi-pointe, refermée par le cambré : désir brisé]<br /> </p><p>Du deuxième acte et de ses figures emmêlées aux fils des Parques (fils d'Ariane ?), j'oublierai l'espèce de miche de pain (et si c'était <em>la creuse écaille de sa lyre</em> ?) pour ne garder que les tours avec une main devant le visage – souffrance de l'interdiction de voir, déjà.<br /> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=Ballet-Opera-national-Paris-Pina-Bausch-Orphee-et-Eurydice-Palais-Garnier.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/th_Ballet-Opera-national-Paris-Pina-Bausch-Orphee-et-Eurydice-Palais-Garnier.jpg" alt="Photobucket" border="0" /></a></p><p style="text-align: center;">[Bras de haut en bas, main flex : c'est ainsi qu'est ensevelie Eurydice.]<br /> </p><p>Troisième acte, le chœur des <em>umbras</em>, ces âmes-ombres roses qui tourbillonnent comme de légères fumées, ne cesse de répéter une phrase qui résume le mythe à elle seule : elles descendent le buste (Orphée aux Enfers), embrassent une présence devant elles (étreindre Eurydice), l'attirent à elles, en imprègnent le parfum à leur nuque, et ramènent une simple bouffée d'air inconsistant, les coudes devant leur visage, dans une caresse qui se termine en geste de prostration (désolation d'avoir perdu Eurydice). Ce même geste du coude, qui était une divine coquetterie chez Amour... Traduire des gestes en mots est à peu près aussi élégant que de traduire Ovide en cours de latin, mais on espère que l'original n'en est que mieux rappelé. Surtout que des mots, il y en a déjà, que j'attrape à la volée... <em>suchen... fühlen... Blick... nicht sehen...</em> et que j'aurais aimé voir traduits sur le prompteur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le troisième acte pourrait n'être qu'une grande diagonale – du vide où Orphée et Eurydice tentent de s'éviter du regard. Mais le mythe veut que, lorsque enfin ils s'étreignent, elle s'éteigne. La chanteuse qui donne sa voix à Orphée dépose le corps d'Eurydice au-dessus de celui de sa chanteuse, en croix. Pina Bausch a tiré tout le parti du doublage : danseurs et chanteuses sont corps et voix, corps et âmes. Le corps d'Orphée peut ainsi rester prostré en fond de scène tandis que sa voix, propre à faire entendre sa peine, étreint le corps absent d'Eurydice, lequel écrase sa voix à jamais tue. On s'étonne après que les spectateurs entrent dans une bacchanale d'applaudissements et achèvent Orphée à mains nues, rougies d'avoir bien frappé. </p>
mimylasouris
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Napoli, ses pâtes, son poisson
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2012-01-11:2519886
2012-01-11T17:33:49+01:00
2012-01-11T17:33:49+01:00
Napoli , c'est un peu le tube du ballet royal du Danemark et j'étais...
<p><em>Napoli</em>, c'est un peu le tube du ballet royal du Danemark et j'étais curieuse de voir sur scène à quoi ressemblait le style Bournonville. Je n'ai pas été déçue... du voyage. L'Italie par les Nordiques a tout de la douche froide. Et ce n'est même pas un problème d'overdose folklorique puisque le ballet a été "modernisé" et transposé dans les années cinquante -- invention d'une autre tradition qui, en remplaçant le vieillot par le rétro, nous donne au moins de belles jupes à taille haute.</p><p>Le premier acte est un tableau qui nous transporte sur une place ensoleillée, bordée d'une part par une ruelle étroite, de l'autre par une <em>trattoria</em>, ouverte au fond sur la mer. S'y agitent marins, pêcheurs, jeunes filles, prostituées et divers notables qui ne le sont que bien peu. <strong>Une demie-heure de pantomime transforme le tableau en croûte</strong>, les sempiternels gestes outrés tels des petits pâtés de peinture. On n'y danse que bien peu et l'on s'estime heureux quand les pêcheurs se déplacent d'un temps levé en bancs de poissons. Conserver la chorégraphie originale n'a pas dû causer trop de peine... Le vocabulaire chorégraphique, limité, pourrait être, avec un peu de mauvaise foi que j'applique d'habitude volontiers à Cunningham, résumé à quelques pas : sissone, assemblé, balloté et attitude (une drôle d'attitude, un peu plongée, à la russe pour l'allongement de la jambe mais à la française pour la hauteur, qui donne une impression d'attitude au rabais). A la fin d'un morceau, silence dans la fosse, aucun applaudissement : le premier pas de deux, à peine identifié comme tel, se prend <strong>un vent magistral</strong>. Nous fait ensuite son numéro, (digne descandant de la femme à barbe dans les foires ?) un travesti caricatural qui n'est ni drôle ni émouvant. Un spectateur du poulailler en dégringole de sa chaise et le <strong>fou rire</strong> nous prend, <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2012/01/08/petites-sirenes-sur-zeros-pointes" target="_blank">Palpatine</a> et moi. Les <strong>spaghettis en plastique</strong> que j'aperçois aux jumelles et qui tressautent gaiement sous les coups de fourchettes de figurants enthousiastes ne sont pas pour me calmer. Ni l'image du prince d'une charmante niaiserie dans <em>Il était une fois</em>, qui s'est superposée au visage d'un danseur qui j'ai cru reconnaître d'un stage à Lyon... </p><p>Au deuxième acte, enfin, on se jette à l'eau : l'héroïne se noie en mer et les naïades lancent le bal. L'épisode de la grotte bleue, remanié dans les grandes profondeurs, est un acte blanc en technicolor. Les costumes bleu et vert pailletés ont un côté Petite Sirène de Disney incongru mais plutôt réussi. La musique, une commande, me plaît beaucoup avec tous ses glouglous un peu mystérieux. En revanche, la projection sur la toile de fond, digne de Windows media player, était totalement dispensable. Heureusement, on ne s'y arrête pas parce que, ô miracle, ça danse. Pas de grande technique pour le corps de ballet, certes, mais des formations efficaces et des déplacements très bien pensés ; un bras soulevé puis l'autre, ça ondoie. <strong>Mais surtout, surtout, il a le poisson. Andrew Bowman </strong>est aussi fascinant qu'un poisson à l'oeil vitreux est normalement dénué d'intérêt. Il a <strong>une façon de se mouvoir électrisante</strong>. Buste, tête, bras, tout le haut du corps est engagé dans des ondulations sans que l'on puisse déterminer d'où part le mouvement ni identifier les muscles et les articulations impliquées. Il roule des épaules comme d'autres roulent des mécaniques et il devient évident qu'un cygne du lac a fauté avec un serpent. Il tente d'ailleurs de séduire l'héroïne mais, comme elle ne s'abandonne que pour autant qu'elle est à la limite de s'évanouir, il la plie à son désir, main sur la nuque, lui fait ployer le dos. La voilà ravie, les bras au-dessus de la tête comme un belle lascive au réveil, une main au poignet délicatement cassé, l'autre qui s'en saisit et de son fer arrête toute comparaison avec un cygne.</p><p>Malheureusement, son cher et tendre vient la sauver -- retour de la discontinuité, suite et fin de l'histoire, en l'occurrence un mariage, le meilleur garrot qu'on ait inventé pour clore une histoire avant que ce soit le début de la fin. On ne l'attendait plus : Bournonville est à la noce. Cela sautille joyeusement (mais précisément) et les pieds tricotent cependant que les bras se tiennent sagement en première Bournonville. Quand on y ajoute les changements de direction incessants qui contraignent le corps à s'opposer à l'élan initial, on obtient dans la grande batterie des danseurs qui sautent comme des <strong>bouchons de champagne</strong>. La petite batterie, quant à elle, les ballote tels des flotteurs ivres. J'ai tout particulièrement aimé le fringant danseur à la ceinture orange (n'y voyez aucune coïncidence, pour sûr) qui vous enlève ça comme si de rien n'était. Ce n'est en revanche pas le cas de notre héroïne de la soirée qui ne parvient plus à masquer sa mollesse. Alors que ses compagnes rivalisent de pétillant et de nervosité, elle fait preuve d'une vivacité d'anémique, à croire que la distribution a été faite en se disant : <em>Bon, on va à Paris, attention... quelle est la plus jolie des maigrichones que nous avons sous la main ?</em> En la mettant au régime steak haché et gâteaux sucrés, on pourrait obtenir d'elle une danse un peu plus <em>punchy</em>.</p><p><strong>Pour ce qui est du ballet, je propose de le mettre en pièces et de faire de la vente au détail : on met le premier acte à la corbeille, on fait du deuxième un ballet abstrait vraiment moderne en le débrassant de ses scories narratives et on garde le troisième pour ce qu'il est : un divertissement</strong> (les costumes folkloriques, pantalons noirs, larges ceintures colorées et chaussons peints en biseau ont d'ailleurs été conservés dans la plus pure tradition de l'anachronisme établie depuis le début du spectacle<em></em>). Ou jetez tout à la mer, le poisson seul s'en sortira. Qu'il sauve quand même la pélerine au passage, si jamais cette fille avait une danse comparable à son charisme et à sa beauté... mais pour le savoir, encore aurait-il fallu la faire danser.</p><p>Le ballet du Danemark, compagnie invitée ? J'en suis fort aise. Eh bien ! dansez maintenant.</p>
mimylasouris
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Onéguine
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-12-18:2486693
2011-12-18T17:28:15+01:00
2011-12-18T17:28:15+01:00
-- Et vous allez où ? -- A Garnier. Heureusement, l'opéra a une légitimité...
<p>-- Et vous allez où ?<br />-- A Garnier.</p><p>Heureusement, l'opéra a une légitimité qui m'a acquis a priori la clémence du professeur auprès duquel j'ai écourté ma présence. Après quelques fausses peurs dues aux facéties de la ligne 13 (c'est dingue le nombre d'émules que fait Anna Karénine en cette période de fête), la souris prend place au poulailler. Les bancs de l'amphithéâtre sont si inconfortables que pour éviter de se prendre la barre (et les genoux de la voisine) dans le dos, il faut se cambrer comme une duchesse qui aurait oublié son faux-cul. On prend même sa snobinardise, puisqu'il est impossible, là on l'on est, de ne pas prendre les personnages de haut. De fait tout le drame de la première et deuxième partie me semble un peu rapide, un peu puéril ; et si Onéguine ne tuait pas Lenski, on dirait simplement qu'il faut que jeunesse se passe : qu'Olga en profite, Tatiana s'en remettra. </p><p>On prend plaisir à voir Myriam Ould-Braham charmante à être ainsi charmée par Lenski, en l'occurrence, Josua Hoffalt, que l'on voit décidément pas mal en ce moment, sans songer à s'en plaindre. Mais c'est McKie qui suscitait la curiosité. J'imagine très bien Pink Lady baver sur ses réceptions de sauts ou ses grandes arabesques. Le danseur issu de la John Cranko School (et de la Kirov Academy of Ballet, tant qu'à faire), sans être spécialement fougueux, a cette prestance qui en fait un "danseur noble" et un excellent partenaire pour Aurélie Dupont, laquelle, en véritable actrice, subjugue par sa retenue (là où une comédienne serait en surjeu). Il est d'ailleurs très curieux de la voir aux côtés de Myriam Ould-Braham : étonnant comme deux danseuses que j'apprécie autant peuvent être si différentes ; le jour et la nuit, et pourtant aussi éclatantes. A faire l'enfant, Myriam paraît paradoxalement moins naïve qu'Aurélie, censée être l'aînée. Celle-là est d'une légèreté et d'une vivacité dont je ne me lasse pas, celle-ci, plus ancrée dans le sol, paraît la jeunesse même à force de maturité.</p><p>C'est au troisième acte que cette maturité trouve pleinement à s'exprimer. La jeune femme a laissé place à l'adulte, la bourgeoisie, à la noblesse et partant, le drame à la tragédie. Tatiana aime toujours Onéguine mais elle aime aussi son mari, un vieux général pour qui il n'est pas possible d'éprouver la même passion mais qui campe un personnage digne, aimant et aimable. Le pas de deux final lors duquel elle repousse son désir pour Onéguine me rappelle <em>La Dame aux camélias</em> (une affaire de John -- ou de mise en scène, semblable avec le divan et la psyché-porte). Je ne sais pas si c'est ce parrallèle ou le fait d'avoir suivi toute la scène aux jumelles, mais les personnages m'ont été incroyablement plus proches que lors des deux premiers actes que j'étais loin de trouver poignants. Tandis que ce pas de deux final...</p><p>Les pas de deux sont d'ailleurs le point fort de la chorégraphie de Cranko, qu'il s'agisse de la promenade en arbesque plongée d'Olga qui regarde Lenski par-dessus son épaules, des demoiselles qui voltigent au bras de ces messieurs dans de gigantesques assemblés (bonjour les abdos) ou de l'altercation acrobatique et plus encore passionnée d'Onéguine et Tatiana. Autre pas remarquable, les courrus sur pointe en sixième, légers pour Olga, toute primesautière, mécaniques pour Tatiana lorsqu'elle est rejetée par Onéguine au premier acte et s'éloigne à reculons comme une somnanbule (ce sont d'ailleurs les mêmes pas que l'on retrouve dans la chorégraphie de Roland Petit -- un jour, il faudra que je m'amuse à retracer les différentes significations attachées à un même pas).</p><p>Le ballet ne m'a pas bouleversifiée comme je l'aurais cru mais j'ai passé une bonne soirée. Les entractes n'y sont pas totalement étrangers, passés sur le canapé en velours vert d'eau du salon privé à regarder le plafond de la galerie se refléter dans le ciel de la rue Auber ou devant le sapin gigantesque qui me fait retrouver les proportions de quand j'étais petite. Lumières rouges, odeur verte. Reflets sur le cadran de l'horloge, il n'est pas encore minuit. </p>
mimylasouris
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À la source
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-11-12:2431679
2011-11-12T00:16:07+01:00
2011-11-12T00:16:07+01:00
[photos non-inédites à venir] Avoir un Pass pour La Source s'est révélé...
<p style="margin-bottom: 0cm;">[photos non-inédites à venir]</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Avoir un Pass pour <em>La Source</em> s'est révélé une véritable aventure. Première tentative : chou blanc. Deuxième tentative : brownie et chou blanc. Jamais deux sans trois : flan coco et chou blanc. La quatrième sera la bonne : un seul Pass, je suis la première – assez jouissif quand il y a eu neuf Pass la fois précédente et que j'étais dixième. Je manque de renverser au passage B#4 qui, soit dit en passant, plane beaucoup moins en société depuis qu'elle prend des leçons de pilotage. C'est donc toute guillerette que je vais rejoindre ma place 42, fort appréciée par <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2011/11/11/3M-hmmm">Palpatine</a> en sa qualité de geek.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Contre toute attente – ou grâce à l'attente précisément (Dan Ariely vous expliquerait mieux que moi la tendance qu'on a naturellement à surévaluer ce dans quoi on a investit, ne serait-ce que de l'espoir) – j'ai vraiment apprécié. Bart ne révolutionnera pas l'histoire de la chorégraphie mais il produit une belle pièce de ballet classique, cohérente dans son propos et, ce qui est bienvenue après le début de saison que l'on sait, de bon goût. Tout le mérite n'en revient pas exclusivement à <strong>Lacroix</strong>, aussi bien <em>pensés</em> ses costumes soient-ils : les voiles des odalisques tombent lourdement sur les hanches qu'on n'a pas l'habitude de voir ainsi étoffées mais qui dégagent ainsi une sensualité racée (Noureev lui-même avait fait alourdir les tutus aux hanches), et la robe de Nouredda, avec ses arabesques argentées à la Gamzatti, suggère immédiatement un certain rôle social, tandis que le petit voile de la nymphe, accroché au niveau de l'omoplate, rappelle discrètement la sylphide. Toutes ces références au répertoire, visibles dans les costumes aussi bien que dans la chorégraphie, n'écrasent pas pour autant le ballet. Il ne s'agit pas d'un mix savamment orchestré par <strong>Bart</strong> mais d'un ballet de la tradition classique, qu'on dirait du répertoire s'il n'était pas quelque peu étrange de ranger dans l'héritage une création qui n'est pas encore passée à l'épreuve du temps – car il ne faut pas s'y tromper : si l'argument n'est pas neuf, la chorégraphie, elle, l'est indéniablement (tout comme la paternité de <em>La Fille du pharaon</em> revient à Pierre Lacotte). Pas de citation, donc, mais un univers commun peuplé d'êtres surnaturels (un peu de ballet blanc), de nations exotiques et barbares (quart d'heure oriental et folklorique), de princes ou assimilés, régi par des règles immuables (les amours y sont toujours contrariées – pas de trois), tout juste aménagées (tiens, tiens, un petit groupe et trois petits tours pour que mademoiselle se détende les jambes après l'adage ou que monsieur reprenne son souffle avant la coda).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Costumes et création, voilà pour ce qui a rendu l'obtention de place de dernière minute si difficile. Venons-en à l'histoire ou plus exactement à l'histoire que je me suis faite car, pour la première fois depuis Giselle (mon premier ballet, ça remonte), je suis allée voir un ballet sans filet, c'est-à-dire sans en connaître, même vaguement, le livret. La principale difficulté ne consiste pas à suivre l'action mais à savoir de qui l'on parle à l'entracte ; je peux donc l'affirmer : avec un peu d'imagination, il est possible de comprendre une histoire dansée. L'intrigue mérite à nouveau son nom et je me surprends à prendre des paris sur les issues possibles (i.e. à composer et recomposer des paires de danseurs mais, rien à faire, ils sont en nombre impair et, à moins d'intégrer une fille dans le couple à géométrie variable qu'est le harem, il y en a une qui va rester sur le carreau).</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-decoration: underline;">Le premier acte</span> fonctionne comme une grande exposition. Des stalactites de cordes (je croyais que ça portait la poisse au théâtre ?) plantent le décor et font métaphoriquement jaillir la source. Laquelle source a un esprit, Naïla, qui trouve un très beau corps en la personne de Myriam Ould-Braham. Ses nymphes sont charmantes et ses flots facétieux, bondissants.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">De leur côté, les mortels, paysans et guerriers, se rassemblent autour de Neroudda (je n'ai pas reconnu Muriel Zusperreguy, plus froide que d'habitude dans ce rôle, il est vrai pour elle inhabituel, de princesse), choisie par le chef des guerriers pour devenir la nouvelle favorite du sultan ou assimilé (je n'ai même pas pu récupérer la programmation – le Khan, d'après la distribution affichée sur le site). C'est entre autres l'occasion pour les soldats de montrer leur bravoure (ouaaaaais, des mecs qui sautent et tapent du pied, virils même en manteau-jupette et en toque-moumoute) et pour moi de découvrir Christophe Duquenne fort... hum, fort ? en chef des guerriers.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Vient l'élément perturbateur. Un arbre aux fruits d'or (ok, d'argent) apparaît, Nerudda y goûterait bien : on s'empresse de grimper à la corde pour satisfaire son désir (dès fois qu'il soit défendu, la belle affaire) mais tout le monde échoue. Tout le monde sauf Djemil, un jeune chasseur en guenilles classes (Lacroix peut faire des guenilles classes – c'est le prince type Aladdin), interprété par un non moins classe Josua Hoffalt. Il danse grand, il a de la <em>prestance</em> – encore un peu, quelques rôles de cette envergure, pour qu'il s'étoffe, et on n'hésitera plus à dire qu'il a de la <em>présence</em>. Toujours est-il que son éclat n'est pas du goût de Mozdock (le chef des guerriers), qui le dégage <em>manu militari</em> et l'abandonne dans un sale état. Heureusement, Naïla (l'esprit de la source, vous suivez ?) le recueille et le requinque ; malheureusement, elle en tombe amoureuse. Le premier triangle amoureux est en place : Naïla aime Djemil qui aime Nerudda qui n'aime personne.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-decoration: underline;">Le second acte</span> est plus complexe, bien qu'il commence simplement par des danses de divertissement. Les odalisques ondulent presque davantage que les ondines au premier acte et le rôle convient si bien à Mathilde Froustey que l'on s'étonne presque que Charline Giezendanner soit la favorite. Favorite qu'il vaut mieux appeler par son nom, Dadje, car elle est bientôt supplantée par Neroudda, fraîchement débarquée de son carrosse de soie. Deuxième triangle amoureux. Dadje se renfrogne à mesure que Neroudda s'épanouit : Muriel Zusperreguy, à présent reconnaissable, se fait à chaque instant plus séduisante, plus lumineuse. Elle n'est pas née princesse, elle le devient. Nul doute que le Khan préfère cette femme qui s'ignore à celle qui fait l'enfant.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Mais le deuxième triangle devient quadrilatère quand Naïla débarque (Djemil va là où se trouve Neroudda et Naïla va là où se trouve Djemil, donc Naïla débarque) et que le Khan revoie ses préférences. Neroudda un peu paumée cherche refuge auprès de Mozdock et là, j'imagine un troisième triangle qui n'a peut-être aucune réalité. Qu'importe, je décide que Mozdock ne laisse Neroudda au Khan que parce qu'il en est un fidèle serviteur et que, ma foi, si celui-ci lui préfère une nymphe... C'est probablement n'importe quoi, je sais ; il y a tellement de triangles qu'on se croirait dans une symphonie d'Hans Rott (<a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2011/10/16/koncert-avek-kavakos.html" target="_blank">private joke</a>). Mon troisième triangle en entraîne un quatrième car Djemil est bien décidé à gagner les faveurs de Neroudda, disponible puisque congédiée par le Khan (sur le mode reprends tes affaires et casse-toi, c'est à peu près aussi romantique qu'un coup d'un soir qu'on vire de son lit au réveil, une fois dessaoulé).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le Khan-Naïla, Djemil-Neroudda, la favorite sans favoritisme : tout en trouvant vaguement bizarre que l'être féérique par excellence (Naïla) se retrouve avec l'être social votre excellence (le Khan), je commençais à entrevoir un dénouement quand le geste de Naïla a trouvé son explication. Si elle s'est jetée dans les bras du Khan, c'est pour que Djemil puisse se jeter à la poursuite de Neroudda. Pas rancunière pour un sou, Naïla est l'exact opposé de Dadje (qui ne fait pas qu'ajouter un rôle de soliste dans un ensemble bien chargé, mais prend sens dans l'économie du ballet). Évidemment, elle a quand même quelques regrets et ne peut s'empêcher de suivre celui qu'elle aime – retour au triangle initial.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le drame sied décidément à Myriam Ould-Braham qui est absolument fantastique dans cette partie finale. Son arabesque appuyée sur Djemil qui lui tourne le dos, façon sylphide ou willis, suggère déjà qu'ils ne sont pas du même monde et qu'elle l'a perdu, ; l'appui glisse dans l'oubli lorsqu'elle abandonne son bras sur son torse et que l'arabesque se déséquilibre vers l'arrière. Djemil essaye à présent de se défaire de cet esprit et la ramène vers le corps endormi (blessé, selon Joël qui a tout de même vu le ballet quatre fois) de Neroudda. Naïla tient encore la fleur que Djemil avait laissé derrière lui à leur première rencontre ; il ne la lui arrache pas – ce serait trop cruel –, il la guide et la force à offrir la fleur à Neroudda ainsi réveillée (ou guérie, tout dépend). Naïla s'efface jusqu'à se replier sur elle-même comme le cygne mourant. Ayant préféré le sacrifice à la jalousie parce qu'elle aime davantage Djemil que l'amour qu'elle éprouve pour lui, elle se trouve ainsi à la source de son idylle avec Neroudda.</p>
mimylasouris
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Phèdre, Psyché, Pffff
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-10-03:2405478
2011-10-03T22:07:07+02:00
2011-10-03T22:07:07+02:00
La Phèdre de Lifar a dû, j’imagine, être un choc esthétique à...
<p lang="FR"><span lang="FR">La <strong><em>Phèdre</em></strong></span><span lang="FR"> de<strong> Lifar</strong> a dû, j’imagine, être un choc esthétique à l’époque de sa création. Samedi, il n’en restait qu’un choc visuel. Les costumes ne peuvent qu’être une incitation à exercer sa langue de vipère. Il ne faut pas me donner une telle occasion, il ne faut pas. J’ai passé quarante minutes à imaginer les comparaisons les plus idiotes et colorées possibles. Oenone est aussi Violet que la camarade de Charlie à la chocolaterie et assortie à un Thésée de péplum. Aricie est un petit poney rose. Elle joue avec Hippolyte, un Action Man radioactif (promis, je n’appellerai plus jamais Paquette Pâquerette si cela doit le transformer en géant vert). La mini toge verte des compagnons me fait d’abord penser à des Supermen au rabais avant que les académiques oranges ne me révèlent leur véritable nature : ce sont les bonshommes qu’on lance sur les vitres et qui les dégringolent en culbutant sur leurs mains et pieds gluants. Le seul costume digne de ce nom est celui de Phèdre, le rouge et le noir rehaussés de gris étincelant. C’est aussi celui qu’il faudrait supprimer en priorité : outre que la servante violette ne ferait plus grincer des dents dès qu’elle s’approche de sa maîtresse rouge, l’homogénéité obtenue parviendrait peut-être à faire reverser le kitsch dans le stylisé. </span></p><p lang="FR"><span lang="FR">Car la pièce est bien adaptée de <strong>Cocteau</strong> et l’on retrouve dans la chorégraphie la marque de ses dessins : à grands traits, un effet de façade, pardon, de fronton. J’ai parfois un peu de mal avec cette esthétique de bas-relief antiquisante (on la retrouve chez les nymphes dans le <em>Faune</em>, par exemple) mais force est de reconnaître que la pose est <em>frappante</em></span><span lang="FR"> : elle fige le mouvement mais donne aussi un coup à l’imagination. Vaste frise grecques, ce sont les brusques arabesques plongées suivies de déboulés mains en l’air d’Oenone dans une diagonale à la fée Carabosse ; les battements de main qu’Aricie fait de tout cœur en petits sautés sur pointe ; les sauts en double attitude (ça mériterait un petit tour dans le dico de la danse) de Thésée ; les bras angulaires de Phèdre en vestale cambrée. </span></p><p lang="FR"><span lang="FR">La prétention de Marie-Agnès Gillot à se considérer comme une grande tragédienne me fait un peu rire : si elle est brillante dans ce rôle, c’est tout simplement qu’elle est sculpturale. Une sculpture en mouvement. Tragédienne, elle n’en serait que l’archétype, à l’opposé d’une Berma au jeu plus marquant parce que moins marqué (une Aurélie Dupont par exemple). De fait, Alice Renavand a davantage de répondant en Oenone, personnage plus marquant que la délicieuse Myriam Ould-Braham qu'on aimerait bien voir distribuée dans des rôles plus consistants, que Karl Paquette à qui sied pourtant le maquillage à la grecque ou même que Nicolas Leriche en guerrier las.</span></p><p lang="FR">Au final reste une impression de médiocrité d'autant plus décevante que la narration de la pièce est fort bien menée, avec son théâtre dans le théâtre, qui met en scène les passages censés se dérouler en coulissés et que la bienséance exigeait de faire connaître par des discours rapportés. Un film d'archive en noir et blanc m'aurait suffit.</p><p lang="FR"> </p><p lang="FR">Il y a fort à parier que <strong><em>Psyché</em></strong> vieillira aussi mal, si ce n'est plus, que <em>Phèdre</em>. Elle est elle aussi construite sur un entre-deux qui n'est plus celui du stylisé et de la parodie mais de l'humour et du lyrisme. Autant il y a naturellement ambiguité entre trait essentiel et trait forcé, autant le trait d'humour s'émousse au contact de l'émotion poétique du sujet intime. Le lyrisme veut être pris au sérieux et s'il est ainsi une cible rêvée de moquerie, il ne peut coexister de plein-pied avec l'humour. Alors forcément, le spectateur qui sourit aux animaux en académique chair, aux nuées farfelues et fanfreluches, aux vagues froufroutantes, aux femmes-fleurs (plus fort que la clochette, le rhododendron bleu !), aux hommes-insectes et aux deux soeurs de Cendrillon relookées en punkettes ne peut manquer de réprimer un baîllement devant le pas de deux d'Eros et Psyché aux yeux symboliquement bandés (parce qu'il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas voir mais on évolue difficilement à l'aveuglette à deux). Inversement, à celui qui se laisse aller au lyrisme de leur danse simple sans la trouver niaise, les touches d'humour paraîtront incongrues. Je suis passée par l'une et l'autre phase ; après avoir souri avec indulgence aux facéties de <strong>Ratmansky</strong>, j'ai observé la danse charmante, pleine de petits pas et de changements d'épaulements, de Dorothée Gilbert, seul moyen de se sauver de l'ennui. Car il n'y a finalement pas grand chose à se mettre sous la dent et si la pièce remporte les suffrages de la pièce, c'est qu'elle bénéficie du contraste avec <em>Phèdre</em> où l'on danse peu. </p><p lang="FR">Le seul point vraiment positif, outre une formidable Amadine Albisson en Vénus furieuse (raccord avec Faust : l'Opéra a eu un rabais sur le tissu doré ou quoi ?), c'est que pour la première fois de ma vie j'ai vraiment apprécié Mathieu Ganio. D'une part, à l'amphi, si sa tête ne me revient pas, c'est seulement parce que je suis trop haut et trop myope pour la voir ; d'autre part, le rôle d'Eros lui va comme un gant, étant trop épris de sa personne pour risquer de verser dans la parodie par excès d'autodérision et pour ne pas être un brin comique malgré <span style="text-decoration: line-through;">lui</span> tout. Ni Apollon musagète ni Amour de Neumeier (le combishort à une seule bretelle me fait un peu penser à la salopette jaune), il fait preuve d'un humour jamais parodique, parfaitement ironique : on ne sait pas si c'est du lard ou du cochon. Exception faite de cette étoile, l'humour est en danse un registre plus casse-gueule que l'ironie appuée jusqu'à la parodie. La musique de César Frank n'aide en rien, qui n'introduit pas le moindre air de bonhommie là-dedans. Le lyrisme se prend au sérieux, vous disais-je. </p><p lang="FR">Résultat de la soirée : nul. On ne peut pas franchement dire que "c'était nul" mais il n'empêche : il n'en ressort rien. Sentiment de gâchis et mal au dos. On a beau dire, le prix des places à l'amphi est vraiment bon marché... si on l'imagine inclure une séance de kiné. <em>Business model</em> à développer : des stands de massage aux quatrièmes loges à l'entracte. </p>
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On ira tous au paradis
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-07-04:2373495
2011-07-04T11:26:00+02:00
2011-07-04T11:26:00+02:00
Le paradis n'est autre, dans la version héritée des mystères moyenâgeux,...
<p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Le paradis n'est autre, dans la version héritée des mystères moyenâgeux, que le poulailler</strong> ou « amphithéâtre », comme il était indiqué sur mon billet. On y voit l'ensemble de la scène sans se contorsionner, m'enfin de loin et de haut. Heureusement, j'ai <a href="http://pink-lady.over-blog.com/" target="_blank">mon pourvoyeur de pass personnel</a> et je remercie le mécène de l'ENB qui m'a permis d'obtenir un deuxième rang de deuxièmes loges de face (soit dit en passant, c'est une honte d'en faire une première catégorie : au même niveau que les gens devant vous, soit vous décalez votre siège au milieu si votre voisine est une Japonaise trop bien élevée, soit vous remerciez le grand monsieur qui s'adosse au muret de la loge plutôt qu'à son dossier – et après cette délicate attention, vous ne pouvez décemment pas lui reprocher de se gratter la tête). Bien que n'en partageant pas le lieu d'origine, il est plus facile de s'identifier aux <em><strong>Enfants du paradis</strong></em> depuis cette distance. </p><p> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=PaquetteGrinsztajnenfantsparadis.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/PaquetteGrinsztajnenfantsparadis.jpg" alt="" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><br />José Martinez avait déjà chorégraphié pour les petits rats mais cette fois-ci c'est de grands enfants qu'il s'agit, assez grands pour tremper dans des histoires – de cœur ou autres – plus ou moins louches. Si, comme moi, vous n'avez pas vu le film de Marcel Carné, il n'est pas inutile de lire un petit synopsis, même si <strong>José Martinez se tire étonnamment bien de ce ballet narratif</strong>. On suit le butinage de Garance entre le mime Baptiste, bientôt amoureux, qui la sauve d'une accusation non fondée, le troubadour avec lequel elle folâtre au grand dam de son ami voleur et le comte influent qu'elle épouse pour échapper à la justice (premier acte) – avant de s'enfuir avec le mime qu'elle se résout finalement à quitter pour ne pas en démembrer la famille, et de se retrouver Gros Jean comme devant (second acte). Ça aide bien d'avoir un brun (Bruno Bouché en mime), un blond (mon Paquette préféré est Lemaître – que voulez-vous, je suis un peu pâquerette bleue) et un chauve (Aurélien Houette en comte).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Le seul moment que je n'ai pas trop compris, c'est le <em>fail</em> Garance-Baptiste alors qu'ils sont déjà seuls dans une chambre. Mais une fois lu le livret du DVD prêté par Palpatine (en plus de mon pourvoyeur de place, j'ai aussi une DVDthèque personnelle avec conseils sur-mesure), il semblerait que ce soit pour les problèmes de Garance avec la justice, ce qui aurait le mérite de donner tout son sens à son costume : tutu blanc d'où dégoulinent des rubans rouges, comme autant de rigoles de sang entre les plis du tissu. D'une manière générale, <strong>les costumes d'Agnès Letestu sont une réussite</strong> (sans surprise, j'ai toujours envie de lui piquer ses robes lorsque je la croise à Pleyel). Mention spéciale aux tutus-pellicules qui, lors des pirouettes, donnent envie de s'écrier « Ça tourne ! ». Il y en a profusion. Trop, peut-être. Ce qui est sûr, en tous cas, c'est qu'il y a <strong>trop de décors</strong> : outre que cela a dû coûter une fortune, les perpétuels changements de cadre du premier acte ne sont pas toujours justifiés et donnent le sentiment d'une dramaturgie brouillonne. L'économie du second acte est bien meilleure, plus resserrée autour de l'intrigue. Les personnages y passent davantage au travers des murs mais l'approche symbolique est tout aussi efficace que la mimétique, et plus reposante.<br /> </p><p> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=eveGrinsztajn.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/th_eveGrinsztajn.jpg" alt="Photobucket" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">(à cliquer, Blogspirit ne me permet plus de régler la taille des images)</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><br />Les points forts de la chorégraphie entretiennent ce déséquilibre : <strong>autant les scènes de groupes, majoritaires dans le premier acte, ne sont pas le truc de Martinez </strong>(ça bouge tellement dans tous les sens – parfois dans l'ombre! – sur une musique assez indifférente, qu'on ne peut même pas regarder ces tableaux d'époque comme des Brueghel fourmillant de scènes distinctes – exception faite pour Yann Chailloux qui, tourneur naturel, pirouette ici jusqu'à plus soif grâce à un morceau de bois calé sous son pied), <strong>autant les pas de deux sont magnifiques</strong>. Et c'est une souris que les pas de deux endorment habituellement qui vous le dit. <strong>Ève Grinsztajn</strong> n'y est peut-être pas étrangère. Je suis même à peu près certaine du contraire. Ce doit être la première fois que je la vois dans un rôle principal mais c'est assez pour apprendre à orthographier correctement son nom. <strong>Il a suffit qu'elle écarte d'elle ses bras, paumes ouvertes, comme les rubans de son costume, ancrée dans un simple équilibre en cinquième et voilà : j'adore sa danse pleine et entière. Elle est toujours à l'aise avec ses multiples partenaires qui, tous, ont une allure folle : Bruno Bouché</strong> est un mime sensible mais pas pathétique (Ganio doit être parfait dans le rôle mais il m'aurait parfaitement agacée), <strong>Karl Paquette</strong> est choupi en gros ours, puissant en élégant et donc bon (en) comédien tandis qu'<strong>Aurélien Houette</strong> donne toute sa prestance à son personnage de comte sans qu'il paraisse jamais froid. Ajoutez à cela une dose tout à fait modérée de portés abandonnés, à peu près aucune attitude-tourniquet et quelques aspi-ballerines et vous obtenez sans en avoir l'air des pas de deux épatants.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p><a href="http://s52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/?action=view&current=ballet-enfants-paradisscnemime.jpg" target="_blank"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/ballet-enfants-paradisscnemime.jpg" alt="" border="0" /></a></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><br />Ingénieuses également, les <strong>mises en abyme</strong> qui reproduisent ou anticipent sur l'histoire (par exemple, Baptiste-Pierrot se fait piquer Garance-bergère par Lemaître-Arlequin) et virent à la métalepse lors de l'entracte. À la fin du premier acte, une pluie de tracts sur le parterre annonce un <strong>divertissement dans le grand escalier</strong> où Nolwenn Daniel est étalée, comme une mare sanglante sur le marbre (très propre à en juger par des pieds qui ont du traumatiser Palpatine encore davantage que les miens). Avec notre Karl Paquette qu'on ne laisse pas beaucoup se reposer, elle nous offre un pas de deux où les rambardes deviennent une rampe où se laissait glisser, les marches, autant d'occasions de rebondir et les piliers, un piédestal duquel se jeter dans les bras de son partenaire. Ils évoluent à quelques mètres de nous, dans l'espace des spectateurs, mais cette désaffectation de l'artifice me paraît surnaturelle. Dans les couloirs, on croise également des danseurs masqués et même Lacenaire, le voleur génialement interprété par Stéphane Phavorin. Il est affreusement tentant de jouer à l'arroseur arrosé et de faire semblant de lui piquer un petit quelque chose mais je me retiens de dansoter autour de lui.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">De retour dans la salle, le rideau est déjà levé et un V de danseuses s'agite en tutu de répétition, Lucie Clément en pointe (si je ne me trompe pas – j'affectionne particulièrement cette grande asperge depuis que je l'ai vue danser au stage de Biarritz alors qu'elle était en première division). Les lumières sont allumées et les spectateur qui, à l'entracte, sont restés tristement fidèles à leur coupe de champagne continuent à discuter alors que c'est un délice de regarder à l'arrière-scène les garçons sauter dans le désordre d'une compétition organisée entre camarades sous couvert d'échauffement. Les danseuses en tutu de répétition laissent peu à peu la place à une formation identique mais costumée. <strong>Amusant que de placer le traditionnel divertissement en marge plutôt que dans le ballet.</strong> Quoique, à y bien regarder, il y a un petit groupe de danseurs-spectateurs côté cour, juste de quoi se glisser chez le comte par un emboîtement narratif qui, tels certains rêves, ne se découvre comme tel qu'a posteriori. La fin porte la confusion spatiale à son comble (normal pour les enfants du paradis) : Garance est ensevelie dans la fosse et s'échappe du navire par la petite porte du chef d'orchestre, juste à temps pour ressusciter sous les applaudissements.<br /> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://i52.photobucket.com/albums/g20/mimylasouris/eveGrinsztajnasGarance.jpg" alt="" border="0" /></p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Le véritable enfant du paradis, au final, c'est José Martinez dont le ballet rend en quelque sorte hommage à l'Opéra de Paris – au palais Garnier dont il investit toutes les parties accessibles au public, comme aux spectacles qui y ont été programmés.</strong> Les scènes de rue ont quelque chose de <em><a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/07/02/une-petite-danseuse-sans-degats.html" target="_blank">La Petite Danseuse de Degas</a></em> (de Bart), avec cette même technique de l'arrêt sur image, lors duquel le voleur nous offre une danse toute en manières et préciosités incisives, tournant autour de sa victime comme monsieur de Charlus autour de Morel dans <em><a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2009/06/06/proust-ou-les-intermittences-du-c%C5%93ur-de-roland-petit.html" target="_blank">Proust ou les intermittences du cœur</a></em>. Le divertissement placé en marge de l'histoire, y'a pas photo, fait penser aux formations balanchiniennes tandis que les tutus-pellicules me font penser à la transposition de <em>Cendrillon</em> par Noureev. Enfin, le bal chez le comte mélange des souvenirs de la <em>Sylvia</em> de Neumeier avec des effluves certains de camélias (le comte pare d'un collier imposant une Garance déjà vêtue d'une robe semblable à celle de <a href="http://grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com/archive/2010/02/22/la-grande-dame-aux-camelias.html" target="_blank">Marguerite</a>. Cf. photo ci-dessus). <strong>Comme tous les gâteaux faits maison, ce ballet n'est pas parfait mais ses quelques défauts apparents (morceaux qui se détachent, un peu trop cuit à un ou deux endroits) ne doivent pas vous empêcher d'y goûter et il a le mérite de bien caler. </strong></p>
mimylasouris
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Des mikados et des billes
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-06-04:2364455
2011-06-04T12:45:00+02:00
2011-06-04T12:45:00+02:00
Les mikados, ce sont les longs scotch de toutes les couleurs jetés en...
<p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Les mikados, ce sont les longs scotch de toutes les couleurs jetés en travers de la scène pour </strong><em><strong>Rain</strong></em>. La chorégraphie de Keersmeaker n'en joue pas particulièrement, mais c'est une parfaite métaphore pour ce que l'on en voit de loin : <span style="font-style: normal;"><strong>des danseurs-bâtonnets qui n'en finissent pas de rebondir</strong></span>. Battements et bras tendus devant, équilibre en quatrième, battement seconde pied flex, grand plié première grenouille... ça grouille dans tous les sens sans pour autant créer un pullulement à la <em>Genus</em>. Autant vous dire que ça m'émeut à peu près autant que les académiques de Cunningham, c'est-à-dire pas du tout. Je voudrais sentir des corps et je ne vois que des bâtonnets rose-gris-vert d'eau – très esthétique, je ne dis pas, tout comme la mise en scène, avec ses éclairages roses du tonnerre et de grands fils blanc comme les franges d'une lampe en demi-cercle tout autour de la scène, qui finissent par danser lorsque la dernière danseuse quitte le plateau en les égrainant. Peut-être est-ce un ballet qui s'apprécie de près : lorsqu'aux jumelles j'isole une danseuse, au hasard une Muriel-berlingot qui donne de l'épaule à un camarade, en enjambe un autre et s'amuse visiblement ou la petite blonde du <em>Sacre</em> qui décolle à plat ventre sur l'arabesque d'un partenaire éphémère, je loupe la moitié du spectacle, mais j'en apprécie au moins une partie. Je me rend compte donnant ces rares exemples que ce qui me manque le plus, ce sont les interactions : il y a des regards et des mouvements d'ensemble, mais les danseurs s'y trouvent plus juxtaposés que véritablement liés et les portés sont le plus souvent une manière de passer outre la rencontre en reposant loin de soi la danseuse. Mon plus grand souci, pendant l'heure passée à endurer des accords répétitifs au xylophone (pourtant, je peux réussir à trouver très entraînant des bruits de machine à écrire), a été de comprendre pourquoi les grands jetés avaient une curieuse allure : j'émets l'hypothèse qu'ils sont pris par battement tendu et non développé, mais je repère toujours les filles en l'air, jamais l'appel – ou alors, c'est ça, elles sautent sans élan. Alors que les danseurs luisants, à force de faire du footing entre deux sauts, sont pris d'une fatigue si belle, le mouvement perpétuel de la chorégraphie me lasse. Je ne crois pas que j'aime. Plic ploc flop.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong>Les billes, elles, se trouvent au fond au fond de mon thé glacé au fruit de la passion</strong>, comme si les graines noires du fruit avaient gonflé. J'oublie ma déception des mikados et je sirote cette boisson très amusante avec une grosse paille calibrée exactement pour que de temps à autre on aspire une petite boule noire, un peu gélatineuse, à mi-chemin entre le bonbon Haribo noir et la graine d'un fruit. Cette sarbacane à l'envers m'amuse follement. Et les boules m'intriguent. Je finis par demander au serveur ce dont il s'agit : du tapioca. Ni une ni deux, Palpatine dégaine son téléphone hochet et en un saut sur wikipédia, on apprend tout sur cette ludique bizarrerie. Vous aussi, allez vous esbaudir de ce qu'on ait écrit un article sur <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9_aux_perles" target="_blank">le thé aux perles</a>. Si vous voulez goûter cette chose étrange venue d'ailleurs (Taïwan), avec une originale panna cotta au litchi et à la framboise (je n'ai pas osé le cheesecake au thé vert), c'est derrière la rue Sainte-Anne, 13 rue Chabanais. On peut aussi dîner mais sachez que les petites billes noires lestent l'estomac de manière inattendue, si bien qu'après on se sent un peu comme un gros pouf rempli de billes de polystyrène.</p>
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Kátia Kabanová, de Janáček
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-04-25:2321067
2011-04-25T10:13:00+02:00
2011-04-25T10:13:00+02:00
Jan áč ek a le génie si discret que j'ai failli oublier de vous en toucher...
<p style="margin-bottom: 0cm;">Jan<span style="font-family: Times New Roman,serif;"><span style="font-size: small;">áč</span></span>ek a le génie si discret que j'ai failli oublier de vous en toucher un mot. Après avoir découvert <em>La Petite Renarde rusée</em> l'année dernière, je ne pouvais pas manquer <em>K</em><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><em>á</em></span></span><em>tia Kabanov</em><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;"><em>á</em></span></span>. Si cet opéra, adapté de la pièce d'Ostrovski, <em>L’Orage,</em> n'a plus le caractère idyllique de l'autre <span style="font-family: Times New Roman,serif;">–</span> ou seulement sa nostalgie<span style="font-family: Times New Roman,serif;">–</span>, sa musique a toujours ceci de particulier qu'elle est insoumise aux voix qui la traversent. Les paroles peuvent être simples, à la limite de la banalité, mais toujours la musique les détournera du lyrisme et de la mièvrerie qui le guette. K<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span>tia Kabanov<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span> ne rêve pas d'un ailleurs, mais d'ici, vivre là. D'Emma Bovary, elle n'a que le mari, et encore est-ce beaucoup dire puisqu'il est davantage le fils de sa mère<span style="font-size: xx-small;"><a class="sdfootnoteanc" name="sdfootnote1anc" href="#sdfootnote1sym"></a><span style="font-size: x-small;"><sup>1</sup></span></span> que le mari de sa femme. <a href="http://ariana.typepad.fr/le_geste_et_la_voix/2011/04/katya-kabanova.html" target="_blank">Ariana</a> me faisait remarquer qu'il n'y avait pas d'homme dans cet opéra ; des chanteurs, oui, mais pas d'homme. Effectivement, pas plus que la mari l'amant n'est capable de soutenir la force de vie que lui propose/oppose K<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span>tia, et tous ces garçons peuvent bien la désirer comme femme, ils l'égalisent comme fille. Tout autour, la nature, celle de Varvara (sa belle-sœur) comme celle de la Volga, est là pour lui rappeler cette diminution – grelots de joie tristement risible, toujours hors de portée (merci pour l'affreux tableau de rennes dans la chambre à coucher, qui m'a fait entendre le traîneau du père Noël). Comme la peinture de l'immeuble qui la contient, K<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span>tia Kabanov<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span> se décolle du monde et finit par se jeter dans la Volga, elle aussi appauvrie en canalisations <span style="font-family: Times New Roman,serif;">–</span> d’égout (dans un tel décor, on ne peut que la comprendre). Auparavant, elle a avoué son aventure à son mari, qui a eu besoin de toute la voix de sa mère pour ne plus entendre l'évidence de sa propre faiblesse. Car désolée, K<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span>tia Kabanov<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Times New Roman,serif;">á</span></span> l'a vraiment été : isolée, dévastée, vidée de tout son désir. On le sent vaciller toute la soirée, sous la voix fragile et fervente d'Angela Denoke. Tant et si bien que même l'orage qui éclate et précipite la fin de l'opéra comme de l'héroïne n'entame pas la sérénité de cette musique. Je suis peut-être bien bouleversée mais étrangement calme. Apaisée.</p><div id="sdfootnote1"> </div><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><a class="sdfootnotesym" name="sdfootnote1sym" href="http://www.blogspirit.com/admin/posts/post.php?blog_id=23001&blog_type=weblog#sdfootnote1anc"></a>1 <span style="font-size: x-small;">Je comprends mieux maintenant, ou autrement, pourquoi les personnages de mère sont toujours écrasants chez Kundera : elle est « Maman », jusqu'au sein du nouveau couple. </span></p>
mimylasouris
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Mats Ekstravagant
tag:grignotages-de-mimylasouris.blogspirit.com,2011-04-23:2320525
2011-04-23T12:15:58+02:00
2011-04-23T12:15:58+02:00
La Carmen de Mats Ek découverte à Covent Garden m'avait...
<p> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">La <em>Carmen</em> de <strong>Mats Ek</strong> découverte à Covent Garden m'avait enthousiasmée par<strong> son humour et son vocabulaire quasi-expressionniste, qui grossit chaque détail sans pour autant le rendre grossier</strong>. C'est donc bien volontiers que je me suis mise en quête d'une place pour la première de la soirée Mats Ek à Garnier.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>La Maison de Bernarda</em></strong> est celle d'une veuve qui tient ses filles cloîtrées huit ans (!) pour porter le deuil de leur père. Hormis Marie-Agnès Gillot, servante haute en stature et en couleur, rien que du noir. Enfin presque, puisque la plus jeune sœur oppose une robe bleue ciel à l'oppression de la mère et finit par ravir le fiancé promis à l'aînée.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Plus qu'une histoire, le ballet excelle à faire sentir une situation. Les sœurs recroquevillées sur elles-mêmes, dans une position de grenouille mais félines, sont à la fois apeurées et menaçantes. <strong>L'entraide entre sœurs, face à la mère, le dispute à la haine de celle qui ne souffre pas autant que soi</strong>, si bien que les sœurs se rabaissent les unes et les autres et redoublent la violence maternelle. À la mère qui frappe du poing sur la table sous laquelle se sont réfugiées ses filles (qui s'en échappent comme une colonie d'araignées), répondent les coups de poings que les sœurs s'assènent sur le dos, pour enfoncer l'autre comme un clou et la clouer au sol. <strong>Le huis-clos exacerbe la violence de chacune</strong> et fait vivre à toutes un enfer, de sorte que la moindre personne venue de l'extérieur déclenche l'hystérie (sœurs qui reniflent animales le foulard offert à l'aînée par le fiancé). On n'en sort pas : avec l'homme promis à sa sœur, c'est le même univers étouffant que retrouve la petite dernière. Assise les deux pieds de chaque côté de son bassin à lui, allongé, elle revient dans l'amour à la position de <strong>prostration</strong> qui avait été la sienne jusqu'alors. Encore <strong>un de ces gestes qui, par imitation, propagent la violence dans tous les recoins de leur vie</strong> (que l'acte sexuel ne fait que condenser). Les hommes (au sens large, femmes comprises) sont ici trop violents pour que la tendresse occupe une quelconque place dans le désir – <strong>désir de vivre qui est pour eux toujours conçu comme violence contre</strong>. Le silence dans lequel se déroule comme au ralenti cette scène de désir (difficile de dire « d'amour ») empêche tout lyrisme et rappelle une autre absence de musique, lorsque les sœurs réunies autour de la table et de leur mère renversent la tête et <strong>hurlent</strong> les unes après les autres. La violence, c'est tout ce dont la mère les nourrit. Elle est si peu maternelle que son rôle est tenu par un homme : José Martinez rappelle un peu le Frollo de Roland Petit et assoie toute la pesanteur de cette société matriarcale, où la mère écrase ses enfants comme les hommes (qu'elle traite eux-mêmes comme des enfants, en témoigne le passage où elle valse avec un Jésus descendu de sa croix, tantôt amoureusement enlacé, tantôt bercé).</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Mais si le huis-clos est insoutenable pour celles qui y sont cloîtrées au point que la jeune sœur finit par se pendre (ensevelie ensuite sous un lai de lino, comme de la poussière balayée sous un tapis), il n'en va pas ainsi pour le spectateur : ce qui est exacerbé pour le personnage est exagéré pour lui et les grands signes de croix ou les flopées d'injures hurlées par la servante (ou encore le grand lit molletonné en rouge façon tablette de chocolat, qui tombe du ciel) font sourire, autant que les <strong>ondulations caractéristiques du buste</strong> qui, vue de profil, donnent l'impression que les sœurs vont vomir à chaque pas. Pour autant, cette pièce pleine d'<strong>humour</strong> n'est pas comique et tout se passe comme si c'était précisément l'<strong>outrance des gestes</strong> qui les éloignaient de la parodie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Les cinq sœurs se sont toutes admirablement fondues dans leur rôle commun, au point que je n'ai même pas reconnue Claire-Mari Osta ou Caroline Bance (c'est dans ce cas tout à leur honneur). La seule à se détacher, et cela renforce le sens de l'histoire est <strong>Charlotte Ranson, d'une beauté à couper le souffle</strong>, en particulier dans la scène de désir, avec l'aura dont l'entourent ses cheveux dénoués. À en juger par le choix d'Eleonora Abbagnatto dans l'autre distribution (je l'y vois très bien, différente de Charlotte Ranson, quoique tout aussi sensuelle), il doit s'agir d'un rôle de blonde : une présence radieuse, propre à introduire la luminosité méditerranéenne à l'intérieur du huis-clos.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"><strong><em>Une sorte de...</em></strong> est à l'image de son titre : indéfini. Il y a Nicolas Leriche en robe de chambre – tailleur rose et cheveux ras ; du <strong>ballon</strong> en danse et en caoutchouc ; une <strong>Nolwenn Daniel</strong> piquante comme je ne l'aurais pas imaginée ; des couleurs ; des ballons-seins, ballons-fesses et ballons-couilles qui explosent (sans même qu'on les ai remarqués, en raison du postérieur peu développé de ces dames) et des ballons-têtes qui se perdent, c'est qu'on s'éclate ; Benjamin Pech avec Miteki Kudo en affreuse jupe de laine jaune ; des commis voyageur-inspecteurs et des villageoises-secrétaires ; du burlesque et de l'énergie ; un savonnage-repassage de Leriche avec la chaussure de Nolwenn Daniel ; des roulés-boulés sur toute la scène, avec un Leriche-Bruce Willis qui passe in extremis sous le couperet du décor tombant ; un homme en chapeau melon très croustillant (Daniel Stokes ? Une balletomaniaque pour le confirmer ?) - bref, tout un arsenal de prestidigitateur auquel on ne comprend goutte mais qui <strong>étonne</strong>. À vous de décider si c'est un <em>oh !</em> réjouit, perplexe ou lassé.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;">Voir aussi, en plus des photos d'<a href="http://www.annedeniau-fromztoa.com/article-v-like-violent-tender-times-72148969.html" target="_blank">Anne Deniau</a> : <a href="http://www.dansesaveclaplume.com/post/2011/Soir%C3%A9e-Mats-Ek-%3A-%C3%A9pisode-1" target="_blank">Amélie</a>, retrouvée dans la file des Pass et <a href="http://blogapetitspas.fr/2011/04/soiree-mats-ek-a-garnier-la-maison-de-bernarda-une-sorte-de%E2%80%A6/" target="_blank">Fab</a>', croisée à la sortie tandis que je saluais Klari, avec laquelle <a href="http://jriou.org/blog/00629.html" target="_blank">Joël</a>, <a href="http://palpatine42.free.fr/blog/post/2011/04/21/le-retour-du-champignon" target="_blank">Palpatine</a> (qui a cordialement détesté) et moi sommes allés dîner, pour une bonne soirée dans tous les sens du terme.</p>