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Tania
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Ne pas être vu
tag:textespretextes.blogspirit.com,2023-04-01:3339946
2023-04-01T08:00:00+02:00
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« L’exposition que je fais ici, en écrivant, de mon obsession et de ma...
<p><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/00/502722645.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1352487" style="float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/00/2090783818.jpg" alt="Ernaux Quarto.jpg" /></a>« L’exposition que je fais ici, en écrivant, de mon obsession et de ma souffrance n’a rien à voir avec celle que je redoutais si je m’étais rendue avenue Rapp*. Ecrire, c’est d’abord ne pas être vu. Autant il me paraissait inconcevable, atroce, d’offrir mon visage, mon corps, ma voix, tout ce qui fait la singularité de ma personne, au regard de quiconque dans l’état de dévoration et d’abandon qui était le mien, autant je n’éprouve aujourd’hui aucune gêne – pas davantage de défi – à exposer et explorer mon obsession. A vrai dire, je n’</span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">éprouve</span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> absolument rien. Je m’efforce seulement de décrire l’imaginaire et les comportements de cette jalousie dont j’ai été le siège, de transformer l’individuel et l’intime en une substance sensible et intelligible que des inconnus, immatériels au moment où j’écris, s’approprieront peut-être. Ce n’est plus</span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> mon </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">désir,</span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> ma </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">jalousie, qui sont dans ces pages, c’est</span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> du </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">désir, </span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">de la</span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> jalousie et je travaille dans l’invisible. »</span></em></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux, </span><a title="T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2023/03/27/obsessions-3339925.html" target="_blank" rel="noopener"><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">L’occupation</span></em></a></p><p><span style="font-size: 8pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">*[adresse de l’autre femme]</span></p>
Tania
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Partagée
tag:textespretextes.blogspirit.com,2023-03-25:3339588
2023-03-25T08:03:00+01:00
2023-03-25T08:03:00+01:00
« A l’égard de ce monde, ma mère a été partagée entre l’admiration...
<p><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/00/502722645.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1352006" style="float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/00/2090783818.jpg" alt="Ernaux Quarto.jpg" /></a>« A l’égard de ce monde, ma mère a été partagée entre l’admiration que la bonne éducation, l’élégance et la culture lui inspiraient, la fierté de voir sa fille en faire partie et la peur d’être, sous les dehors d’une exquise politesse, méprisée. Toute la mesure de son sentiment d’indignité, indignité dont elle ne me dissociait pas (peut-être fallait-il encore une génération pour l’effacer), dans cette phrase qu’elle m’a dite, la veille de mon mariage : « Tâche de bien tenir ton ménage, il ne faudrait pas qu’il te</span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> renvoie. </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">» Et, parlant de ma belle-mère, il y a quelques années : « On voit bien que c’est une femme qui n’a pas été élevée comme</span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> nous. </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">»</span></em></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux, </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Une femme</span></em></p>
Tania
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Une femme, une mère
tag:textespretextes.blogspirit.com,2023-03-23:3339583
2023-03-23T08:00:00+01:00
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Quand je suis arrivée à Une femme (1987) d’Annie Ernaux, dans Ecrire...
<p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Quand je suis arrivée à <a title="Site de l'éditeur" href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Une-femme" target="_blank" rel="noopener"><em>Une femme</em></a> (1987) d’Annie Ernaux, dans <a title="Tous les billets T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/tag/%C3%A9crire+la+vie" target="_blank" rel="noopener"><em>Ecrire la vie</em></a>, c’était le moment de faire une pause. J’y suis revenue pour ce récit sur sa mère, morte en avril 1986 dans la maison de retraite où elle était <em>« placée »</em> depuis deux ans. A la manière assez sèche qui est parfois la sienne, elle rappelle les faits : la chambre, les pompes funèbres, l’inhumation à Yvetot. <em>« Tout a été vraiment fini. »</em></span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/02/2733207350.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1352005" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/02/2211404342.jpg" alt="annie ernaux,une femme,récit,littérature française,vie et mort de sa mère,éducation,travail,famille,maladie,alzheimer,je ne suis pas sortie de ma nuit,culture" /></a><br /><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 8pt;">Annie Ernaux avec sa mère, à l'entrée du café en 1959</span><br /><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 8pt;">(dans le photojournal au début d'<em>Ecrire la vie</em> © Collection Annie Ernaux)</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux dit son émotion dans les jours qui ont suivi, les pleurs, les réveils, la difficulté à reprendre sa propre vie. Trois semaines plus tard, elle se met à écrire sur <em>« la seule femme qui ait vraiment compté »</em> pour elle. <em>« Pour moi, ma mère n’a pas d’histoire. » </em>Elle veut écrire <em>« à la jointure du familial et du social, du mythe et de l’histoire »</em>, il lui faut <em>« chercher une vérité sur [sa] mère qui ne peut être atteinte que par des mots. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Née en 1906 à Yvetot où elle passera les trois quarts de sa vie, la mère d’Annie est la quatrième des six enfants d’un charretier et d’une tisserande à domicile décrite comme fière (<em>« pas de la campagne »</em>), sévère, économe, pratiquante. (On pense « telle mère, telle fille » en lisant le portrait de cette grand-mère.) A douze ans et demi, elle va travailler dans une fabrique de margarine, puis dans une corderie – son rêve était de devenir <em>« demoiselle de magasin »</em>.</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Violence et orgueil, <em>« les D… criaient tous, hommes et femmes, en toutes circonstances. »</em> Sa mère, une belle blonde assez forte, disait fréquemment à propos des gens riches, <em>« on les vaut bien ».</em> Elle lit tout ce qui lui tombe sous la main. Quand elle rencontre un ouvrier calme et gai, qui a sept ans de plus qu’elle et <em>« pas l’air commun »</em>, elle l’épouse en 1928. </span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Sa mère rêve d’un commerce, <em>« elle était la volonté sociale du couple »</em>. Ce sera d’abord un débit de boissons et d’alimentation, qu’elle tient seule à Lillebonne pendant que le père travaille ailleurs. Elle souhaite avoir un seul enfant, mais sa fille meurt de la diphtérie en 1938. Deux ans plus tard, elle est enceinte d’Annie. <em>« Il me semble que j’écris sur ma mère pour, à mon tour, la mettre au monde. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Après la guerre, <em>« la grande aventure de sa vie »</em>, elle quitte la Vallée trop humide (sa fille tousse) et reprend un <em>« café-alimentation »</em> à Yvetot. Cette commerçante satisfaite de l’être sourit devant les clients, mais est vite <em>« contrariée »</em> en famille. <em>« J’essaie de ne pas considérer la violence, les débordements de tendresse, les reproches de ma mère comme seulement des traits de caractère, mais de les situer aussi dans son histoire et sa condition sociale. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">C’est une femme constamment désireuse d’apprendre : les règles du savoir-vivre, les nouveautés, les noms des grands écrivains, etc. Elle écoute attentivement tout ce dont les gens parlent – <em>« S’élever, pour elle, c’était d’abord apprendre (…) et rien n’était plus beau que le savoir. »</em> Un désir poursuivi à travers sa fille. Sa mère encouragera les études, le lycée, les voyages.</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><em>« A l’adolescence, je me suis détachée d’elle et il n’y a plus eu que la lutte entre nous deux. »</em> Sa mère ne lui dit rien de la sexualité, surveille ses tenues, refuse de la voir grandir. La trouvant trop <em>« voyante »</em>, Annie Ernaux est lucide : <em>« Je lui faisais grief d’être ce que, en train d’émigrer dans un milieu différent, je cherchais à ne plus paraître. » </em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Une fois sa fille mariée avec un étudiant en sciences politiques dont la mère est mince, soignée et sait recevoir, elle passe à l’arrière-plan ; elles ne se voient plus qu’une fois par an, en été. Elle écrit à sa fille régulièrement. Quelques années après la mort du père, après avoir vendu son fonds, la mère vient vivre chez eux, ce qui la rend <em>« moins heureuse que prévu » </em>– leurs modes de vie ne sont pas en phase. Elle tient à leur être utile, elle adore ses deux petits-fils. </span><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">D’Annecy, ils déménagent en région parisienne, puis dans un pavillon dans un lotissement neuf. La mère retourne à Yvetot dans un studio pour personnes âgées près du centre ; d’abord contente de retrouver son indépendance, elle finit par s’ennuyer. Elle accourt quand sa fille l’invite à passer quinze jours chez elle.</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Des accidents de santé la ramènent définitivement chez sa fille, séparée, pour échapper à la maison de retraite. Puis Alzheimer, les débuts de la démence sénile – erreurs, énervements, pertes, interlocuteurs imaginaires… – rendent la vie commune impossible. Emue, je m’arrête sur certaines phrases : <em>« Elle inventait la vie qu’elle ne vivait plus. »</em> Ou ceci : <em>« J’avais besoin de la nourrir, la toucher, l’entendre. » </em> Je relis les derniers paragraphes, très beaux.</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Dix ans après <em>Une femme </em>paraît <a title="Site de l'éditeur" href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Je-ne-suis-pas-sortie-de-ma-nuit" target="_blank" rel="noopener"><em>« Je ne suis pas sortie de ma nuit »</em></a>, d’après la dernière phrase écrite par sa mère. Ce sont les notes prises durant sa maladie, mois par mois. Fallait-il les publier ? Je comprends très bien son besoin d’écrire après chaque visite ; pour ma part, je n’ai pas encore osé ou voulu toucher à ces carnets-là. Ce sont les bribes d’une déchéance. <em>Une femme</em> vaut mieux.</span></p>
Tania
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Politesse
tag:textespretextes.blogspirit.com,2023-01-17:3335277
2023-01-17T18:00:00+01:00
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« La politesse entre parents et enfants m’est demeurée longtemps...
<p><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/02/502722645.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1346692" style="float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/02/2090783818.jpg" alt="ernaux,la place,récit,littérature française,portrait du père,famille,culture,écrire la vie" /></a>« La politesse entre parents et enfants m’est demeurée longtemps un mystère. J’ai aussi mis des années à « comprendre » l’extrême gentillesse que des personnes bien éduquées manifestent dans leur simple bonjour. J’avais honte, je ne méritais pas tant d’égards, j’allais jusqu’à imaginer une sympathie particulière à mon endroit. Puis je me suis aperçue que ces questions posées avec l’air d’un intérêt pressant, ces sourires, n’avaient pas plus de sens que de manger bouche fermée ou de se moucher discrètement. »</span></em></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux, </span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><a title=""Il était gai." (T&P)" href="http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2023/01/12/il-etait-gai-3335210.html" target="_blank" rel="noopener">La place</a> </span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">(in <em>Ecrire la vie</em>)</span></p>
Tania
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”Il était gai.”
tag:textespretextes.blogspirit.com,2023-01-16:3335210
2023-01-16T08:00:00+01:00
2023-01-16T08:00:00+01:00
C’est avec La place (1983, prix Renaudot 1984) que j’ai découvert le...
<p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">C’est avec <em><a title="Site de l'éditeur" href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/La-place" target="_blank" rel="noopener">La place</a> </em>(1983, prix Renaudot 1984) que j’ai découvert le monde d’<a title="Site de l'autrice" href="https://www.annie-ernaux.org/fr/biographie/" target="_blank" rel="noopener">Annie Ernaux</a>. Ce récit s’ouvre sur une citation de Jean Genet qui me frappe davantage aujourd’hui qu’alors : <em>« Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours quand on a trahi. »</em></span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/01/413937350.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1346597" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/01/2697663776.jpg" alt="ernaux,la place,récit,littérature française,portrait du père,famille,culture" /></a><br /><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 8pt;"><span style="color: #515151; background: white;">Annie Ernaux, 8 ou 9 ans, avec son père et la chienne Miquette. <br />© Collection personnelle d’Annie Ernaux</span> (<a title=""Annie Ernaux à la recherche du réel" par Sophie Joubert (France-Amérique, 2020)" href="https://france-amerique.com/fr/annie-ernaux-a-la-recherche-du-reel/" target="_blank" rel="noopener">Source</a>)</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Le jour où elle est devenue professeur « titulaire » après avoir réussi les épreuves pratiques du Capes, elle le résume sur un ton distant, décrivant les circonstances et sans exprimer d’autre sentiment que la colère <em>« et une espèce de honte »</em> en pensant à cette <em>« cérémonie ».</em> Elle écrit à ses parents qu’elle est reçue : <em>« Ma mère m’a répondu qu’ils étaient très contents pour moi. » </em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><em>« Mon père est mort deux mois après, jour pour jour. » </em>Un dimanche de juin, comme le dimanche initial de <a title="T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2022/12/05/12-ans-23-ans-3305514.html" target="_blank" rel="noopener"><em>La Honte</em></a> (quand son père a voulu tuer sa mère). L’attitude de sa mère, la toilette du mort, les préparatifs de l’enterrement, tout est rapporté de manière factuelle, à part peut-être son impression, en voyant son visage changer :<em> « il ressemblait à un oiseau couché. » </em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Après quelques jours près de sa mère, elle rentre chez elle en train avec son fils – <em>« les voyageurs de première n’aiment pas le bruit et les enfants qui bougent » – « maintenant, je suis vraiment une bourgeoise »</em>. Par la suite, elle tente d’écrire un roman avec son père pour personnage principal, l’abandonne avec <em>« une sensation de dégoût » </em>: <em>« Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant », ou d’« émouvant ». »</em></span></p><p><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">« Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée.<br />Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L’écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j’utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles. » <br /></span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Choix radical qu’Annie Ernaux rappellera dans son <a title="Texte du discours (NouvelObs)" href="https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20221207.OBS66852/annie-ernaux-son-discours-de-prix-nobel-de-litterature.html" target="_blank" rel="noopener">discours de Stockholm</a> : <em>« Il me fallait rompre avec le « bien écrire », la belle phrase, celle-là même que j’enseignais à mes élèves, pour extirper, exhiber et comprendre la déchirure qui me traversait. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><em>La place</em> raconte les origines du père, au caractère gai, joueur, <em>« heureux quand même ».</em> Ce gars de ferme servant la messe le dimanche est entré dans le monde à la guerre de 14 – <em>« Paris, le métro, une ville de Lorraine, un uniforme qui les faisait tous égaux, des compagnons venus de partout, la caserne plus grande qu’un château. »</em> Après, il n’a plus voulu du travail à la ferme ; il est devenu ouvrier dans une corderie, un ouvrier sérieux (<em>« ni feignant, ni buveur, ni noceur »</em>). Il y a rencontré sa mère, <em>« une ouvrière vive, répondeuse ».</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Ils ont loué un logement à Y., <em>« deux pièces en bas, deux à l’étage »</em>, puis ont eu le projet de<em> « prendre un commerce »</em>. Ils ont économisé et repris l’unique café-épicerie de la Vallée, à trente kilomètres du Havre. Le gain paraissait d’abord facile, puis les demandes de crédit leur ont donné la peur de <em>« manger le fonds »</em> ; son père a dû reprendre un travail d’ouvrier sur un chantier de construction de la basse Seine. <em>« Elle était patronne à part entière, en blouse blanche. Lui gardait son bleu pour servir. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><em>« Naturellement, aucun bonheur d’écrire »</em>, note Annie Ernaux, résolue à se tenir <em>« au plus près des mots et des phrases entendues ». </em>Leur première fille n’était pas vaccinée contre la diphtérie, elle en meurt à sept ans. Après la deuxième guerre mondiale, la seconde étant souvent malade, ils quittent la Vallée au climat trop humide. Retour à Y. où ils trouvent <em>« un fonds de café-épicerie-bois-charbons dans un quartier décentré. » « La vie d’ouvrier de mon père s’arrête ici. » </em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Bonheur de leur nouveau mode de vie et aliénation, réhabilitation et dénonciation, <a title="Tous les billets T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/tag/Ernaux" target="_blank" rel="noopener">Ernaux</a> a l’impression <em>« de tanguer d’un bord à l’autre de cette contradiction. »</em> Pour son père, la satisfaction d’avoir tout ce qu’il faut, de manger à sa faim, de ne priver la gosse de rien, de devenir le propriétaire de l’établissement – sinon ne <em>« pas péter plus haut qu’on l’a ».</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Sa fille ressent de plus en plus le décalage entre l’éducation reçue à l’école et les manières du père, les langages différents d’un côté et de l’autre. Son père a des goûts simples et populaires – <em>« Il était gai. » </em>–, elle se sent divisée. Quand elle montre ses bonnes notes, il est heureux qu’elle <em>« apprenne » </em>bien (apprendre n’est pas travailler, on ne travaille que de ses mains). Les remarques qu’elle lui fait amènent des disputes, limitent les conversations. <em>« J’écris peut-être parce qu’on n’avait plus rien à se dire. » </em></span></p>
Tania
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Topographie
tag:textespretextes.blogspirit.com,2022-12-13:3305563
2022-12-13T18:02:00+01:00
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« Décrire pour la première fois, sans autre règle que la...
<p><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/02/502722645.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1276329" style="float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/02/2090783818.2.jpg" alt="Ernaux Quarto.jpg" /></a>« Décrire pour la première fois, sans autre règle que la précision, des rues que je n’ai jamais pensées mais seulement parcourues durant mon enfance, c’est rendre lisible la hiérarchie sociale qu’elles contenaient. Sensation, presque, de sacrilège : remplacer la topographie douce des souvenirs, toute en impressions, couleurs, images (la <a title="Vieille carte postale (Cartorum)" href="https://cartorum.fr/carte-postale/405007/yvetot-yvetot-villa-hedelin" target="_blank" rel="noopener">villa Edelin</a> ! la glycine bleue ! les buissons de mûres du Champ-de-Courses !), par une autre aux lignes dures qui la désenchante, mais dont l’évidente vérité n’est pas discutable par la mémoire elle-même : en 52, il me suffisait de regarder les hautes façades derrière une pelouse et des allées de gravier pour savoir que leurs occupants </span></em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">n’étaient pas comme nous.</span><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> »</span></em></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux, </span><a title="12 ans, 23 ans (T&P)" href="http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2022/12/05/12-ans-23-ans-3305514.html" target="_blank" rel="noopener"><em><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">La honte</span></em></a><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"> (in <a title="Tous les billets T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/tag/%C3%A9crire+la+vie" target="_blank" rel="noopener"><em>Ecrire la vie</em></a>)</span></p>
Tania
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12 ans, 23 ans
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2022-12-12T08:00:00+01:00
2022-12-12T08:00:00+01:00
Plus de vingt ans après Les armoires vides , Annie Ernaux revient dans...
<p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Plus de vingt ans après <a title="T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/tag/les+armoires+vides" target="_blank" rel="noopener"><em>Les armoires vides</em></a>, <a title="Biographie sur son site" href="https://www.annie-ernaux.org/fr/biographie/" target="_blank" rel="noopener">Annie Ernaux</a> revient dans <em>La honte</em> et dans <em>L’événement</em> sur deux expériences qui ont changé son existence. Deux clichés de son <em>« photojournal »</em> (Quarto) permettent d’imaginer son allure à douze ans, près de son père à Biarritz, et celle de l’étudiante <em>« mutine »</em> de vingt-trois ans, au Havre.</span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/01/3385076195.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1276328" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/00/01/2527153645.jpg" alt="ernaux,la honte,l'événement,récit,littérature française,autobiographie,société,famille,avortement,écriture,culture,féminisme,écrire la vie" /></a></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Ernaux emprunte à Paul Auster l’épigraphe de <a title="Site de l'éditeur" href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/La-honte2" target="_blank" rel="noopener"><em>La honte</em></a> (1997) : <em>« Le langage n’est pas toujours la vérité. Il est notre manière d’exister dans l’univers. » </em>Le drame est énoncé d’emblée : <em>« Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi. »</em> Sa mère ne cessant de récriminer, son père tremblant de colère l’avait empoignée et la menaçait avec une serpe. La petite Annie D. (Duchesne) appelant au secours, cela s’était terminé avec des cris et des pleurs. </span><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Elle se souvient d’avoir dit à son père : <em>« Tu vas me faire gagner malheur ». </em>Depuis cette scène inoubliable du 15 juin 1952, elle a toujours eu peur que cette violence se répète, jusqu’à la mort de son père quinze ans après. Ce fut la fin de son enfance et le début de la honte, écrit-elle des décennies plus tard. </span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';"><em>« Ce qui m’importe, c’est de retrouver les mots avec lesquels je me pensais et pensais le monde autour. »</em> En <em>« ethnologue »</em> d’elle-même, elle décrit le pays de Caux d’alors, entre Le Havre et Rouen, reconstitue la topographie de <em>« Y. »</em>, où tout oppose la rue du Clos-des-Parts et la rue de la République. Quand elle rentrait avec sa mère à l’épicerie-mercerie-café, celle-ci disait : <em>« On arrive au château ». </em></span><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux rappelle leur parler, les expressions, les gestes, l’éducation (<em>« corriger et dresser »</em>), la surveillance générale dans le quartier : <em>« Les conversations classaient les faits et gestes des gens. »</em> Il fallait être <em>« simple, franc et poli »</em> pour <em>« être comme tout le monde »</em>. Elle ajoute : <em>« Je ne connaîtrai jamais l’enchantement des métaphores, la jubilation du style. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">De l’école privée catholique, de la religion alors <em>« la forme de </em>[son]<em> existence »</em>, elle passe de son comportement d’excellente élève à ses sentiments d’envie en observant <em>« les plus grandes »</em>, de solitude, de curiosité pour les choses sexuelles. Sa mère prend le relais à la maison. Sans être très pratiquante, elle s’habille pour l’église comme pour une sortie et par désir de distinction. Son père ne prie pas.</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Depuis la mi-juin, Annie se sent indigne, <em>« dans la honte »</em>. En août, un voyage touristique à Lourdes en autocar avec son père – dix jours en compagnie d’inconnus – lui permet de découvrir le luxe des chambres d’hôtel (lavabo, eau chaude) et d’autres usages. Celle qu’elle est en 1996 n’a <em>« plus rien de commun avec la fille de la photo </em>(de 1952)<em>, sauf cette scène du dimanche de juin qu’elle porte dans la tête et qui</em> [lui] <em>a fait écrire ce livre, parce qu’elle ne </em>[l’]<em>a jamais quittée. »</em></span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/00/352325696.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1276284" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/00/738974122.jpg" alt="ernaux,la honte,l'événement,récit,littérature française,autobiographie,société,famille,avortement,écriture,culture" /></a></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Dans <em><a title="Site de l'éditeur" href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/L-evenement" target="_blank" rel="noopener">L’événement</a> </em>(2000), autre récit court (une cinquantaine de pages), elle revient sur son avortement en 1963, d’une façon factuelle, très différente par rapport aux <em>Armoires vides</em>. D’abord l’attente vaine des règles, les nausées, le verdict du médecin, l’horreur de se retrouver enceinte. <em>« Les mois qui ont suivi baignent dans une lumière de limbes. Je me vois dans les rues en train de marcher continuellement. » </em></span><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux a depuis longtemps le désir d’écrire <em>« là-dessus »</em> et ne veut pas mourir sans l’avoir fait. Son agenda et son journal lui donnent des repères pour raconter cette expérience vécue dans la clandestinité. (La <a title="Wikipedia" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Veil" target="_blank" rel="noopener">loi Veil</a> date de 1975.)</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Elle y voit un lien confus avec son origine : l’étudiante a échappé <em>« à l’usine et au comptoir »</em> mais pas à <em>« l’échec social »</em> de la fille enceinte ou de l’alcoolique. </span><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Tout de suite, elle sait qu’elle se fera avorter. En quête d’un médecin <em>« marron » </em>ou d’une <em>« faiseuse d’anges »</em>, sans aide de celui qui l’a mise enceinte, elle en parle à un étudiant marié, qui lui donne le nom d’une étudiante passée par là, qui <em>« a failli en crever d’ailleurs ».</em> Les visites chez des généralistes s’avèrent inutiles – <em>« les filles comme moi gâchaient la journée des médecins ». </em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">L’un d’eux, consulté après un essai infructueux de manier elle-même des aiguilles à tricoter, lui dit : <em>« Je ne veux pas savoir où vous irez. Mais vous allez prendre de la pénicilline, huit jours avant et huit jours après. Je vous fais l’ordonnance. »</em> Quand elle se rend chez la faiseuse d’anges <em>« impasse Cardinet, dans le XVIIe à Paris »</em>, à trois mois, en janvier 1964, c’est <em>« le bon moment pour le faire ». </em></span><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">Annie Ernaux a écrit <em>L’événement</em> pour mettre en mots «<em> une <a title="Entretien avec Annie Ernaux (site de l'éditeur)" href="https://www.gallimard.fr/Media/Gallimard/Entretien-ecrit/Entretien-Annie-Ernaux-L-Evenement/(source)/143868" target="_blank" rel="noopener">expérience humaine</a> totale, de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de l’interdit, une expérience vécue d’un bout à l’autre au travers du corps »</em> dont elle devait rendre compte. Ce texte fait partie des <em>« 25 livres féministes qu’il faut avoir lus »</em> selon le journal <em><a title="Article du Temps (2019)" href="https://www.letemps.ch/culture/25-livres-feministes-quil-faut-lus" target="_blank" rel="noopener">Le Temps</a></em>.</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', 'serif';">P.-S. <br />Le Monde a publié en avant-première (7/12/2022) le <a title="Texte publié dans Le Monde" href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/07/annie-ernaux-j-ecrirai-pour-venger-ma-race-le-discours-de-la-prix-nobel-de-litterature_6153401_3232.html" target="_blank" rel="noopener">discours d’Annie Ernaux</a> reçue à Stockholm le 10/12/2022. Le même jour, Pierre Assouline en a publié une <a href="https://larepubliquedeslivres.com/annie-ernaux-va-jusqua-stockholm-venger-sa-race/" target="_blank" rel="noopener">critique</a> dans sa République des livres.</span></p>
Tania
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Annie Ernaux Nobel !
tag:textespretextes.blogspirit.com,2022-10-07:3274514
2022-10-07T08:00:00+02:00
2022-10-07T08:00:00+02:00
Prix Nobel de littérature 2022 ! En apprenant la magnifique...
<p><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Times New Roman','serif';">Prix Nobel de littérature 2022 ! En apprenant la magnifique distinction obtenue par l’écrivaine des <em><a title="T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2010/06/07/les-annees-d-annie.html" target="_blank" rel="noopener">Années</a>,</em> mes pensées vont à P. V. , une collègue depuis trop longtemps disparue qui me l’a fait lire en premier. Et à l’amie <a title="Les années 70 et 80 d'Annie Ernaux (Espaces, instants)" href="https://espacesinstants.blogspot.com/2022/08/les-annees-70-et-80-dannie-ernaux.html" target="_blank" rel="noopener">Colo</a>, si enthousiaste de l’avoir écoutée récemment à Majorque, qui m’a mis entre les mains le dernier récit que j’aie lu d’Annie Ernaux, <a title="T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/tag/la+femme+gel%C3%A9e" target="_blank" rel="noopener"><em>La femme gelée</em></a>, où j’ai choisi ce passage.</span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/01/989111894.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1157711" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/01/243618991.jpg" alt="Ernaux prix Nobel.jpg" /></a><br /><span style="font-size: 8pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif;">« pour le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, <br />les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ».</span></p><p><em><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Times New Roman','serif';">« Ce que je deviendrai ? Quelqu’un. Il le faut. Ma mère le dit. Et ça commence par un bon carnet scolaire. Le samedi elle fait le compte des dix en dictée et en calcul mais ne moufte pas devant l’inévitable quatre en couture et le passable en conduite. »</span></em></p><p><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Times New Roman','serif';">Annie Ernaux, <em>La femme gelée</em></span></p>
Tania
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Que faire de sa vie
tag:textespretextes.blogspirit.com,2020-03-28:3148264
2020-03-28T08:30:00+01:00
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« Je lis. Sartre, Camus, naturellement. Comme les problèmes de...
<p><span style="font-size: 12pt;"><em><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/02/2757257500.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1086620" style="float: right; margin: 0.2em 0 1.4em 0.7em;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/02/3913003345.jpg" alt="ernaux,la femme gelée,roman,littérature française,femme,féminisme,apprentissage,mariage,culture" /></a>« Je lis. Sartre, Camus, naturellement. Comme les problèmes de robes et de rancarts foirés paraissent mesquins. Lectures libératrices qui m’éloignent définitivement du feuilleton et roman pour femmes. Que ces livres soient écrits par des hommes, que les héros en soient aussi des hommes, je n’y prête aucune attention, Roquentin ou Meursault je m’identifie. Que faire de sa vie, la question n’a pas de sexe, la réponse non plus, je le crois naïvement l’année du bac. Je marche avec une maxime : agir de façon à ne pas avoir de regrets. Qui m’a soufflé ce principe, Gide pas encore et je ne doute même pas qu’il est impraticable pour une fille. Ça ne va pas tarder. »</span></em></span></p><p><span style="font-size: 12pt;"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">Annie Ernaux,</span><em><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;"> La femme gelée</span></em></span></p><p><span style="font-size: 12pt;"><em><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">* * *</span></em></span></p><p style="padding-left: 40px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">P.-S. Signalée par <a title="Blog de Claudie" href="http://www.lapetiteverriere.com/" target="_blank" rel="noopener">La petite verrière</a>, cette "lettre d'intérieur" d'Annie Ernaux au président Macron (France Inter, 30/3/2020) : <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/lettres-d-interieur/lettres-d-interieur-30-mars-2020">https://www.franceinter.fr/emissions/lettres-d-interieur/lettres-d-interieur-30-mars-2020</a></span></span></p>
Tania
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La vie qui se fige
tag:textespretextes.blogspirit.com,2020-03-26:3148263
2020-03-26T08:30:00+01:00
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Comment vivre, être soi, devenir quelqu’un, voilà le sujet de La femme...
<p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">Comment vivre, être soi, devenir quelqu’un, voilà le sujet de <em>La femme gelée</em>, un des premiers romans d’<a title="Wikipedia" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Annie_Ernaux" target="_blank" rel="noopener">Annie Ernaux</a> (1981). Dans une œuvre plus récente, peut-être son chef-d’œuvre, <a title="T&P" href="http://textespretextes.blogspirit.com/tag/les+ann%C3%A9es" target="_blank" rel="noopener"><em>Les années</em></a>, elle a repris de manière plus large le thème d’un destin féminin dans la seconde moitié du XXe siècle. Je reprends à un extrait que j’avais cité ce bout de phrase qui correspond parfaitement au point de vue de l’écrivaine : <em>« il y a toutes les choses sur lesquelles la société fait silence et ne sait pas qu’elle le fait, vouant au mal-être solitaire ceux et celles qui ressentent ces choses sans pouvoir les nommer ».</em></span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/02/2749158638.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-1086619" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/02/3143898057.jpg" alt="ernaux,la femme gelée,roman,littérature française,femme,féminisme,apprentissage,mariage,culture" /></a><br /><span style="font-size: 8pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif;">© <a title="Article de Danièle Gillemon dans Le Soir (1998)" href="https://www.lesoir.be/art/exposition-retrospective-armand-vanderlick-a-ostende-an_t-19980723-Z0FJMK.html" target="_blank" rel="noopener">Armand Vanderlick</a> (1897-1985)</span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">Des femmes modèles, des fées du logis, la narratrice n’en voit pas beaucoup autour d’elles durant son enfance : <em>« Mes femmes à moi, elles avaient toutes le verbe haut, des corps mal surveillés, trop lourds ou trop plats, des doigts râpeux, des figures pas fardées du tout, ou alors le paquet (…) »</em>. Elles travaillaient aux champs, à l’usine ou dans un commerce. Ses parents tiennent un café-épicerie, son père fait la cuisine. La narratrice adore sa mère : <em>« la force et la tempête, mais aussi la beauté, la curiosité des choses, figure de proue qui m’ouvre l’avenir et m’affirme qu’il ne faut jamais avoir peur de rien ni de personne. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">C’est grâce à elle, à eux, que cette fille unique vit une enfance <em>« sans cette idée que les petites filles sont des êtres doux et faibles, inférieurs aux garçons »</em>. Plutôt heureuse d’être une fille, même si elle est grande et costaude, libre de rêver sur son vélo. Annie Ernaux rappelle les jeux de l’enfance, les critiques entendues et la conviction transmise par sa mère : elle deviendra quelqu’un. Il lui faut récolter de bonnes notes à l’école pour mener <em>« une vie libre ».</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">Les choses du corps, des garçons, des vêtements, c’est par les autres filles qu’elle les apprend, et les livres comptent plus que <em>« les demoiselles de l’école »</em> et leur prêchi-prêcha – <em>« Sachez-le, la dirlo me fixe sévèrement, on peut avoir dix partout et ne pas plaire au bon Dieu. »</em> Sa mère lui dit de travailler, peu importe le reste. <em>« La vraie mère, c’était lié pour moi à un mode de vie qui n’était pas le mien. »</em> Silence, propreté, élégance, c’était chez Marie-Jeanne : <em>« L’ordre et la paix. Le paradis. Dix ans plus tard, c’est moi dans une cuisine rutilante et muette, les fraises et la farine, je suis entrée dans l’image et j’en crève. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">L’adolescence change ses rêves : comment devenir une fille <em>« gironde »</em>, plaire, se rapprocher de l’idéal féminin bourgeois ? C’est une amie délurée, grande lectrice de <em>Nous deux</em>, qui lui apprend <em>« le code »</em> : <em>« Des types nous suivent. Ne pas leur répondre, tu aurais l’air de les encourager, elle m’apprend à vivre, Brigitte, le code encore et toujours. »</em> Quel sera son avenir ? <em>« Pas facile de traquer la part de la liberté et celle du conditionnement, je la croyais droite ma ligne de fille, ça part dans tous les sens. »</em> Brigitte lui explique ce qui est normal, d’où cette expression méprisante sur son père qui fait la vaisselle, <em>« l’homme-lavette ».</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">Etude, travail, volonté, orgueil, des clés pour survivre. Mais se pose le problème de rencontrer <em>« l’autre moitié du monde »</em> : <em>« L’idée d’inégalité entre les garçons et moi, de différence autre que physique, je ne la connaissais pas vraiment pour ne l’avoir jamais vécue. Ça a été une catastrophe. »</em> Apprendre à subir la drague, à écouter les hommes parler de ce qu’ils font sans jamais attacher d’importance à ce qu’elle fait, à ne pas les ennuyer ni les vexer… Découvrir que leur liberté sexuelle ne lui est pas permise. Observer les trop tôt mariées et éteintes – <em>« A chaque fois pour moi ce sera comme si elles étaient mortes et moi toujours vivante. »</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;"><em>« J’ai été une braque. »</em> Après le lycée, elle choisit la fac de lettres, l’enseignement : <em>« Prof, le mot qui ploufe comme un caillou dans une flaque, femmes victorieuses, reines des classes, adorées ou haïes, jamais insignifiantes, je ne me pose pas encore la question de savoir à laquelle je ressemblerai. »</em> Quatre années affamées de tout, <em>« de rencontres, de paroles, de livres et de connaissances ».</em> Et à espérer un homme pas comme les autres qui lui évitera <em>« tous les pièges et toutes les humiliations ».</em></span></p><p><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif;">Elle en rencontre un, fait l’amour et des projets. <em>« Mais les signes de ce qui m’attendait réellement, je les ai tous négligés. »</em> <em>La femme gelée</em> illustre bien des parcours de femme. Quel que soit son chemin, chacune y reconnaîtra une part de soi. On n’échappe pas à <em>« la différence »</em>, comme l’écrit Annie Ernaux, qu’elle soit culturelle ou sociale ou liée au genre. Elle décrit la fatigue, l’enlisement : <em>« Toute mon histoire de femme est celle d’un escalier qu’on descend en renâclant. »</em> Pas drôle, la vie comme la raconte <a title="Billet de Dominique (A sauts et à gambades)" href="http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2013/06/27/retour-a-yvetot-annie-ernaux.html" target="_blank" rel="noopener">Annie Ernaux</a>, dans un style dépoussiéré des convenances, plein de rythme, qui fait coller ce roman au plus près de la réalité vécue. Merci à celle qui me l’a offert.</span></p>
Tania
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A chaque moment
tag:textespretextes.blogspirit.com,2010-06-08:3109698
2010-06-08T20:20:00+02:00
2010-06-08T20:20:00+02:00
« A chaque moment du temps, à côté de ce que les gens considèrent...
<p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;"><em>« A chaque moment du temps, à côté de ce que les gens considèrent comme naturel de faire et de dire, à côté de ce qu’il est prescrit de penser, autant par les livres, les affiches dans le métro que par les histoires drôles, il y a toutes les choses sur lesquelles la société fait silence et ne sait pas qu’elle le fait, vouant au mal-être solitaire ceux et celles qui ressentent ces choses sans pouvoir les nommer. Silence qui est brisé un jour brusquement, ou petit à petit, et des mots jaillissent sur les choses, enfin reconnues, tandis que se reforment, au-dessous, d’autres <a target="_blank" href="http://www.lalibre.be/culture/global/article/587603/breves.html" title="Artiste du silence, Marina Abramovic (LLB, 7/6/2010)">silences</a>. »</em></span></span></p> <p><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA;">Annie Ernaux, <em><a target="_blank" href="http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2010/05/31/les-annees-d-annie.html" title="Les années d'Annie">Les années</a></em></span></p> <div style="text-align: center"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA;"><a target="_blank" href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/02/540963791.jpg"><img src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/01/1892304220.jpg" alt="Femme dans le métro parisien.jpg" name="media-72207" id="media-72207" style="border-width: 0; margin: 0.7em 0;" /></a></span></div> <div style="text-align: center"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA;"><br /></span> <div style="text-align: center"></div> <div style="text-align: center"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-family: Arial; font-size: 8pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA;"><a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/11/dans-le-metro-parisien-des-panneaux-publicitaires-high-tech-qui-derangent_1166380_3224.html"><span style="color: #800080;">http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/11/dans-le-metro-parisien-des-panneaux-publicitaires-high-tech-qui-derangent_1166380_3224.html</span></a></span></div> </div>
Tania
http://textespretextes.blogspirit.com/about.html
Les années d'Annie
tag:textespretextes.blogspirit.com,2010-06-07:3109697
2010-06-07T08:21:00+02:00
2010-06-07T08:21:00+02:00
« Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais » ,...
<p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt; mso-outline-level: body-text;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt;"><span style="font-family: Times New Roman;"><em>« Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais »</em>, ce sont les derniers mots d’une autobiographie qui se veut impersonnelle et collective,<br /> <em>Les années</em> d’<a target="_blank" href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Annie_Ernaux" title="Notice Wikipedia">Annie Ernaux</a> (2008 – Folio n° 5000). La première phrase : <em>« Toutes les images disparaîtront. »</em> Les images réelles ou imaginaires, et aussi les mots, les tournures, les paroles, notre prénom même, voués à <em>« disparaître dans la masse anonyme d’une lointaine génération ».</em> Annie Ernaux a choisi comme fil conducteur des photos (non montrées, mais décrites), puis des films, treize moments à partir desquels reconstituer le passage des années, de 1941 à 2006. Un ancrage autobiographique donc, contrairement à la fiction romanesque des <em><a target="_blank" href="http://enfinlivre.blog.lemonde.fr/2010/05/30/virginia-woolf-les-annees/" title="Présentation sur "Enfin Livre!"">Années</a></em> de Virginia Woolf, avec le même souci pourtant de recréer un contexte global, ici celui de la société française et des changements de civilisation dans la seconde moitié du vingtième siècle, et de rendre le glissement d’un temps à l’autre.</span></span> </p> <div style="text-align: center"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt;"><a target="_blank" href="http://textespretextes.blogspirit.com/media/02/00/2459099773.gif"><img src="http://textespretextes.blogspirit.com/media/01/01/68800930.gif" alt="Annie Ernaux.gif" name="media-72206" id="media-72206" style="border-width: 0; margin: 0.7em 0;" /></a><br /> <span style="font-family: Arial; font-size: 8pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA;"><a href="http://www.sevenstories.com/author/index.cfm?fa=ShowAuthor&Person_ID=64"><span style="color: #800080;">http://www.sevenstories.com/author/index.cfm?fa=ShowAuthor&Person_ID=64</span></a></span></span></div> <p class="MsoBodyText" style="margin: 0cm 0cm 0pt; mso-outline-level: body-text;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;">Raconter l’enfance, c’est rappeler d’abord une famille, les récits de guerre des parents, les repas de fête, <em>« un héritage de pauvreté et de privation antérieur à la guerre et aux restrictions, plongeant dans une nuit immémoriale, « dans le temps » … »</em> Les enfants écoutent, mais voient les années devant eux comme <em>« des classes, chacune superposée au-dessus de l’autre, espaces-temps ouverts en octobre et fermés en juillet » où l’on apprend le bon français, mais en<br /> retrouvant à la maison « sans y penser la langue originelle, qui n’obligeait pas à réfléchir aux mots, seulement aux choses à dire ou à ne pas dire ».</em> Etonnement des parents quand on rêve de Paris ou d’une excursion : <em>« Où veux-tu aller, tu n’es pas bien là où tu es ? »</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span style="font-family: Times New Roman;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;">L’histoire familiale est inséparable de l’histoire sociale – <em>« La prise de conscience de la déchirure sociale qui est au centre de mon œuvre a été déterminante »</em>, reconnaît Annie Ernaux dans un entretien.</span> <span style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt;">A</span><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;">près la guerre, vie séparée partout des garçons et des filles, arrivée des nouveautés, de la réclame – <em>« Le progrès était l’horizon des existences ».</em> Mais <em>« l’époque, disaient les gens, n’était pas la même pour tout le monde. »</em> La religion donnait alors le cadre et le rythme de vie, l’habillement distinguait les âges et les catégories sociales, les programmes scolaires <em>« ne changeaient pas »</em>. Une femme se regarde sur une photographie de 1955 au pensionnat : <em>« Et c’est avec les perceptions et les sensations reçues par l’adolescente brune à lunettes de quatorze ans et demi que l’écriture ici peut retrouver quelque chose qui glissait dans les années cinquante, capter le reflet projeté sur l’écran de la mémoire individuelle par l’histoire collective. »</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;">Les garçons auxquels on pense, les interdits bravés ou compensés par la lecture des feuilletons dans le journal et le cinéma, les ambiances de classe, les désirs d’électrophones ou de chaussures, les limites sans cesse rappelées : <em>« tu demandes trop à la vie ».</em> Dans le journal intime qu’elle a commencé vers seize ans, elle a noté son ennui et son attente de l’amour, rien de ce qui fait l’histoire de l’année 57 en France et ailleurs. Il fallait <em>« avoir ses deux bacs »</em> – le premier en fin de première, le second l’année d’après – <em>« le signe incontestable de la supériorité intellectuelle et de la certitude d’une future réussite sociale. »</em> Les vingt-six filles sur la photo de groupe du lycée (classe de philosophie 1958-59) ne sont plus, quarante ans après, <em>« qu’une triple rangée de fantômes aux yeux brillants et fixes. »</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;">A l’université, les filles <em>« vivaient dans deux temps différents, celui de tout le monde, des exposés à faire, des vacances, et celui, capricieux, menaçant, toujours susceptible de s’arrêter, le temps mortel de leur sang. »</em> Expériences érotiques. Souvenirs de lectures – <em>« Elle est passée de l’autre côté mais ne saurait dire de quoi, derrière elle sa vie est constituée d’images sans lien. Elle ne se sent nulle part, seulement dans le savoir et la littérature. »</em> Elle redoute la folie, commence un roman, est sûre de manquer de <em>« personnalité ».</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;">Sans jamais dire « je », plutôt « on » et « nous », parfois « elle » – en évitant l’introspection, Annie Ernaux convoque au concert des années les faits et les rêves, les magasins et la télévision, les tâches ménagères et les conversations de « jeunes ménages ». Mère d’un petit garçon, la voilà devenue <em>« petite-bourgeoise arrivée »</em> ? Un tableau de <a target="_blank" href="http://en.wikipedia.org/wiki/Dorothea_Tanning" title="Notice Wikipedia et photo de "Birthday"">Dorothea Tanning</a>, <em>Anniversaire</em>, lui semble représenter sa vie – <em>« à chaque livre qu’elle lit, <a target="_blank" href="http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Promenade_au_phare" title="Notice Wikipedia">La Promenade au phare</a>, <a target="_blank" href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Rezvani" title="Notice Wikipedia">Les Années-Lumière</a>, elle se pose la question de savoir si elle pourrait dire sa vie ainsi. »</em> Mai 68 : <em>« Le discours du plaisir gagnait tout. » « Un sentiment de femme était en train de disparaître, celui d’une infériorité naturelle. »</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;">Ensuite la <em>« société de consommation »</em> convertit en objets et en divertissement les idéaux de mai. Sur un bout de film (<em>Vie familiale 72-73</em>), elle se voit rentrer des courses avec les enfants après l’école. Son métier d’enseignante la <em>« déchire »</em>, elle le ressent <em>« comme une imperfection continuelle et une imposture ». « Serais-je plus heureuse dans une autre vie ? »</em>, la question l’obsède. <em>« Elle a commencé de se penser en dehors du couple et de la famille. »</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;"><a target="_blank" href="http://www.fdlm.org/fle/article/310/ernaux.htm" title="Une place à part : Entretien avec Annie Ernaux (2000) - Propos recueillis par Jacques Pécheur">Annie Ernaux</a> quitte la province pour la région parisienne. Films, chansons, livres, restaurants, et voilà la quarantaine, les photos en couleurs, les voyages. <em>« L’espérance, l’attente se déplaçait des choses vers la conservation du corps, une jeunesse inaltérable. La santé était un droit, la maladie une injustice à réparer le plus vivement possible. »</em> L’idée lui vient alors d’écrire <em>« une sorte de destin de femme » entre 1940 et 1985, « quelque chose comme</em> Une vie <em>de Maupassant, qui ferait ressentir le passage du temps en elle et hors d’elle, dans l’Histoire, un « roman total » qui s’achèverait dans la dépossession des êtres et des choses, parents, mari, enfants qui partent de la maison, meubles vendus. »</em></span></span></p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"> </p> <p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt;"><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE;"><span style="font-family: Times New Roman;">Années Mitterand. La pilule. Les magazines. Les insomnies. <em>« Le monde des marchandises, des spots publicitaires, et celui des discours politiques ».</em> Un homme jeune entre dans sa vie. A l’approche des années 2000, <em>« les lieux où s’exposait la marchandise étaient de plus en plus grands, beaux, colorés, méticuleusement nettoyées, contrastant avec la désolation des stations de métro, la Poste et les lycées publics, renaissant chaque matin dans la splendeur et l’abondance du premier jour de l’Eden. »</em> Passage à l’euro. Et enfin Internet, <em>« l’éblouissante transformation du monde en discours. »</em></span></span></p> <p><span xml:lang="FR-BE" lang="FR-BE" style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12pt; mso-bidi-font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR-BE; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA;"><em>« Dans la vivacité des échanges, il n’y avait pas assez de patience pour les récits. »</em> Sans complaisance ni nostalgie, dans un souci de fidélité au ressenti des événements ou non-événements vécus, <a target="_blank" href="http://bibliobs.nouvelobs.com/20080222/3454/en-video-annie-ernaux-ou-sont-passees-nos-esperances" title="En vidéo... Annie Ernaux: où sont passées nos espérances? / Obsvidéo.com">Annie Ernaux</a> permet à ses contemporains de reconnaître dans le miroir qu’elle leur tend des expériences partagées ou non. Pour les lecteurs plus jeunes, elle déroule un vingtième siècle absent des livres d’histoire mais riche de ce qui fait la vie, la vie ordinaire d’une femme, une vie.</span></p>