Last posts on calliclès2024-03-28T19:57:49+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://starter.blogspirit.com/https://starter.blogspirit.com/fr/explore/posts/tag/calliclès/atom.xmlMarc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.html« Demeure » de François-Xavier Bellamy, plaidoyer pour une vie mesuréetag:marcalpozzo.blogspirit.com,2019-04-04:31294452019-04-04T06:39:00+02:002019-04-04T06:39:00+02:00 François-Xavier Bellamy, dans son deuxième essai, aborde les dogmes de...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">François-Xavier Bellamy, dans son deuxième essai, aborde les dogmes de l’époque, la religion du progrès, l’impératif universel du mouvement, l’optimisme radical de la pensée progressiste, le rêve scientiste du <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/transhumanisme/" target="_blank" rel="noopener">transhumanisme</a></span>, le nomadisme technologique et économique, ce que réclame le positivisme postmoderne qui veut croire désormais non plus en Dieu mais en n’importe quoi. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>, et elle est désormais en accès libre dans l'<em>O<span style="color: #800000;">uvroir</span></em>. </span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/4258223352.jpg" id="media-1059399" alt="" /></p><h3 style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><br /><br /><img id="media-1059400" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/827761949.jpeg" alt="François-Xavier Bellamy" /><span style="font-size: 14pt;">Le bien commun</span></strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Notre époque souffre de deux maux inédits : le mouvement et la vitesse. On veut avaler les distances ; abolir le temps. La raison moderne déteste les détours, et cherche à nous libérer du mouvement afin de permettre le progrès. Le vœu pieux délivré par Descartes au seuil du monde moderne touche à son but : « Nous rendre maîtres et possesseurs » d’une réalité avec laquelle nous parviendrons enfin à coïncider parfaitement. À la radicalité de Parménide, on préfèrera désormais, relativisme d’Héraclite. Le devenir plutôt que l’être, les hommes ne devenant plus qu’une somme d’individus, une quantité mesurable et additionnable, la vie un mouvement sans fin auquel nous devons nous adapter. À la stabilité de l’être, on préfère l’emportement du mouvement.<br /><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Celui qui parle dans ce texte, est un jeune philosophe agrégé et normalien de 33 ans. Auteur d’un premier essai sur le climat de pauvreté intellectuelle et spirituelle qui naît de notre passivité et l’urgence de la transmission, il n’y a pas un gramme de défaitisme dans la pensée de ce jeune penseur, qui veut revenir à « la frontière de l’empire intérieur ».<br /><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Pourtant, dès l’introduction de son deuxième essai, le constat est sans détour : nous nous abandonnons à un mirage nouveau, celui du mouvement sans fin. Nous refusons le silence. Nous refusons d’habiter le monde. Nous voulons le parcourir sans fin jusqu’à épuisement, recherchons les fluctuations, nous nous voulons « capables de manipuler presque tout dans le réel ». Face à une nouvelle génération gavée de nouveau et de rapidité, l’auteur n’ignore pas que se cache derrière cette vaine euphorie une crise sans précédent de la modernité. Car, dit-il à juste titre, le problème fondamental est « le sens de l’homme ». Quel sens donner à un « homme oscillant » perpétuellement emporté par un mouvement sans fin ? Quel camp faut-il choisir ? Celui de la mobilité sans fin ou celui de la stabilité ? <br /><br /></span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Malheur à celui qui n’est pas assez mobile, pas assez souple et adaptable, pour se couler dans le flux : il constitue une objection vivante à ce monde nouveau, à ce monde du nouveau, qui ne lui pardonnera pas de rester comme un fossile encombrant au milieu de l’innovation triomphante. »<br /><br /></span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Et c’est donc à cette idéologie du mouvement sans fin que François-Xavier Bellamy s’attaque. Il écrit contre cette nouvelle grande folie, car la « modernité se caractérise par une immense colère contre ce qui ne se met pas à son rythme », contre ce monde dans lequel nous serions tous des « migrants » alors même que le concept « ne peut […] être qu’une aberration coupable. » La morale du mouvement contribuant à une autre religion, celle du progrès. Critique du sophisme naturaliste ; critique de la raison technique ; critique de<span style="color: #800000;"> <a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2019/06/26/peter-sloterdijk-et-le-parc-humain-faut-il-craindre-la-scien-3139435.html" target="_blank" rel="noopener">la raison transhumaniste</a></span> ; critique de la condition de l’homme moderne.<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071822" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/02/1530503882.jpg" alt="françois-xavier bellamy,gorgias,calliclès,ulysse,transhumanisme,parménide,héraclite" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Des migrants sur une embarcation au large de la Grèce, en 2016. AFP</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Dans ce progressisme qui entraîne dans sa trajectoire les libertés individuelles, et oppose les individus entre eux, au point de les prendre en otage d’un mouvement sans fin et d’une guerre de tous contre tous, il semble qu’un bien commun devienne alors parfaitement impossible.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h3 style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;"><strong>Habiter le monde</strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il y a alors, pour le philosophe, une urgence à se rappeler que l’on doit <em>habiter le monde</em>. Car en effet, dans ce démentiel mouvement sans fin, ce nomadisme technologique et économique, contre ce positivisme postmoderne irrésistible qui semble nous emporter tous dans sa folie, où pouvons-nous réellement aller ? Les impasses, les apories du discours, les pièges sont nombreux. Alors que l’idéologie du moment prétend que la vraie vie est ailleurs, toujours ailleurs, jamais là, jamais où l’on est, mais toujours là où l’on est pas, nous condamnant à une irrésistible course, qui, au final, semble être une sorte de surplace, cette soif de nouveau, de conquête, de progrès oublie, un peu trop vite, que « l’homme n’a pas simplement besoin d’un toit », que l’on ne peut brouiller ainsi le « lieu familier », le « point fixe », le « repère autour duquel le monde entier s’organise ».<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Éloge de la demeure, cette critique de la raison agissante, du dynamisme, de la passion de l’avenir, de l’irrésistible envie de changement, est une invitation à « faire l’expérience de la pesanteur des choses, de la résistance de la matière, de la consistance de l’espace ». Ce plaidoyer en faveur de l’ici, plutôt que du là-bas, celui du « lieu de vacances, habité par d’autres souvenirs, d’autres images, d’autres odeurs, d’autres peines et d’autres joies », cette apologie de la vie non pas sédentaire, mais centrée autour de son axe, la vie ancrée, nous dit qu’« habiter un monde, c’est être quelque part, c’est-à-dire savoir qu’on ne peut être partout ».<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Plaidoyer de la vie mesurée contre la démesure, Françoix-Xavier Bellamy accepte d’endosser le rôle de Socrate dans le <em>Gorgias</em>, opposant à un Calliclès chancre de la démesure et de la vie déséquilibrée, une existence tempérée, faite de mesure, de tranquillité, de désirs mesurés et de sagesse. Ulysse, qui parcourut les mers, les océans, qui a bravé tous les dangers, et qui a vécu mille aventures, ne sait-il pas mieux que tout le monde, que le bonheur n’est pas dans le mouvement, dans l’instabilité permanente, mais dans un lieu fixe, en son centre, à l’intérieur de soi, lorsqu’on a enfin trouvé son axe, et « la terre ferme ».<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1070286" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/1246145967.jpg" alt="françois-xavier bellamy" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">François Xavier-Bellamy<br /><br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">François-Xavier Bellamy, <em>Demeure, Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel</em>, Grasset, octobre 2018.</span></strong></p>
Marc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlQu’est-ce qu’une vie réussie ? (Épicure, Sénèque, Spinoza, Hadot & co.)tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2012-12-21:29423342012-12-21T16:43:00+01:002012-12-21T16:43:00+01:00 Qu’est-ce que réussir sa vie ? C’est-à-dire : qu’est-ce qu’une vie...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 12pt;"><strong>Qu’est-ce que réussir sa vie ? C’est-à-dire : qu’est-ce qu’une vie accomplie ? Et qu’est-ce qu’une vie réalisée en conformité avec soi et les autres ? À la fois anthropologique, sociale, éthique et presque métaphysique, cette question nous concerne tous. Pourquoi ? Parce que précisément, c’est une question qui pose le problème du bonheur. Sommes-nous heureux ? Pouvons-nous aspirer au bonheur ? Et surtout qu’est-ce qu’une vie heureuse ? Cet article est paru dans le numéro 22 des<span class="commentbody"><em> <span style="color: #800000;">Carnets de la philosophie</span></em>, en septembre 2012. Le voici désormais en accès libre dans l'<em><span style="color: #800000;">Ouvroir</span></em>.</span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/988490253.jpg" id="media-1070129" alt="" /></p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"> </p><p class="MsoNormalCxSpFirst" style="margin-left: 219.75pt; text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino; font-size: 10pt;">“<em>Je suis d’accord en cela avec les stoïciens, concernant la nature des choses : ne pas s’en écarter, se former sur sa loi, voilà la sagesse. La vue heureuse est donc celle qui est en accord avec sa nature</em>”, Sénèque.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">On associe aujourd’hui le bonheur à la réalisation de tous ses désirs et de tous ses besoins. Mais la poursuite en question parait vaine, d’emblée impossible car comment faire pour parvenir au bout de cette recherche. Or, si l’on ne parvient pas à tout réaliser, nous ne serons pas heureux. Aucune lueur d’espoir de bonheur. C’est Michel Houellebecq qui dit : « N’ayez pas peur du bonheur ; il n’existe pas. »<a title="" href="file:///C:/Users/Wes%20Craven/Desktop/R%C3%A9ussir%20sa%20vie.doc#_ftn1" name="_ftnref1"></a><span class="MsoFootnoteReference"><!-- [if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference">[1]</span><!--[endif]--></span> Le bonheur est étymologiquement ce qui est de l’ordre de la chance ou du bon augure… Sommes-nous nés ou non sous une bonne étoile quand la vie nous sourit ? Et nous sourit-elle tout le temps ?<br /><br /></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Peut-être faudrait-il distinguer d’abord les divers types de réussites. Luc Ferry tente cette classification que je reprends ici :</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="margin-left: 25.1pt; text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><!-- [if !supportLists]-->1. <!--[endif]-->Réussir, une affaire personnelle dans l’esprit de conquête ?</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="margin-left: 25.1pt; text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><!-- [if !supportLists]-->2. <!--[endif]-->Réussir, s’engager et s’investir dans notre relation aux autres ?</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="margin-left: 25.1pt; text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><!-- [if !supportLists]-->3. <!--[endif]-->Réussir, s’en tenir à la sphère privée, et à l’amour pour les siens (amitié, famille ?</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="margin-left: 25.1pt; text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><!-- [if !supportLists]-->4. <!--[endif]-->Réussir, se perfectionner et se dépasser pour soi et non pour les autres ?<a title="" href="file:///C:/Users/Wes%20Craven/Desktop/R%C3%A9ussir%20sa%20vie.doc#_ftn2" name="_ftnref2"></a><span class="MsoFootnoteReference"><!-- [if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference">[2]</span><!--[endif]--></span></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Je vais ainsi démontrer que le bonheur est accessible à tous. Qu’il est certes fragile et simple, mais que nous pouvons tous réussir nos vies, et donc être heureux, si nous prenons juste le temps de changer notre regard.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>1. Qu’est-ce que réussir aujourd’hui ?</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Le culte de la performance et le bonheur</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Commençons par un constat : le désarroi de l’individu que l’on nous promet depuis longtemps est bien une réalité présente, pour une raison simple : il ne peut plus avoir le sens de l’autre aux prises d’une société sans projet collectif, qui lui ressasse, telle une injonction impitoyable, d’« être lui-même », laissant ainsi ce dernier à son autonomie. Aussi, seul « l'effritement des frontières entre le privé et le public » témoigne apparemment du fait que, par le recul du politique, la subjectivité est devenue une question collective. Il nous faut en réalité retenir que l’individualisation rejoint la contractualisation dans la sphère productive. De fait, le devoir de production de soi précède sa nécessité pour une civilisation hyper-technicienne qui exprime sa nouveauté dans des significations déjà là dont elle épouse les formes. On s’aperçoit alors combien les mots : <em>contractualisation</em>, <em>individualisation</em>, <em>personnalisation</em>, <em>autonomie</em> ne sont que le résultat d’une lutte idéologique intense.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">De fait, nous vivons aujourd'hui dans un monde où nous réduisons notre recherche au simple confort individuel. On refuse d’en savoir trop sur son être intime. On refuse de s’ouvrir à l’autre, happés que nous sommes, par le modèle dominant de l'économie libérale qui prétend élargir les libertés subjectives, alors qu’il les limite terriblement, transformant le sujet en une individualité biologique à laquelle il réclame performance et productivité, ce qui arrange d’ailleurs le système social. Un principe que Lefort explique bien : « La division du social conditionne l'unité de la société, le conflit permet de faire tenir un groupement humain sans qu'il n'ait besoin de justifier son sens en se référant à un ailleurs et sans qu'un souverain décide pour nous. C'est là le noyau du politique en démocratie. » En contrepartie, le système abolit toute réflexion sur soi. Il s’agit pour l'homme moderne de l'économie libérale d’être lisse et sans conflits. Semblable à un ordinateur, il ne doit jamais offrir le spectacle d'une quelconque défaillance. Cette absence de défaillance, on appelle cela aujourd’hui le <em>bonheur</em>.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Le souci narcissique du pouvoir illimité</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Selon les antiques, le bonheur, c’est ce qui oriente et détermine les actions humaines. Il s’agit tout d’abord pour Platon de s’opposer aux sophistes dont il résume les positions dans plusieurs de ses dialogues. Pour eux, le bonheur dépend de la <em>fortune</em> (au double sens du hasard et de la possession des biens matériels). Étymologiquement, la signification du mot « bonheur » n’est pas étrangère à celle qui nous vient du latin <em>Bonum augurium </em>qui signifie « bon présage ». Les sophistes, comme en témoigne Calliclès dans le <em>Gorgias</em>, affirment que le bonheur est tributaire de ce que la nature a conféré à chaque homme ; est heureux celui chez qui, par nature, existe un équilibre entre les désirs et les facultés. En effet, le bonheur ne se goûte qu’à condition que les désirs n’aillent pas au-delà des possibilités de leur satisfaction. Selon cette optique, sera le plus heureux celui qui aura les désirs les plus grands et le plus de moyens de les assouvir (un tyran par exemple). Le bonheur est donc inséparable du <em>plaisir</em> (on l’appelle <em>hédonisme</em>) et, plus encore, se mesure à l’intensité de ce plaisir. Dans le <em>Philèbe,</em> Socrate s’oppose à Calliclès en affirmant que les désirs ont quelque chose d’incontrôlable et qu’ils tiennent en leur pouvoir celui qui s’adonne à la jouissance sans limites, le « débauché ». Le plaisir, dit-il, appartient au genre de l’<em>illimité</em>, ce qui implique qu’il ne possède pas une <em>nature propre</em> et ne peut par conséquent pas être un <em>bien</em> en lui-même. En effet, jouir ne va pas sans le sentiment de la jouissance, anticiper ou se remémorer un plaisir ne va pas sans la pensée de ce plaisir, etc. D’autant que la « vie de plaisir » est marquée du sceau de l’incomplétude. Et elle peut facilement conduire à terme à la dépression…<br /><br /></span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1071514" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/2890890107.jpg" alt="spinoza,épicure,sénèque,luc ferry,calliclès,socrate,alain ehrenberg,michel houellebecq,sigmund freud,schopenhauer,pierre hadot,ren descartes" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Le sophiste Gorgias durant ses cours<br /><br /><br /></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>La fatigue d’être soi</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><a href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2019/06/27/peut-on-echapper-a-la-fatigue-d-etre-soi.html" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #800000;">En suivant le sociologue Alain Ehrenberg, on peut dire que la dépression nous instruit sur notre expérience de la personne</span><span style="color: #ff0000;">,</span></a> car elle est la pathologie d'une société où la norme n'est plus fondée sur la culpabilité et la discipline, mais sur la responsabilité et l'initiative : « L'individu est confronté à une pathologie de l'insuffisance plus qu'à une maladie de la faute, à l'univers du dysfonctionnement plus qu'à celui de la loi : le déprimé est un homme en panne. » En dépit des quelques accointances avec la plus classique et très ancienne mélancolie, la dépression — le trouble mental aujourd'hui le plus répandu dans le monde — a une histoire tout à fait récente, que le sociologue retrace dans son ouvrage <em>La fatigue d'être soi<a title="" href="file:///C:/Users/Wes%20Craven/Desktop/R%C3%A9ussir%20sa%20vie.doc#_ftn3" name="_ftnref3"></a><span class="MsoFootnoteReference"><!-- [if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><strong>[3]</strong></span><!--[endif]--></span></em>. Notre dépression prend la suite, sans s'y confondre, de la première maladie à la mode, la neurasthénie, dont on ne pouvait pas ne pas souffrir si l'on était homme (et surtout femme) vivant pleinement son temps, entre la fin du siècle dernier et le début du nôtre. Mais quand Freud interprétait la névrose comme résultat d'un conflit entre le désir et la loi, et symptôme d'une culpabilité, Pierre Janet y voyait déjà le signe d'une déficience, d'un manque d'énergie du sujet, bref, d’une dépression. De la névrose à la dépression, de la difficulté de l'identification aux troubles de l'identité, sur fond de revanche posthume de Janet sur Freud, cette généalogie de l'individu contemporain qu'esquisse Alain Ehrenberg a le mérite de nous apprendre combien la souffrance actuelle d'être soi-même pèse sur notre psychisme, et altère, voire atomise notre bonheur quotidien et notre bien-être. Elle nous montre également que nous n’écoutons jamais nos vrais besoins, trop accaparés à satisfaire tous nos désirs.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>2. Peut-on distinguer entre vrais et faux besoins ?</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>De la souffrance à l’ennui</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Schopenhauer montre bien le lien du désir au besoin et au manque<a title="" href="file:///C:/Users/Wes%20Craven/Desktop/R%C3%A9ussir%20sa%20vie.doc#_ftn4" name="_ftnref4"></a><span class="MsoFootnoteReference"><!-- [if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference">[4]</span><!--[endif]--></span>. Ainsi, écrit-il, le fait de <em>vouloir</em> est toujours engendré par le manque, celui-ci étant identifié immédiatement à la souffrance. Le désir étant infini, cela empêche la plénitude de la satisfaction d’un désir particulier, puisque celle-ci ne peut être complète dans la mesure où complète cette satisfaction empêcherait un autre désir de se réaliser. À cela se rajoute la durée de cette plénitude, très partielle, dont le seul but est de laisser place à d’autres désirs. C’est pourquoi le désir ne saurait promettre ni bonheur ni repos. Il n’y a pas de satisfaction totale des désirs, au sens où la plénitude ou à la tranquillité permettrait à l’homme le repos : selon le philosophe allemand, toute satisfaction conduit à l’ennui, donc, à la nostalgie du désir. La souffrance est le lot de chacun, soit parce que les hommes ne savent pas faire sans le désir ; soit parce qu’en son absence, ils s’ennuieraient trop. Dans le mouvement sans fin qui mène les hommes de la souffrance à l’ennui, l’instabilité et l’<em>intranquillité</em> est au centre de la volonté, mère de toutes les souffrances chez Schopenhauer. La seule issue serait de nier la volonté et de remonter dialectiquement vers le monde de la contemplation, mais seuls quelques esprits supérieurs en sont vraiment capables selon le philosophe le plus pessimiste de l’histoire de la philosophie.</span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong>Des désirs essentiels</strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormalCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Comment sortir de cette spirale ? <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2005/11/30/pour-une-philosophie-du-plaisir-note-sur-epicure.html" target="_blank" rel="noopener">Ne faut-il pas s’en référer à la catégorisation des désirs d’Épicure qui dresse une frontière entre les <em>désirs naturels</em> et les <em>désirs vains</em></a></span> : différenciant les premiers comme nécessaires au bonheur, les deuxièmes comme bons pour le bien-être du corps, les troisièmes comme <em>strictement</em> vitaux. Par une telle catégorisation des désirs, on peut alors se protéger de la souffrance et du tourment. Au centre de cette recherche, bien sûr, on trouve une philosophie hédoniste qui pose le <em>plaisir</em> comme le premier des Biens. Ici, le plaisir ne sera pas la recherche effrénée de tous les plaisirs, mais le plaisir au sens de tranquillité de l’âme, et d’absence de souffrance du corps.<br /><br /></span></p><p class="MsoNormalCxSpLast" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">On pourrait tout autant dire qu’il nous faut distinguer les désirs dont la réalisation dépend de nous de ceux dont la réalisation ne dépend pas de nous. </span></p><p class="DefaultCxSpFirst" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p class="DefaultCxSpMiddle" style="text-indent: 7.1pt; text-align: justify;"><span style