Last posts on autofiction2024-03-29T15:12:34+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://starter.blogspirit.com/https://starter.blogspirit.com/fr/explore/posts/tag/autofiction/atom.xmlMarc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlEmmanuel Carrère, Yoga : confession d’un ego hypertrophiétag:marcalpozzo.blogspirit.com,2021-01-04:31579252021-01-04T06:00:00+01:002021-01-04T06:00:00+01:00 Yoga, d’Emmanuel Carrère, c'est le roman de la rentrée 2020, promu à un...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><em>Yoga,</em> d’Emmanuel Carrère, c'est le roman de la rentrée 2020, promu à un bel avenir, avant que l’ex-femme de l’auteur ne vienne « casser l’ambiance » en livrant des confidences en défaveur du romancier dans un magazine <em>people</em>. Si je me suis intéressé à ce récit, c'est moins parce que j'apprécie l'oeuvre de l'auteur, en général, mais parce que la littérature people, - avec la sortie en parallèle du premier roman de Raphaël Enthoven -, ça fait vendre, ça fait parler et ça fait couler beaucoup d'encre... Cette<span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><span style="font-size: 12pt;"> chronique est parue dans la revue en ligne <span style="color: #800000;"><em>Boojum</em></span>. Elle est désormais en accès libre dans l<span style="color: #800000;"><em>'Ouvroir</em></span>. </span></span></strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/115301762.jpg" id="media-1104284" alt="" /></p><p><strong><em><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Times New Roman';"> </span></em></strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1104286" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/01/01/3810792247.jpg" alt="yoga.jpg" /></span></p><h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">Emmanuel et sa maman</span></strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Je connais Emmanuel Carrère depuis 1986 et sa prestation sur le plateau d’<em>Apostrophes.</em> Il avait accompagné sa chère maman Hélène Carrère d’Encausse, et présenté son roman <em>La Moustache</em>, qui était une belle découverte rafraîchissante de l'époque, sans être pour autant marquante. Quelques années plus tard, et quelques romans en plus, <em>L’Adversaire</em>, puis son brillant <em>Liminov</em>, ont placé l’auteur dans la liste des écrivains français pour lesquels j’avais pas mal d’admiration. <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2015/01/30/michel-houellebecq-precis-de-decomposition-3035970.html" target="_blank" rel="noopener">Il y a eu l’année de la sortie de <em>Soumission,</em> de Houellebecq</a></span>, <em>Le Royaume</em>, qui le classait presque à côté de l’écrivain français en tête de toutes les ventes, comme la plus belle surprise de 2015.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Depuis, j’avais cru qu’Emmanuel Carrère avait cassé sa plume. Croisé une fois au Collège de France, où il était venu faire une conférence sur l’autofiction et puis, voilà que sonne la rentrée littéraire ; sort ce livre, doté d’un titre qui fait irrésistiblement penser à une farce : <em>Yoga</em>.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le pitch étant plutôt simple pourtant, et inscrit sur la quatrième de couverture : « <em>C’est un livre sur le yoga et la dépression</em> ». Jusque-là, rien de bien curieux. On imagine assez facilement des wagons de Français, assez aisés et malheureux, se payer à la fois une dépression, et en chercher son remède à travers le yoga, dont les pratiques sont plutôt dévoyées en Occident.<br /><br /></span></p><h3 style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 14pt;">Un auteur malade de son ego</span></strong></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Voilà donc que, l’auteur, malade de son ego, un ego dit-il assez « envahissant », quitte son appartement bourgeois, et sa vie sous les feux de la rampe, pour accomplir un stage de yoga. Stage qui sera interrompu, lors des attentats de 2015, avec la mort de son ami Bernard Maris. Bien décidé à écrire « un livre subtil et souriant » sur le sujet du yoga, qui se vendra comme des petits pains pense-t-il, le voilà, embarqué désormais, dans une autre aventure, qui est l’étalage d’égo, transformé, pour le fait littéraire, en une autofiction, qu’il pratique depuis déjà quelques livres.<br /><br /></span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">J’ai tendance à penser qu’on fait toujours œuvre utile et bienfaisante en faisant état de sa propre misère, parce que nous avons tous en commun d’être absolument misérables. On boîte tous.<br /><br /></span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le récit d’Emmanuel Carrère commence donc en 2015, lorsque, « hors d’atteinte » (formule qui revient de livre en livre), l’écrivain se prépare à vivre dix jours coupé du monde. Si la vie de l’auteur semblait jusqu’ici en ordre, avec quelques succès littéraires qui lui ont gonflé l’ego, ses pratiques de taï-chi et son mariage, sa vie bourgeoise, une mère brillante qui veille à ce que son fiston écrive, voilà que, soudain, tout se brouille, au point que l’écrivain français doive, d’abord accomplir ce stage de méditation, pour se défaire d’un ego trop tyrannique, puis arrive l’escalade : au bout de seulement quatre jours, voilà que le narrateur doive stopper son stage ; son ami Bernard Maris assassiné lors des attentats de Charlie-hebdo ; il vit une nuit d’amour torride avec une femme à l’hôtel Cornavin de Genève et devient passionnément amoureux ; est interné en 2017, à Sainte-Anne, pour une durée de quatre mois ; crise des réfugiés sur l’île de Lesbos en Grèce et la mort de son éditeur Paul Otchakovsky-Laurens le 1<sup>er</sup> janvier 2018 dans un accident de voiture continuent d’atteindre Emmanuel dans sa chair ; Emmanuel découvre sa bipolarité et son infinie fragilité.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1104287" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/01/115301762.2.jpg" alt="emmanuel carrère,hélène carrère d'encausse,raphaël enhoven,edouard liminov,autofiction,bernard maris,charlie hebdo,paul otchakovsky-laurens,marguerite duras,littérature people" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span class="caption">Emmanuel Carrere et son ex-femme Helene Devynck (qui dit<br />avoir été utilisée par l'auteur) en 2015, à la <br />Mostra de Venise</span><span class="bullet">•</span><span class="copyright"> <br />Crédits : <em>Ekaterina Chesnokova / Sputnik</em> - <em>AFP</em></span></span></p><p style="text-align: center;"> </p><h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">Un tout autre livre</span></strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Ce livre, qui devait être un petit livre sur le yoga, devient soudain, sous le feu des événements, un livre puissant (ou qui aurait pu l’être !) sur l’écriture, le moi, la dépression, et la folie de vivre. Va-t-il mourir ? Va-t-il survivre ? Ou va-t-il pourrir ?<br /><br /></span></p><blockquote class="wp-block-quote"><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est utile quand la vie vous sourit de savoir qu’elle va vous passer à tabac et quand on tâtonne dans les ténèbres que la lumière va revenir. Ça donne de la prudence, ça donne de la confiance. Ça aide à relativiser ses états d’âme. Du moins ça devrait.<br /><br /></span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Emmanuel est un petit-bourgeois parisien. Jeunesse dorée, belle intelligence, beaucoup de talent, une mère célèbre et brillante, un beau mariage, une vie équilibrée. Bref, assez pour être hors d’atteinte ! Le croit-il durant longtemps en tout cas. Puis c’est l’escalade de la dépression. L’auteur amène les choses avec douceur, et n’oublie pas de se peindre délicatement. Il n’est pas question de présenter les choses, aussi dramatiques soient-elles, de manière brutale, sans fard, zéro filtre, ce qui est dommage ! Si cette écriture à la Carrère se veut distanciée, elle montre aussi toutes ses fragilités.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">Douleur de soi</span></strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">On est loin de <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2009/12/13/ruines-circulaires-2-duras-et-sa-solitude.html" target="_blank" rel="noopener">Duras</a></span>, qui fait de ses douleurs, de ses blessures une œuvre d’art, cherchant à faire émerger dans le dire l’indicible. Avec Carrère, nous sommes plutôt du côté du récit ventripotent, le lorgnon pendant, la peinture de soi pour soi à partir de soi que pour soi ; nous sommes plongés en pleine <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/02/23/ecrivains-post-moderne-3147181.html" target="_blank" rel="noopener">littérature post-moderne,</a></span> dans laquelle, le voyeurisme se mêle aux épanchements larmoyants sur l’ego blessé d’un bourgeois parisien ; avec Carrère, nous sommes de moins en moins du côté de la littérature et de plus en plus du côté du scandale « people » (ne pas oublier cette interminable polémique avec son <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" href="https://www.lefigaro.fr/livres/un-ego-despotique-l-ex-femme-d-emmanuel-carrere-denonce-les-mensonges-de-l-auteur-de-yoga-20200930"><strong>ex-femme, lui reprochant par médias interposés, d’avoir utilisé son image et ses souvenirs dans son dernier roman</strong></a></span>, alors même qu’ils auraient passé un contrat entre eux). Bref, à lire ce texte, on a l’odieux sentiment de ne plus retrouver ce que l’on croyait connaître de la littérature française, avec Zola, Mauriac, Giono, Déon, Modiano, etc. ; on a de plus en plus le sentiment d’assister à l’achèvement de la littérature, avec la sensation d’un grand vide, d’un grand écoeurement.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">On veut lutter encore, mais tout se défile dans ces romans accessoires, où tout ce qui fit la grande littérature se refuse désormais à nous, ou tout ce que l’on a connu n’est plus du tout ce qu’il était ; par tempérament, je déteste l’écriture pour les masses, et, devant autant de pensées à la mode, spirituelles (pour ne pas dire « spiritueuses »), humanistes (je parle de ces passages sur les réfugiés), autant de complaisance pour soi et son ego, bref, effrayé, mené par le bout du nez et d’une main de maître grâce à un style maîtrisé, je dois le dire, je ne sais plus quoi penser de cette littérature pour journaux à scandales, littérature pour têtes de gondoles, avec des pages écrites pour faire vendre encore du livre.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Il y a certes un restant de panache ; il y a quelque chose qui nous tient en haleine. Je crains cependant que ce ne soit plus de la littérature ; juste un déversement de bons sentiments pour soi. Alors, que tire-t-on de ce roman de 392 pages, si ce n’est une lassitude face à autant de narcissisme autorisé, légitimé, justifié par une littérature de la débâcle, qui finira sans doute dans un excès de coprophagie ?<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Ce qui est donc fort à regretter, dans le « fourre-tout bourgeois », où les grandes familles sont en train de se fourvoyer, réglant leurs comptes, racontant leurs déboires, c’est le spectacle d’une fin de partie. La grande succession de « fils et de filles de », à peine plus légitimes que l’enfant de ma concierge, décomplexés pourtant, et montrant, qu’aux premières loges de cette société française de plus en plus fragmentée, la reproduction des élites sociales, l’endogamie dynastique, les « sans talent » aux côtés de leurs pères ou mères, autrefois « cadors » de la rue des Saint-Pères, font désormais de la culture et de la littérature un terrain de jeu bien à eux, et assez pitoyable vu de l’extérieur. On peut toutefois déplorer que le bon peuple continue gaiment de s’arracher, pour on ne sait quelle mystérieuse raison, cette mauvaise littérature.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">Du mauvais journalisme</span></strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Le problème de Carrère, c’est qu’il tente de transformer la littérature en du mauvais journalisme. Il est devenu grand reporter de lui-même, parcourant de long en large son ego et sa vie, des kilomètres de vide, d’ennui, de quotidien nullement transformé par le matériau de l’art. On demeure las, à force de tourner les pages, de lire la vie d’un homme, une vie qui n’est pas plus intéressante que celle du quidam qui passe sous vos fenêtres ; certes, il essaye de faire d’un problème bourgeois de la littérature. Mais ça ne marche pas. Et pourquoi ça ne marche pas ? Parce que cela manque cruellement de transcendance… Dans cet échec, Emmanuel Carrère montre au moins une chose : la littérature sans métaphysique, ce n’est plus rien.<br /><br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Je renverrai ainsi les lecteurs à des ouvrages plus anciens d’Emmanuel Carrère, comme <em>Bravoure</em>, <em>L’Adversaire</em>, <em>Liminov</em>. Lorsque le fils d’Hélène Carrère d’Encausse avait encore quelque chose à dire…</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p><span style="font-family: georgia, palatino, serif;"><img id="media-1104285" style="margin: 0.7em auto; display: block;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/4071229786.jpg" alt="Emmanuel-Carrere_4142.jpg" /></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Emmanuel Carrère en 2017</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: 12pt; font-family: georgia, palatino, serif;">Emmanuel Carrère, <em>Yoga</em>, P.O.L, Août 2020, 400 pages.</span></strong></p>
Marc Alpozzohttp://marcalpozzo.blogspirit.com/about.htmlVive Navarre !tag:marcalpozzo.blogspirit.com,2018-12-04:31278572018-12-04T09:12:00+01:002018-12-04T09:12:00+01:00 C'est son nouvel éditeur, qui m'a convié à une soirée spécialement...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><strong><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Times New Roman';"><span style="font-family: georgia, palatino, serif;">C'est son nouvel éditeur, qui m'a convié à une soirée spécialement consacrée à cet écrivain "<em>hors-normes</em>", à l'Hôtel de ville de Paris. Organisée par l'<em>Association des amis d'Yves Navarre</em>, j'ai eu le plaisir de recevoir ce premier tome des œuvres complètes de l'écrivain. Heureux d'assister à cette soirée, c'est avec une vive délectation que je me suis plongé dans cet ouvrage, redécouvrant avec joie des textes d'Yves Navarre, lus très jeune, et écrits dans les années 70, par cet auteur beaucoup trop oublié à mon goût aujourd'hui.</span> C</span>ette publication qui n’aurait d'ailleurs pas été possible, sans le courage de l’éditeur Henri Dhellemmes, ni sans son audace et sa ténacité, puisque cette noble ambition doit normalement le mener sur de nombreuses années afin de réussir cette entreprise gigantesque mais salutaire pour la littérature et pour l’édition, ainsi que pour l’auteur, injustement enfermé dans l’enfer des bibliothèques depuis bien trop longtemps. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne <em><span style="color: #800000;">Boojum</span> ;</em> elle est désormais en accès libre dans l'<span style="color: #800000;"><em>Ouvroir</em></span>. </strong></span></p><p><img src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/3071877508.jpg" id="media-1056686" alt="" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"><img id="media-1056685" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/00/1227476350.jpg" alt="Henri Dhellemmes, Yves Navarre" />Venu de la publicité, Yves Navarre fait une entrée fracassante en littérature avec la publication de son premier roman <em>Lady Black… ou les beaux trente ans de Julien Salcon</em>, en 1971 aux éditions Flammarion. Jusqu’à son décès par absorption de barbituriques le 24 janvier 1994, Yves Navarre ayant déjà tenté plusieurs suicides comme le révèle son journal personnel, l’auteur des <em>Loukoums</em>, du <em>Cœur qui cogne</em>, du <em>Petit galopin de nos cœurs</em>, du <em>Jardin d’acclimatation</em> a multiplié les livres au point d’essuyer souvent le reproche d’être « un peu graphomane ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">« Il est des écrivains, écrit l’éditeur dans son texte de présentation, qui, longtemps après leur disparition continuent d’habiter l’humanité ». Évidemment, vous l’aviez compris, Yves Navarre est de ceux-là ! Il est de ceux qui savent faire transmettre des émotions par leurs histoires, leurs personnages, qui explore l’intime avec une délicatesse et une pudeur qui nous secouent et nous fait du bien en même temps.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">La sortie de ce premier volume de plus de 1350 pages, cartonné et dont la tranche d’un bleu presque Klein rappelle l’encre de la plume qu’Yves Navarre utilisait pour écrire, préférant le bleu au noir disait-il, a été accompagnée d’une grande soirée au 1<sup>er</sup> étage de la mairie du IVe arrondissement : conférences, projections de photographies en N&B, petits fours, et invités de marque dans une atmosphère bon enfant ; hommage et honneurs à un homme, un écrivain, un romancier, un dramaturge, un poète, un chroniqueur écorché vif, dont l’habitude de geindre et les plaintes multiples, finirent sûrement par exaspérer un grand nombre. Je n’ai pas de doute sur le sujet, je pense qu’on lui a reproché, à la fin de sa vie, de s’être beaucoup trop plaint, alors que la vie lui avait tout donné, pensait-on, talent, succès, prix littéraires. Au texte, s’ajoute un petit cahier photos des débuts d’Yves Navarre, et de l’époque de ses débuts : on le voit, sans, puis avec la moustache, parfois crânant, sportif, nu, sapé, à sa table de travail. Ce que l’on ne peut nier, c’est que les débuts des années soixante-dix, ça sent la joie, l’euphorie, la décontraction, l’emportement créatif.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1056688" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/3281079868.jpg" alt="Henri Dhellemmes, Yves Navarre" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Yves Navarre</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Les textes d’Yves Navarre sont très souvent basés sur la vie de l’auteur, et les divers procédés d’écriture sont mis au service d’une peinture de soi, qui rappelle fort l’autofiction, dont le livre <em>Biographie</em> et son sous-titre « roman » en est une belle expression. Car on ne peut parler des livres d’Yves Navarre sans parler des procédés d’écriture ; il faut à la fois souligner la constante audace, comme la constante désorganisation de la narration, afin de remettre en question les repères habituels du roman, et la dimension autobiographique, collant fortement à la peau de l’écriture même de l’auteur français. <em>Lady Black</em>, le roman qui débute ce premier volume des <em>Œuvres complètes</em>, est l’expression parfaite de ce choix de bouleverser l’ordre classique du roman.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Les années 1970 à 1980 sont charnières dans cette immense œuvre, foisonnante, conséquente, dont on dénombre, nous dit l’introduction de ce premier tome, vingt-cinq romans, trois volumes de pièces de théâtre, deux livres pour enfants, un livre de chroniques et une autobiographie monumentale, ainsi qu’un journal intime tenu au jour le jour durant 25 ans.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">C’est donc aux quatre premières années que ce premier volume s’intéresse. Aux trois premiers romans <em>Lady Black</em>, <em>Évolène</em>, et <em>Les Loukoums</em>, ainsi qu’à <em>Sin-King City</em> (un roman inédit à ce jour), à une nouvelle <em>La Visite de Putitin</em>, des poèmes, et les pièces de théâtres <em>Il pleut, si on tuait papa-maman</em>, <em>Dialogues de sourdes</em>, <em>Freak society</em>, <em>Champagne</em>, <em>Les valises</em>, ainsi qu’une autre inédit à ce jour : <em>La voleuse de bigoudis</em>.</span></p><p style="text-align: center;"><img id="media-1056689" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/00/02/2762715176.jpg" alt="Henri Dhellemmes, Yves Navarre" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 10pt;">Yves Navarre vers la fin de sa vie</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">À la parution de <em>Lady Black</em>, toute la littérature d’Yves Navarre a été associée à une littérature homosexuelle. On sait pourtant combien il détestait ces étiquettes, et combien même, il en a souffert. Car ce qui se passe dans la vie sexuelle d’un homme, et ce qui se passe dans la littérature doit être distingué. Néanmoins, on sait aussi qu’Yves Navarre a pris souvent part à défendre la libéralisation de l’homosexualité, et, qu’il ne fit non plus aucun secret sur ses orientations sexuelles. Bien évidemment des scènes de son premier roman, texte basé sur la vie de l’écrivain, font référence à l’homosexualité. Cependant, cantonner Yves Navarre dans la rubrique « littérature gay », ce serait commettre une double injustice : d’une part, ce serait réduire son œuvre à une étiquette réductrice, mais ce serait aussi oublier toute la dimension littéraire, cet attachement viscéral à l’écriture, à la construction d’un roman qui s’oppose aux normes établies, à une voix qui porte l’amour et la vie ; l’amour de la vie.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Beaucoup de ses titres étaient jusqu’à aujourd’hui épuisés, le nom d’Yves Navarre souvent oublié des esprits même les plus fins en matière de littérature. Il s’agit donc de remarquer, et de saluer, l’entreprise de l’éditeur H&O, son audace et son courage, surtout en ces temps de vaches maigres pour l’édition et le livre, alors qu’on sait combien il est difficile de vendre des livres aujourd’hui ; il faut saluer, et soutenir cette vaste entreprise. Yves Navarre fut certainement une comète, une météorite dans le ciel de la littérature, mais son œuvre mérite d’être redécouverte, lue, partagée.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-1056690" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://marcalpozzo.blogspirit.com/media/02/02/1825427454.jpg" alt="Henri Dhellemmes, Yves Navarre" /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Alors, bon sang ! Je vous le demande : courez chez le libraire le plus proche et achetez ce livre ! Allez ! Faites-le si vous aimez la littérature, les belles histoires, les beaux livres ! Rendez raison au travail d’un éditeur courageux, à l’écriture d’un authentique écrivain ! Rendez raison à la littérature, si vous l’avez à l’estomac !</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-family: georgia, palatino, serif; font-size: 12pt;">Yves Navarre, <em>Œuvres complètes, 1971-1974</em>, H&O, novembre 2018, 1300 pages.</span></strong></p>
BlueGreyhttp://descaillouxpleinleventre.blogspirit.com/about.htmlLe chemin des sortilèges – Nathalie Rheims (2008)tag:descaillouxpleinleventre.blogspirit.com,2008-11-13:16639942008-11-13T11:57:00+01:002008-11-13T11:57:00+01:00 Un jour l'homme qui l'avait accompagné vers l'âge adulte,...
<p style="text-align: justify;"><img name="media-16077" src="http://descaillouxpleinleventre.blogspirit.com/media/01/02/5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif" alt="5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif" style="float: left; margin: 0em 0em 0em 0px; border-width: 0px" id="media-16077" /><img name="media-16077" src="http://descaillouxpleinleventre.blogspirit.com/media/01/02/5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif" alt="5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif" style="float: left; margin: 0em 0em 0em 0px; border-width: 0px" id="media-16077" /></p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"><img name="media-277501" src="http://descaillouxpleinleventre.blogspirit.com/media/00/01/743800477.gif" alt="Le chemin des sortilèges.gif" style="border-width: 0; float: left; margin: 1em 0.3em 0em 0;" id="media-277501" />Un jour l'homme qui l'avait accompagné vers l'âge adulte, celui qui fut l'amant de sa mère et son père symbolique, est parti. Il a abandonné sa femme, ses enfants et sa carrière de psychanalyste, s'est retiré dans la solitude d'une maison de campagne et a cessé tout contact avec qui que ce soit. Dix ans de silence plus tard, elle le rejoint dans son refuge. Commence alors un huis clos étrange, un face à face de six jours pendant lequel, tous les soirs, elle trouve à son chevet un conte qui l'entraîne dans un long rêve éveillé fantasmagorique. Elle entreprend ainsi une quête des origines, un parcours initiatique dont les étapes sont les contes et légendes de l'enfance dans lesquels le réel se fond et qui vont permettre à la jeune femme de se redécouvrir. Des contes à l'innocence perverse, qui dénoncent les vérités trop tristes : que les hommes les plus forts peuvent fuir, que les femmes amoureuses peuvent abandonner leurs enfants, que les enfants abandonnés sont prêts à n'importe quoi pour un peu d'amour, que nos morts restent longtemps présents...</p> <p style="text-align: justify;">Ce roman de Nathalie Rheims est un récit intimiste où l'on sent poindre une faille personnelle, la nécessité de conjurer le silence, l'absence, l'abandon et la mort. Il s'en dégage une atmosphère fantasmagorique, proche du fantastique et du surnaturel, entre songe et réalité. Nathalie Reims joue des ambiguïtés et excelle à créer un univers onirique, une atmosphère aux frontières du réel et du rêve. Mais elle semble parfois elle-même s'y égarer et ne plus savoir comment s'en extirper. En outre sa psychologie des contes à peine revisitée reste très superficielle, simple paraphrase de ce que la narratrice lit.</p> <p style="text-align: justify;">Un récit fluide et léger, mais inabouti.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: left;">BlueGrey</p> <p style="text-align: left;">______________________________</p> <p style="text-align: left;">Nathalie Rheims, <em>Le chemin des sortilèges</em>, éd. Léo Scheer, 179 pages, 14 €.</p> <p style="text-align: left;">Les avis de <a target="_blank" href="http://moncoinlecture.over-blog.com/article-24500230.html">Karine :)</a>, <a target="_blank" href="http://crapouillaud.canalblog.com/archives/2008/11/01/11193635.html">crapouillaud</a>, <a target="_blank" href="http://sylire.over-blog.com/article-24543315.html">sylire</a>, <a target="_blank" href="http://livresdemalice.blogspot.com/2008/10/nathalie-rheims-le-chemin-des-sortilges.html">Malice</a> et <a target="_blank" href="http://lectures-de-stephanie.blogspot.com/2008/11/nathalie-rheims-le-chemin-des-sortilges.html">Stéphanie</a>.</p> <p style="text-align: left;">Merci à <a target="_blank" href="http://www.chez-les-filles.com/">Chez les filles</a> et aux <a target="_blank" href="http://www.leoscheer.com">Editions Léo Scheer</a> de m'avoir envoyé ce livre.</p>